2001
Publication
# | Year | Text | Linked Data |
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1 | 1900 |
Claudel, Paul. Connaissance de l'Est [ID D2653]. [Enthält neben publizierten Gedichten folgende Gedichte, die zum ersten Mal publiziert sind] : Pensée en mer [1896]. Vers la montagne [1896]. La mer supérieure [1896]. Le temple de la conscience [1896]. Octobre [1896]. Novembre [1896]. Peinture [1896]. Le contemplateur [1896]. Décembre [1896]. Tempête [1896]. Le porc [1896]. Ardeur [1897]. Considération de la cité [1897]. La descente [1897]. La cloche [1897]. La tombe. [1897] Tristesse de l’eau [1898]. La navigation nocture [1897]. Halte sur le canal [1898]. Le pin [1898]. L’arche d’or dans la forêt [1898]. Le promeneur [1898]. Ca et là [1898]. La terre vue de la mer [1898]. Salutation [1898]. La maison suspendue [1898]. La source [1898]. La marée de midi [1898]. Le risque de la mer [1899]. Heures dans le jardin [1899]. Sur la cervelle [1899]. La terre quittée [1899]. Halte sur le canal "...La Chine montre partout l'image du vide constitutionnel dont elle entretient l'économie. 'Honorons', dit le Tao teh king, 'la vacuité qui confère à la roue son usage, au luth son harmonie'... La Chine ne s'est pas, comme l'Europe, élaborée en compartiments ; nulles frontières, nuls organismes particuliers n'opposaient dans l’immensité de son aire de résistance à la propagation des ondes humaines. Et c'est pourquoi, impuissante comme la mer à prévoir ses agitations, cette nation, qui ne se sauve de la destruction que par sa plasticité, montre partout, - comme la nature, - un caractère antique et provisoire, délabré, hasardeux, lacunaire... » Gilbert Gadoffre : Halte sur le canal. Le symbole des vides qui alternent avec les pleins dans la démographie chinoise, et du vide taoïste tel qu'il est défini dans le Dao de jing. Dans Peinture se présente comme un tableau monochrome, un lavis à l'encre de Chine, la couleur intervient brusquement aux dernières lignes, et c'est le trait final de la douve circulaire, avec, dans 'un morceau d'azur au lieu d'eau, les trois quarts d'une lune à peine jaune'. Heures dans le jardin « ... On a fermé par mon ordre la porte avec la barre et le verrou. Le portier dort dans sa niche, la tête avalée sur la poitrine ; tous les serviteurs dorment. Une vitre seule me sépare du jarin, et le silence est si fin que tout jusqu'aux parois de l'enceinte, les souris entre deux planchers, les poux sous le ventre des pigeons, la bulle de pissenlit dans ses racines fragiles, doit ressentir le bruit central de la porte qu j'ouvre. La sphère céleste m'apparaît avec le soleil à la place que j'imaginais, dans la splendeur de l'après-midi... » Gilbert Gadoffre : Tout se passe dans le jardin du consulat de France à Fuzhou. Dans les premières séquences nous voyons se succéder des images végétales : grappes de raisin qui mûrissent au soleil, algue dans le courant 'que son pied seul amarre', palmier d'Australie immobile malgré ses battements d'ailes dans le vent, aloès triomphal qui meurt au moment même où il arrive à la maturité sexuelle. Puis vient la séquence de la claustration dans le jardin et le dispositif en spirale qui conduit le poète jusqu'au puits central ; c'est ensuite l'apparition de l'arbre blanc and la nuit, et enfin le thème de la marée. Zhang Xinmu : Connaissance de l'Est apparaît comme un recueil de récits de voyage, apportant différents éléments consituant l'identité de la Chine du début du XXe siècle. Nous apercevons que ces récits sont plutôt des nominations subjectives en série, issues d'une exaltation poétique, tantôt affective, tantôt répugnante. La connaissance que constitutent ces chinoiseries à peine nommables n'est qu'un prétexte, un lieu où l'auteur pourrait laisser libre cours à son imagination et à son élan poétique. La connaissance ici se montre comme résultat d'une signifiance, comme trame de signes reliant le monde naturel au monde social, la culture à la langue, et le poète, émerveillé d'abord par le cadre naturel, dégoûté ensuite par ce monde abominable, erre dans son territoire imaginaire. Il a quand même retrouvé la grandeur culturelle de ce monde abominable et y a aperçu une éclaircie de la répugnance, du dégoût, du sentiment de l'abjection. Connaissance de l'Est est en réalité une représentation du monde chinois par les signes. Ces signes si nombreux et si hétérogènes en apparence, pourraient être regroupés en quatre catégories : signes du monde naturel, signes de la sociöté, signes de la culture et enfin, signes de la langue. Claudel a créé les différents signes en utilisant plusieurs façons de représenter le monde chinois. On y remarque surtout trois oppositions : le monde naturel s'oppose au monde humain, le monde réel au monde supposé, le monde substantiel au monde sémiologique. Par le transfert des signes, ces mondes en opposition constitutent l'ensemble du monde chinois tel que Claudel l'a senti et perçu, et qu'il voudrait cristalliser en lettres. Le parcours de reconnaissance est marché d'abord par un enchantement, puis par une déception, et enfin par une sublimation en signes littéraires. Si le monde social a déçu le poète, le monde culturel lui laisse quand même un espoir. Il constate la grandeur de la culture chinoise, et le caractère chinois lui inspire de riches images. |
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2 | 1900 |
Briefe von Pierre Loti an seine Frau : "Que ta conscience ne se tourmente pas de ces pillages, je n'ai d'ailleurs pas pris de lingots d'or ni de valeur, comme tant d'autres… Je n'ai pas pillé ces fourrures, mais je les ai rachetées à des pillard chinois." "Je quitterai Pékin demain matin, et ce sera fini de mon petit rêve impérial. Je regretterai ce temps ; les parcs étaient exquis, malgré les cadavres et les corbeaux. C'était amusant d'ouvrir tous les jours des armoires et des coffres pour y découvrir des merveilles. J'avais un petit cabinet de travail dont je ne retrouverai jamais la paix, dans une rotonde aimée de l'impératrice, où un de ses chats familiers venait me faire des visites. C'était sous un toit de porcelaine, devant le lac des Lotus, et j'avais pour compagnie une grand déesse de jahde en robe d'or qui est un peu le palladium de l'empire chinois. J'étais parti avec une valise, et je reviendrai avec un énorme bagage... " [Pierre Lotti rapporte dix caisses d’objet de Chine]. |
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3 | 1902 |
Victor Segalen besucht Chinatown in San Francisco und sieht sich ein chinesisches Theaterstück an. Er schreibt : "J'ai exploré aujourd'hui la 'Ville chinoise' enclavée dans l'américaine. Vingt-six mille Chinois industrieux, authentiques, peuple imuable, malgré les changements de milieu, travailleur, fourmilier, poli. J'en ai rapporté de petits bibelots absolument chinois puisqu'ils ne sont pas destinés aux Américains, mais à la vente entre Célestes : une cupule d'artoise incrustée, où le Chinois lettré délaie son encre de Chine, un pinceau monté sur bambou, et enfin – joie – du papier à lettre extraordinaire, léger, soyeux. De tous les théâtres indigènes ou exotiques flairés, cherchés ou subis, aucun ne m'a plus fortement 'étonné' que les scènes chinoises de San Francisco." |
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4 | 1902.9 |
Loti, Pierre. Les derniers jours de Pékin [ID D2674]. (9) Sekundärliteratur 1902 H.L. Paris lettres : Pierre Loti's Les derniers jours de Pékin. In : Academy and Literature ; 62 (1902). [Rezension]. "M. Pierre Loti's new book ist not, perhaps, a very valuable addition to the pile of literature raised round the recent conflict between Europe and China ; but, if not documentary, it is interesting as a piece of serious impressionism. Its essential note is pity for an ancient race at war with modern progress, and though the writer is a French naval officer, proud of his profession and his country, he can see that there is something to be said for China too, against her coalesced enemies. The descriptive part of the book ist, of course, charming. Pierre Loti may be relied on in the midst of all that is old, odd, quaint and melancholy to give it a form of delicate enchantment, writing with a sigh at the end of his witching pen. For his is the witchery of form, the witchery of reverie, the witchery of colouring and incongruous contrasts. He seizes the essential sadness of things, the mortuary charm of the past, the lived, the evanescence of each mood and moment, as no other writer has ever done." 1988 Funaoka Suetoshi : Dans Les derniers jours de Pékin, il y a quelques erreurs dans les explications historiques et géographiques, des exagérations, et même des inventions pour faire plaisir aux lecteurs. Il s'agit, d'abord, d'une 'chambre abandonnée' dans la Ville interdite où, d'après Loti, avait été enfermé l'empereur. Là, il nous semble avoir inventé une historie ; d'ailleurs, Loti ne mentionne rien sur cette chambre dans son journal intime. De plus, la description de l'empereur nous semble exagérée dans l'intention d'exciter la curiosité des lecteurs. Il est très curieux aussi que Loti représente l'Impératrice de soixante-cinq ans comme une femme affable, rêveuse et amoureuse, alors qu'elle a laissé, en réalité, la mauvaise réputation d'un despote dans l'histoire de Chine. Deuxièmement, les tombeau des empereurs qu'il visita ne sont autres, d'après la description, que le Mausolée de l'Ouest ; mais le Tombeau de l'Impératrice n'y est pas : il se trouve en fait dans le Mausolée de l'Est. Il y a d'autres petites incorrections et exagérations ; mais dans l'ensemble, ce livre est un reportage très intéressant qui nous montre la vie en Chine sous ses divers aspects : la ville et la campagne ; toutes sortes d'habitants : princes, mandarins, commerçants et paysans ; les moeurs et les habitudes particulières ; le climat, la nature et les sites, sans parler des villes et de villages détruits par la guerre. 1996 Yvonne Y. Hsieh : Pierre Loti not only did visit the private quarters of the Emperor and Empress Dowager in the Forbidden City, he himself stayed in a palace inside the Imperial City. He came first, Oct.-Nov. 1900, to carry despatches to carry despatches to the French Legation in Beijing, later, May 1901, to represent Pottier at the funeral of a German officer who had perished in an accidental fire. His literary reputation served him well in a country where men of letters were greatly respected, entitling him to lavish receptions among Chinese dignitaries, and even securing him an interview with Li Hongzhang. As an officer, he was free to move in and out of the city, to visit palaces, temples, and imperial mausoleums. The book seems to fluctuate perpetually between two opposing tendencies which have characterized Europe's view of China over several centuries, ranging from the sinophilic to the sinophobic. Passages which humanize the Chinese and present them as victims of both the fanatic Boxers and the foreign invaders are counterbalanced not only by vivid descriptions of Boxer atrocities but also by statements alleging the innate cruelty of the entire Chinese race. Passages praising the magnificence of Chinese art and architecture, much of which no European had been allowed to see before, are often juxtaposed with scenes evoking the horror and 'monstrosity' of decorative motifs produced by the perverted Chinese imagination. Throughout the book, he consistently refers to the sculpted animals as 'monsters', be they stone lions, dragons and phoenixes sculpted on walls, beams and ceilings of palaces ; or mythic beasts perched atop tiled roofs and triumphal archers. The dragon is the symbol of the Emperor, the phoenix, that of the Empress. Loti is fully convinced of the 'nightmarish' nature of the Chinese mind. He repeatedly refers to the presence of 'barbarian' soldiers in such sacred precincts as the Imperial City, the Temple of Heaven, or the imperial mausoleums as an act of 'profanation'. And nowhere in Les dernier jours de Pékin, does Loti imply that the Western presence in China is beneficial to the Chinese. He does not identify with the colonialist ideology of the French government or believe in the white man's civilizing mission. He opposes the imposition of Occidental values and systems on non-European countries, and believes firmly in preserving indigenous cultures and traditions. Loti's admiration for the Chinese is almost exclusively based on his appreciation of their art. Notwithstanding his frequent outbursts over the strangeness of its forms, it is clear that the most satisfactory part of his experience in China was his exposure to Chinese art, much of which had never been seen by Europeans before. He admires the exquisite workmanship of the art objects, many of which have unfortunately been plundered or destroyed by the invading soldiers : artificial bouquets carved in agate, jade, coral, lapis lazuli ; blue pagodas and landscapes made from kingfisher feathers or carved in icory with thousands of little figures. He recognizes that Chinese painting is in no way inferior to its Western counterpart, although it must be judged by entirely different criteria. During a visit to the Palace of Ancestors, the temple for deceased emperors, he discovers collections of ancient paintings stowed away in huge cupboards. Pierre Loti described the man in the street, the eunuchs in the palace, looters, peasants, provinical mandarins who offered him hospitality, and acrobats who provided the entertainment, but obviously was never on initmate terms with any of them. He describes the Chinese crew hired to tow his junk as 'ragged, dirty, with stupid and ferocious faces'. The Chinese proletarians who according to Loti played a larger role in the destruction of Beijing than the foreign soldiers, have 'small, bad, squinting eyes'. Loti characterize the Chinese as inscrutable, sadistic and ferocious, as well as good-natured, child-like and trusting. There is no contradiction between Loti's absolute loyalty to the French Navy, and his opposition to the French government's imperialistic ambitions and colonial policies. For him, the Navy can do no wrong. Any absurd and atrocious events which result from French colonial ventures arte to be blamed on the studpid and irresponsible politicians who send young men to their deaths. 2001 Qian Linsen : Lorsque Loti regarde ce pays d'un oeil de 'conquérant', c'est-à-dire avec froideur et dédain, l'image qu'il nous en offre est celle d'un empire en agonie, piétiné et décecé par les puissances occidentales. Mais lorsqu'il observe ce pays en sa qualité d'écrivain entiché d'exotisme, donc avec un humanisme apitoyé, la peinture qu'il nous en fait est celle d'une civilisation antique orientale, penchant vers son déclin. Cette double image porte des traces d'une époque historique, ce qui confère à ce livre une valeur de document historique, et à son auteur une place particulière dans l'histoire des relations culturelles sino-françaises. Pour nous, lecteurs chinois, ce qu'il y a de plus méritoire dans ce livre, c'est la véridicité et l'objectivité avec lesquelles est décrit le sort tragique d'un pays semi-féodal et semi-colonial, foulé aux pieds par des puissances occidentales. Loti est témoin de cette époque la plus ténébreuse et la plus humiliant que la Chine ait vécue. Au fil de la lecture, nous semblons revoir les agresseurs européens piétiner de leur bottes brutales la belle terre chinoise recelant des trésors culturels et des vestiges historiques, mettre à sac et à feu la Cité Interdite est ses palais resplenissants de dorures et de décorations, nous semblons réentendre les pleurs et les sanglots des habitants sans défense, femmes, enfants et vieillards surtout, qui, expulsés par la guerre, abandonnent leurs foyers, sous les éclats de rire des soldats étrangers. Pékin, noyé dans le sang, était alors transformé en un grand abattoir et un cimetière immense. Mais au milieu des humiliations, des massacres et des pillages auxquelsse lancent les envahisseurs étrangers, retentissent les grondements de la révolte des Boxers. Loti décrivait à ses lecteurs le Temple du Ciel où les empereurs chinois offraient le sacrifice à leurs ancêtres, les galeries aux poutres peintes et sculptées, les robes bordées des concubines impériales, les longs rouleaux de peinture pendus dans les salles spacieuses, les palais somptueux avec leurs cours profondes, leurs pavillons élancés, leurs meubles raffinés en bois précieux. Et ces descriptions ont excité la curiosité et l'émerveillement de beaucoup d'Occidentaux. Que Loti recherches les charmes exotiques dans les ruines de l'Empire chinois reflète son goût esthétique, sa passion pour une vieille civilisation déclinante. Ce goût esthétique se manifeste dans l'intérêt qu'il avait pour tout ce qui renferme quelque élément d'une culture exotique ou tout ce qui la symbolise. Loti ne se laisse pas de décrire avec minutie chacun des objets qui ornaient les palais de la Cité Interdite, chacun des vestiges trouvés dans les tombeaux impériaux mis à jour. Officier expéditionnaire et écrivain orientaliste en même temps, au milieu des pillages et des massacres auxquels il assistait et parfois même participait, il n'oubliait pas d'admirer les beaux trésors qui traînaient partout. Ce qui est positif dans ce livre, c'est qu'en décrivant les conflits politiques et culturels entre la Chine et l'Occident, l'auteur appelle la réconciliation ; au milieu de la violence et de l'hostilité, il recherche les bons rapports et l’amitié entre les peuples. C'est là l'aspiration de l'exotisme, c'est là le reflet de la conscience un peu idéaliste, il est vrai, d'un écrivain épris de raison et d'humanisme. Mais cela prouve la sympathie et l'affinité qu'il avait pour la civilisation d'autres nations, par delà la contradiction et l'antagonisme qui pourraient exister entre elles. 2001 Guillemette Tison : Loti, chargé de missions officielles, a conscience de la singularité de la situation et note que cette expédition représente un choc de cultures, celle de 'l'Europe armée contre la vieille Chine ténébreuse'. Cette découverte de la Chine, si elle n'a duré que quelques semaines, a pour Loti un retentissement durable, qui va s'exprimer à travers des formes littéraires variées : le journal intime, le reportage, puis le théâtre, et même dans son activité de décorateur. Si sa première impression est plutôt negative, celle d'un pays de grisaille marqué par l'omniprésence de la mort, le recul va lui permettre de décrouvrir cette culture en esthète, puis de réfléchir sur la confrontation des civilisation. Sa réflexion sur la Chine l'éloigne de plus en plus du réel, pour le conduire à la construction imaginaire d'un pays rêvé. A première vue le livre est très morbide, reprenant une obsession fondamentale de l’oeuvre de Loti, celle de la mort, des cadavres, de la décomposition. La capitale présente en effet un étrange aspect : les corps des victimes n'ont pas été inhumés après les combats, et dans les rues, dans les maisons, on trouve d'affreux restes humains. Même dans les passages descriptifs où la beauté domine, la mort est toujours présente. Ainsi Loti, visitant la Ville Impériale où il va loger, découvre 'Le lac des lotus' et 'Le pont de marbre'. De même, en voyage vers les tombeaux des Empereurs, il fait étape à Laishu et s'épouvante, reçu en grande pompe à l'entrée de la ville, de voir les remparts ornés de têtes coupées and des cages. La mort ne se fait jamais oublier, elle se rappelle au voyageur à chaque détour de son chemin. L'obsession de la mort ne vient pas seulement des traces encore visibles des combats tout récents. Plus encore, Loti a l'impression d'assister à la mort lente de toute une civilisation. Ainsi, découvrant la Grand Muraille, Loti note le contraste entre le caractère grandiose de l’ouvrage dans l'espace, 'une chose colossale qui ne doit nulle part finir' et la finitude de son rôle dans l'histoire. La mort est présente aussi par la destruction de toute une culture. Le comportement des soldats européens n'est pas toujours irréprochable, et Loti ressent ce que peut avoir de sacrilège la profanation de la 'Cité interdite' et des temples du Palais des ancêtres. A plusieurs reprises, Loti emploie pour désigner la Chine l'expression de 'colosse jaune', qui n'est pas dénuée d'ambiguïté. Si le pays l'effraie quelque peu, il en reconnaît la grandeur et va porter sur les lieux où il séjourne un regard d'esthète : Loti est en effet depuis longtemps un grand amateur d'art, d'abord par tendance personnelle, puis sous l'influence de Judith Gautier en ce qui concerne la Chine. Il trouve dans l'art chinois un mélange unique d'imitation et de transfiguration de la nature, que ce soit dans l'art des jardins ou la décoration intérieure. La complexité de ses sentiments, 'admiration, respect, effroi'. Son jugement sur le peuple chinois n'est pas exempt des stéréotypes véhiculés à cette époque par une propagande volontiers raciste. Il lui semble difficile de comprendre les Chinois, qu'un cliché répandu dit impénétrables. Il évoque aussi la crauté latente des Chinois. L'humour de Loti affleure parfois dans certains portrait de vieux mandarins, comme venus d’un 'autre monde'. Dans le domaine esthétique, Loti se montre plus nuancé, comprenant qu'on ne peut établir de hiérarchie en ce domaine. La révélation de l'art chinois, pendant son séjour dans la cité impériale, lui fait juger cet art au moins égal au nôtre, mais profondément dissemblable, et il est fasciné par cette décoration somptueuse. Loti qui n'aime pas son époque, qui rejette le progrès technique, ne peut qu'être sensible à la culture millénaire chinoise si soucieuse de préserver le passé. |
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5 | 1903 |
Judith Gautier schreibt über das chinesische Fest im Hause von Pierre Loti : "L'impératrice actuelle, la vraie, celle dont on ne prononce pas le nom et que l'on ne désigne que par ses titres, est présente à cette fête sous la forme d'une bannière de soie jaune sur laquelle sont reproduits quatre vers écrits par elle. Quand 'l'Impératrice' s'est retirée, les invités circulent dans la demeure, prenant plaisir à traverser le jardin illuminé, ou à se glisser, si on peut en trouver le chemin, vers la fumerie d'opium ; là des fumeurs couchés sur des divans aspirent et soufflent l'épaisse et odorante fumée bleue du bienfaisant poison, s'engourdissent, s'enfuient dans le rêve. On sert aussi toutes les sortes exquises de thé." Guillemette Tison : Sa relique la plus précieuse est une paire de chaussures de l'Impératrice Cixi. Ces objets encombrants et précieux, volés dans une chambre du palais impérial, rapportés en cachette sous le manteau d'uniforme de son domestique figureront dans la salle chinoise de sa maison. Cette pièce a aujourd'hui disparu, mais il nous en reste quelques documents photographiques, qui montrent la place importante donnée à un trône laqué rouge et or, à des paravents de miroirs. L'inauguration de la salle chinoise de Rochefort fut l'occasion d'une grande fête comme Loti aimait en organiser, une fête chinoise, dont Judith Gautier, qui fut parmi les invités, a écrit une relation précise. Les invités, priés de venir habillés à la chinoise, ou à la rigueur à la japonaise, purent admirer un cortège de musiciens et de gardes somptueusement vêtus qui précédaient 'l'Impératrice'. Cixi en personne n'était pas forcément au courant de cette fête, mais l'Ambassade de Chine à Paris était représentée par deux dignitaires. |
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6 | 1904-1919 |
Victor Segalen : Sekundärliteratur allgemein. 1975 Eva Kushner : Victor Segalen conceived during his stays in China the ambition of translating through verbal means the forms of painting and sculpture. This aesthetic probing into correspondences between the arts might have occurred independently of his Chinese experience ; however, is that it was on the contary stimulated, enriched and channelled by concepts of Chines origin.To speak of Chinese 'influences' upon his poetry apart from this aspect would therefore be to isolate the intercultural process which occurs in his poetry as well as in his aesthetic thought from their very main-springs : the vision of a creative tension between the imaginary and the real. Any correspondence we can look for proceeds, not directly from Chinese reality and experience to the imaginary transformation in Segalen's poetry, but from his knowledge of Chinese works of imagination, permeated by Chinese thought, to the creations of his own imagination ; and as such they can help us to understand the intercultural and interlingual dynamics of the poetic process as it occurs in the poetry of those who have stood at the cross-roads of the history of nations. Segalen’s ambition is to let his apperception of the world, and especially of his Chinese discovery. His aesthetic and ethic of travel in time and space rests upon an exaltation of otherness, complementary to the cultivation of individualism. To ensure that he will discover China in the objective and naturalistic way he claims is appropriate to the discovery of the wholly other he will, in fact, become a sinologist, learn the language, undertake several archaeological explorations, and write a book on Chinese scupture. To him, China is part of the real, an immense domain which it is for man to enjoy and to transform through his imagination. It is to be noted that the dialectic of reality and imagination assumes in his mind the form of a Chinese symbolic seal. The taoist and buddhist conception of unity in diversity, and of the identification of the particular with the universal, was attractive to Segalen inasmuch as he would not see diversity abolished, but on the contrary, esasperated and intensified, though he too views it in the wide context of a universal process. There is nothing self-denying in Segalen's ethical philosophy, and it would be wrong to claim that he ever agreed with much of buddhism. What he does admire in Siddharta is the immense human energy required to overcome the human in himself because, as he expresses it, 'man is something that should be overcome'. To him Siddharta represents this supremely human overcoming, but his motivation does not coincide with that of buddhism, nor for that matter with the ultimate motivation in taoism. For the taoist, sympathy for the created follows the attainment of what constitutes the experience of non-being : the illumination and the simplicity. Segalen's apprehension of tao remains solely intellectual. It is at the level of universal sympathy and of its manifestations that he shows a striking kinship with the taoist conception. Tao cannot be expressed but its infinitely diverse manifestations can be ; and it is, furthermore, in this realm of signs that poetry assumes its place. The stele, originally a funeral monument meant to carry an inscription, and which Segalen translates into lapidary poetry, can serve as a prime example of the importance of signs in a world where, since being is unknowable, man is surrended and guided by signs alone, poetry being, a network of signs in the second degree, corresponding to the first and yet self-subsistent. There is a striking convergence between Segalen's thought and its basis in the Chinese respect for the sign, on the one hand ; and on the other hand the present-day emphasis on the relative freedom of signifier from signified. On the latter, that is, in regard to the involvement of personal ethics in the process of creation, it would rather seem that Segalen with his antecedents including the Chinese stands at the end of a long tradition. For him, in conformity with taoist thought, the work of art could not exist without the personal commitment of the artist, which the poem communicates to the reader. Segalen's context appears to be that of Oriental spirituality, pertaining more particularly to the taoist doctrine of the mutual abolition of opposites, rather than tat of Western philosophical speculation. 1990 Anne-Marie Grand : La Chine va offrir à Victor Segalen la mise en scène de ces impressions personnelles. Deux éléments de la civilisation chinoise vont être, dès d'abord, fondamentaux : l'architecture et l'écriture. Deux inscriptions, à la pierre et au pinceau, à partir desquelles va se construire un univers symbolique. La Chine de Segalen est 'une vision de la Chine', comme il le confiait à Debussy et comme il l'a maintes fois répété. Le palais impérial devient un chef-d'oeuvre d'ordre, d'harmonie, d'équilibre. Mystérieux certes, mais d'un mystère fondamental, celui de l'être et du pouvoir. Il convient de reprendre l'itiniéraire intellectuel de Segalen pour y mesurer comment la Chine, et quelle Chine, se transforme en univers littéraire. Si l'architecture et l'écriture en sont les deux éléments dominants, il en est un troisième, tout aussi essentiel quoique plus diffus, l'impact de la pensée taoïste. Elle ne se présente jamais sous la forme d'une philosophie élaborée, plutôt comme une vision poétique qui viendrai corroborer certaines intuitions. L'écriture en Chine est un art, non seulement art littéraire mais aussi art pictural. Ou plutôt comme l'écrit Segalen, une 'sorte d’art, ni peinture, ni littérature, vraiment inconnu à l'Europe'. La calligraphie a ses maîtres, fait l'objet d'un enseignement et peut s'apprécier en deça du sens, même si c'est en perdant un des éléments de sa beauté. C'est à cette présence picturale du caractère, sa compacité, l'énigme qu'il pose, comme s'il était toujours plus chargé de significations qu’un mot alphabétisé, qu'il doit d'avoir séduit de nombreux poètes occidentaux. Que dire alors de celui qui commence d'en percer les arcanes et, comme le narrateur de René Leys découvre 'une architecture et toute und philosophie dans la série ordonnée de caractères'. Pour Segalen, cependant, il s'agit de bien davantage que d'un constat ou d’une admiration esthétique, il s'agit de la confirmation, de la concrétisation d'une intuition, celle de l’autonomie de l'écriture. 2001 Henri Bouillier : La Chine n'était pas une fatalité pour Segalen. Même s'il n'était pas allé en Chine, même s’il avait tout ignoré de sa culture, il n'en aurait pas moins été le poète qu’il fut. Ses convictions auraient été les mêmes, et ses incertitudes, et ses recherches. Simplement, le détour l'eût conduit par d’autres chemins, l'allégorie aurait pris une autre forme, mais l'essentiel, le centre serait resté le même. Il reste que la Chine l'a admirablement servi. Le détour chinois adopté au départ comme un instrument d'exotisme est devenu bientôt le moyen de rejoindre la voie royale. La Chine a permis à cet homme si pudique et si secret d'exprimer son monde intérieur sans l'étaler, ni le galvauder. Il a trouvé dans la Chine l'instrument le plus propre à servir une poésie de voyant. On peut dire en ce sens que toute l'oeuvre 'chinoise' de Segalen est une immense allégorie de son univers de poète, une allégorie grâce à laquelle il pouvait projeter des éclairs dans la nuit ou fixer l'illumination d'un moment. 2003 Qin Haiying : Dans les oeuvres d'érudition de Segalen, comme dans ses textes de création, il formule ici et là des réflexions sur la langue chinoise dans sa particularité grammaticale et stylistique, sur l'écriture chinoise dans sa spécificité graphique et calligraphique ; ses réflexions, basées sur un solide savoir sinologique, ne se cantonnent pourtant pas sur le seul plan philologique, mais d'orientent toujours vers un but précis et qui est ailleurs : mettre au service du fait poétique la leçon de chinois, ou, selon ses propres termes, 'laisser prédominer la Littérature sur la Sinologie'. Le poète a une connaissance suffisamment riche du chinois pour savoir que l'intérêt poétique de cette langue ne vient pas seulement de son étrangeté à la famille indo-européenne, mais aussi du fait qu'elle porte en elle-même une double différence : le chinois classique et l'écriture chinoise, tous les deux instaurant un rapport d'écart, à l'état naturel, oral, du chinois. Cette double différence interne contient une saveur exotique encore plus authentique et marquera profondément et la théorie et la pratique poétiques de Segalen. Dans l'oeuvre de Segalen, les caractères chinois ne sont pas seulement revés, remotivés, démontrés, dilués dans le texte français, mais aussi directement présents sur la page de couverture, à la fin du livre, à la même page qu'un poème, sous forme de titre, d'intertitre, de sceau, d'épigraphe, affichant par là leur immédiate étrangeté et participant à la stratégie d'exotisme littéraire. Mais, si, dans ses version manuscrites, Segalen copie toujours lui-même des caractères, il ne laisse jamais apparaître son écriture manuscrite quand il s'agit d'insérer les mêmes caractères dans les textes imprimés. L'écriture chinoise qui figure dans ses livres édités, Stèles et Peintures, est toujours une calligraphie, d'un style scrupuleusement choisi par lui et exécutée par un maître chinois. |
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7 | 1909-1910 |
Segalen, Victor. Briques et tuiles [ID D21834]. Segalen schreibt : "Et, comme un beau fruit mûr dont on palpe amoureusement la forme, notre marche lente mais certaine, contourne d’un sillage distant la globuleuse Chine dont je vais si goulûment presser le jus !" "Hong Kong est une chose splendide. Première vision de Chine, car ces monts hautains aux lignes élégantes et nobles, drapés de brousse verte voilée parfois à mi-seins de collines de l’ombre des nuages, cela, c'est de la terre chinoise, malgré la possession anglaise. J'avoue cependant que ces possesseurs en ont tiré un splendide parti." "Dépouiller enfin la monumentaire en Chine des deux qualités qu'elle récuse, et dont on s'obstine à l'accabler d'absence : la stabilité, la durée... Reprendre les critiques d'art monumentaire, en substituant aux définitions pesantes et géométriques, tout un cortège de rythmes, d'ondulations, de dynamique et d'impérennité." "Ailleurs et partout sur les routes, il y a les Stèles. Ce qui s'y inscrit, je le saurai plus tard, et si elles sont mémoriales, ou funéraires, ou votives à quelque 'bon mandarin'. Il est certain qu'elles sont belles, et que leur forme quadrangulaire, surface présentée à l'oeil, solidement verticale, reposant sur la tortue sculpturale et d'une immortalité flagrante se haussant du chef enrichi de la double torsade des dragons dont le centre est un oeil sur le ciel clair – il est certain que cette forme est bellement, purement, classiquement chinoise ; et aussi que les 'Caractères' sont les plus belles figurations symboliques et monumentaires qu'un style ait creusé sur la pierre." "Il s'agit non point de dire ce que je pense des Chinois (je n'en pense à vrai dire rien du tout), mais ce que j'imagine d'eux-mêmes et non point sous le simili falot d'un livre 'documentaire', mais sous la forme vive et réelle au-delà de toute réalité, de l'oeuvre d'art." Yvonne Y. Hsieh : Briques et tuiles, a sort of literary diary Segalen kept on his arrival in China and during the first expedition across the country. |
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8 | 1912 |
Gautier, Judith ; Loti, Pierre. La fille du ciel [ID D22189]. Pierre Loti nimmt 1912 an der Aufführung von La fille du ciel = The dauther of heaven im Century Theatre in New York teil. Sie schreiben im Vorwort : "Des rumeurs, mais combien contradictoires, couraient sur la personnalité de cet invisible empereur Kouang-Su, gardé en tutelle, comme captif au fond de ses palais, et si inconnu de tous. Les uns le diaient bienveillant, lettré, curieux de choses modernes. Les autres le représentaient comme faible d'esprit et de corps, livré à tous les excès et incapable d'agir." Loti schreibt 1912 im Journal intime : Vendredi 25 avril Rochefort. Déjeuner dans la grande salle pour les Américains qui montent la Fille du Ciel. – Et me font promettre de partir à l'automne pour New Yorik. Mardi 14 mai Rochefort. Le soir arrivent les sept américains qui veulent m'entraîner à New York, pour la Fille du Ciel. Mercredi 15 mai Ils déjeunent chez moi, tous les sept, passent la journée à dessiner des décors, des costumes. Dans le salon bleu, je leur lis le nouveau 1er tableau de la pièce, qui les ravit. Le soir, ils s'en vont, je retrouve la solitude et la paix." Er schreibt später : "J'ai accepté de me rendre à New York pour les répétitions et je tiendrai parole, bien que la traversée de l'Atlantique sur un bâtiment du commerce ne me sourit guère. J'ai été habitué à avoir mon équipage autour de moi, sur mon bateau à moi, et je me sentirai terriblement solitaire sur ce vapeur inconnu." Loti ergänzt am Schluss des Stückes, wie der Kaiser seinen Traum ausdrückt : "Mes ancêtres ont gouverné par la conquête et la terreur ; je gouvernerai, moi, par la concorde et par l'amour. Et alors finiront ces haines de trois siècles, qui ont fait couler des fleuves des sang. Et, uni à jamais, par nos deux personnes fondues en une seule, Chinois et Tartares ne formeront plus qu'un mêeme grand peuple, guidé par une même tête... Courons vers la vie, courons vers la lumière !" Loti commente le travail au Century Theatre : "Aux répétitions de La fille du ciel qui occupent mes journées, la féerie commence à se dessigner... Des cigognes et des paons réels se promênent sur des pelouses jonchées – parce que cela se passe au printemps – de milliers de pétales qui ont dû tomber des branches comme une pluie. Là, aux rayons d'un clair soleil artificiel, je vois revivre, chatoyer, tous les étranges et presque chimériques atours de soie et d'or copiés sur de vieilles peintures que j'ai rapportées, ou sur des costumes réels que j'ai exhumés naguère de leur cachettes au fond du palais de Pékin." Loit commente la première de La fille du ciel de samedi 12 octobre : "Maintenant la toile tombe ; c'est fini ; ce théâtre ne m'intéresse plus. Une pièce qui a été jouée, un livre qui a été publié, deviennent soudain, en moins d'une seconde, des choses mortes... J'entends des applaudissements et de stridents sifflets (contrairement à ce qui se passe chez nous, les sifflets, à New York, indiquent le summun de l'approbation). On m'appelle sur la scène, on me prie d'y paraître, et j'y reparais cinq ou six fois, tenant par la main la Fille du Ciel, qui est tremblante encore d'avoir joué avec toute son âme. Une impression étrange, que je n'attendais pas : aveuglé par les feux de la rampe, je perçois la salle comme un vaste gouffre noir, où je devine plutôt que je ne distingue les quelques centaines de personnes qui sont là, debout pour acclamer. Je suis profondément touché de la petite ovation imprévue, bien que j'arrive à peine à me persuader qu'elle m'est adressée. Et puis me voici reparti déjà pour de nouveaux ailleurs. J'étais venu à New York pour voir la matérialisation d'un rêve chinois, fait naguère en communion avec Mme Judith Gautier. J'ai vu cette matérialisation ; elle a été splendide. Maintenant que mon but est rempli, ce rêve tombe brusquement dans le passé, s'évanouit comme après un réveil, et je m'en détache...". Agnès de Noblet : George C. Tyler, directeur général de la Liebler Cie, avec Hugh Ford, producteur, et le peintre Edouard Morange, metteur en scène, l'état-major au complet. Ils travaillent sur une adaptation anglaise du texte par Mrs George Egerton, à laquelle d'aucuns reprocheront platitude et lourdeur, manque de lyrisme. Guillemette Tison : A partir de l'art, et de l'histoire, Loti se passionne aussi pour le riche passé de la Chine, dont il admire les traditions. On le voit dans La fille du ciel. "L’action se passe de nos jours, en Chine" écrivent les auteurs qui imaginent que sous le règne de l'empereur Kouang-Su [Guangxu], des Chinois révoltés contre les Mandchous ont proclamé à Nanjing un autre empereur, descendant des Ming. La pièce se passe au moment où, après la mort de cet empereur, sa fille est sacrée régente. Au cours des cérémonies, l'empereur de la Chine du Nord, Kouang-Su, s'introduit secrètement à Nanjing. |
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9 | 1913 |
Brief von Victor Segalen an Henry Manceron. Er schreibt : "Je ne peux que te donner raison quand tu vois dans Stèles un démenti spontané à l'attitude d'exotisme littéraire que je t'exposais autrefois – non pas démenti : éclatement de la formule. C'est seulement de m'exprimer que j'ai tenté là-dedans. Je dois dire que l'exotisme m'a beaucoup facilité la tâche : en me permettant – non pas des sujets, je les tiens en défiance, - mais une forme, des cadres, des décors nouveaux." |
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10 | 1921 |
Segalen, Victor. René Leys [ID D3084]. In this entrancing story of spiritual adventure, a Westerner in Peking seeks the mystery at the heart of the Forbidden City. He takes as a tutor in Chinese the young Belgian René Leys, who claims to be in the know about strange goings-on in the Imperial Palace: love affairs, family quarrels, conspiracies that threaten the very existence of the empire. But whether truth-teller or trickster, the elusive and ever-charming René presents his increasingly dazzled disciple with a visionary glimpse of an essential palace built upon the most magnificent foundations. (New York review of books 2007). Our narrator is a Frenchman in Peking in 1911, the final year of the Qing dynasty. He is not so much interested in the politics of revolutionary Sun Yat-sen and warlord Yuan Shih-kai, however, as he is obsessed by the "Within", by the mysteries of the Imperial family, nested within the successive walls of the Forbidden, Imperial, Manchu, and Chinese cities. Seeking out anyone who might have access to the palace, he finds the answer to his dreams in his tutor René Leys, a young Belgian boy who has learnt fluent Chinese and managed to find himself a place at court — a surprisingly privileged place. Though there is little direct action in René Leys, it is nevertheless engrossing, drawing us into the narrator's plans and imaginings. It is also an unusual and original novel, involving storytelling at several different levels and incorporating elements of espionage and mystery fiction, including a murder and a twist right at the end. It also offers a view of life in Peking. (Book review by Danny Yee 2002) 1988 Yvonne Y. Hsieh : Segalen's novel ist set in contemporary China. Real political events that took place between 28 Febr. and 22 Nov. 1911 are woven into the text. The only one among Segalen's literary creations to reflect his actual presence near Beijing at the time of the revolution, the novel contains obious autobiographical elements. The first-person narrator, who records in his diary the astonishing divulations of René Leys, is a thirty-five-year-old Frenchman whose name also happens to be Victor Segalen. Like Segalen, he penetrates once into the palace as a member of the French delegation received by the regent. His real-life model is the nineteen-year-old Frenchman Maurice Roy, whom Segalen met in June 1910. Between June 1910 and 30 Oct. 1911, Segalen kept a diary entitled 'Annales secrètes d’après Maurice Roy', in which he noted the incredible revelations of his friend, who admitted to being the lover of the empress Dowager, to fathering a daughter by her, and to receiving a concubine offered by the regent. René Leys ist neither a novel concerning the Chinese capital nor a documentary work about the revolution. Its main theme is the dialectical tension between the real and the imaginary, which has played a significant role in all the texts examined thus far. The irruption of the real is based on historical events, the fall of the Qing monarchy and the proclamation of the Republic. The shattering of the narrator's belief in Leys' fictional life coincides with the destruction of Segalen's own vision of an eternal and imperial China. The narrator is a Frenchman in Beijing in 1911. He is not so much interested in the politics of revolutionary Sun Yat-sen and warlord Yuan Shih-kai, however, as he is obsessed by the "Within", by the mysteries of the Imperial family, nested within the successive walls of the Forbidden, Imperial, Manchu, and Chinese cities. Seeking out anyone who might have access to the palace, he finds the answer to his dreams in his tutor René Leys, a young Belgian boy who has learnt fluent Chinese and managed to find himself a place at court — a surprisingly privileged place. Though there is little direct action in René Leys, it is nevertheless engrossing, drawing us into the narrator's plans and imaginings. It is also an unusual and original novel, involving storytelling at several different levels and incorporating elements of espionage and mystery fiction, including a murder and a twist right at the end. It also offers a view of life in Peking, albeit through the lens of the narrator's misunderstandings and sexual and antiquarian obsessions. 1990 Anne-Marie Grand : Du narrateur nous est livré le nom : Segalen, sa nationalité : française enracinée dans la Bretagne, son âge : il a quinze ans de plus que son héros, 36 ans en 1911. René Leys commence dans un parallélisme avec le texte abandonné qui se complique d'un grand nombre d’arabesques pour en faire cette oeuvre étonnante de facilité et de difficultés mêlées. Un écrit destiné à une lecture sous le signe de l'équivoque. A première vue l’enquête, comme l'induisait le refus de l'audience, concerne le Palais impérial. Le texte est placé sous le signe de la communication. Tous les personnages, à des degrés divers d'ironie, en sont marqués, à commencer par le héros : René Leys. Le jeune homme est professeur, à ce titre chargé de transmettre un savoir, qu'il s'agisse d'économie politique quand il exerce à l'Ecole des nobles ou de chinois lorqu'il y initie le narrateur. Leys appartient à un double système de communication, sans négliger qu'il s'octroie un rôle au sein de la police secrète, organisme consacré, par définition, aux activités de renseignements. Similaire en cela au vieux professeur Wang enseignant dans une école officielle (de la police secrète) et dans le cadre du cours de chinois que lui aussi despense au narrateur. Le héros du récit, René Leys atteint d’une mort scripturale, comme son modèle, Maurice Roy d'une mort symbolique le jour où il a cessé d’amuser ou d'intriguer Segalen, comme le double perdu dans le temps ; le second, Guangxu, mort bien réel dont l'écriture assume la réalité ; Pékin enfin, morte pour avoir souffert 1911, cessant alors d’être 'l'habitat des rêves' de l'écrivain qui s'en plaindra encore en 1917, 'déplorant avec preuves constantes à l'appui que Péking n'ait pas brûlé d'un seul jet' à ce moment-là. René Leys, très jeune, est, malgré ses dénégations, profondément sinisé. Il parle avec la même aisance tous les dialectes chinois. Monsieur Wang est un vieillard chinois occidentalisé. Il s'oppose à Leys chargé de maintenir l'Empire du milieu dans ses traditions. Le français Jarignoux se situe dans le même réseau d'oppositions complémentaires. Solidement européen par le dire et le faire, mais naturalisé chinois par souci mercantile. René Leys ouvre, pour le narrateur, des portes au Palais, Jarignoux s'empresse de les refermer qui jette un doute sur sa personnalité. Les trois personnages, bien souvent, ne paraissent faire qu'un. Le palais, orienté au sud, cerné de murailles, entouré de fossés fleuris de lotus traduisant 'à la fois la beauté secrète du Dedans et sa contemplation impossible' est similaire à la maison du narrateur. René Leys était l'ami de Guanxu comme il deviendra celui du narrateur. Le miroir trouble qui unit Leys et Guangxu, héros du Fils du ciel, fait vaciller l'image de l'écrivain. C'est toujours de nuit que René Leys se rend au Palais, comme c'est la nuit que par le jeu des confidences arrachées ou provoquées le narrateur ouvre 'des portes au Palais'. Leys commence par affecter le plus important, le Palais lui-même. L'habitant du Dedans n'est plus Empereur mais impératrice, la veuve de Guangxu, l'impératrice Longyu. Ce pourrait n'être que simple soumission à la vérité historique s’il n'y avait, de la part du narrateur, une insistance telle qu'elle se diffuse dans tout le texte et autorise la suspicion. René Leys meurt en même temps que l'Empire. Dedans et dehors vont bientôt se confondre. Le narrateur va s'arracher à Pékin, a l'attraction béante de son Centre. Leys se termine sur une mort qui a des allures de meurtre. Meurtre ou suicide, il disparaît dans une apothèose, plus beau, plus séduisant que jamais, ayant dit ce qu'il avait à dire, finalement vainqueur. Le mystère du Dedan reste toujours à déchiffrer. Le déplacement du respect sur la personne de Guangxu comme sur le cadavre de Leys invite à les poser en équivalence. Le texte se termine par le départ du narrateur. 1993 Yvonne Y. Hsieh : Segalen's description of Yuan Shikai in René Leys during his triumphant entry into Peking – after the Manchu court was forced to recall him from disgrace to save the dynasty from the rebels – reflects real admiration for Yuan. Segalen was thus ironically in agreement with most Europeans in China at the time, even though he always distanced himself from his fellow expatriates, whose cultural ignorance and colonialist arrogance he deplored. 1999 Jacques Huré : Le narrateur de René Leys voit dans 'le Palais' (La cité interdite), l'allégorie de ce qu'il nomme le 'Dedans'. Il va chercher à entrer dans cet espace à travers René Leys, soit chercher à parcourir le labyrinthe de la connaissance d'une réalité qui lui échappe et pour laquelle il doit passer par l'intermédiaire d'un professeur de chinois. René Leys devient le médiateur de la connaissance du mystère du Dedans, indispensable en quelque sorte à l'accès à la lumière de la connaissance de soi. Le 'dedans' ou le 'souterrain' représente bien l'autre face du Palais, domicile, lui, du souverain (Homme ou femme), et la quête passe par l'un et par l'autre. Segalen présente dans son roman, sous la forme d'un journal, l’interrogation du narrateur sur l'identié véritable de René Leys qui lui raconte les histoires du 'Dedans' (complots, intrigues amoureuses), dont la véracité lui paraît douteuse. Ici, le doute exerce une fonction capitale. Il détruit toutes les certitudes constituitives pour ainsi dire de la personnalité de René Leys. Quelle réalité reposait son discours ? Qui était-il ? Un affabulateur ? Plutôt un séducteur, comme l'observation de ce qui le lie au narrateur, de plus en plus, et qui se résout par la tragédie, la mort, incline à le penser ? René Leys serait le récit de l'emprise exercée par un jeune homme de sensibilité très féminine, sur le narrateur, qui prend conscience de l'ambiguïté de sa relation, reflet de sa propre ambiguïté. 2001 Philippe Zard : Les premières pages de René Leys décrivent un personnage avide d'en savoir plus, de pénétrer les secrets du règne de l'Empereur Kouang-siu, disparu moins de trois ans plu tôt, d'aller au-delà des versions officielles pour pénétrer jusqu'aux secret intimes de la 'ville violette interdite'. Au commencement se trouve donc un mytère, une énigme, un point d'histoire et de politique resté sans réponse. Le culte du secret apparaît comme une irréductible composante de la Cité interdite. Chez Segalen, le narrateur se complaît à évoquer l'architecture singulière d'une ville entourée 'd'enceintes géométriques', fournit un plan de la ville qui fait apparaître les encastrements successifs balisés par des remparts de plus en plus infranchissables : 'Ville tartare, Ville impériale, Palais, Palais du milieu'. L'imaginaire de Segalen est centripète : il converge vers le centre de la structure, le 'milieu' isolé et protégé par une interminable série de murs et de cloisons. L'essence de l'Empire repose dans 'la magie encolse dans ces murs, où je n’entrerai pas' et dans la figure d’un Empereur dont on ne sait s'il règne ou s'il est retenu prisonnier dans 'l'enclos où l'on avait muré sa personne, cette ville violette interdite, - dont les remparts m'arrêtent maintenant'. La question de la clôture, de la fortification, de l'enfermement est donc le point de fixation du récit. 'Segalen', au cours du roman, met à l'épreuve divers modes d'accès au Dedans. Ainsi le récit de l'Audience au Palais n'exprime-t-il que la déception de n'avoir rien vu : la voie directe est plus égarante qu'instructive. L'enseignement de Maître Wang, l'un de ses deux professeurs de chinois, lettré et familier du Palais, n'est pas davantage éclairant. Il n'a rien d'autre à proposer qu'une oiseuse érudition, qui se résout en manie taxinomique, en nomenclatures aussi dérisoires que mortes, qui ne trahissent qu'une passion de l’Ordre – quand 'Segalen' est à la recherche de sensations fortes : son rapport à la Chine est un rapport de désir, don de désordre. L'observation de la ville apporte au personnage des satisfactions bien supérieures : elle flatte un désir de maîtrise et de toute-puissance ; elle lui permet de 'comprendre' la cité, en un sens spatial et intellectuel, sans lui permettre pour autant de la 'pénétrer'. Il s'agit encore d'une approche abstraite, occidentale, qui ne permet pas encore l'intimité avec le Dedans. Dans cette mesure, René Leys apparaît comme un cauveur : c'est lui qui va réenchanter la Chine, en faisant parler le romanesque. Autrement dit, parti pour une enquête sur les derniers jours de Kouang-siu, le narrateur opte durablement pour un accès romanesque à l'Empire, pour la voie de la fabulation. A la fin, le principe de réel semble définitivement l'emporter, par le surgissement de l'Histoire et la chute de l'Empire, sans que cependant le narrateur se résigne à trancher, à répondre, selon ses propres termes, par 'oui ou non à la question de l'imposture de René Leys. Au total, la démarche du narrateur confronté à l'énigme impériale semble constamment se mouvoir dans la zone de l'approximatif, - entre le possible, le plausible, l'incroyable et l'invraisemblable, l'incertain, le douteux pour aboutir à une forme de dégagement sceptique. Il est clair que Segalen – l'auteur et le narrateur se confondent ici – semble choisir de se tenir à égale distance de la pure fantaisie romanesque et de la philosophie positiviste de la connaissance caractéristique de l'école naturaliste traverse les denières pages du roman. La Chine semble être de ces pays qu'on ne pénètre pas sans le secours de l'imagination. Peu à peu, l'attention de 'Segalen', d'abord fixée sur l'Empereur défunt et les mystères du Palais impérial, se porte sur son informateur : c'est René Leys qui finit par devenir la source d'intérêt, l'individu mystérieux, aussi impénétrable que les murs du Palais. René Leys, l'étranger mystérieusement introduit au Palais, est celui qui, dans les enceintes de la Cité intrerdite, ouvre une brèche où s'engouffrent le récit et le désir : celui-ci ne s'éveille ni dans la connaissance absolue de l'Empire, ni dans l'ignorance complète, mais dans l'entre-deux. L'inité, et initiateur, se dit policier, et même bientôt chef de la Police secrète ; il rend compte des menaces imminentes qui pèsent sur le Régent. Le roman que bâtit le jeune homme se fixe sur les périls qui guettent la paix de l'Empire, renvoie à une inquiétude fondamentale sur la pérennité de celui-ci, sa solidité, ses assurances – or, cette inquiétude est celle-là même que nourrit Segalen, fasciné par l'exemple historique d'un Empereur malade et mélancolique. La précarité de l'Empire est vérifiée, à la fin, non par René Leys, mais par l'Histoire elle-même, à travers la chronique des révolutions de 1911 et du décret d’abdication en faveur de Yuan Che-k'ai, qui place la Chine 'presque en république'. Que le 'Dedans' soit l'objet d'un investissement métaphorique et fantasmatique est plus manifest encore dans le cas de l'oeuvre de Segalen. René Leys ne peut en rien être réduit au rôle de manipulateur ou de mystificateur. A la fin du livre, relisant ses notes, le narrateur prend conscience du tandem singulier qu'il formait avec son mentor : il se rend compte qu'il a soufflé au jeune homme l'essentiel de son affabulation ; le professeur ne fait que répondre à une demande tacite de son disciple, exécute un programme fantasmatique dont les grandes lignes ont été dessinées par le narrateur. L'homosexualité du jeune René Leys est presque transparante – son absence manifest de désir pour les femmes, ses nombreux 'amis' font peser sur lui tous les soupçons – comme est clairement lisible la propre attirance de 'Segalen' pour l'éphèbe. L'atmosphère homosexuelle du roman se révèle sur fond d'une peur quasi obsessionnelle de la castration et d'une phobie de la femme. Dans le Dedans de l'Empire règnent les femmes – au milieu des Eunuques. Dans l'enclos des murailles du Dedans se joue pour Segalen un scénario fantasmatique dans lequel se retrouvent tout à la fois le mystère de l'origine, la défaillance du père, l'impérieuse puissance maternelle, - et le secret de sa propre féminité. Les murs du Dedans figuraient une identié invulnérable, idéal de permanence à soi-même, d'autant plus forte qu'elle est soustraite au regard inquisiteur, dérobée à toutes les curiosités, à l'abri de toute altération. Les révélations de René Leys ont donc à cet égard une foction ambivalente : elles satisfont un désir irrésistible de voir et de connaître, une curiosité irrépressible. Le destin de René Leys est emblématique de celui de l'Empire. Le jeune homme d'effondre sous le double poids du scepticisme croissant de 'Segalen' et de l'Histoire en marche. Dès que la foi du narrateur se fissure, dès que le doute gagne, le jeune homme se défait, meurt de ne pouvoir maintenir longtemps l'illusion de sa toute-puissance ; mais c'est aussi le cas pour l'Empire tout entier. 2009 Jean Claude Trutt : René Leys a ceci d'extraordinaire, c'est d'abord qu'il est né de la recherche entreprise pour un tout autre livre, Le fils du ciel, complètement différent, et qu’ensuite le personnage principal du roman est entièrement copié sur un personnage réel, Maurice Roy, fréquenté par Segalen en 1910 et au cours de l’été 1911. Le manuscrit du Fils du ciel est très incomplet. Une oeuvre originale: des Annales consacrées à l'Empereur Guangxu, arrivé sur le trône en principe à l'âge de 4 ans en 1875, régnant réellement 100 jours du 11 juin au 21 septembre 1898, immédiatement écarté du pouvoir par sa tante Cixi, effrayée par sa volonté de réforme, puis confiné jusqu'à sa mort en 1908, peut-être encore empoisonné à la dernière minute par sa tante agonisante (elle avait déjà fait tuer sa concubine préférée lors des événements de 1900) qui meurt un jour plus tard après avoir désigné comme successeur au trône le fameux Puyi, qui était alors âgé de 3 ans, et avoir nommé comme Régent son père, frère cadet de Guanxu. Les Annales que projetait Segalen devaient contenir la chronique d'un historien s'exprimant à la mode chinoise sur un ton officiel et dans une langue hagiographique et les poèmes de l'Empereur (qui, comme tous les Empereurs du passé devait être un lettré) et peut-être ses réflexions face à l'intrusion étrangère. Cela aurait pu être un très beau livre, si Segalen avait eu le temps et la force de l'achever. René Leys, dont le héros est l'avatar littéraire, à peine modifié, de ce Maurice Roy, fils de 19 ans du Directeur de la Poste de Pékin, parlant parfaitement chinois, parfaitement au courant des secrets d'alcôve de la Cité interdite, prétendant y avoir ses entrées, avoir été l'ami du défunt Empereur Guangxu, faire partie de la police secrète, et être l'amant de l'Impératrice (et avoir été dépucelé par elle). Sophie Labatut a rassemblé tout ce qu'on pouvait savoir sur le mystérieux Maurice Roy: le dossier de Segalen intitulé Annales secrètes d'après M. R., les lettres de Maurice Roy envoyées à Segalen et que celui-ci a conservées, un autre dossier de Segalen intitulé Révolution qu'il a constitué à la suite des Annales M. R. Le narrateur de l'histoire est, lui, un avatar de Segalen, plus naïf encore, et plus gaulois aussi dans certaines de ses remarques (dont certaines sont même carrément de mauvais goût). Quant à René Leys il est finalement plutôt touchant, juvénile et frêle ('pâle et les yeux grands ouverts comme deux puits d'ombre'). Et puis sa fin est dramatique : il meurt empoisonné. C'est quand même une plus belle fin que celle de Maurice Roy qui devient un vil banquier ('engraissé... insipide, gentil, fini', dit Segalen qui le rencontre à nouveau en 1917). Quand Segalen rédige René Leys, en 1913, il est bien désenchanté. |
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11 | 1924 |
Saint-John Perse. Anabase [ID D22453]. Sekundärliteratur Lorand Gaspar : Le poème Anabase ne contient aucune référence précise à la Chine, pas plus qu'à la Mongolie extérieure. Bien sûr en le relisant parallèlement aux lettres écrites de Chine, il ne nous sera pas difficile de déceler dans ces dernières des suites d'images qui semblent préfigurer tel ou tel passage du poème. Ce que Saint-John Perse connaissait et aimait de la civilisation chinoise je ne pouvais en avoir qu'une idée très approximative après avoir parcouru les livres de sa bibliothèque se rapportant à la Chine ; ceux du moins qui portent les traces matérielles d'une lecture approfonide. Qian Linsen : Saint-John Perse dispose, à un jour de cheval de Pékin, sur une éminence dominant les premières pistes caravanières vers le Nord-Ouest, d'un petit temple taoïste désaffecté où il écrira Anabase. Dans ce petit temple de Tao Yu, imprégné d'une athmosphère de méditation, de sérénité, de vide, il se laisse pénétrer par l'esprit du taoïsme. Le poète se rend dans ce temple pour écrier, se recueillir, se ressourcer. Pour moi, le poète a été influencé dans deux domaines : 1. Il crée une image poétique totalement imprégnée de taoïsme, image qui symbolise le chercheur dans la quête infinie ; 2. son oeuvre s'inspire de principes esthétiques en harmonie avec l'esprit taoïste du vide. Saint-John Perse appréciait tout spécialement Li Bo et Du Fu. Il annota leurs poèmes dans la traduction d’Arthur Waley et s'inspira de leur conception du vide. Bien entendu, son style n'est en rien comparable à celui des poètes de l'époque Tang, mais dans leur projet, les deux écritures s'apparentent : chez les poètes chinois la promenade quotidienne d'un ermite est en même temps rapport de l'homme avec le cosmos ; tout cheminiment matériel y est aussi cheminement spirituel et le paysage décrit est tout autant celui de monde extérieur que le paysage intérieur du sujet. C'est aussi ce qui se produit dans Anabase où le « grand pays d'herbages sans mémoires,... sans liens et sans anniversaires » qu'embrasse le temps de sa marche désigne tout à la fois le lieu de sa randonnée et l'espace intérieur de sa méditation, l'espace vide, incréé, informel, qu'il investit de sa pensée. Mireille Sacotte : Ce que Saint-John Perse a découvert en Chine, ses lettres et sourtout les deux oeuvres qu'il en a rapportées Amitié du prince et Anabase le montrent bien, c'est la confrontation avec les grandes steppes de Mongolie et les abords du désert de Gobi, le désert qui a exercé sur lui « une fascination proche de l'hallucination, qui m'aura conduit spirituellement encore plus loin que je ne m'y attendais : aux frontières même de l'esprit. » Ce qu'il y a trouvé, c'est Anabase qui nous le raconte : un homme insatisfait des étroites limites temporelles et spatiales qui lui sont allouées de naissance voyage à la recherche de l'évasion véritable. Dans le vide du désert, il découvre, sous l'apparente immobilité, l'apparente stérilité, le mouvement et la fécondité qui animent le monde. Il y gagne la certitude que « la mort n'est point », que sous toutes les centres la braise palpite, que la puissance de la mer persiste à l'endroit le plus reculé des plus profonds déserts et il opère finalement sa jonction avec le mouvement en cours depuis la Création. Dans « L'été plus vaste que l'Empire » au début du chant IV, cet Empire avec sa majuscule est assurément l'Empire du Milieu, la Chine ; mais il est tout autant l'Empire romain, référence omniprésente dans le texte de Saint-John Perse. La référence chinoise est et sera donc présente, toujours, jusqu'à « Chant pour un équinoxe », mais jamais seule, jamais vraiment déterminante, pas plus qu'aucune autre en tout cas. Catherine Mayaux : Dans Anabase, c'est surtout dans la manière dont le conquérant édifie le monde au fur et à mesure qu'il chevauche que peut se lire la trace d'une inspiration taoïste dans l'écriture du poème. L'esprit taoïste de l'inspiration se marque tout particulièrement dans la fondation rituelle de la ville au Chant IV. Les termes abstraits jouent le rôle du 'vide' dans le langage des poètes Tang : comme les 'mots vides' et les 'mots pleins' qu'utilisent en alternance ces derniers tout en jouant des ellipses, ce sont les mots abstrait qui, chez Saint-John Perse, introduisent, au coeur de l'expérience et du monde concret, l'appel ou la présence d'une autre dimension. La rencontre de cette forme ésthétique inspirée par le taoïsme pourrait en partie expliquer l'évolution de la poétique à partir d'Anabase. Mais le lexique abstrait dans et à partir d'Anabase, modifie le sens et la portée de la démarche poétique qui, d'évocation nostalgique dont les actants sont l'âme, l'esprit, les signes, le chant, le poème. |
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12 | 1925 |
Claudel, Paul. Le soulier de satin [ID D22147]. Claudel sagt 1944 in einer Ansprache in Paris : « Le sujet du Soulier de satin, c'est celui de la légende chinoise des deux amants stellaires qui chaque années après de longues pérégrinations arrivent à s'affronter, sans jamais pouvoire se rejoindre, d'un côté et de l'autre de la voie lactée. » Yu Zhongxian : Cette légende de deux amants stellaires est sans aucun doute l’histoire du Bouvier (Niulang) et de la Tisserande (Zhinü), qui est tellement connue des Chinois et si souvent reprise par la poésie et le folklore : dans le Shi jing, dans Su shi shi jiu shou, dans la version Allusions littéraires de Corentin Pétillon [ID D22148], dans Fantômes de Chine de Lafcadio Hearn [ID D22151]. L'action principle du Soulier de satin reste dans la même structure que celle de la légende chinoise au sujet des deux amants stellaires. La séparation des amants à une grande distance et pendant une longue durée. Dans l'un comme dans l'autre cas, règne une contradiction, und désaccord entre les désirs humains de l'amour, du bonheur, de l'aisance et l'injonction d'un impératif fort, impératif divin et céleste. Avec le dénouement tragique, dans les deux cas, les spectateurs, auditeurs et lecteurs peuvent concevoir un petit espoir lumineux. Claudel n'avait pas l'intention d'écrire une historie orientale, mais une pièce de théâtre de sacrifice au sens catholique. Les différences entre la légende chinoise et le drame français sont plus évidentes que leurs analogies. Le soulier de satin : 1. L'aspiration des héros vers Dieu. 2. L'idée d'un sacrifice pour Dieu. 3. Une lutte intérieurs. 4. La séparation volontaire ou consentie. 5. La séparation comme devoir. 6. Une dure tache de conquête de la terre et de l'âme. 7. Dieu occupe la première place dans l'amour. 8. Dieu est omniprésent et omnipotent. 9. Un drame à la gloire de Dieu. Le Bouvier et la Tisserande : 1. L'aspiration d'une immortelle vers le monde terrestre. 2. L'idée d'une recherche du bonheur humain. 3. Un interdit extérieur. 4. La séparation forcée. 5. La séparation comme châtiment des crimes. 6. Un bonheur familial où l’homme laboure et la femme tisse. 7. Un amour excluant les dieux. 8. Les dieux sont méchants et puissants. 9. Une légende contre les Dieux. Le soulier de satin est la conséquence de longues méditations, de nombreuses lectures et de profondes réflexions de Claudel sur la civilisation chinoise et et sur la comparaison de deux grandes civilisations différentes, l'occidentale et l’orientale. |
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13 | 1927 |
Claudel, Paul. Cent phrases pour éventails. = Hyakusenchô. (Tokyo : Koshiba, 1927). [Darin enthalten sind 172 kurze Gedichte]. Claudel schreibt im Vorwort der Ausgabe von 1942 : Er schreibt im Vorwort : « Il est impossible pour un poète d'avoir vécu quelque temps en Chine et au Japon sans considérer avec émulation tout cet attirail qui accompagne l'expression de la pensée : le bâton d'encre de Chine d'abord aussi noir que notre nuit intérieure... ce pinceau léger et comme aérien qui le long de nos phalanges communique au fond de nous à la déflagration du poëme. Quelques traits délibérés... et voici, de quelques mots, débarrassés du harnais de la syntaxe et rejoints à travers le blanc par leur seule simultanéité, une phrase faite de rapports. » Ce livre de poèmes, ou l'auteur a essayé d'appliquer, en les transformant suivant son propre goût, les principes de la poésie japonaise, est animé par les idées suivantes : Chaque poème est très court, une phrase seulement, ce que peut supporter de son, de sens et de mots une haleine, un souffre, ou le battement de l'aile d'un éventail. L'écriture y joue un grand rôle, car en français comme en chinois la forme extérieure des lettres n'est pas étrangère à l'expression d'une idée. Mille intentions secrètes se cachent dans la calligraphie opérée avec le pinceau par le poète lui-même et reproduite lithographiquement par un des plus habiles artisans de Tokyo. Le poème est en général réparti sur deux pages, la première contenant en général le titre du poème, le mot essential qui le résume, ou simplement une invitation au lecteur, un signe presque muet. On a voulu que dans la disposition des lignes et des mots, par l'interposition des blancs, par le suspens dans le vide des consonnes muettes, des points et des accents, la collaboration de la méditation et de l'expression, du sens, de la voix, du rêve, du souvenir, de l'écriture et de la pensée, la vibration intellectuelle de chaque mot ou de la partie essentielle de chaque mot devînt perceptible à un lecteur patient qui déchiffrera chaque texte l'un après l'autre avec lenteur, comme on déguste une petite tasse de thé brûlant. Zhu Jing : Claudel se servit du pinceau pour écrire les lettres occidentales en imitant l'idéogramme oriental. Il peignit les lettres d'après le sens, par exemple pour le mot 'serpent', en donnant à la lettre 's' la forme d'un serpent. D'autre part, l'espace de chaque poème étant constituté des intervalles des lettres écrites au pinceau noir et du vide, Claudel profita de la forme composée du groupe de lettres et du vide pour exprimer directement le thème du poèmes, comme pour la phrase 'Fenêtre'. Dans la forme de l'écriture de ce poème, se perçoit clairement un carré blanc (vide), dans lequel les lecteurs peuvent voir l'image de la fenêtre avec son ouverture carrée, et le soleil rouge deviné à travers le brouillard blanc du matin. La composition de ce carré blanc reflète l'idéogramme du 'Paysage matinal' qui s'ouvre dans l'esprit du poète. Claudel imita encore la forme de l'éventail oriental dans la conception de la forme extérieure matérielle du recueil de poèmes, afin d'exprimer l'idée que l'on se sert de l'éventail pour avoir du vent qui rafraîchit et duquel les idées proviennent. C'est pour élargir l'espace de la poésie occidentale et rendre l'écriture alphabétique occidentale plus idéographique dans la forme que Claudel fit ces efforts. |
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14 | 1928 |
Malraux, André. Les conquérants [ID D13268]. Zusammenfassung Récit de la grève générale de Canton. L'histoire des Conquérants, qui commence en juin 1925, s'articule autour des révoltes à Canton et Hongkong et des actions du jeune Pierre Garine, de Suisse, qui a choisi le camp des Chinois révolutionnaires. Si le livre fit tant impression, cela est dû principalement à la manière dont Malraux a campé le personnage principal : un homme qui n'était ni un nationaliste, ni emporté par des sentiments religieux ou par quoi que ce soit, quelqu'un qui prétendait être totalement apolitique. Sa seule motivation était peut-être une vague peur de vivre. Bien que la vie, d'après Garine, l'alter ego de Malraux, soit complètement absurde et dépourvue de sens, il lutte aux côtés des Chinois opprimés. A l'opposé de ce personnage il y a Borodine, le bonze russe du parti qui désire imposer aux Chinois le modèle communiste soviétique, le terroriste Hong et le pacifiste Tcheng Dai, une sorte de personnage à la Gandhi dont le suicide est l'ultime protestation. http://www.kb.nl/bc/koopman/1940-1950/c46-fr.html. Sekundärliteratur Hülsenbeck, Richard. André Malraux : Eroberer. In : Die literarische Welt ; Jg. 5, Nr. 16 (19.4.1929). Die Übersetzung ins Deutsche des Buches von André Malraux Les conquérants = Die Eroberer [ID D13268] findet neben Anerkennung auch Kritik. Richard Huelsenbeck ist in keiner Weise mit dem Standpunkt des Buches zu China einverstanden. In seiner Rezension beanstandet er, dass Malraux China nicht bloss nicht verstanden hat, sondern seine sämtlichen europäischen Vorurteile an das Land und die Menschen herangetragen hat. Er schreibt : China hat es nicht nötig, sich von ausländischen Journalisten und Politikern helfen zu lassen, um so weniger, als diese das chinesische Problem fast immer missverstehen und mit weniger Ausnahmen nicht für China, sondern für sich erarbeiten. Diese Ausländer drängen sich in die chinesischen Verhältnisse… Sie arbeiten für sich, und somit gegen das chinesische Volk, das sie nicht nötig hat. Ich möchte als Kenner der Verhältnisse einmal energisch darauf hinweisen, dass die chinesische Republik nur eine chinesische sein kann. Ihre Motive und Absichten sind durch Himmel und Erde von den Zielen der hilfsbereiten Europäer entfernt. Geschäfte sind da nicht zu machen. Menschheitskämpfer im europäischen Sinne sind unerwünscht und müssen in China früher oder später lächerliche Figuren werden. Watanabe Hiroshi : Les conquérants consistent en trois parties : 'Les approches', 'Puissances' et 'L'homme'. Les personnages sont tous des symboles. Le héros Garine occupe une positition particulière parmi eux. On n'exagère rien en disant que Les conquérants sont une histoire de Garine raconté par le narrateur 'Je'. Il est entouré de dix hommes divers : Rebecci, Meunier, Gérard, Gallen, Myroff, Nicolaiev, Borodine, Hong, Klein et Tcheng Dai. Il est naturel que la nationalité, le tempérament et le rôle des dix personnes sont très variés, car la scène du roman est en Chine et par surcroît, son cadre la Révolution. Le héros Garine est un homme d'action s'exposant à la mort, sans demander aucune récompense. Tcheng Dai nommé un « Gandhi chinois ». Malraux dépense cinq pages and le text pour décrire un remarquable portrait de Tchen Dai. Premièrement, il voulait dépeindre une idée révolutionnaire oriental à travers cette personne asiatique. Deuxièmement, il formait le dessin de faire ressortir l'image vivante de Garine en confrontant avec Tchen Dai. Garine et Tchen Dai sont tout deux atteints de la même maladie : la « conscience individuell » à des degrès différents. Malgré cette ressemblance, pour Garine, Tcheng Dai est un obstacle, le seul adversaire et le plus fort. Jean Carduner écrit : « La révolution, pour Tcheng Dai, c'est l'occasion de prêcher un certain nombre de valeurs morales qu'il excelle à pratiquer, ce qui lui fournit l'occasion de manifester avec éclat sa propre supériorité. La Révolution pour Garine, c'est une activité de fuite, c'est un paravent factice destiné à lui cacher pour un temps l'absurdité de la vie ; c'est aussi un outil qui lui permet de conquérir cette puissance sans laquelle il n'est pas. » A la fin du livre, la maladie de Garine s'aggrave de jour en jour et il est obligé de finir par quitter Canton. Cela signifie sa mort. Ainsi, ce héros est un homme d'action, mais d'un autre point de vue, il est un confrontation avec l'absurdité. Malraux est réputé comme écrivain qui dépeint le portrait du personnage en entrant dans le détail : les traits physiques à chaque personnage, les attitudes, le ton de la voix et le travers de prononciation. Nous n'extrayons pas ces exemples, mais cette technique sert beaucoup à comprendre un changement de coeur d'une personne, c'est-à-dire, Malraux décrit le portrait non plus pour suggérer le relief, la densité extérieure du personnage, mais sa psychologie. Walter G. Langlois : Les conquérants, a novel centering on the strike and the ideological values that it embodies. This book makes it clear that Malraux saw a number of very positive elements, not so much in Asia's culture and philosophy, but rather in the 'group action' by which profound social, political and even ethical changes were being brought to the ancient continent. In a sense, Les conquérants is his first truly affirmative work because it suggests that he had found a way to bring meaning back into the life and world of modern Western man, on what one might call an ethical level. As he wrote in a letter to a friend at the time, the characters of his literary creation grew out of his deeply felt 'need to translate, throught fictional creations, a certain order of ethical values'. It was this demension of the novel – and of Malraux's concern in general – that becomes most noteworthy upon careful re-reading of the text. Although the story of Les conquérants centers on a revolution in China, on a broader level it was clearly an effort to formulate the terms of the anguished reality in which all modern men were strugging, and to suggest the direction in which solace might be discovered. Hasty critics immediately denounced the book as blatantly pro-Communist propaganda, but Malraux was actually in opposition to Marxist theory on a number of basic points. However, like the Marxists, he was strongly opposed to everything that the bourgeoisie represented, and he believed that only a collective action would bring about the needed changes. Since the bourgeois would was based on 'order', in the two meaning of stability and hierarchy, it is not surprising that Malraux put great emphasis on something he called metamorphosis. Garine, the central figure, did not blieve in metamorphosis except as it was linked to those for whom he was fighting. As a revolutionary, he was seeking to obtain as much as possible for his comrades in arms, the suffering masses of China. As a hero, he was 'postive' and non-individidualist because he engaged his life for the other men, utterly apart from any consideration of personal gain. As a man, he defined himself not as an isolated Nietzschean will-to-power, but rather as an integral part of a collectivity in action. Evidently for Garine – as for Malraux – the commitment to revolution stemmed from a deeply felt human obligation, rather than from the shallow personal motivation of a Romantic adventurer. Garine was not working towards an absolute end ; he was involved in a living, changing reality. In the midst of action he was little concerned with colaborating the political structure of some future ideal state. True, he was engaged in a general direction, and his individual decisions were made as a function of that direction, but again it was 'human' and not ideological. Convinced that the highest values were all collective ones, he wanted to destroy individuality on their behalf. To do so, he allied himself with Borodine and the Communists, but this certainly did not mean that he was a Communist, or even that he felt that Communism was necessarily the best political credo. It was simply better than the bourgeois system which it attacked : better potentially, because it promised dignity and social justice for the mass of mankind ; better actually, because by predicating social change as a positive value it afforded the possibility of doing something about the whole situation. Malraux passe brusquement du surréel au réel avec Les Conquérants, le premier roman français important à se donner pour sujet une lutte révolutionnaire au XXe siècle. Ouvrage métaphysique, le livre tire sa substance romanesque d'un épisode de la révolution chinoise: l'insurrection ouvrière qui secoue Canton en 1925. A travers le personnage de Garine, un conquistador dans l'absolu, ce roman reportage annonce une structure multilinéaire, stratifiée, découpée en séquences autonomes, ponctuée de phrases collage, de blancs, de retraits, etc. — et se révèle tel que le voulait son auteur: „une accusation de la condition humaine". En effet, conçu comme „un type de héros en qui s'unissent la culture, la lucidité et l'aptitude à l'action", Garine entend se forger, à travers une action héroïque, une vie comme „fatalité personnelle", et cela contre le monde où il ne compte pas, d'où la "vraie vie" est absente: „Pas de force, même pas de vraie vie sans la certitude, sans la hantise de la vanité du monde...". L'insignifiance du monde fonde ainsi la signification de la vie : „si le monde n'est pas absurde, c'est toute sa vie qui se disperse en gestes vains...", fait remarquer le narrateur témoin. forum.portal.edu.ro/index.php?act=Attach&type=post&id=1173485. Alain Meyer : Les conquérants représentaient, dans leur facture, la perfection du roman d'aventures. Les éléments traditionnels de la construction romanesque y sont portés à leur plus extrême rigueur. Tout y est « fonctionnel » parce que tout concourt à tracer une ligne romanesque simple : une seule histoire est racontée d'un seul point de vue autour d'un seul personnage central et suivant un seul mode de conduite du récit. Les digressions sont systématiquement éliminées. Le narrateur, au même titre que ses personnages, recherche, avant tout, l'efficacité. Liu Chengfu : Dans Les conquérants, ce que Malraux a décrit, c'est la fameuse grève qi a éclaté à Guangzhou dans les années vingt. Ce mouvement est en effet la première confrontation de grande envergure entre la force révolutionnaire et la puissance réactionnaire en Chine. Malraux nous a remarquablement montré tout le processus de ce mouvement : éclatement de la grève, boycottages des marchandises anglaises, sabotage des machines par les ouvriers, rôle de la troisième Internationale et des communistes dans le gouvernement de Guangzhou, difficultés rencontrées dans la révolte, empêchement de la force droite du Parti National, répression sanglante par Tchen Jiongming sous le soutien puissant des impérialistes occidentaux. Sun, Weihong. La Chine chez Malraux : de 'La tentation de l'Occident' aux 'Antimémoires'. Les Conquérants ont pour cadre la grève qui a eu lieu à Canton en 1925, La Condition humaine décrit l'insurrection communiste à Shanghai en 1927, ainsi que la scession du parti communiste et du Kuomintang. Tous sont de grands événements révolutionnaires dans l'histoire de la Chine. Mais pour un lecteur chinois, l'impression la plus forte laissée par la lecture de ces deux romans, est qu'on n'y ressent vraiment pas une atmosphère chinoise. Non qu'il y manque des détails authentiques : en tant qu'auteur n'ayant jamais vraiment vécu en Chine, Malraux a sans nul doute fourni de grands efforts à cet égard. Il est en réalité bien documenté sur ces événements, et certaines descriptions sont aussi leçon d'exactitude à l'évrivain, mais à montrer le caractère littéraire de Malraux. |
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15 | 1933.2 |
Malraux, André. La condition humaine [ID D13269]. (2) Sekundärliteratur 1991 Alain Meyer : Le texte de La condition humaine s'inscrit dans un triple contexte : crise générale des valeurs au tournant des années vingt et des années trente quand à l'Absolu se substitue l'intensité ; crise de l'art romanesque qui, après s'être donné la griserie souvent heureuse du jeu, de l'aventure et de l'exaltation de l'individu, va vers le sérieux, le témoignage, l'insertion dramatique et tendue dans une époque à travers des romans d'apprentissage politique à sujet collectif ; mutation de Malraux lui-même qui élargit le territoire de sa fiction, multiplie les personnages et l'entrecroisement de leurs points de vue, parle peu à peu à la troisième personne et passe de ce « livre d'adolescent » que fu, selon lui, Les conquérants à un roman juvénile. Quant à Shanghai, Malraux ne découvrira le cadre de La condition humaine qu'en septembre 1931. Ce bref séjour de quelques jours n'est qu'une étape d'un tour du monde de sept mois. Il prendra de Shanghai un rapide aperçu, écrivant quelques rares notes ; ses pas ne semblent guère s'écarter des concessions européennes et de cette avenue des Deux-Républiques qui est le seul nom de lieu shanghaien prudemment cité dans La condition humaine. Bref, sa connaissance de la Chine est, à l'époque, extrêmement ténue et son expérience de ce pays se limite à quelques sensations de voyage d'un « homme pressé ». Les Chinois de Malraux ne sont pas plus chinois que ne sont romains les Romains de Corneille ; la révolution chinoise de Malraux est élevée à la tragédie comme la Révolution française l'est à la grandeur épique de Hugo. La Chine a été choisie comme « théâtre des opérations » parce que c'est, à la fin des années vingt, l'un des pays où se manifestent avec le plus d'intensité l'effervescence et le trouble de la planète, et c'est en même temps un lieu abstrait. Malraux qui refuse, à l'époque, toute réponse religieuse à ses questions, laisse, sans probablement en avoir conscience, une fenêtre ouverte sur une transcendance, c'est-à-dire sur une réalité supérieure irréductible à l'expérience et absolue. Gisors, à travers l'opium, ne cherche pas seulement à fuir l'angloisse, il prend de lui-même une conscience qui ne doit rien aux sens. Il se fond avec les objets et les lieux qui l'entourent et qui cessent d'être distincts de lui « au fond d'un monde plus vrai que l'autre parce que plus constant, plus semblable à lui-même formes, souvenirs, idées, tout plongeait lentement vers un univers délibré ». L'histoire des interprétations du roman est inséparable de l'histoire des époques où ces interprétations ont été proposées. L'ombre portée des années trente jusqu'à nos jours recouvre largement cette oeuvre. Cette histoire est indissociable aussi de l'évolution de Malraux lui-même. Gisors et Clappique ont ceci de commun qu'ils ont abaissé les digues élevées avec tant de constance par l'Occident entre le conscient et l'inconscient, entre le songe et la veille. En cinq boulettes d'opium, la dose à laquelle il se tient depuis des années, Gisors ne cherche pas une fuite, mais une délivrance. Tout l'effort obstiné de sa civilisation tendait à la destruction, à la séparation. Les personnages sont ainsi dispersés plus que confrontés. Comment construire un roman à partir de personnages solitaires, murés dans leur nihilisme comme Tchen, leur volonté de puissance et leur érotisme comme Ferral, leur mythomanie comme Clappique, leurs songes comme Gisors, leur humilation comme Hemmelrich ou König ? Malraux a réussi à unifier une oeuvre qui, de prime abord, menaçait de s'éparpiller. Entre les scènes ou les séquences de son roman, il a tissé des liens multiples et nous avons vu toute l'attention qu'il portait aux procédé de liaison. Mais surtout dex avancées dans sa technique romanesque témoignent d'une maturité artistique conquise : l'emploi des temps et le passage au récit à la troisième personne. Malraux relate aussi des événements qui, dans leur perpétuel surgissement, ne laissent aux personnages comme au lecteur presque aucun répit. Pour ce faire, il emploie désormais ces temps par excellence de la distance et du recul que sont l'imparfait et le passé simple. C'est un paradoxe apparent : ils supposent l'évolution d'un passé classé, révolu, alors que tout le propos de Malraux consite à nous plonger et à nous entraîner dans un mouvement qui se déroule, inéluctable. Malraux affirme encore avoir assisté à la répression à Shanghai en 1927. Mais il se fabrique moins systématiquement une biographie fictive. La mythomanie qui est en lui, il la projette maintenant sur Clappique, comme pour la tenir à distance, à un moment où, pour sa part, il est plus impliqué dans la vie de la cité et se sent plus de prise sur les événements. Ce qui l'amène à passer de la mythomanie à l'élaboration d'un mythe qui lui serait personnel et qui intégrerait à la fois son expérience propre et sa création. Les révolutionnaires de La condition humaine consacrent leur vie et courent le risque de mort pour réaliser des valeurs absolues. Dans le contexte de la situation chinoise de 1927, dans celui, plus largement, de la stratégie d'ensemble de l'Internationale Communiste élaborée à Moscou et imposée par l'URSS, leurs aspirations malheureusement se révèlent irréalisables. Ils ne peuvent y renoncer et se rendent bien compte de leur échec. Telle est leur tragédie. Ce n'est qu'un des éléments, du tragique, mais c'est celui qui accable et écrase Kyo et ses compagnons. Aspirations à des valeurs absolues qui ne peuvent prendre forme dans une réalité historique donnée et souffrance indépassable de cette impossibilité, c'est ainsi que, dans ses écrits de jeunesse. Les relations entre les hommes sont insatisfaisantes, fondées sur le malentendu, l'oppression, la violence, parce que les circonstances ne sont pas mûres, parce qu'elles ne permettent pas de dépasser cette situation. Les conditions, de leur côté, sont défavorables, parce que les rapports sociaux sont gelés. Pour sortir de ce cercle, pour que l'Homme réalisé, il faut à la fois une appréciation lucide des rapports de forces et l'énergie d'en tirer parti. Le grand art en politique est de savoir tirer parti des circonstances. Il faut faire l'apprentissage de la révolution comme l'apprentissage de la vie. Lorsque Kyo refuse l'idée de participer aux côtés de l'armée à une répression contre les paysans qui prennent leurs terres, Possoz, pour sa part, se contente d'affirmer qu'il tirerait en l'air et qu'il aime mieux que cela n'arrive pas. Déja dans leur débat, se préfigure la divergence fondamentale qui opposera plus tard le parti communist chinois de Mao Zedong au parti soviétique : celle qui porte sur le rôle des masses paysannes. Dans l'épilogue du roman, l'espoir d'une transformation de la condition humaine allait de pair avec la constatation tragique que rien ne vaut une vie que toute mort est insoutenable et injustifiable. Les deux affirmations se répondaient et s'enchevêtraient. Ce qui caractérise Ferral, c'est qu'il considère l'Extrême-Orient non seulement comme un empire à conquérir, mais encore comme un terrain vague à aménager. De même les habitants de la Chine, qu'ils soient du reste européens aussi bien qu'asiatiques, représentent pour lui une matière première à pétrir et à recréer. Presque tous les événements importants à Shanghai, du meurtre commis par Tchen à la mort de Kyo et de Katow, en passant par les préparatifs de l'insurrection, le grand échange d'idées entre Gisors et Ferral, l'attentat manqué contre Chang-kaï-Shek et la mort de Tchen, le jeu de Clappique à la roulette, la dernière marche commune de Kyo et de May le long des rues désertes, l'attestation de Kyo, l'attente, le lendemain, du supplice par les militants voués au massacre, se situent entre six heures du soir et six heures du matin. Il sagit des faits les plus intenses, les plus dramatiques et les plus tragiques. La nuit est le lieu de la solitude, de l'échec et de la mort. En revanche, le jour est plus propice aux événements épiques et positifs. Le pessimisme de l'oeuvre - l'accent mis sur la séparation, la solitude, la souffrance – est loin aussi de l'optimisme marxiste, dans la mesure où celui-ci prolonge l'esprit de la Renaissance et celui des Lumières. Malraux voit dans la Révolution une remise en question du monde plutôt que son accomplissement. En fait, « la résistance au communisme dans Malraux, c'est un fond de religiosité ». Il se pose avec intensité le problème du Mal. Les personnages sont confrontés à des situations limites, c'est-à-dire des situations que chaque homme rencontre un jour ou l'autre sans pouvoir les éluder – la solitude, la souffrance et la mort. En 1932, un an avant sa publication, il presentait déjà comment il allait y parvenir : « Mes voeux sont de pousser très loin le tragique. La sérénité deviendra alors plus poignante que la tragédie elle-même ». 1999 Michel Dye : When he was awarded the Prix Goncourt for La condition humaine in 1933, Malraux said that he had written it « pour soutenir la lutte des communistes chinois [qui avaient] toute sa sympathie ». Malraux had absorbed Oriental culture due to his many trips to the Far East, and he does indeed use this work to make an indictment of the bourgeois society which had humiliated him in Indochina. La Condition humaine clearly indicates the author's convictions. It also presents Oriental culture, which he must have got to know better thanks to the world trip he made in 1931 as a representative of the Gallimard publishing house. It was during this trip that he discovered China, especially Shanghai, and Japan, where the story is set. In La Condition humaine, Malraux focuses on an episode of the Chinese revolution, the 1927 uprising in Shanghai which was organized by the communists and repressed by the nationalist General Tchang-Kai-Shek. He called his book a report, but it is in fact largely a work of fiction. Newspaper cuttings, and pieces of information taken from his friend Georges Manue, a reporter who had covered the communist militant uprising in China, form the basis of a storyline which goes far beyond the scope of a chronicle. Malraux's objectives in La Condition humaine are the following: to reflect the tribulations of a developing world, to shape people who express the aspirations of a tormented time and to depict man's combat with Destiny. Indeed, in the title itself La Condition humaine makes reference to Pascal and to metaphysics. Malraux rejects pleasant picturesque images, because he aims to put the emphasis on the relationship between the individual and collective action, and he portrays in his novel the conflict between man and fatality. The author plunges us straight away into the midst of revolutionary violence, by relating the terrorist action carried out by Tchen at the beginning of the novel. The presentation of the environment is reduced to its simplest description, the protagonist's field of vision. Thus we as readers discover with Tchen, who is about to murder his victim, the city lights in the shadows, but the novelist does not dwell on the description of the city. Like Tchen's, our eyes focus on the mosquito net covering the sleeping man whose life is to be sacrificed to the revolution. The Asian city is not really described afterwards. In the sketchy description Malraux makes of it a few pages later, the writer's talent lies in the ability to indicate that the uprising is imminent. Taking care to avoid writing a long-winded novel, Malraux eliminates superfluous description. The atmosphere of Shanghai is essentially conveyed through the consciousness of Kyo, the main organizer of the uprising against the 'governmentals', who are supported by the West: « Les concessions, les quartiers riches, avec leurs grilles lavees par la pluie a rextremite des rues, n'existaient plus que comme des menaces, des barrieres, de longs murs de prison sans fenêtres: ces quartiers atroces, au contraire - ceux ou les troupes de choc etaient les plus nombreuses - palpitaient du fremissement d'une multitude a l'affût. » The scene at Han-Keou, a former communist stronghold, is presented at the beginning of the third part in a similar way, through Kyo's critical perspective. It has become a ghost town, and the port now houses only torpedo boats and junk. In this 'chronicle' of the Chinese revolution, the working class in fact only has an insignificant role. Malraux only gives limited attention to the plight of the exploited Chinese. Moreover, he sheds little light on the motives of the Shangai workers. The revolution he shows us is largely the action of intellectuals, from various walks of life, whom he apprehends for their ideology more than their social background. He avoids writing a report on China, and instead makes his novel the arena for a political and metaphysical debate. This debate was unavoidable for a Westerner between the wars, but because he was fascinated by the Far East, his account has a strong Oriental colouring. Malraux depicts the triumphant revolt organized by the militant communists in Shanghai, and instigated by Chou-En-Lai, in order to beat the nationalist General Tchang-Kai-Shek. This historical figure is represented by Kyo Gisors in the novel, but the latter is very different from the real-life politician, and is not a literary transposition of him. As the son of a Frenchman and an Asian woman, Kyo represents the fusion of two cultures. His son is influenced by Western civilization, and suffers from a kind of existential solitude. He is aware of his own vulnerability in the face of destiny, and feels that the revolution gives meaning to his life. From his Japanese upbringing Kyo has retained enthusiasm for action, which is also a Western trait, and he is shown to be a practical man who aims for efficiency. His commitment to the Chinese working class, far from being merely intellectual, is concrete and is shown to be indissociable from his altruism. Influenced by Japan, where he spent his youth, Kyo believes that it is important to act on ideas, and therefore he deliberately risks his life. Just as Mao-Zedong will do later, he concerns himself with China's national interests. In his strategy for the cause of rural populations, he expresses the individual character of the Chinese revolutionary movement. He is opposed to Vologuine, a Komintern bureaucrat and supporter of Stalin's theory which states that it is necessary to first establish the basis of communism in the USSR before extending it to other countries, especially China. Kyo represents the individual initiative which Chou-En-Lai embodied in real life. Through these two characters, Malraux raises the question of the conflict between Marxist orthodoxy and Trotskyist ideology, but he gives it an Asian dimension by emphasizing the close relationship between Kyo's ideas and those of Ho-Chi-Minh or Mao Zedong. The Shanghai revolutionaries like Kyo and Tchen are against the cold Vologuine, who wishes to maintain the alliance with Tchang-Kai-Shek's conservative forces. Refusing to make any compromises with the nationalist general, they intend to continue the revolution. In the Komintern directives ordering the halt of the farmers' action, Kuo sees a betrayal of the Chinese revolutionary movement, and he would like Vologuine to acknowledge the particular nature of the Chinese revolution. By planning the farmers' action and organizing a march from town to town, Kyo expresses ideas which are similar to those of Ho-Chi-Minh, which Malraux must have been aware of, being the chief editor of L'lndochine in Pnom-Penh. The character of Ferral is a big businessman inspired by the brother of the diplomat Philippe Berthelot, who was the director of the Franco-Chinese bank in the Twenties. He clearly understands the danger that the Chinese rural movement represents for the current banking system. Hence, he fully commits himself in favour of Tchang-Kai-Shek, against the communists, by contributing to his break from them and to his alliance with Shanghai's bourgeois business people. Ferral is, of course, condemned to failure at the end of the novel, because he represents imperialism as opposed to the movement for the liberation of the working classes. However, through Kyo and Tchen, Malraux also denounces the policy of co-operation with the Kuomintang imposed on the communist party by Stalin, because it refuses to take into account China's individual economic and social characteristics. Malraux puts the emphasis on the problems inevitably caused by cooperation with the communist Internationale which, refusing to go along with Chinese socialism, intends to maintain a policy of cooperation with the bourgeoisie. In this way, he goes beyond the specific debate on the internal ideology of the revolutionary community. He presents a new perspective based on his personal experience of the Far East. The Internationale's release of Shanghai revolutionaries, who decide to maintain their campaign in spite of everything, results in the repression of which Kyo and his friends are victims. By highlighting this abandonment and dwelling on the cruel fate which befalls these Chinese revolutionaries all at once, Malraux reveals his support for Trotskyist doctrine, and underlines the specific conditions of the Chinese revolution. Kyo's tragic death gives the author of La Condition humaine the opportunity to praise commitment which gives man the feeling of participating in the evolution of humanity. Through this death, Malraux also extols the unusual strength of character that he had probably observed among the Asian people and which he had also seen in his father, who commited suicide just before Malraux wrote La Condition humaine. Stoically, Kyo kills himself in order to escape torture and takes the poison 'comme s'il eût commandé. Kyo's fierce determination can also be found in the character of Tchen, who is inspired by Hin. He was an Annamese who had also worked for L'Indochine, and Malraux was well aware of his violence. In addition, both Tchen and Kyo have a mixture of Western and Oriental influences. Although Tchen is Chinese, he is initially influenced by a Lutheran pastor, and has been taught to detach himself from the world 'au lieu de se soumettre a lui' as the Orientals do. Dominated by his ideas, he shows extreme individualism which also links him to the Western mentality. He is much more of an ally of the Shanghai revolutionaries than a real fighter for revolution. He finds that action is a way of relieving the metaphysical anxiety that his first tutor has passed on to him. For this kind of Nietzschean hero, the suicide bombing attack carried out against General Tchang-Kai-Shek is a moment of supreme joy, because Tchen believes that it enables him to regain the unity of his divided persona and gain total control of himself. Indeed, in death, he hopes to overcome his loneliness and find total peace. At the supreme moment, Tchen communes with his death; in this way, he converges with Kama, a painter, for whom communion with death also seems to be a way of giving meaning to his life. At this point Tchen, who illustrates the mysticism of terrorism as killing has become a source of fascination for him, approaches Oriental mysticism. This seems to have fascinated Malraux just as much as revolutionary conviction, as can be seen by Gisors's development at the end of the novel. Gisors is a French philosopher who teaches Marxism. He has elements of Andre Gide as well as Bernard Groethuysen, a half-German, half-Dutch Marxist thinker who worked for the N.R.F. Gisors has a strong influence on his followers, be they his own son, Tchen of whom he was the second tutor, or Pei. The young Pei shows unshakeable faith in the heroic action of the Shanghai revolutionaries, and he writes a letter to May at the end of the novel, quoting Gisors's lyrical words from the past. However, unlike the terrorist in Tchen's group, Gisors has lost this great optimism, since the death of his son Kyo. He who used to interpret the world according to the laws of Marxist philosophy, breaks away from this doctrine and goes back to his first job, teaching Western art. Deeply shaken by his death, Gisors refuses to follow Kyo's lady friend to the USSR, and to take up the post to which he has been appointed, as she urges him to do when she visits him at the painter Kama's home, in Japan. A complete change takes place in the mind of this man who, having lived an Oriental lifestyle for a long time, now tends towards traditional Chinese wisdom. Gisors is a heavy opium smoker, and has always found it to be a form of escapism which allows him to free himself from the absurd and unbearable human condition. For him, opium has the same function as the woman in the Western world. It gives him an artificial but effective sensation of calm, and an form of peacefulness which, although short-lived, is nonetheless deep, since for the opium addict in a drug-induced illusion, death itself is glorified. In front of his dead son's body, Gisors suddenly realizes how much Kyo admired him. Although at this point he refuses to take refuge in the safety that the drug affords him, he does go back to it some time later in Kobe, convinced that it is better to think with opium than with the mind. Gisors also finds the peace he longs for in art. He is a great connoisseur of Chinese art, and unusually perceptive to Oriental paintings. He also looks to music for solace. By taking refuge in music, which allows communion with death, Gisors agrees with Kama's theory that communion with death gives meaning to life. Far from aiming for action, now he longs only to live in harmony with the universe, in accordance with traditional Chinese culture. Indifferent to the transformation of the world, Gisors says that he is in some way 'delivré de la mort et de la vie' and all he wants now is to live in harmony with the rhythm of the universe. Joining Chinese humanism, which Malraux mentions in La tentation de l'Occident, Gisors now believes that it is not necessary to act in order to exist; the former Marxist philosopher now thinks only of surrendering himself to the forces of the universe, and offers his compatriots an ideal of contemplation. Whereas May finds a reason to live in the fight that she now plans to carry out in the USSR within rebel groups, the elderly Gisors finds stability in communion with nature. Gazing through Kama's window at the port of Kobe, in 'l'éblouissement du printemps japonais', he in a sense blends in with the universe, and is thus able to transcend the human condition. Gisors is the opposite of May, who is indifferent to the beauty of the world. Of her environment, she sees only people's activity and thinks of its transformation. Gisors, however, takes the path of traditional Chinese humanism. In 1933 Malraux was strongly influenced by Bernard Groethuysen, and went back to the Marxist theory of the transformation of society. However, he is fascinated by the Far East which he had discovered during his successive trips, and in La condition humaine contrasts this theory with a conception of man and of the universe taken from ancient Chinese wisdom. He depicts individual human fortunes which are an integral part of the convulsions of history. The characters working for the transformation of Chinese society, which he shows us in this work, are mostly apostles of a religion based on a blind belief in work, in which God has no place. At this point Malraux shows himself to be unequivocally anti-colonial. In La Condition humaine he reveals his leftism, which indicates a Trotskyist tendency allowing for the characteristics of the Chinese revolutionary movement, particulary concerning land ownership. However, using China's historical situation in 1927 Malraux expresses the tragedy of the human condition. He develops a theory about man versus destiny which reveals the indecision of a system of thought which is attracted by both Marxist philosophy and Oriental mysticism. In the Western conception of man put forward by Pei at the end of the novel, man is deified, in accordance with Marxist theory, being the basis for the control of the universe. The Oriental philosophy that Gisors believes in after Kyo's death, however, attaches little importance to man per se. By dispersing human consciousness in the Great Whole of the universe, Chinese mysticism allows Gisors to reach the calm and serenity he longs for. Torn between the Western philosophy of success achieved through action on one hand, and the Oriental perspective which surrenders man to the will of the universe on the other, Malraux seeks direction. May's thoughts expressed at the end of the novel betray a certain departure from official Marxist theory. Malraux's Marxism is tainted with anxiety because he remains haunted by death which destroys everything in its path. This can be seen by the attitude that Malraux ascribes to Gisors, who is attracted to the comfort offered by Oriental wisdom. The author of La Condition humaine is curious about the Other. In the last pages of the novel, he puts in literary form some elements of traditional Chinese philosophy, having already drawn the reader's atttention to it in 1926 through the letters exchanged by Ling and A.D. 2001 Christian Morzewski : En ce qui concerne les personnages historiques, et à la différence très remarqualbe là aussi des Conquérants dont le texte est saturé de patronymes politiques et miliaries chinois plus ou moins illustres, Malraux se révèle particulièrement parcimonieux dans La condition humaine. Tchang Kaï-chek, dont la menace est omniprésent, n'apparaît explicitement nommé qu'en quelques occasions dans le roman ; d'autres « seigneurs de la guerre » n'ont droit quant à eux qu'à une seule nomination, comme Tchang Tso-lin, chef militaire du Nord, ou Feng Yu-shiang, autre 'toukioun'. Et Sun Yat-sen lui-même n'est qu'un 'hapax' tardif dans ce roman où Malraux ne force décidément pas plus la couleur historique que l'exotisme anthroponymique chinois. La même édulcoration va se retrouver dans les toponymes chinois, quxquels le romancier sacrifie le moins possible semble-t-il. En dehors de Shanghaï, la ville de Han-k'eou, berceau de l'insurrection communiste, sera la seule à être régulièrement citée ; Canton, Tient-sin, Chant'eou ou Pékin n'aparaissent qu'une fois, tout comme Hong Kong ou Nankin, pour ne citer que les villes les plus importantes. Le fleuve Yang-tseu n'est qu'une fois nommé, malgré son importance symbolique dans les méditations des personnages et dans le « climat » du roman. Une seule allusion enfin à une province du centre de la Chine, le Hou-pei. Les seules facilités que Malraux s'accorde avec l'exotisme linguistique de ses personnages, les rendant ainsi encore plus chinois à des oreilles françaises. On ajoutera seulement que ces particularités linguistiques ou phonétiques, si elles contribuent assez efficacement à cet effet de « chinoiserie », relèvent aussi chez Malraux d'une concetpion plus intéressante de l'idiolexie, liée à sa poétique des personnages. Dans son évocation du cadre de l'action, des personnages et des « moeurs et coutumes » chinoises, il va arriver aussi à Malraux de sacrifier ici ou là à queulques chromos – concessions du romancier au « folklore » imposé par l'horizon d'attente du lecteur français, en droit d'espérer qu'un roman censé de passer dans un pays aussi étranger pour lui que la Chine lui apporte la dose convenue d'exotisme. Le décor fournit quelques inévitables cartes postales, spectacles des rues grouillantes de Dhanghaï ou intimité d'un intérieur chinois « plus vrai que vrai » décrits par Malraux sans grande originalité. Ainsi de la foule de Shanghaï qui se prépare à l'exode juste avant le déclenchement de la grève générale. Si l'on s'intéresse aux personnages de Chinois présents dans La condition humaine, on sera contraint de constater là aussi la pauvreté et le caractère ultra-conventionnel de leur représentation. Du petit peuple de la rue évoqué dans ses mille occupations, Malraux ne nous restitue que des inventaires très faiblement descriptifs. Portraitiste très conventionnel, Malraux ne manifeste pas vraiment plus d'originalité en qualité d'éthologue, et sacrifie trop volontiers là aussi aux clichés occidentaux sur les « moeurs et coutumes » chinoises. A défaut d'une connaissance directe et approfondie de la Chine, il faut rappeler que Malraux était depuis longtemps en relation de familiarité intime et de fascination profonde avec l'Asie. La Chine de La condition humaine est largement allégorique et une analogie très éclairante, Shanghaï n'y jouera pas un rôle plus important que Saint-Pétersbourg dans Crime et châtiment. D'où cette impression curieuse, pour le lecteur français, d'une Chine à la fois très proche, très semblable, très familière – et en même temps très lointaine, très différente, très étrangères (bien que conforme aux représentations stéréotypées et fantasmatiques qui forment et saturent l'imaginaire occidental sur la Chine et les Chinois. La Condition humaine a peu à faire d'une reconstitution réaliste de la Chine de 1927. Les quelques images fortes que le jeune Malraux avait glanées lors de ses deux passages en Chine lui suffisaient largement, avec quelques souvenirs de lectures : Loti, Segalen, Claudel, et au besoin de renfort de différents matériaux importés d'Indochine. 2001 Liu Chengfu : Malraux nous a montré tous le processus d'une autre insurrection que dans Les conquérants, celle des ouvriers de Shanghaï : les communistes ont mobilisé une grève générale, en profitant de la situation favorable à l'Armée d'Expédition du Nord. Mais celle-ci n'a pas pu s'emparer immédiatement de la ville, et Jiang Jieshi s'allie avec de grands capitalistes et des impérialistes européens. Il veut obliger les groupes de combat communistes à livrer leurs armes, mais ceux-ci, surtout le noyau directeur du Parti, mènent courageusement une lutte acharnée contre la politique de réconciliation de la troisième Internationale. Leur résistence est cruellement réprimée par Jiang Jieshi. Dans la deuxième partie du roman, l'auteur nous a montré de manière très réussie la scène extrêmement touchante de la mort héroïque des communistes et des insurgés dans ce mouvement révolutionnaire. La révolution chinoise qu'il a décrite, ou le cadre de la Chine qu'il a emprunté, neu peuvent pas être considérés, à nos yeux, comme le but principal ou final de sa création littéraire. Nous pouvons bien sentir l'atmosphère de l'époque. D'un côté, dans les années vingt, tout est noir en Chine, mais beaucoup d'intellectuels chinois se lèvent, cherchent à réveiller le « lion » dormant depuis cent ans. Avec une volonté ferme et opiniâtre, ils organisent des mouvements révolutionnaires de grande envergure qui bouleversent le monde entier. Les années vingt constitutent une page-clé de l'histoire de la Chine. D'un autre côté, à travers sa description de tous les personnages de différentes nationalités, nous pouvons percevoir aussi l'humanité : la Chine est plutôt le présage de l'Europe. Les valeurs humaines manifestées chez ces héros sont étroitement liées aux valeurs européennes d'alors, et dans une perspective plus large, elles sont transculturelles ou universelles. Pour chercher la dignité de l'homme et la valeur de l'homme, ces héros livrent un défi violent à leur destin, à travers leurs activité conscientes et à travers leurs actes héroïques dans une collectivité très unie. C'est avec une sorte d'héroïsme et d'audace qu'ils engagent leur vie. Ils représentent en quelque sorte la sagesse, la volonté, le refus et l'opposition à l'arrangement du destin et à la mort absurde. Sous la plume de Malraux, l'existence de l'homme s'est transformée en recherche de l'origine et du sens de la vie. Pour lui, la Chine est un décor, un cadre ou une référence pour sa création. La révolution chinoise a provoqué voire approfondi les réflexions philosophiques sur la vie. A ses yeux, la révolution chinoise est un mythe, elle permet à ceux qui refusent l'arrangement du destin de créer sans grande difficulté la meilleure atmosphère de communication, de propager ou de chanter une sorte de volonté ferme, persistante et active, ce qui n'est issu que d'une vie très malheureuse et d'une réalité horrible. Face à ce qui est incompréhensible, Garine trouve tout absurde, surtout quand il est gravement malade, il sent que l'absurdité a retrouvé ses droits. Aux yeux de Gisors, puisque Dieu est mort, et que le superpuissant Dieu qui décide du sort de l'humanité n'existe plus, comment va-t-on traiter l'âme de l'homme ? Le monde est absurde. C'est pourquoi, il cherche toujours par la violence à chasser la tristesse, la solitude et la mélancolie qui l'obsèdent terriblement durant toute sa vie. On dit souvent que Malraux a beaucoup été influencé par la pensée pessimiste de Pascal, de Nietzsche, ou de Schopenhauer, mais en réalité, il a accepté en même temps l'humanisme traditionnel. Malraux a bien lié la vie à la mort, le destin à la révolte, ainsi que la dignité de l'homme à l'humiliation de l'homme. C'est en prenant l'homme pour le centre ou le noyau de ses réflextions qu'il a fondé sa philosophie de vie dans ses deux romans. Aux yeux de Malraux, le destin de l'homme est cruel, absurde et tragique, mais absolument pas invincible. Dans les années vingt, la révolution chinoise manifeste exactement la philosophie que Malraux voulait exploiter d'une manière très approfondie : donner de la lumière et de l'espoire à ceux qui vivent désespérés en Europe. La révolution chinoise est devenue un instrument pour atteindre son but artistique, qui est de chercher à faire connaître à tous les hommes de bonne volonté le sublime de sa propre activité. Il espère, par sa création littéraire, changer la tragique condition humaine et le destin malheureux de l'homme. Pour Malraux, l'histoire cherche à transformer le destin en conscience alors que l'art permet en effet de transformer le destin en liberté ; la révolution n'est pas le but de la vie, mais un moyen pour se débarrasser de l'absurdité surtout de la mort. 2005 Che, Jinshan. La condition humaine : quel intérêt particulier pour un lecteur chinois ? Dans la lecture de La condition humaine, ce qui attire d'abord l'attention du lecteur chinois, c'est l'aspect chronologique du roman : l'histoire est composée de courtes séquences non seulement datées, mais aussi marquées d'une heure précise, et le roman s'apparente ainsi à une sorte de reportage minutieusement rédigé. Cela produi un efficace effet de réel. Le drame se joue en quelques jours, l'action y gagne en densité et en intensité. Le style d'écriture du roman, avec les référents chinois semés ça et là dans la fiction, invite quand même, naturellement, immanquablement et presque légitimement, un lecteur chinois à prendre le jeu au sérieux, en essayant de reconstruire les événements et les sentiments vécus ou connus. D'autant plus que cette forme romanesque lui est assez familière, car elle s'accorde parfaitement avec la longue et riche tradition chinoise de la chronique, officiellement établi dans toutes les anciennes dynasties, qui a abouti finalement à un résultat monumental qu'on appelle 'Les 25 histoires', y compirs celle de la dynastie des Qing. De plus, le roman chinois, sous sa forme développée, provient précisément de ce genre de la chronique, à la différence du roman occidental qui trouve son origine plutôt dans l'épopée : s'est ainsi fondée dans la littérature chinoise une importante tradition romanesque nommée Shizhuan, soit une tradition d'histoire et de biographie. Elle est à la fois une conception du roman, une norme esthétique et une valeur idéologique. Mais elle exige avant tout, avec une nostalgie de sa naissance, une reconstruction de la vérité historique. Un lecteur chinois, consciemment ou inconsciemment formé dans cette culture, lors de sa lecture d'un roman ayant pour thème la révolution chinoise, ne peut éviter de référer les événements narratifs à l'Histoire, avec 'sa grande hache', et de prononcer un jugement de valeur principalement en fonction d'une fidélité présupposée. En Chine, on peut saisir et comprendre la dimension métaphysique qui se trouve à l'intérieur de La condition humaine, mais devant une exigence plus primordiale et plus urgente de la tradition romanesque chinoise, la réflexion sur le destin de l'homme, où l'on voit souvent en Chine une sorte d'existentialisme sartrien avant la lettre, est négligeable et négligée. A cause de cela, le roman traduit en chinois n'a eu aucun succèes et le nom de l'auteur n'a jamais atteint le grand public chinois. 2005 Loehr, Joël. La Chine ou la révélation du signe. Le roman de La condition humaine est orienté par la question qui se pose à Tchen au point de départ : « Que faire d'une âme s'il n'y a ni Dieu ni Christ ? » Cette question relance en fait un débat inquiet que Malraux avait d'abord exposé dans La tentation de l'Occident, où se signait la fin d'un théotropisme du sens. Il en expose les termes dans la formule d'un échange épistolaire. La valeur et la fonction du signe est reprise à l'épicentre de La condition humaine, dans la formule d'un échange dialogué. Il exige la médiation d'un interprète (Gisors), et se produit non plus autour d'un masque antique, mais au milieu de lavis épars. Deux personnages y sont confrontés. On a d'un côté un Polichinelle occidental et borgne : Clappique porte sur son oeil droit 'un carré de soie noire'. De l'autre, c'est Kama, un artiste japonais, qui déclare que, sans l'antenne sensible de son pinceau, il serait parfaitement aveugle. A travers ces deux personnages, Malraux oppose précisément deux points de vue. En Occident, l'oeuvre d'art serait un reflet quasi narcissique de l'identité de l'artiste. En Orient, en effet, la création artistique établit une relation fusionnelle entre l'homme et le monde, une communion par laquelle s'approfondit l'approche de son énigme. Selon Kama : « Le monde st comme les caractères de notre écriture. Ce que le signe est à la fleur, la fleur elle-même, cell-ci l'est à quelque chose. Tout est signe. Aller du signe à la chose signifiée, c'est approfondir le monde, c'est aller vers Dieu. » On a là une occurrence du mot 'Dieu' qui donne à entendre cette sentence d'ascète oriental comme une réponse différée à la question angoissée posée à Tchen, et qui est en réalité celle de tout l'Occident déchristianisé. Mais c'est une réponse que Tchen ne peut entendre. L'échange avec Kama est implanté au centre d'une partie qui s'ouvre avec le terroriste, mis en marche vers son destin, et se referme sur une séquence où cette marche s'accélère en un course suicidaire. Dans sa traversée nocturne de Shanghai, Tchen suit pour sa part la voie d'une mystique sacrificielle, où il pense trouver la réponse à la question initiale. L'attentat terroriste par lequel il accomplit sa vocation débouche cependant non sur une épiphanie, mais sur le vide du non-sens. 2005 Moraud, Yves. La Chine dans La condition humaine : une esthétique du mystère. De ce mystère, Malraux a fait une catégorie non moins esthétique que métaphysique, dont sa conception du roman et sa conception de l'homme sont profondément révélatrices, comme en témoigne la fréquence de mots tels que 'secret', 'inconnaissable', 'inconnu', 'insaisissable', 'enigme', 'mystérieux', 'infini', 'silence', 'nuit', 'brume' etc. Qui nous conduisent à penser que Malraux n'écrit qu'aux abords de cette zone mystérieuse dans l'homme et dans ses rapports avec le monde où le dire n'est jamais que défi à l'indicible qui est langue silencieuse du sacré. Mais ce mystère qui tient aux paysages, aux personnages, à la nature du discours romanesque, et plus largement à ce que Malraux appelle 'l'optique du roman' fait de La condition humaine, comme roman, non seulement 'une dépendance de la poésie', mais aussi l'expression de l'exotisme au sens où l'entendait Victor Segalen. A parcourir toute son oeuvre, nous constations que le mystère qui l'obsède et qu'il ne cesse d'interroger, comme s'il voulait élargir l'espace propre de la réflexion à l'infini de l'indicible et de l'impensé, le mystère donc, André Malraux, tout au long de sa vie le voit sous diverses occurrences surgir partout : au coeur de la civilisation occidentale en crise, 'première civilisation consciente d'ignorer, dit-il, la signification de l'homme', et qui ne connaît pas sa raison d'être, bref une civilisation inquiète où le sens s'est perdu ; au coeur de l'homme dont les fondements métaphysiques et religieux se sont effondrés et qui se demande, à l'instar de Tchen 'que faire dûne âme, s'il n'y a ni Dieu ni Christ'. Malraux, fasciné par la peinture et défenseur de l'esthétique cubiste, fait de l'univers de ses romans un univers plastique où les sons et les lumières ont une valeur dramatique, psychologique, symbolique, et contribuent à transformer la réalité. Dans La condition humaine, le décor sonore et les éclairages sont sans doute moins accordées à la Chine révolutionnaire, même si elle en a été l'incomparable occasion, qu'à une voix dont Malraux est obsédé comme poète. Sans doute cette atmosphère nocturne qu'il a inventée et dans laquelle il plonge Shanghai, cette atmosphère mystérieuse est bien celle de la vie souterraine de ces hommes à l'afflût, pris entre l'angoisse et l'espoir, qui se préparent d'abord à combattre pour l'insurrection, puis un peu plus tard à disparaître, vaincus, traqués, assassinés ou exécutés par les troupes de Tchang Kaï-chek. Chine ancienne et traditionnelle dont le confucianisme et le taoïsme ont sculpté l'image du bonheur en supprimant l'individualisme et en inscrivant les Chinois dans des rythmes fondamentaux et universels d'un côté, Chine nouvelle fascinée par les valeurs européennes de l'autre côté. C'est peut-être moins aux contenus respectifs de ces cultures contradictoires que Malraux est sensible qu'à ce vide identitaire d'une Chine où « rien de ce qui fut détruit n'a été remplacé ». Si, dans La condition humaine, le mystère, comme on l'a suggéré, est au fond moins une caractéristique du paysage urbain, nocturne et silencieux, de la Chine, que le paysage lui-même, qui se trouve ainsi placé sous le signe de l'indéterminé et de l'insaisissable d'une mise à l'épreuve de la raison, d'une interrogation inquiète de l'être sur lui-même. A l'instar des grandes oeuvres de son Musée imaginaire, La condition humaine confirme que, pour Malraux, le salut de l'homme, s'il dépend du combat au'il mène contre l'histoire au nom de sa dignité et de son sens de la fraternité, rpose davantage encore sur le mystère de la création poétique en laquelle il voit un exorcisme hallucinatoire du réel et de la mort. Zhang, Yinde. La tentation de Shanghai : espace malrucien et hétérotopie chinoise. La topographie de Shanghai, dans La condition humaine, revêt un caractère imprécis et fragmentaire, que l'on attribue souvent à la volonté de l'auteur de gommer les marques d'un exotisme xomplaisant et de la concevoir selon son projet pascalien, révélateur de la condition universelle de l'homme. Le renoncement au plan d'ensemble chez Malraux se traduit d'abord par l'imprécision topographique, attestée par l'absence d'esquisses en marge de ses manuscrits. Elle est confirmée par les rues sans nom excepté l'avenue de Nankin et celle des Deux-Républiques et par un balisage inexistant dans les itinéraires de personnages hormis celui de Ferral et de Kyo, qui par l'avenue des Deux-Républiques, quittent la Concession pour entrer dans la cité chinoise, où la première rue est celle des marchands d'animaux. Cette parcimonie est compensée plus ou moins par des notations toponymiques sur des lieux concrets, que l'on découvre cependant de loin. La Condition humaine se construit sur une structure « alvéolaire » de la géographie shanghaienne : cité cosmopolite par son histoire et par l'imaginaire collectif, Shanghai se divise en une ville chinoise et en concessions internationales et française. La juxtaposition référentielle de ces deux domaines chinois et extraterritorial, sources de confrontations politiques, économiques et culturelles reçoit sa transfiguration textuelle pour devenir « le lieu géométrique d'un système binaire d'oppositions symboliques ». L'antagonisme, au niveau narratif, entre l'Europe du Consortium symbolisée par Ferrai et celle de la décadence incarnée par Clappique d'une part, et l'Asie des révolutionnaires et celle de la multitude chinoise aliénée, d'autre part, s'appuie sur une configuration spatiale dichotomique, nettement dessinée par la démarcation géographique et sociale. L'opposition des deux mondes est clairement signalée par une frontière matérialisée par cette avenue des Deux-Républiques. Sans qu'il s'agisse d'étanchéité, le passage ville chinoise-concession ne fait que souligner davantage les obstacles, dressés avec les barrières, grilles et barbelés, qui portent les stigmates concrets de la division. Ces dispositifs de protection, dont témoignent Tchen après l'assassinat, Kyo dans ses activités clandestines ou encore Ferrai, se répercutent dans les espaces de socialité. « Les concessions, les quartiers riches, avec leurs grilles lavées par la pluie à l'extrémité des rues, n'existaient plus que comme des menaces, des barrières, de longs murs de prison sans fenêtres : ces quartiers atroces, au contraire ... palpitaient du frémissement d'une multitude à l'affût. » La perception et l'analyse antinomique de Kyo, qui justifie son action militante, renvoient à ces deux réalités en effet diamétralement opposées. Les intérêts économiques des Occidentaux se cachent, dans les concessions, dans ces résidences patriciennes dont l'intérieur, épuré et stylisé, s'organise autour d'oeuvres d'art, comme chez Ferrai. Ils s'exhibent surtout dans les lieux publics fréquentés par les Européens, tel le Black Cat, éclairé à deux heures du matin par 1' « enseigne lumineuse », où le «jazz était à bout de nerfs », où la musique maintenait les invités dans une « ivresse sauvage ». Le cercle français offre à Ferrai un havre où il vient se dégriser des nuits erotiques et cauchemardesques, pour, dans une conversation éveillée, « rétablir des rapports avec un être » ou pour collecter au bar les « rumeurs de la journée ». Au casino, le jardin dégage le « parfum amer » des « buis et des fusains mouillés » qui rappelle l'Europe ; au grand salon « dans une brume de tabac où brillaient confusément les rocailles du mur, des taches alternées - noir des smokings, blanc des épaules - se penchaient sur la table verte. » Les concessions n'abritent pas seulement cette exterritorialité luxurieuse et étrange. Elles dressent en leur sein des barrières sociales entre les financiers et les « petits Européens » comme Hemmelrich. Les magasins chinois, avec leurs arrière-boutiques encombrées et obscures, lieux de complot et de préparation de l'insurrection, se rapprochent déjà de l'atmosphère de la ville chinoise. La représentation de la cité chinoise, comme les concessions, emprunte sans doute au reportage d'André Viollis sur la bataille sino-japonaise de 1932, en dégageant des notes conformes aux chromos de l'époque : l'immense et bourdonnante cité chinoise étale ses hôtels et ses parfums capiteux, ses trottoirs luisants et ses boîtes de nuit, mais aussi son fleuve et ses coolies vêtus de toile bleue, Arsenal et filature, pousses, marchands à balance, bars et bordels. Rien d'exceptionnel quand on voit Clappique parcourir « une rue de petits bars, bordels minuscules aux enseignes rédigées dans les langues de toutes les nations maritimes », dans cette ville portuaire de marins et de prostituées. Malraux remotive pourtant le lieu en le transformant en topos révolutionnaire. Au balcon de son hôtel, Tchen observe cette ville en bas où sommeillent « des millions de vies ». Si « les lumières de minuit reflétées à travers une brume jaune par le macadam mouillé » lui renvoient une ville des opprimés, artisans « imbéciles » de leur propre aliénation, en revanche, Kyo et Katow voient dans ces lieux un « bon quartier » pour préparer des insurrections. Ils observent le même prolétariat besogneux : « un demi-million d'hommes : ceux des filatures, ceux qui travaillent seize heures par jour depuis l'enfance, le peuple de l'ulcère, de la scoliose, de la famine ». Ils perçoivent aussi les mêmes lumières « misérables allumées au fond de l'impasse et de ruelles ». Mais un orage à tout moment peut éclater pour percer ces « nuages très bas lourdement massés » au-dessus de ce sommeil apparent : « Les verres qui protégeaient les ampoules se brouillèrent et, en quelques minutes, la grande pluie de Chine, furieuse, précipitée, prit possession de la ville. » La ville de Shanghai se confine ainsi chez Malraux dans l'image matricielle du cachot, de la prison, qui hante toutes les représentations spatiales du texte, intérieures et extérieures. Les barreaux de fenêtre de la chambre d'hôtel, les maison chinoises sans fenêtre, la succession des champs clos de la ville s'associent à la métaphore obsédante de la cage pour dessiner une géographie carcérale générale. Si la ville de Shanghai est enveloppée des ténèbres de la solitude et de l'angoisse devant la mort, elle porte aussi une lumière révélatrice qui la transfigure en un lieu initiatique conduisant à l'Absolu. La célébration malrucienne de cette ville contraste avec sa condamnation, par les romancier chinois qui, révoltés contre les tares de la société, en font un lieu diabolique et apocalyptique. |
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16 | 1937 |
Michaux, Henri. Portrait du Chinois. [In : Oeuvres complètes]. Er schreibt : « Le Chinois est sensible à la nature ; non comme l'Allemand ou l'Anglais, mais comme le hareng ou la fourmi. Le Blanc s'entoure d'un jardin, mais il n'est pas dans l'esprit de la nature. Le Chinois, au contraire, 'est de la Nature', plein de contradictions, de règles aussi, de compromis et toujours florissant. « La peinture chinoise semble la nature même, non par des tableaux en trompe l'oeil, tout au contraire, le peintre doit saisir les harmonies profondes, essentielles. Trois mois dans la montagne et la peindre en trois traits. » Anne Chamayou : Le texte resserré dans l'espace d'un portrait, cherche dans la releation du Chinois et de la Nature l'unité de sa composition ; tout y est en effet centré sur le leimotiv de la nature. |
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17 | 1938 |
Claudel, Paul. Méditations sur une paire de chaussures [MS]. Er schreibt : « Les Chinois ont remarqué que les objets usuels longuement employés par un même maître ont pris une espèce de personnalité, un visage propre, j'allais presque dire une âme, et le folklore de toutes les nations est rempli de ces êtres plus humains que l’homme, puisque c'est à l'homme seul qu'ils doivent leur existence, et qui, à son contact éveillés, ont pris peu a peu une espèce de vie propre et d'activité autonome, une espèce de volonté latente et fée. |
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18 | 1963 |
Yourcenar, Marguerite. Comment Wang-Fô fut sauvé [ID D24656]. Wang-Fô, vieux peintre chinois est condamné à mort par l'Empereur qui l'accusait d'imposture, jugeant ses peintures beaucoup plus belles que le monde réel. Mais avant que l'exécution soit appliquée, l'Empereur a demandé à Wang-Fô de finir un chef-d'oeuvre inachevé qui représente le paysage de la mer et du ciel. Le peintre s'est plongé dans sa création et les eaux issues de son pinceau envahissent peu à peu la salle impériale. Sous les yeux de l'Empereur et de son assistance, Wang-Fô s'embarque avec son disciple sur un canot dont il vient de tracer l'image et ils disparaissent à jamais parmi les flots. Duan Yinghong : Marguerite Yourcenar nous a signalé dans le post-scriptum des « Nouvelles orientales » : « Comment Wang-Fô fut sauvé s'inspire d'un apologue taoïste de la vieille Chine », et à Matthieu Galey elle a écrit : « Wang-Fô sort d'un conte taoïste, je ne l'ai pas inventé ». Yourcenar esquisse à grands traits le portrait d'un artiste désinvolte qui se réjouit des images de la nature et mène une vie dépouillée. Le vieux peintre Wang-Fô, accompagné de son disciple Ling, errait dans le royaume de Han. On dirait que Wang-Fô est un visionnaire, car il est capable de découvrir de la beauté dans les images quotidiennes et banales aux yeux des autres. Pour lui, l'image des choses contient tant de merveilles qu'il la préfère à la possession réelle. Cette capacité magique de Wang-Fô lui a appris à connaître « la beauté des faces de buveurs estompées par la fumée des boissons chaudes, la splendeur brune des viandes inégalement léchées par les coups de langue du feu, et l'exquise roseur des taches de vin parsemant les nappes comme des pétales fanés ». Ling, jeune homme élevé dans une famille riche où la vie entourée de soins le rendait craintif est devenu disciple fidèle du vieux peintre. Wang-Fô lui a ouvert un nouveau regard sur le monde : sous l'apparence ordinaire, les objets quotidiens contiennent une beauté peu commune ; sous forme violente, les activités de la nature offrent des images divines. Aux yeux de Wang-Fô, le réel est trop vrai pour représenter l'essentiel. Nous saisissons aussi le secret de Wang-Fô visionnaire : initié au Tao, il sait considérer les choses d'un point de vue inhabituel. C'est ainsi qu'il est capable d'établir l'alliance entre les opposés et d'instaurer l'harmonie où ceux qui ignorent le Tao ne voient que la division et le désaccord. L'absence de toute ambition et de toute vanité permet à Wang-Fô d'agir, en toutes circonstances, suivant son penchant naturel. Il garde son esprit libre et serein même devant les mésaventures. Au moment où l'Empereur a annoncé les punitions réservées à Wang-Fô, Ling s'est lancé vers l'Empereur dans l'intention de le poignarder, mais il s'est fait tuer par les soldats. Wang-Fô, « désespéré, admira la belle tache écarlate que le sang du son disciple faisait sur le pavement de vierre verte ». Dans cette nouvelle, l'Empereur est un personnage présenté à l'opposé de Wang-Fô. Le jeune Empereur a été elevé dans la salle la plus secrète du palais où son père avait rassemblé une collection de peintures de Wang-Fô. C'est un endroit étroitement confiné, car pour protéger la candeur du futur souverain, personne n'était en droit d'en franchir le seuil. Le futur empereur se servait donc de ces peintures pour se représenter le monde extérieur qui le déçoit quand il sort enfin de son palais. C'est la raison pour laquelle il a fait arrêter le vieux peintre, l'accusant de mensonge. Wang-Fô nous parait à la fois fantaisiste et fataliste. D'une part, il dispose à sa guise d'une liberté spirituelle absolue par laquelle il apprécie la vie à tout moment et sous toutes ses formes, d'autre part, il reconnaît le Destin irréversible devant lequel il s'incline sans protester. Seule la soumission du Destin peut déliverer l'être humain du désespoir de la mort inévitable pour toute existence et réconforter l'âme en proie aux souffrances. C'est pourquoi Wang-Fô devant la mort, sans être paralysé par l'angoisse arrive à se concentrer sur sa création artistique avec extase. C'est avec lucidité que le vieux peintre chinois fait face à sa propre mort. Cette lucidité doit être interprétée comme une volonté d'intégrer la mort dans la vie. C'est dans ce sens-là que le fatalisme taoïste n'est pas un fatalisme aveugle et passif, mais un fatalisme lucide pour ainsi dire héroïque. Deux eunuques lui ont apporté la peinture inachevée. Dans la contemplation, Wang-Fô fixe son attention sur la nature même. A force de scruter les paysages, il finit par s'incorporer et oublie sa propre existence. C'est ainsi qu'il a saisi le principe ontologique de la création cosmique sous toutes ses formes. C'est ainsi qu'il a enfin trouvé ce quelque chose qui manquait dans son oeuvre de jeunesse. Dans la contemplation, le sujet et l'objet s'effacent, la nature et l'homme fusionnent, plus rien au monde à part quelque chose d'ineffable et d'invisible, quelque chose qui circule partout et toujours, quelque chose qui agit efficacement sans laisser aucune trace. Wang-Fô disparu dans la mer de jade bleu, l'Empereur et son assistance restent dans la salle impériale, perplexes, n'ayant qu'un souvenir incertain de ce qui vient de se produire sous leurs yeux. |
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19 | 1967 |
Michaux, Henri. Un barbare en Asie. Nouv. éd. revue et corrigée [ID D21734]. Er schreibt : « Quand je vis l'Inde, et quand je vis la Chine, pour la première fois, des peuples sur cette terre me parurent mériter d'être réels. » « Certains s'étonnent qu’ayant vécu en un pays d'Europe plus de trente ans, il ne me soit jamais arrivé d'en parler. J’arrive aux Indes, j'ouvre les yeux, j'écris un livre. Ceux qui s'étonnent m'étonnent. Comment n'écrirait-on pas sur un pays qui s'est présenté à vous avec l'abondance des choses nouvelles et dans la joie de revivre. » « Voyage réel entre deux imaginaires. Peu-être au fond de moi les observais-je [le voyage en Inde et la voyage en Chine] comme des voyages imaginaires qui se seraient réalisés sans moi, oeuvres 'd'autres'. Pays qu'un autre aurait inventé. J'en avais la surprise, l'émotion, l'agacement. C'est qu'il manque beaucoup à ce voyage pour être réel. Je le sus plus tard. Faisais-je exprès de laisser de côté ce qui précisément allait fair en plusieurs de ces pays de la réalité nouvelle : la politique ?... Ce livre qui ne me convient plus, qui me gêne et me heurte, me fait honte, ne me permet de corriger que des bagatelles le plus souvent. Il a sa résistance. Comme s'il était un personnage. Il a un ton. A cause de ce ton, tout ce que je voudrais en contrepoids y introduire de plus grave, de plus réfléchi, de plus approfondi, de plus expérimenté, de plus instruit, me revient, m'est renvoyé... comme ne 'lui' convenant pas. Ici, barbare on fut, barbare on doit rester. » |
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20 | 2001 |
Yu Bin : En Chine, le nom d'André Malraux est beaucoup moins célèbre que celui de Sartre, Camus, Simone de Beauvoir etc., et même moins connu que celui d'Henri Barbusse et de Louis Aragon. Il n'a jamais été le centre d'intérêt du monde littéraire chinois, et aucune preuve n'atteste qu'un écrivain chinois ait été influencé par lui. Bien que plusieurs de ses ouvrages prennent la Chine comme fond historique, les lecteurs chinois le connaissent très peu. Les spécialistes de littérature française et de littérature comparée sont-ils ceux qui montrent le plus d'intérêt pour Malraux, mais dans ce cercle restreint, pendant longtemps, il n'arriva pas à attirer l'attention des chercheurs chinois. Les articles à son sujet se contentant pour la plupart de l'introduire sommairement. Actuellement, son nom apparaît souvent dans des revues, et attire l'attention d'une partie de lecteurs, mais ceux-ci s'intéressent évidemment plus à sa carrière légendaire qu'à son oeuvre, autrement dit, il revient à l'horizon des lecteurs chinois comme un romancier mythique, non comme un romancier célèbre. On peut presque être sûr que, dans le futur, l'oeuvre de Malraux romancier continuera à tomber dans l'oubli, alors que sa biographie sera mieux reçue que ses romans. Les conquérants, La condition humaine et L'espoir traitent tous les grands événements historiques de ce siècle. Dans un contexte où la littérature occidentale contemporaine se tourne généralement vers « le petit monde » individuel, sa description du « grand monde » à la manière d'une quasi épopée semble éclatante. Bien que des romans s'écartent de temps en temps du réalisme traditionnel, sa technique est globalement réaliste. Il va sans dire que Malraux a des sympathies révolutionnaires. Cependant, il n'arrive pas à éviter la critique politique. A cette époque-là, Malraux était un personnage actif et politique, son attitutde était jugée en Chine non seulement douteuse, mais aussi pour ainsi dire réactionnaire. Evénements clés de l'histoire du Parti Communiste Chinois, la Grande Grève de Sheng Gang et le coup d'Etat du 12 avril 1927 sont des sujets historiques sérieux dont l'interprétation et l'évaluation sont déterminées par les résolutions des instances les plus élevés du P.P.C., et l'écriture littéraire doit s'y conformer. Plus le sujet traite de questions historiques, plus on sera exigeant envers son contenu idéologique. Même si Malraux a des sympathies révolutionnaires, il a évidemment interprêté la révolution chinoise à sa façon. Sans parler de la tradition chinoise évoquée ci-dessus, son interprétation ne pouvait absolument pas être acceptée. Donc, contrairement à ce que l'on pouvait imaginer, à cette époque particulière, choisir la révolution chinoise comme sujet, loin de susciter un accueil chaleureux, a créé un obstacle pour le rapprochement des lecteurs chinois. « La littérature ample et puissante » de Malraux, compte tenu des mentalités de l'époque, paraît vide de sens, exagérée, et même hors de propos. En fait, l'oeuvre de Malraux ne manque ni d'interrogations existentielles (l'absurdité de la condition humaine est même son thème essentiel), ni de préoccupations individuelles ; pourtant, les lecteurs chinois préfèrent en découvrir le traitement manifeste chez Camus et Sartre que d'en chercher le noyau latent dans la symphonie révolutionnaire tapageuse de Malraux. D'autre part, comparé à Camus et aux écrivains du Nouveau Roman, Malraux semble conservateur et dépassé en matière d'art littéraire, n'offrant pas la fraîcheur suffisante et donc pas l'inspiration suffisante aux écrivains chinois. Lorsque les écrivains d'avant-garde se sont lancés dans diverses espérimentations artistiques, Malraux n'était sûrement pas un exemple à suivre : cela l'a condamné à l'anonymat en Chine. Les chercheurs chinois semblent incapables de franchir le seuil du réalisme. Par exemple, ils lisent d'abord les deux romans Les conquérants et La condition humaine comme des récit de l'histoire révolutionnaire chinoise. Les Chinois s'obstinent à lire un roman comme s'ils lisaient l'histoire. Le réalisme européen, rapidement accepté dès son introduction en Chine, est devenu l'école principale, ceci étant évidemment lié à l'imprégnation de la tradition historique chinoise dans la littérature. Puisque les romans de Malraux se sont inspirés d'événements historiques importants de la révolution chinoise, les critiques chinois ont naturellement utilisé la règle réaliste. Ainsi, la première question à résoudre avant d'analyser et d'évaluer l'oeuvre de Malraux était celle-ci : « ses romans ont-ils reflété la vérité historique ? Et dans quelle mesure ? » Pourtant La réponse est décevante, car sa description de la révolution chinois lui est très personnelle. A l'exception de quelques noms de personnages vraisemblables, il n'y a presque aucun lien avec la réalité chinoise. Même si les noms réels de lieux, de personnages et des événements historiques servent de point de repère, les tableaux que Malraux a décrits, son contexte et ses personnages sont néanmoins difficiles à reconnaître pour les lecteur chinois. Il n'a presque pas décrit de vrai révolutionnaire, ni de vrai Chinois. Les figures de révolutionnaires et du peuple chinois sous sa plume sont vraiment lointaines de la réalité ». On ne peut pas dire que Malraux n'avait aucun intérêt pour la Chine ; sa préoccupation pour la Chine avait un sens plutôt abstrait. Il a prêté une grande attention à la « condition humaine », mais « l'homme » ici signifie l'humanité, pas spécifiquement les Chinois, mais tout aussi bien les Occidentaux. Ce qui est significatif, c'est que son contexte et sa conscience des problèmes sont tous deux venus d'Occident. La preuve en est que les problèmes auxquels se trouvent confrontés ses personnages, tels que l'absurdité de la vie, la solitude de l'homme, l'incommunicabilité et le partage impossible des sentiments, etc., sont tous des problèmes symptomatiques de l'Occident moderne dont les Occidentaux ont pris une nette conscience et dont ils étaient très souvieux ; cependant, ce genre de problèmes était alors inconnu des Chinois. Etant donné que le reste de la production littéraire de Malraux et ses mémoires n'ont pas encore été introduits à la Chine, il est difficile de prévoir son destin en Chine dans le futur. |
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# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 2000- | Asien-Orient-Institut Universität Zürich | Organisation / AOI |
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