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“Victor Segalen's literary encounter with China : Chinese moulds, Western thoughts” (Publication, 1988)

Year

1988

Text

Hsieh, Yvonne Y. Victor Segalen's literary encounter with China : Chinese moulds, Western thoughts. (Toronto : University of Toronto Press, 1988). (Seg)

Type

Publication

Contributors (1)

Hsieh, Yvonne Y.  (1957-) : Department of French, University of Victoria, Kanada

Mentioned People (1)

Segalen, Victor  (Brest, Finistère 1878-1919 im Wald von Huelgoat, Finistère) : Schriftsteller, Dichter, Marinearzt

Subjects

Literature : Occident : France / References / Sources

Chronology Entries (28)

# Year Text Linked Data
1 1901 Claudel, Paul. L'arbre ; Tête d'or ; L'échange ; Le repos du septième jour ; La ville ; La jeune file violaine. (Paris : Mercure de France, 1901). [Geschrieben 1890-1897].

Le repos du septième jour.
Acte I : Administration de la Terre.
Acte II : Descente dans l'abîme.
Acte III : Ascension vers le Ciel – Sainteté.

Er schreibt 1954 : « D'une part un peuple plein de sève, fidèle à ses 'manières' immémoriales, d'autre part à travers les superstitions, à travers le Bouddhisme, le Confucianisme et le Tao (combien amusant et intéressant le Tao !) quelque chose d'antique et de vénérable, où les anciens Jésuites avaient vu comme une ombre de la Vérité révélée ! Que de conversations j'eus à ce sujet avec mon saint ami, le Père [Emile-Genest-Auguste] Colombet, qui me prêta le fameux livre du Père [Joseph] de Prémare ! C'est de ces conversations qu'est issu ce drame le Repos du septième jour. »

Yvan Daniel : Claudel ne cite pas précisément les écrits de Joseph Henri-Marie de Prémare, mais de nombreux indices permettent d'affirmer qu'il a lu certains d'entre eux. Les oeuvres chinoises ayant influencé Le repos du septième jour étaient toutes contenues dans les premières lignes du Notitia linguae sinicae [ID D1815]. Une lecture profonde permet de suggérer que Claudel n'a pas voulu illustrer grossièrement les théories de Prémare, il les a fait apparaître 'en figure', c’est-à-dire, par définition, de façon indirecte et symbolique. Il n'avait utilisé pour préparer la rédaction de son drame que les éléments fournis par cette oeuvre, réutilisant ces morceaux de phrases traduits sans contexte ni référence précise. Mais la lecture du Notitia ne suffit pas, pour expliquer les autres allusions présentes dans le drame, et les passages qui montrent une connaissance réelle de la culture chinoise des Classiques.
Pour ce qui concerne l'antiquité chinoise, Claudel a vraisemblablement étudié les traduction d'ouvrages historiques, annales ou 'chants' des Classiques. L'étude de l'antiquité chinoise dans Le repos du septième jour a montré que de nombreux passages de l'oeuvre semblent directement issus des lectures de l'auteur qui disposait d'un fonds assez important à l'époque de la rédaction. L'imagination et le style claudélien sont venus transformer et enrichir un matière originelle d'ailleurs sèche et souvent brève à cause des impératifs de la traduction ; on voit mal cependant comment tant d'éléments proprement chinois et remontant à la plus haute antiquité auraient pu être entièrement inventés par l'auteur avec tant de justesse. Ce sont ces ouvrages qui pouvaient apporter à Claudel le plus d'informations, et donner au Repos ce ton et ce lexique qui rappellent sans cesses les traductions jésuites. Claudel partage d'ailleurs avec la Compagnie de Jésus cette fascination pour la figure du Fils du ciel.
Claudel néglige la disposition rituelle du souverain et des dignitaires dans le palais, le premier étant 'tourné vers le midi pour montrer qu'il est ce que le principe de lumière et de chaleur est pour la nature', et les autres 'tournés vers le Nord'. Mais une telle mise en scène théâtrale n'aurait sans doute pas pris son sens face à un public occidental. La seule 'erreur' importante est celle de la procédure d'intronisation du nouvel empereur, à l'acte III. Selon la tradition, l'empereur est 'l'homme unique' et il ne peut y avoir de nouvel empereur de son vivant, car il ne peut y avoir 'deux rois dans le monde'. L'auteur fait de l'empereur un sage retiré du monde, ou même un saint, entremêlant ainsi habilement l'idéal confucianiste de la sagesse et l'idéal monastique chrétien. Cette fin est d'ailleurs préméditée, puisque Claudel n'ignorait pas que la tradition chinoise refuse que deux empereurs vivent en même temps. Si la mise en scène du protocole impérial est imparfaite, parfois 'occidentalisée' ou déformée par les modifications nécessaires dues au sens se l'oeuvre, les points majeurs de l'étiquette et la répartition des fonctions de cour sont conformes à la tradition.
Claudel imagine et met en scène l'apparition des prémices du christianisme dans la Chine antique. Ses références sont alors essentiellement religieuses, fondées sur les ouvrages des anciens figuristes jésuites qui pensaient avoir retrouvé 'en figure' dans les Classiques chinois, les vestiges de la révélation chrétienne.

Yvonne Y. Hsieh : Segalen first conceived the play Le combat pour le sol as a response to Paul Claudel's Le repos du septième jour. In a letter to Pierre d'Ythurbide (1913), Segalen expresses his disappointment over Claudel's work : "Ici, empoignant le grand mythe dur et pur du Fils du Ciel, il a produit un chaos sans consistance, et ce qui est pis que tout, une oeuvre bien ennuyeuse. Il avait un sujet précisément et admirablement dramatique. Il tenait entre ses deux grands poings un conflit, l'un des plus grands conflits qu'on puisse imaginer sous le Ciel puisque le Ciel de Chine rencontrait le Ciel Latin. Le résultat : deux fort longs sermons ennuyeux."
The emperor in Claudel's play ventures into the netherworld in search of an explanation. There, he learns of the true God first from the demon, then from an angel who reveals the solution to his problem ; namely the consecration of the seventh day of the week as a day of rest.
Lucie Bernier : Claudel juxtapose les éléments daoistes et chrétiens. L'Empereur Nouveau habillé des habits pontificaux reflète bien cette façon de s'exprimer. Dans cette première étape de l'interprétation de Laozi, l'image du Vide est récurrente mais sans toutefois contenir encore l'osmose entre les deux cultures qui caractérisera les écrits ultérieurs à 1921.

La ville
Bernard Hue : Les premières traces de taoïsme dans l'oeuvre de Claudel, peuvent être décelées dès 1890, dans la première version. Claudel converti se montre plus soucieux d'idées, de doctrines, de pensées que d'expression plastique et de recherches esthétiques. Deux appels simultanément se font entendre : celui de Dieu et celui du siècle, de ce monde tout rempli d'amour et de beauté, fait, lui semble-t-il, pour être passionnément conquies. C'est dans cette atmosphère de partage que se situe la découverte du tao. La ville reflète les permieères traces d'une connaissance toute récente du tao. Deux images, celles de la Terre et celle du Ciel, font penser à la conception du yin et du yang.
Lucie Bernier : La ville devient la pièce témoin des premières tentatives de recherche vers l'Autre de Claudel.
  • Document: Gadoffre, Gilbert. Claudel et le paysage chinois. In : Etudes de langue et littérature françaises ; 20 (1972). (Clau29, Publication)
  • Document: Hue, Bernard. Littérature et arts de l'Orient dans l'oeuvre de Claudel. (Paris : C. Klincksieck, 1978). (Publications de l'Université de Haute-Bretagne ; 8). S. 109-111. (Clau33, Publication)
  • Document: Bernier, Lucie. Loti, Segalen and Claudel in China, or the existential quest of three authors. In : East-West dialogue ; vol. 4, no 2 ; vol. 5, no 1 (June 2000). (Seg29, Publication)
  • Document: Daniel, Yvan. Paul Claudel et l'Empire du Milieu. (Paris : Les Indes savantes, 2003). S. 123, 125-127, 129-130, 145, 155-156, 295, 365, 382. (Clau24, Publication)
  • Person: Claudel, Paul
2 1904-1918 Segalen, Victor. Notes sur l'exotisme [ID D21561].
Er schreibt : "Exotisme : qu'il soit bien dit que moi-même je n'entends par là qu'une chose, mais universelle : le sentiment que j'ai du 'Divers'. Je conviens de nommer 'Divers' tout ce qui jusqu'aujourd'hui fut appelé étranger, insolite, inattendu, surprenant, mystérieux, amoureux, surhumain, héroïque et divin même, tout ce qui est 'Autre' – c'est-à-dire, dans chacun de ces mots de mettre en valeur dominatrice la part du Divers 'essentiel' que chacun de ces termes révèle."
"La sensation d'Exotisme : qui n'est autre que la notion du différent ; la perception du Divers ; la connaissance que quelque chose n'est pas soi-même ; et le pouvoir d'exotisme, qui n'est que le pouvoir de concevoir autre." "Voici un fait : je conçois autre et sitôt, le spectacle est savoureux. Tout l'exotisme est là."

Sekundärliteratur
1988
Yvonne Y. Hsieh : The relationship between 'self and other' preoccupied Victor Segalen for most of his life. The subject is inextricably linked with the concept of exoticism, on which he accumulated a series of notes. His broad definition of exoticism as 'la notion du différent', 'la perception du divers', 'la connaissance que quelque chose n'est pas soi-même' and the power of exoticism as 'le pouvoir de concevoir autre'.

(2000)
Marc Contard : L'essai se présente comme un ensemble de notes et aphorismes, des plans. En dépit de son inchèvement, cependant, malgré ses incertitudes, ses contradictions locales, l'essai nous révèle les grands principes de la poétique de Segalen, au sens le plus large : ésthétique et vision du monde. Son but est en effet de développer une conception du monde. La première tâche à laquelle il s'adonne est la redéfinition du terme même 'd'Exotisme', 'compromis', 'dangereux', 'équivoque', contaminé par l'idéologie coloniale ou par un usage touristique superficiel. Tout ce qui est 'en dehors' de l'ensemble de nos faits de conscience actuels, quotidiens, tout ce qui n'est pas notre 'tonalité mentale'.
Il est évident que, pour Segalen, l'Exotisme, dont il est venu chercher en Chine une sensation exacerbée, ne peut venir que de l'institution impériale, saisie à la fois dans l'archaïsme de ses 'Dix-mille années' et dans l'étrangeté rituelle de son focntionnement. La Chine moderne, entropique, ne l'intéresse pas et s'il a parfois des mots injustes, contre Sun Yat-sen ou même, contre le peuple chinois, c'est parce qu'il s'est construit autour de la figure de l'empereur une Chine imaginaire, idéale, intérieure, une Chine épurée par le point de vue exotique.
Car la Chine de Segalen réduite aux traces architecurales et monumentaires de la présence impériale reste und Chine littéraire, très éloignée de la réalité d'un pays alors en pleine mutation sociale. Touts sa vision de l'Empire du Milieu est dominée par la figure de l'empereur dont la symbolique et le mode rituel de gouvernement produisent sur lui un effet d'étrangeté intensément exotique.

2003
Qin Haiying : Jusqu'avant sa mort, Segalen n'a cessé de méditer sur la notion d'exotisme qu'il veut entièrement renouveler, généraliser, dépouiller de ses connotations tropicale, géographique, touristique, pour lui restituer toute sa valeur du différent, de l'autre. Parmis les diverses formulations par lesquelles Segalen tente de cerner la notion d'exotisme, la plus insistante consiste à définir celle-ci comme expérience d'une altérité qui réside à la fois dans la sensation du Divers et dans le pouvoir de 'concevoir autre'.
Essai sur l'exotisme est une série de notes restées à l'état de manuscrits inédits. Segalen n'a cessé de les rédiger, de les reformuler et de la approfondir au cours des quinze dernières années de sa vie. C'est essai devient de plus en plus une référence dans les réflexions sur le rapport entre 'nous' et 'les autres', ainsi que sur les thèmes de diversité, altérité ou relativisme culturel. On sait que la plus grande originalité de ce livre consiste en sa redéfinition totale de la notion d'exotisme. Dans le langage courant, à l'époque de Segalen comme aujourd'hui encore, l'exotisme est synonyme d'impression de pays lointains, des effets qui font penser à des coutumes et des climats étrangers. Segalen propose justement de dépouiller le mot de toutes ces connotations superficielles de courleur locale, liées à la littérature de voyage, à la littérature coloniale, tropicale. Il décide de revenir au sens premier de ce mot, à son préfixe 'exo-' qui signifie ce qui est hors de soi. L'exotisme proprement dit, c'est donc, selon lui, tout ce qui est extérieur à soi, tout ce qui étranger au sujet connaissant.
Le Divers entendu comme diversité et le Divers entendu comme altérité ne se situent pas sur le même plan, ne débouchent pas sur les mêmes conséquences. Quand Segalen se penche sur le Divers comme diversité, il produit une réflexion plutôt esthétique ; quand il se penche sur le Divers comme altérité, sa pensée se situe plutôt au niveau métaphysique. Sur le plan esthétique, il exalte la valeur du Divers, se réjouit de la diversité, mais sur le plan de la connaissance, l'altérité devient problématique. Autant la diversité est source de jouissance esthétique, autant l'altérité est source d'angoisse métaphysique. Telle est en gros la difficulté de la pensée de Segalen, d'une pensée pourtant bien cohérente dans sa propre logique.
  • Document: Gontard, Marc. La Chine de Victor Segalen : Stèles, Equipée. (Paris : Presses universitaires de France, 2000). (Ecrivains). S. 24-25, 45, 48. (Seg19, Publication)
  • Document: Qin, Haiying. Segalen et la Chine : écriture intertextuelle et transculturelle. (Paris : L'Harmattan, 2003). S. 13, 213-216. (Seg40, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
3 1908-1909 Victor Segalen besucht einen Chinesisch-Kurs an der Ecole de langues orientales in Paris und besteht das Dolmetscher Examen der französischen Marine. Durch die Bekanntschaft mit Claude Farrère und Henry Manceron beginnt sich Segalen mit der Idee zu befassen, eine Reise nach China zu unternehmen.

Briefe von Victor Segalen an Jules de Gaultier : "Je me suis donc mis à l'étude du chinois. Tout compte fait, j'attends beaucoup de cette étude, en apparence ingrate, car elle me sauve d'un danger : en France, et mes projets actuels menés à bout, quoi faire ensuite, sinon‚ de la littérature ! J'ai peur de la recherche du 'sujet'. Alors que jusqu'ici, c’est toujours le sujet qui s'est imposé et m’a tenaillé jusqu’à son avènement, ou son enkystement provisoire. En Chine, aux prises avec la plus antipodique des matières, j'attends beaucoup de cet exotisme exaspéré."
"Mes études de chinois, servies par le plus lucide des professeurs, ne détonnent pas dans la note exotique, puisqu'elles représentent la pensée, certes, la plus antipodique que je puisse désirer."

Brief von Arnold Vissière an Victor Segalen : "Des leçons de chinois données par un jeune homme originaire de Han-k'eou pourront vous être utiles, si vous ne perdez pas de vue que sa prononciation diffère parfois de celle de Pékin et s'il s'applique à vous parler dans son meilleur Kouan-houa (langage mandarin). N'insistez donc pas pour imiter fidèlement sa manière d'articuler les mots ; je vous indiquerai plus tard les nuances à observer, à cet égard, pour prononcer comme les Chinois de Pékin."

Qin Haying : L'examen qu'il subit porte notamment sur la langue chinoise écrite, mais en dehors des cours, il apprend aussi la langue parlée auprès d'un Chinois résidant à Brest, ce qui l'amène à se sensibiliser à la diversité de prononciations dialectales du chinois et le prépare à ses futures méditations sur la différence fondamentale entre le mot dit et le mot écrit.
  • Document: Gontard, Marc. La Chine de Victor Segalen : Stèles, Equipée. (Paris : Presses universitaires de France, 2000). (Ecrivains). S. 14. (Seg19, Publication)
  • Document: Qin, Haiying. Segalen et la Chine : écriture intertextuelle et transculturelle. (Paris : L'Harmattan, 2003). S. 12-13. (Seg40, Publication)
  • Person: Gaultier, Jules de
  • Person: Segalen, Victor
  • Person: Vissière, Arnold
4 1909-1910 Victor Segalen reist mit Auguste Gilbert de Voisins von Beijing zur Grossen Mauer, nach Xi'an (Shaanxi), Lanzhou (Gansu), Chengdu (Sichuan), Chongqing (Sichuan), Yangzi, Yichang (Hubei), Hankou (Hubei), Nanjing, Shanghai, Kurzbesuch von Japan und Hong Kong bis Beijing.
  • Person: Gilbert de Voisins, Auguste
  • Person: Segalen, Victor
5 1909-1910 Segalen, Victor. Briques et tuiles [ID D21834].
Segalen schreibt : "Et, comme un beau fruit mûr dont on palpe amoureusement la forme, notre marche lente mais certaine, contourne d’un sillage distant la globuleuse Chine dont je vais si goulûment presser le jus !"
"Hong Kong est une chose splendide. Première vision de Chine, car ces monts hautains aux lignes élégantes et nobles, drapés de brousse verte voilée parfois à mi-seins de collines de l’ombre des nuages, cela, c'est de la terre chinoise, malgré la possession anglaise. J'avoue cependant que ces possesseurs en ont tiré un splendide parti."
"Dépouiller enfin la monumentaire en Chine des deux qualités qu'elle récuse, et dont on s'obstine à l'accabler d'absence : la stabilité, la durée... Reprendre les critiques d'art monumentaire, en substituant aux définitions pesantes et géométriques, tout un cortège de rythmes, d'ondulations, de dynamique et d'impérennité."
"Ailleurs et partout sur les routes, il y a les Stèles. Ce qui s'y inscrit, je le saurai plus tard, et si elles sont mémoriales, ou funéraires, ou votives à quelque 'bon mandarin'. Il est certain qu'elles sont belles, et que leur forme quadrangulaire, surface présentée à l'oeil, solidement verticale, reposant sur la tortue sculpturale et d'une immortalité flagrante se haussant du chef enrichi de la double torsade des dragons dont le centre est un oeil sur le ciel clair – il est certain que cette forme est bellement, purement, classiquement chinoise ; et aussi que les 'Caractères' sont les plus belles figurations symboliques et monumentaires qu'un style ait creusé sur la pierre."
"Il s'agit non point de dire ce que je pense des Chinois (je n'en pense à vrai dire rien du tout), mais ce que j'imagine d'eux-mêmes et non point sous le simili falot d'un livre 'documentaire', mais sous la forme vive et réelle au-delà de toute réalité, de l'oeuvre d'art."

Yvonne Y. Hsieh : Briques et tuiles, a sort of literary diary Segalen kept on his arrival in China and during the first expedition across the country.
  • Document: Gontard, Marc. La Chine de Victor Segalen : Stèles, Equipée. (Paris : Presses universitaires de France, 2000). (Ecrivains). S. 65, 72. (Seg19, Publication)
  • Document: Les écrivains français du XXe siècle et la Chine : colloque internationale de Nanjin 99' = 20 shi ji Faguo zuo jia yu Zhongguo : 99' Nanjing guo ji xue shu yan tao hui. Etudes réunies par Christian Morzewski et Qian Linsen. (Arras : Artois presses Université, 2001). (Lettres et civilisations étrangères).
    20世紀法國作家與中國 99'南京国际学朮硏讨会 S. 95. (Morz, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
6 1910 Segalen, Victor. Un grand fleuve [ID D21835].
Yvonne Y. Hsieh : In the poetic essay the Yangzi is described as 'trouant de ses arcs volontaires l'immense empire rond comme une orange et savoureux comme ce fruit près de la putréfaction'.
7 1910-1912 Segalen, Victor. Le fils du ciel [ID D21486].
Segalen schreibt an Yvonne Segalen :
Er schreibt über Kaiser Guangxu, die Hauptperson in Le fils du ciel : "Tout sera pensé par lui, pour lui, à travers lui. Exotisme impérial, hautain, aristocratique, légendaire, ancestral et raffiné. Car tout, en Chine, redevient sa chose. Il est partout, il sait tout et peut tout. Sa capitale ? jardin pour ses yeux. Sa province ? petit parc. Les pays éloignés ? vassaux lointains ; et les peuples d'occident ? ses tributaires respectueux. Je tiens mon Personnage."
"Je reste fidèle au Fils du ciel dont j'ai peur de ne pas t'avoir assez dit l'ampleur et l'intérêt que j'y prends." Alors que d'autre part il y revient chaque fois qu'une oeurve qui l'a évincé d'achève, le manuscrit ne sera jamais terminé.
Er schreibt Claude Debussy en 1910 : "J’ai commencé un Fils du ciel dont le sujet est ridicule d'audace. Mais je n'ai pas oublié qu'aux premiers mots d'Orphée vous m'avez dit : même si l'on s'y casse les os, la chose vaut d'être tentée. Et puis, si je n'osait pas mettre en scène l'étonnante figure de Kouang-siu, mort 'impérialement' il y a deux ans, d'autres le feraient peut-être, et comment !"
Er schreibt an Georges Daniel de Monfreid en 1910 : "Je n’ignore pas que mon projet d'écrire un Fils du ciel qui sera Le livre des annales Kouang-siu est bourré d'audace."
Er schreibt an Jeanne Perdriel-Vaissière en 1910 : "Le dénommé Fils du ciel atteint la centième page, et vivote. Mais que difficile ! Il faut tour à tour faire vivre le vrai Kouang-siu, anémique, imaginatif, plein de révoltes ou de désespoirs, et puis l'étouffer aussitôt pour qu'il ne gène pas son sosie. Je ne veux pas d'un roman historique, et pourtant le cadre m’étreint que je brise tous les jours."
En 1912 il avoue à l'un de ses correspondants : "Je me suis remis à mes annales Kouang-siu qui me tiennent depuis trois ans et sont horriblement dures à écrire : mais je piétine avec rage jour par jour mon carré de besogne."

Sekundärliteratur
Yvonne Y. Hsieh : Le fils du ciel is far more than a simple biography, although it respects in its chronological development the major events in the adult life of Guangxu. For more dramatic impact, events taking place in reality between 1889 and 1908 have been compressed into a time span of roughly five years. Moreover, Segalen's account of the emperor's private life is almost entirely fictional. From the beginning, the narrator is identified as a court annalist names Wu K'o-leang who because of his virtuous character, fine calligraphy, and filial piety has been privately apponted by the empress Dowager to compose the secret annals of the reign of Guangxu.
Where the art of euphemism is freely applied to masking China's dismal situation on the international scene, one senses the annalist's total solidarity with the official position. As a traditional Chinese, he is as concerned with alvaging national pride as the Qing court. However, where euphemism covers up the internal power struggle and the empress Dowager's ruthless persecution of the emperor, the annalist's task understandably becomes more delicate. His uneasy attitude towards the whole affaire of the emperor's arrest and dethronement, for instance, is reflected in the countless contradictions within his text.

Anne-Marie Grand : Ce que retient Segalen de ses premiers contacts avec l'Empire du milieu (architecture, écriture, taoïsme) converge sur un vide où s'absente la figure de l’Empereur. Tout l'indique et l'appelle pour assurer dans ses dimensions réelles et symboliques, la cohérence d'un donné multiforme dans que rien se perde de ses particularités.
Souverain réel dont les Annales dynastiques consignent les actes, c’est en son honneur que s'érige ce qui, en Chine, ressemble le plus à un monument tel que conçu par la culture occidentale, par son ampleur comme par son intérêt esthétique : le tombeau. C'est encore lui la raison dernière de l'ordonnance de la ville, écrin dont il est le joyau. Maître invisible, rentranché derrière les murailles rouges, au coeur de la Cité interdite, il marque d'un point veugle le centre de sa capitale, et par là le centre du monde. De même qu'il est aussi celui par qui les mots adviennent, législatur du langage comme il l'est de l'Empire. Puis, lorsque son règne s'achève, ramené à l'essentiel : des mots, son nom de règne, son nom posthume, porteurs encore de bien des puissances. Enfin, souverain symbolique, il est l'Homme, représentant l'humanité, tout puissant depuis des millénaires.
Aux dires de l'écrivain, le personnage s'est imposé à lui à la suite d'une série de proses que hantait obstinément le 'Fils du ciel'. Ces proses ont été, en partie du moins, confiées aux lettres destinées à Yvonne Segalen avant d'être retravaillées pour prendre place dans Briques et tuiles. Toutes mettent l'accent sur 'l'immensité' du personnage. Or, quand il s'agit de lui donner une apparence historique, l'empereur choisi est Guangxu que Segalen lui-même qualifiera, en 1913, de 'fantôme de souverain, faible, irrésolu, malade'. Qin Shi Huangdi, Chongzhen et d'autres souverains mythiques ou historiques se retrouvent dans les textes de Segalen.
La lecture du Fils du ciel, cette 'Chronique des jours souverains' fournit certains indices sur les raisons d'un tel choix, ne serait-ce que parce que ce qui pourrait être vie et mort de Guangxu, en déborde les cadres et devient und tragédie de l'indicible. Dans la construction du personnage, Segalen suit la conception du pouvoire et les conséquences pratiques qu'elle entraîne. Ses notes, en marge du manuscrit fournissent des informations sur ses textes de référence. La prise du pouvoir effective, le premier acte impérial de Guangxu le contraindra à mesurer ce status de 'fils' comptable devant le Ciel. "Et Nous courbant devant le Ciel, conscient de l'immensité de nos faultes, Nous Nous accusons devant Sa colère en nous offrant à son châtiment."
Quelques semaines après la révélation des tombeaux des Ming, Segalen envisage "cette affabulation : comme héros, un personnage immortel, ou plutôt sans cesse renaissant, phénix du trône, l'Empereur. 1ère partie : la Chine aristocratique et somptueuse, au faste nombreux, aux raffinements du toucher, des yeus, de tout aparat. 2e partie : l'Empereur, tombé du trône et fugitif voit une autre Chine, misérable et précaire, qu'on lui cachait si merveilleusement bien. Son étonnement, ses angoisses. Vive opposition entre la 1ère et 2e partie. Sa résolution s'il redevient le Maître de remédier à tout. 3e partie : courte, serrée : il a reconquis le trône et son faste. Et tout reprend comme par le passé éternel".
C'est aussi une Chine disparue avec la vieille Impératirce Cixi, en 1908, ce qui la rend doublement imaginaire pour l'écrivain. Elle reste à retrouver dans les mémoires, dans les récits, où à reconstruire sur la foi de ce qui aurait dû être.
La Chine imaginaire va devenir, en fait, pour Segalen la Chine réelle parce que plus authentique, plus conforme à son essence exotique et surtout la seule à pouvoir recevoir les investissements qui étaient les siens. Le projet d'un développement en trois parties se maintiendra sur le même rythme : la Cour, la fuite, le retour. L'opposition entre les deux Chine disparaîtra ne laissant pour trace de l'idée initiale que le bref face à face de l'Empereur et d'un mendiant, et la présence des étrangers, témoignant en creux de l'autre Chine, réalité coloniale.
Le récit s'appuie sur les événements du règne reel de Guangxu, qui va de la prise de pouvoir effective, en 1889 à la mort du souverain et de Cixi, en 1908. Le drame de Guangxu se fait métaphore du drame humain, de l'homme en tant qu'individu, priosonnier de ses hérédités tentant de se réapproprier sa vérité particulière sans y parvenir.

Lucie Bernier : L'Empereur de Segalen est un parsonnage en retraite qui fait le vide autour de lui et au sens daoiste du terme, tenera d'être un avec l'Univers et voudra éliminer la division entre le Même et le Non-moi. Comme son titre l'indique, tout est centré sur l'Empereur ou plutôt, tout tourne autour de lui. Les personnages sont historiques à quelques exceptions près (celui de la princesse entre autres) mais même s'ils sont véridiques, là encore les modèles sont tirés de plusieurs autres contemporains et forment une sorte d’amalgames. Les événements romanesques sont basés sur les faits historiques connus à l'époque et l'auteur invente le reste pour les adapter à ses besoins. Ce qui intéresse Segalen, ce n'est pas l'Empereur en tant que tel mais plutôt son rôle imaginaire quasi-mythique. Dans ce livre, l'auteur nous fait part de ses méditations sur l'histoire chinoise et la vie intérieure de l'Empereur. Tout le roman est en opposition entre le réel et le symbolique, car en tant qu'Empereur, seul son rôle importe et ce qu'il incarne tandis que sa personnalité et ses désirs, n'existent pas. Segalen fait donc connaître l'être humain à l'intérieur du rôle que l'Empereur incarne. Pour mieux faire connaître ce Fils du ciel, Segalen fait de lui un poète daoiste qui se retire du monde et vivra dans l'anachronisme en entremêlant sa vie à celle de ses prédécesseurs s'identifiant à eux à un point tel, qu'il s'évanouit à la seul mention de leurs noms.
Du point de vue de la narration, le texte se compose de juxtapositions formées de dialogue et entrecoupées de poèmes et de commentaires, ceux-xi en récit rapporté, de la part de deux chroniqueurs. En général, les poèmes de l'Empereur sont des commentaires ou observations sur les actions qu'il pose ou voudrait poser ou sur ce qui lui arrive. Segalen veut démontrer à quel point l'Empereur est un être prisonnier de son rôle et sans la moindre chance de liberté. Il essaie donc de libérer à travers ses poèmes et la narration de la vie intérieure, l'imaginaire du Fils du ciel.
  • Document: Grand, Anne-Marie. Victor Segalen : le moi et l'expérience du vide. (Paris : Méridiens Klincksieck, 1990). (Connaissance du 20e siècle). S. 75-76, 78-79, 87-88, 91-93, 111. (Seg27, Publication)
  • Document: Bernier, Lucie. Loti, Segalen and Claudel in China, or the existential quest of three authors. In : East-West dialogue ; vol. 4, no 2 ; vol. 5, no 1 (June 2000). (Seg29, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
8 1911 Victor Segalen ist als Arzt während einer Epidemie in der Mandschurei tätig und wird Professor am Imperial Medical College in Tianjin.
9 1911 Briefe von Victor Segalen an Henry Manceron.
Er schreibt : "Tu auras ta chambre, parmi de grands coffres de laques noires dorées de dragons, et décorées de rouges, de bleus et de verts de porcelaine sur la pâte bleutée des vieux Ming. Nous t'attendons."
"Je reste violemment nostalgique de Péking. Crois-moi : méprise la côte. Oublie Chang-hai et les ports du bas fleuve. La lisière de la Chine est 'avancée', comme une écorce meurtrie. Dedans, la pulpe est encore savoureuse."
"C'est dans ces conditions que je prépare une édition à très petit nombre de quelques-unes de mes Stèles. Ce sera imprimé à Pékin, au Pei-t'ang, dans un format et sous une justification qui essaiera, pour la première fois, je crois, de juxtaposer la bibliophilie chinoise à la nôtre."
"Quant à la préface de Stèles, elle est sur pieds. C'est simplement la description, en apparence rigoureuse, de la stèle classique, son histoire, sa fonction, ses dévolutions ; j'ai tenté que tout mot soit double et retentisse profondément."

"I followed the whole crisis most attentively and I can say that I lived through the collapse of February 29, the night of the looting of Peking organized by the military. At the moment when 200 soldiers of the third division, for lack of 3.20 more francs per month, decided to burn and plunder the capital, the Governor of Shandong, Song Baoji, was having dinner at the house of the dictator Yuan Shikai. At the first shots : everyone fled. Yuan remained alone with seventeen men who were there because they could no longer escape. The following day, Yuan was in a spineless mood. He who created the Chinese army dared not give an order or arrest. But later, they beheaded haphazardly 200 coolies. That's the present and future China. You see, the task is superhuman. To learn to know a huge country, and when one begins to see it, to realize that this country no longer exists, that it has to be resurrected. The old [China] remains beautiful, but one must understand, redigest, recreate it. Naturally, Peking still remains metropolitan, very northern Chinese, very imperial, thanks to its yellow roofs. But what a Sisyphean effort ! Everything one creates is spoiled by everyday life." [Französisches Original nicht gefunden].

"Le transfer de l'Empire de Chine à l'Empire du soi-même est constant."
Qin Haiying : C'est un transfert-metaphora, un déplacement à la fois topologique et tropologique qui, dans l'économie du texte de Stèles, devient exactement une opération de change : le passage d'un 'topos' à un autre est aussi le passage d'un mythe à un autre, du phore chinois, avec sa tradition, ses valeurs, ses formes signifiantes, au thème ségalénien, de l'Empire du Milieu à un autre Empire du Milieu.
  • Document: Hsieh, Yvonne Y. From occupation to revolution : China through the eyes of Loti, Claudel, Segalen, and Malraux (1895-1933). (Brimingham, Alabama : Summa Publications, 1996). S. 66-67. (Seg31, Publication)
  • Document: Gontard, Marc. La Chine de Victor Segalen : Stèles, Equipée. (Paris : Presses universitaires de France, 2000). (Ecrivains). S. 81. (Seg19, Publication)
  • Document: Qin, Haiying. Segalen et la Chine : écriture intertextuelle et transculturelle. (Paris : L'Harmattan, 2003). S. 69. (Seg40, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
10 1911 Brief von Victor Segalen an Claude Debussy.
Er schreibt : "Au fond, ce n'est ni l'Europe ni la Chine que je suis venu chercher ici mais une vision de la Chine – Celle-là, je la tiens et j'y mords à pleines dents."
Yvonne Y. Hsieh : Segalen loved the imperial ambience of Peking, detested the 'provincial' character of Tianjin, and avoided as much as possible cities that had fallen under the European sphere of influence. In China he was looking for was a country different in all respects from the Europe he had left – in its political system, religions, social structures, and moral values. He therefore could not face the imminent changes that would accompany the fall of the dynasty. He spoke of the revolutionaries only in the most scathingly contemptuous terms because he was afraid that with the death of the monarchy, most of the traditional, distinctly Chinese values would be lost. The Republic of China would copy the European and American democratic system, and possibly embrace christianity and Western customs. China would no longer be exotic.
11 1912-1913 Victor Segalen reist von Tianjin nach Changde (Henan) wo er als Privatarzt des Sohnes von Yuan Shikai arbeitet.
12 1912 Segalen, Victor. Stèles [ID D2937].
Die erste Auflage von 1912 ist Paul Claudel gewidmet : "Ma liberté de vous dédier Stèles serait inexcusable si je ne l'avais depuis longtemps considéré comme un devoir de fidélité envers vous. Je vous prie, Maitre, d'accueillir en très profond hommage toute ma reconnaissance lointaine pour vos oeuvres, dont je me nourris ici, et pour vous."
Segalen schreibt im Vorwort :
"Elles sont des monuments restreints à une table de pierre, haut dressée, portant une inscription. Elles incrustent dans le ciel de Chine leurs fronts plats. On les heurte à l'improviste : aux bords des routes, dans les cours des temples, devant les tombeaux. Marquant un fait, une volonté, une présence, elles forcent l'arrêt debout, face à leurs faces. Dans le vacillement délabré de l'Empire, elles seules impliquent la stabilité. Épigraphe et pierre taillée, voilà toute la stèle, corps et âme, être au complet. Ce qui soutient et ce qui surmonte n'est que pur ornement et parfois oripeau. Le socle se réduit à un plateau ou à une pyramide trapue. Le plus souvent c'est une tortue géante, cou tendu, menton méchant, pattes arquées recueillies sous le poids. Et l'animal est vraiment emblématique ; son geste ferme et son port élogieux. On admire sa longévité : allant sans hâte, il mène son existence par-delà mille années. N'omettons point ce pouvoir qu'il a de prédire par son écaille, dont la voûte, image de la carapace du firmament, en reproduit toutes les mutations : frottée d'encre et séchée au feu, on y discerne, clairs comme au ciel du jour, les paysages sereins ou orageux des ciels à venir. Le socle pyramidal est aussi noble. Il représente la superposition magnifique des éléments : flots griffus, à la base ; puis rangées de monts lancéolés ; puis le lieu des nuages, et sur tout, l'espace où le dragon brille, la demeure des Sages Souverains. — C'est de là que la Stèle se hausse. Quant au faîte, il est composé d'une double torsade de monstres tressant leurs efforts, bombant leurs enchevêtrements au front impassible de la table. Ils laissent un cartouche où s'inscrit la dévolution. Et parfois dans les Stèles classiques, sous les ventres écailleux, au milieu du fourmillement des pattes, des tronçons de queues, des griffes et des épines : un trou rond, aux bords émoussés, qui transperce la pierre et par où l'œil azuré du ciel lointain vient viser l'arrivant. Sous les Han, voici deux mille années, pour inhumer un cercueil, on dressait à chaque bout de la fosse de larges pièces de bois. Percées en plein milieu d'un trou rond, aux bords émoussés, elles supportaient les pivots du treuil d'où pendait le mort dans sa lourde caisse peinte. Si le mort était pauvre et l'apparat léger, deux cordes glissant dans l'ouverture faisaient simplement le travail. Pour le cercueil de l'Empereur ou d'un prince, le poids et les convenances exigeaient un treuil double et par conséquent quatre appuis. Mille années avant les Han, sous les Tcheou, maîtres des Rites, on usait déjà du mot « Stèles » mais pour un attribut différent, et celui-là sans doute original. Il signifiait un poteau de pierre, de forme quelconque mais oubliée. Ce poteau se levait dans la grand'salle des temples, ou en plein air sur un parvis important. Sa fonction :
« Au jour du sacrifice, dit le Mémorial des Rites, le Prince traîne la victime. Quand le cortège a franchi la porte, le Prince attache la victime à la Stèle." (Afin qu'elle attende paisiblement le coup.)
C'était donc un arrêt, le premier dans la cérémonie. Toute la foule en marche venait buter là. Tout les pas encore s'arrêtent aujourd'hui devant la Stèle seule immobile du cortège incessant que mènent les palais aux toits nomades.
Le Commentaire ajoute : "Chaque temple avait sa stèle. Au moyen de l'ombre qu'elle jetait, on mesurait le moment du soleil."
Il en est toujours de même. Aucune des fonctions ancestrales n'est perdue : comme l'œil de la stèle de bois, la stèle de pierre garde l'usage du poteau sacrificatoire et mesure encore un moment ; mais non plus un moment de soleil du jour projetant son doigt d'ombre. La lumière qui le marque ne tombe point du Cruel Satellite et ne tourne pas avec lui. C'est un jour de connaissance au fond de soi : l'astre est intime et l'instant perpétuel. Le style doit être ceci qu'on ne peut pas dire un langage car ceci n'a point d'échos parmi les autres langages et ne saurait pas servir aux échanges quotidiens : le Wên. Jeu symbolique dont chacun des éléments, capable d'être tout, n'emprunte sa fonction qu'au lieu présent qu'il occupe ; sa valeur à ce fait qu'il est ici et non point là. Enchaînés par des lois claires comme la pensée ancienne et simples comme les nombres musicaux, les Caractères pendent les uns aux autres, s'agrippent et s'engrènent à un réseau irréversible, réfractaire même à celui qui l'a tissé. Sitôt incrustés dans la table, — qu'ils pénètrent d'intelligence, — les voici, dépouillant les formes de la mouvante intelligence humaine, devenus pensée de la pierre dont ils prennent le grain. De là cette composition dure, cette densité, cet équilibre interne et ces angles, qualités nécessaires comme les espèces géométriques au cristal. De là ce défi à qui leur fera dire ce qu'ils gardent. Ils dédaignent d'être lus. Ils ne réclament point la voix ou la musique. Ils méprisent les tons changeants et les syllabes qui les affublent au hasard des provinces. Ils n'expriment pas ; ils signifient ; ils sont. Leur graphie ne peut qu'être belle. Si près des formes originales, (un homme sous le toit du ciel, — une flèche lancée contre le ciel, — le cheval, la crinière au vent, crispé sur ses pattes, — les trois pics d'un mont ; le cœur, et ses oreillettes, et l'aorte), les Caractères n'acceptent ni l'ignorance ni la maladresse. Pourtant, visions des êtres à travers l'œil humain, coulant par les muscles, les doigts, et tous ces nerveux instruments humains, ils en reçoivent un déformé par où pénètre l'art dans leur science. — Aujourd'hui corrects, sans plus, ils étaient pleins de distinction à l'époque des Yong- tcheng ; étirés en long sous les Thang, larges et robustes sous les Han ; ils remontaient combien plus haut, jusqu'aux symboles nus courbés à la courbe des choses. Mais c'est aux Han que s'arrête l'ascendance de la Stèle. Car la table aveugle des caractères a l'inexistence ou l'horreur d'un visage sans traits. Ni ces tambours gravés ni ces poteaux informes ne sont dignes du nom de Stèle ; moins encore l'inscription de fortune qui, privée de socles et d'espace et d'air quadrangulaire à l'entour, n'est plus qu'un jeu de promeneur fixant une historiette : bataille gagnée, maîtresse livrée, et toute la littérature. La direction n'est pas indécise. Face au midi si la Stèle porte les décrets ; l'hommage du Souverain à un Sage ; l'éloge d'une doctrine ; un hymne de règne ; une confession de l'Empereur à son peuple ; tout ce que le Fils du Ciel siégeant face au midi a vertu de promulguer. Par déférence, on plantera droit au nord, pôle du noir vertueux, les Stèles amicales. On orientera les amoureuses, afin que l'aube enjolive leurs plus doux traits et adoucisse les méchants. On lèvera vers l'ouest ensanglanté, palais du rouge, les guerrières et les héroïques. D'autres, Stèles du bord du chemin, suivront le geste indifférent de la route. Les unes et les autres s'offrent sans réserve aux passants, aux muletiers, aux conducteurs de chars, aux eunuques, aux détrousseurs, aux moines mendiants, aux gens de poussière, aux marchands. Elles tournent vers ceux-là leurs faces illuminées de signes ; et ceux-là, pliés sous la charge ou affamés de riz et de piment, passent en les comptant parmi les bornes. Ainsi, accessibles à tous, elles réservent le meilleur à quelques-uns.
Certaines, qui ne regardent ni le sud ni le nord, ni l'est ni l'occident, ni aucun des points interlopes, désignent le lieu par excellence, le milieu. Comme les dalles renversées ou les voûtes gravées dans la face invisible, elles proposent leurs signes à la terre qu'elles pressent d'un sceau. Ce sont les décrets d'un autre empire, et singulier. On les subit ou on les récuse, sans commentaires ni gloses inutiles, — d'ailleurs sans confronter jamais le texte véritable : seulement les empreintes qu'on lui dérobe.

Sekundärliteratur
1975
Eva Kushner : In Stèles, stone comes to life, while life lends itself to the stilness and silidity of stone so that its message will endure ; once more Segalen's poetry, in what is considered his best work, feeds upon a tao-like paradox. The imaginary sculpture assumes the formal rigour of those poetic genres which are limited and disciplined by their brevity. With its phonic qualities it also constantly appeals to the visual, but only to negate it. The symbolic, rather than the anecdotic, is stressed. There is no attempt to ‘transpose’ sculpture. The poem is to the real monument as a sign to meaning. The stele exists because through it the self becomes abolished : "Pour atteindre l’être, le cinquième, Centre et Milieu. Qui est moi. Perdre le midi quotidien".

1986
Wolfgang Geiger : Segalens Stèles sind in verschiedener Hinsicht repräsentativ für sein Exotismusverständnis und seine Haltung zum alten und neuen China. Die Form dieser Gedichte hat er den Inschriften altchinesischer Grabstelen enlehnt. Ihre Erstveröffentlichung ein Jahr nach dem Sturz der Monarchie machen sie zur symbolischen Grabstele des alten China, dem letzten Land, in dem Segalen noch die Behauptung des Autochthonen gegen den Zugriff der Kolonialmächte sah. Sein archäologisches Interesse an der Ausgrabung der alten, von den zeitgenössischen Chinesen vergessenen Monumente geht mit der ästhetischen Rekonstruktion der geistigen Welt des alten China einher. Eine Stele, die dem in bsonderer Weise gerecht wird, ist die von ihm zuletzt verfasste 'Table de sagesse'. Von einer Anekdote bezüglich eines Traums des Kaisers U-ting aus den chinesischen Geschichtsbüchern ausgehend, hat Segalen in mehreren Versionen etappenweise den konkreten Bezug eliminiert und die Aussage verallgemeinert. Das im Feld untergehende Steinmonument versinnbildlicht die Lage Chinas, wie Segalen sie vorfang, beziehungsweise, wie er sie wertete. Dem entspricht der Weise, der unerkannt unter dem gemeinen Volk lebt. Dass der Fürst nach ihm suchen lässt um ihn in seine Verwaltung zu berufen, ist nicht nur eine historische Vorlage für dieses Gedicht, sondern war in China immer wiederkehrende Praxis. Das Thema des sich der Macht verweigernden Philosophen ist also sehr politisch. Am weitesten gingen darin die Taoisten mit ihrer radikalen Kritik an Staat und Zivilisation. Der chinesische Epigraph, den Segalen jeder Stele beigesellt hat, ist das Zitat über Liezi : 'Niemand kennt ihn'.

1988 / 1993
Yvonne Y. Hsieh : The main sources of inspiration for Segalen are bilingual editions of classical Chinese texts by Séraphin Couvreur and Léon Wieger. The image of China presented in Stèles is a rich and complex one, since Segalen draws on Chinese history, legends, myths, religion, literature, philosophy, architecture, social customs, political tradtitions, and human relations.
The first part of the poems introduces us to the functions and forms of traditional Chinese steles. A stele serves to honour sages, enumerate the righteous, sing praises of noble, virtuous men. The seond part announces the poet’s own choice of subjects in composing his personal steles. Instead of describing real people and epochs, Segalen proposes to write about thins not yet said or accomplished. He is not attempting a mere translation of Chinese texts or to present the Chinese world in its real historical past or actual state. He is concentrated on potential sayings, edicts, and events. Even as he denies the real Chinese world, his language exudes a distinctive Chinese flavour. The third part returns to the real Chinese world with a lengthy enumeration of the major dynasties. The fourth part includes personal reign of every man over himself.

1990
Anne-Marie Grand : L'influence du chinois sur l'écriture de Segalen a beaucoup été glosée, mais a longtemps été négligé ce fait patent qu'il écrit en français pour des lecteurs français. Il conviendrait de reconsidérer l'introduction des caractères dans Stèles. Les épigraphes de ce recueil ont souvent été remaniées pour des raisons esthétiques (effets de miroirs, en particulier) et si l'effort de traduction nécessaire pour en atteindre le sens enrichit la lecture, il ne faut sans doute pas oublier pour autant la dédicace à Claudel, ingnorant le chinois.
Stèles renoue la trame des mots impériaux. De nombreux poèmes reprennent la thématique déjà explorée dans Le fils du ciel. La structure est bien connue qui ordonne soixante-quatre poèmes selon les cinq orients de la tradition chinoise : est-sud-ouest-nord-centre, en réintroduisant l'axialité occidentale dans l'opposition association du sud au nord, de l'est à l'ouest et en brisant la continuité d'un groupe de huit poèmes rassemblés sous le titre 'Stèles du bord du chemin'. Les 'Stèles du midi' rassemblent la trajectoire d'un Empereur, parangon de l'homme qui va, déprotégé de ses dieux, vers une mort, clôture et origine, dont la méditation du poète aux tombeaux des Qing puis des Ming avait suggéré les grandes lignes, conservées dans la première version, en prose de 'Décret'. Au sud, pouvoir sur soi et solitude, succède le Nord où se rangent les stèles consacrées à l'amitié, comme l'Est recevra les stèles élevées à l'amour, pour des raisons échappant, explicitement du moins, à la théorie chinoise des orients. Les stèles de l'amitié sont orientées vers le Nord puisque nouées à la mort.
Stèles offre dans chacune de ses parties une progression valide en soi quoique jouant son rôle dans l'itinéraire global conduisant au plus secret du moi, là où dans les miroitements de la fantaisie et de la terreur, quelqu'un dit 'Je'. De 'Décret' tout entier écrit sur le monde négatif jusqu'à la 'Stèle du chemin de l'âme' ouvrant une nouvelle fois la route de la tombe dans son écriture inversée ; de 'Vampire' qui dans la nuit, narre la relation interdite avec celui, ni vivant, ni mort.

1996 Elisabeth Démiroglou : Cette étude entend présenter une lecture de Stèles de Victor Segalen, qui se fonde à la fois sur les faits et sur les considérations philosophiques et psychanalytiques, la stèle constituant une forme libidinale par où se manifeste l'interrogation essentielle de Segalen sur le monde et sur lui-même. Le dialogue ainsi établi entre une pensée, une psychologie et une écriture thématico-pulsionnelle avait déjà été suggéré par des observations antérieures. On trouvera une tentative pour appréhender une pente d'écriture dans son tissu le plus fin, avec des commentaires détaillés sur l'ordre secret des configurations sensorielles et à travers le trajet d'un imaginaire que peuvent revendiquer plusieurs disciplines différentes : médecine, archéologie, ethnologie, sinologie, navigation, poésie, prose, peinture, musique, aventure. Les propos de Segalen lui-même, dans la conclusion d'Équipée, résument tout son itinéraire : "Dans ces centaines de rencontres quotidiennes entre l'Imaginaire et le Réel, j'ai été moins retentissant à I'un d'entre eux, qu'attentif à leur opposition".
Segalen poursuit avec le lecteur de ligne en ligne - comme de poème en poème - une conversation tissée de silences et de demi-mots d'où surgit le plus profond - et le plus grave - de son être. L'herméneutique allégorique répond ainsi fort bien à la fiction chinoise de 'Stèles', puisqu'un des procédés les plus remarquables de la littérature chinoise consiste à donner à des expressions et des proverbes connus des applications particulières toujours nouvelles. C'est dire que leur signification reste toujours ouverte et leur pouvoir de suggestion intense. Leur valeur réside ainsi moins dans les mots eux-mêmes que dans les sous-entendus qu'on y implique. C'est un véritable exercice psychologique imposant, une gymnastique perpétuelle de l'esprit. Sous le couvert de la fiction chinoise, l'allégorie invite Segalen à lui rendre son prestige effacé, tout en lui laissant la possibilité de traduire son monde intérieur dans cette "route vers l'impossible".
Cependant 'Stèles' diffère des autres oeuvres de Segalen en ce qu'il nécessite un acte visuel de la part du lecteur, prouvant que "la part d'exprimé et d'inexprimé, ainsi que les formes d'expression et leurs nuances, dépendent très subtilement des circonstances qui ont entouré la création du poème". Les soixante-quatre stèles qui s'érigent verticalement sur les soixante-quatre cases de l'échiquier montrent que l'ordre de l'érection monumentale fait contrepoids, comme une compensation au vertige vertical de la fouille ; et si la stèle est un 'moment chinois', la souffrance qu'elle impose est féconde, car "pour qui sait voir, la Licorne est partout présente. Il n'est que d'ajuster son regard. L'essentiel est moins dans le spectacle que dans l'interprétation du spectacle".
On peut affirmer que 'Stèles' d'une part s'efforce de montrer le refus de l'insertion sociale, idée qui parcourt d'ailleurs toute l'oeuvre de Segalen ; de l'autre, il radicalise le souci de l'artiste de découvrir dans un paysage, sous une morphologie géographique précise, une structure profonde. L'univers de la pierre, métaphore excellente de la minéralité, révèle une image de stabilité, proposant de la sorte une littérature d'affirmation qui renoue les relations rompues entre l'homme et le monde.
Segalen devait, non pas se laisser prendre à l'histoire, mais la déborder, saisir dans le récit l'allusion, l'ellipse possible, l'allégorie et l'ineffable. Il s'est inspiré des textes sans cesser de les trahir, en leur prêtant une richesse insoupçonnée de tous, la sienne propre. Ils n'ont été pour lui que les négatifs du poème, des clichés sans images que la grâce poétique développait le temps d'un éclair. Il éprouva sans doute les joies merveilleuses à distinguer dans les chroniques de l'Empire de Chine les chroniques de l'Empire du sol, et c'est le souvenir de ces joies qu'il s'achame à fixer par les ruses du langage et la subtilité des réticences.
Il s'agit des monuments réels, d'une réalité extra-linguistique, que celui qui parle désigne comme existante, qui continueraient d'exister, si l'on cessait d'en parler et qui servent de référent au discours. Il s'agit, en d'autres termes, d'une oeuvre que régit, du début à la fin, une stratégie d'ensemble et non d'une succession de poèmes dont chacun exercerait sa fascination propre. La stèle avec son idéogramme est un signe d'activité, d'être, de vie et de mort. La stèle représente pour Segalen la matérialité et la rêverie que l'accompagne, le jeu du hasard et de la nécessité, du volontaire et de l'involontaire, de la vie nerveuse et affective des objets, la relation monde extérieur - oeil et musique intérieure - âme. La stèle chinoise est le lieu du présent qui conjugue simultanément deux activités contraires : la référence à la civilisation antique et la rêverie de l'imaginaire qui transcende la réalité matérielle.
Segalen est beaucoup plus sensible au contraste des différents objets qu'aux objets eux-mêmes. Le Réel n'a jamais plus de saveur et de valeur que dans la confrontation des différences. La beauté est moins dans la plaine ou la montagne que dans le passage de la plaine à la montagne. Cette phénomène implique que la beauté des choses n'est pas uniquement dans les choses, mais dans le rapport d'opposition qu'on établit entre elles. La sensation du Divers suppose une opération intellectuelle, et par là même exclut du domaine de l'art la pure et simple reproduction du réel.
Du premier au dernier poème, les circonstances extérieures changent et, par conséquent, le sujet du poème varie ; mais son réseau d'associations ne change nullement et l'étude des textes révèle que la solidité de la stèle est une faire-semblant qui cache une fragilité foncière, de la même façon que "l'écriture de l'inconscient suppose tout à la fois l'ancrage et la dérive".
Le monde réel, comme le monde imaginaire, cache dans son épaisseur des sens multiples et, à mesure que la perspective critique s'enrichit, ces sens se déplacent. Les procédés structuraux permettent au poète, de passer du Réel à l'Imaginaire, procurent les moyens de percevoir l'indicible, l'invisible, l'inouï, tout en indiquant l'inquiétude personnelle de la faille, de la chute.
La poésie de Segalen s'inscrit dans la tradition de ceux qui ont fait au XIXe siècle de la poésie française un moyen de connaissance : connaissance de soi, mais aussi tentative continuelle d'accès aux suprêmes vérités, évitant toutefois l'idéalisme subjectif de certains symbolistes. Bien loin de rejeter la tentation de l'inconnaissable, les 'Stèles' fournissent les moyens d'explorer le mystère de l'Etre, et la vie spirituelle de Segalen tient dans cette marche sans espoir, dans cette quête vers le domaine interdit de la transcendance.

2000
Marc Gontard : A Pékin 1910, après avoir lu Havret, Henri. La stèle chrétienne de Si-ngan fou [ID D6859], que l'idée vient à lui d’en tirer un modèle littéraire. Mais son intérêt pour la stèle rmonte aux tout premiers jours de son arrivée, lorsqu'il visite les tombeaux Ming de Nanjing. Il photographie une stèle au Temple de la Grosse Cloche et un autre cliché de l'entrée de Ping-leang-fou, montre au premier plan une stèle monumentale. Le temple confucéen de Houa-yin-miao, il visite avec 'une grande émotion' une cour 'peuplée de stèles' dont il emportera des estampages réalisés par les moines. C'est là qu'il écrit ses premières notes sur les caractères chinois. A Si-ngan-fou, deux missionnaires franciscains l'emmènent visiter le Pei-lin, la célèbre 'Forêt des tablettes' qui comporte 11'000 stèles. Il y découvre la stèle nestorienne étudiée par Havret : il écrit à sa femme 'Vénérable et beau' et il affirme son intention d'écrire un 'Essai sur les caractères' : 'Il faut révéler cette sorte d’art – ni peinture ni littérature, vraiment inconnu à l'Europe'.

2001
http://www.steles.net/page.php?p=75 [ID D2937].
Pierre-Jean Remy considère qu'il est un contresens majeur à faire sur la lecture des Stèles : celui de croire que Segalen est un poète de la Chine, qu'il en est l'interprète ou qu'il s'en est directement inspiré. Selon l'auteur de la préface à l'édition NRF Gallimard, Segalen s'est servi de ce qu'il trouvait en Chine comme de matériau de construction pour exprimer ce qu'il avait à dire. Le poète parle de moule dans lequel il a fondu son art.
Mais quel est ce moule ? Segalen l'explique dans son avant-propos. 'Sous les Han, voici deux mille années', les stèles étaient des montants destinés à faciliter la mise en terre des cercueils. On y inscrivait des commentaires en guise d'oraison funèbre. Elles sont maintenant des plaques de pierre, montées sur un socle, dressées vers le ciel et portant une inscription.
Leur orientation est significative. Les stèles donnant au sud concernent l'Empire et le pouvoir, celles vers le nord parlent d'amitié, celles vers l'est d'amour, les stèles vers l'ouest concernent les faits militaires. Plantées le long du chemin, elles sont adressées à ceux qui les rencontrent, au hasard de leurs pérégrinations ; les autres, pointées vers le milieu, sont celles du moi, du soi... A chaque partie correspond un idéogramme chinois, et une phrase en chinois est portée en tête de chaque poème.

2003
Qin Haiying : De toutes les particularités de Stèles, la plus frappante est la présence des épigraphes chinoises en tête des poèmes français. Le lecteur francophone non sinisant peut lire les poèmes, et se laisser impressionner par l'exotisme visuel des idéogrammes, comme le voulait dans doute l'auteur lui-même qui s'adressait surtout 'aux lettrés d'Extême-Occident'. Mais si ce lecteur est sinisant, il ne lui suffit certainement plus de voir les épigraphes comme calligraphie, il lui faut encore les lire comme texte. D'ailleurs, le titre chinois du livre : Gu jin bei lu, plus précis que le titre français, fait entendre déjà que le vrai jeu auquel le lecteur est invité réside dans les rapports de sens variés qui relient les 'stèles anciennes', épigraphes chinoises, et les stèles 'd'aujourd’hui', poèmes français, comme les deux parties d'un même texte pluriel. Selon Segalen lui-même, les caractères chinois de Stèles jouent un rôle d'orientation pour l'interprétation de ses poèmes : 'Parfois empruntés aux Livres, aux Histoires ou aux Annales apocryphes, ils ont déterminé la Stèle qui les suit. Le plus souvent ils furent composés pour illustrer de leurs allusions anciennes ces poèmes d'aujourd'hui.'
Stèles relèvent de quatre catégories, selon leur provenance ; les premières, une trentaine, sont extraites des éditions bilingues des oeuvres classiques chinoises traduites par Léon Wieger et Séraphin Couvreur, leurs allusions historiques et littéraires sont assez précises ; les deuxièmes, une dizaine, sont des expressions chinoises courantes ou figées (clichés, proverbes, noms propres, formules rituelles) ; le troisième groupe d'épigraphes, au nombre de trois, provient directement de vraies stèles de pierre. Enfin dix-huit épigraphes environ sont écrites par Segalen lui-même grâce à sa connaissance du chinois classique. S'il éprouve le besoin de s'écarter de la référence chinoise et d'inventer son propre chinois, c'est que son poème contient dans ce cas une pensée trop personnelle, trop occidentale, à laquelle aucune citation chinoise ne convient, de quelque manière que ce soit. C'est surtout le cas des seize poèmes ajoutés à l'édition de 1912. Il s'agit souvent des poèmes sans source chinoise et dont le contenu est entièrement personnel.
La stèle, d'origine chinoise, est ici occidentalisée, devenue 'poème-stèle' de Segalen. Cette oeuvre ni chinoise ni occidentale, à la fois chinoise et occidentale, est sans doute étrangère et nouvelle pour l'Occidental aussi bien que pour l'Oriental. Le lecteur, qu'il soit occidental ou oriental, pour l'évaluer, doit adopter des critères qui ne sont pas ceux de sa propre tradition. Le vrai goût de Segalen n'est ni dans la nostalgie du passé, ni dans la recherche archéologique. La culture chinoise est pour lui non un savoir, mais une sagesse. Elle n’est pas un objet de connaissance, mais un stimulant de l'inspiration, une illumination, un symbole, qui lui offre de nouvelles images, lui ouvre de nouvelles pistes de réflexions. Il n'avait pas à chercher une connaissance parfaite ou une compréhension totale, il n'avait pas à s'identifier, il n'avait qu'à sentir. Il avait brisé les barrières et les frontières préétablies pour accéder à une nouvelle communication entre matière et esprit. La stèle lui révèle une forme, les Quatre livres et les Cinq canons lui révèlent une langue, dans lesquels il ne prélève que des fragments capables d'activer ses pensées. Les citations tronquées et ses interprétations éloignées du contexte donnent au lecteur chinois l'impression de rencontrer un texte nouveau. Alors que le sens canonique du texte original n'est plus reconnaissable, le nouveau sens qu'il lui prête se fait encore plus obscur.

2008
Haun Saussy : Each page is a 'stèle' of its own, a visual composition on a plane surface with edges and further outlined with a thin black border. At the top of the page, nexte to the French title of the poem, are a few Chinese characters with the look of epigraphs or alternate titles : these usually give the generative kernel of the poem in a quotation from Chinese inscriptions, histories, or classical literary works, and are untranslated in Segalen's original editions. In the transformation of Stèles into a mass-market book, a technological distinction preserves the difference between Chinese and French text, for the French text of any later copy may have been set in various typefaces under differing technical dispensations, but the Chinese text will have been reproduced as a picture, that is, as a visual bloc without undergoing analysis and restitution at the hands of a typist or proofer. The technological division of the page between areas of word and 'image' corresponds to a division of intellectual labor in the minds of the book's most likely potatial readers. For many, the Chinese characters at the head of each poem are fine-looking decorations and signs of 'chineseness', to be glanced at rather than read. The part of the poem that remains most unchanged by the successive editions and interpretations that may overlay it is the part that is, for most of Segalen's audience, unreadable. The Chinese text-block is 'material' in the medieval logicians' sense of the word, that is, as a quotation taken over without interpretation.
The preface describes writing as inscription, as object. In the China Segalen knew from his travels, inscribed tablets of stone were familiar monuments, commemorating places and events with appropriately classical language, official signatures, and dynastic dates. The poem collection Stèles is modeled on Chinese anthologies of monumental writing, as its rather conventional Chinese subtile indicates : Gu jin bei lu (Transcriptions of stèles, ancient and modern). The character in which stèles ought to be written are, for Segalen, anything but mobile. They aspire to the solidity of natural facts.
Segalen's written stèles will emerge from an evocation, perhaps an emulation, of these stones. He defines the absolute writing of the stele through a series of negations : it is not temporal writing, not voiced writing, not information. A stele always faces the same direction and readers must turn toward it.
And yet Segalen also sets up a class of 'Stèles du milieu', one that breaks with the established pattern, despite the good qualifications of the Center as a traditional member of the five Chinese cardinal directions.
Segalen reads many of his stèles as abbreviated architecture, walls without roofs, stones without surrounds. His experiment with translation reaches in several directions that should be integrated into the ordinary description of cultural contact. For reading between civilizations occurs in just the way, on multiple planes of form and content, intersecting via misprision, antipathy, and rivalry, in any case never adding up to recognition, equivalency, reduplication, or what some would term 'intercultural understanding'. Decades before the philosophical ladders of deconstruction were laid against that particular wall, Segalen is led through his program of unfaithful translations to explore the athematic or asemantic dimensions of writing and to confront the ways in which poetic writing is 'Chinese'.
  • Document: Segalen, Victor. Stèles. (Pei-king : Pei-t'ang, 1912). [Es gibt davon 81 gedruckte Exemplare auf koreanischen Papier, eine Zahl die mit den 9 x 9 Fliesen der dritten Terrasse des Himmels-Tempels in Beijing übereinstimmen und 200 auf normalem Papier]. = [2e éd.]. In : Mercure de France (Dec. 1913). = (Paris : G. Crès, 1914). [Enthält 16 zusätzliche Gedichte, total 64, die mit der Zahl der Hexagramme des Yi jing übereinstimmen].
    http://www.steles.net/page.php?p=75. (2001). (Sega2, Publication)
  • Document: Kushner, Eva. Victor Segalen and China : a dialectic of reality and imagination. In : Tamkang review ; vol. 6 (1975-1976). (Seg24, Publication)
  • Document: Geiger, Wolfgang. Vom Reiz des Unverständlichen : Victor Segalens Ästhetik des Fremden. In : Spuren ; no 15, April-Mai 1986. = www.historia-interculturalis.de. (2006). (Seg28, Publication)
  • Document: Grand, Anne-Marie. Victor Segalen : le moi et l'expérience du vide. (Paris : Méridiens Klincksieck, 1990). (Connaissance du 20e siècle). S. 70, 137-138, 140-141, 143-144. (Seg27, Publication)
  • Document: Hsieh, Yvonne Y. From occupation to revolution : China through the eyes of Loti, Claudel, Segalen, and Malraux (1895-1933). (Brimingham, Alabama : Summa Publications, 1996). S. 60. (Seg31, Publication)
  • Document: Gontard, Marc. La Chine de Victor Segalen : Stèles, Equipée. (Paris : Presses universitaires de France, 2000). (Ecrivains). S. 71-72. (Seg19, Publication)
  • Document: Qin, Haiying. Segalen et la Chine : écriture intertextuelle et transculturelle. (Paris : L'Harmattan, 2003). S. 71, 81, 83-85, 126-127. (Seg40, Publication)
  • Document: Saussy, Haun. Impressions de Chine ; or, How to translate from a nonexistent original. In : Sinographies : writing China. Eric Hayot, Haun Saussy, and Steven G. Yao, editors. (Minneapolis : University of Minnesota Press, 2008). [Betr. Victor Segalen]. (Seg23, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
13 1913 Victor Segalen kehrt nach Frankreich zurück. Segalen, Auguste Gilbert de Voisins und Jean Lartigue erhalten vom Ministère de l'instruction publique et des beaux-Arts den Auftrag einer archäologischen und topographischen Expedition in China. Finanziert wird die Expedition von der Académie des inscriptions et belles-lettres. Er trifft Edouard Chavannes, Henri Cordier, Paul Pelliot und Emile Sénart. Segalen kehrt dann Tianjin zurück und reist nach Beijing, um die Expedition vorzubereiten.
  • Document: Gontard, Marc. La Chine de Victor Segalen : Stèles, Equipée. (Paris : Presses universitaires de France, 2000). (Ecrivains). S. 160. (Seg19, Publication)
  • Document: Postel, Philippe. Victor Segalen et la statuaire chinoise : archéologie et poétique. (Paris : H. Champion, 2001). S. 22. (Seg20, Publication)
  • Person: Gilbert de Voisins, Auguste
  • Person: Lartigue, Jean
  • Person: Segalen, Victor
14 1913 Brief von Victor Segalen an Alexandre Conty, französischer Botschafter in Beijing.
"Cette lettre ne désire rien qu'exprimer ce qui me frappe et déconcerte depuis quatre ans en Chine : l'absence d'une bonne part de l’esprit français : celle qui, désintéressée du gain fondé sur la Chine, s'appliquerait aux choses de l'esprit chinois, et ferait enfin état de la sinologie pour elle-même, dans son pays d'origine."
Yvonne Y. Hsieh : Segalen wrote to the French minister in Beijing proposing the establisment of a library and an art museum which would facilitate the task of French sinologists studying in the Chinese capital and benefit the local people at the same time.
15 1913 Briefe von Victor Segalen an Jules de Gaultier.
"Aucune de ces proses dites 'Stèles' n'est une traduction, quelques unes, rares, à peine une adaptation. Les Stèles chinoises de pierre contiennent la plus ennuyeuse des littératures. Ce n'est donc pas l'esprit ni la lettre, mais simplement la forme 'Stèle' que j'ai empruntée. La 'forme Stèle' m'a paru susceptible de devenir un genre littéraire nouveau. Je veux dire une pièce courte, cernée d'une sorte de cadre rectangulaire dans la pensée, et se présentant de front au lecteur. Je cherche délibérément en Chine non pas des idées, non pas des objets, mais des formes, qui sont peu connues, variées et hautaines j'en fait mon possible pour éviter tout malentendu chinois, toute méprise, toute fausse note. Mais dans ce moule chinois, j'ai placé simplement ce qui j'avais à exprimer."
"Le mot Odes est classiquement chinois. La forme en sera un poème court, conçu sur des rythmes chinois : 5 + 7, rejoignant, après tout, pour la longueur du souffle, notre alexandrin."
  • Document: Liang, Pai-tchin. La Chine dans la poésie française du XXe siècle. In : Cahiers de l'Association internationale des études françaises ; vol. 13, no 1 (1961). (Seg30, Publication)
  • Document: Gontard, Marc. La Chine de Victor Segalen : Stèles, Equipée. (Paris : Presses universitaires de France, 2000). (Ecrivains). S. 80. (Seg19, Publication)
  • Document: Qin, Haiying. Segalen et la Chine : écriture intertextuelle et transculturelle. (Paris : L'Harmattan, 2003). S. 71, 200. (Seg40, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
16 1913 Segalen, Victor. Le combat pour le sol [ID D21487].
Brief von Victor Segalen an Pierre d'Ythurbide.
"J'ouvre Le repos du septième jour. Et malheureusement, tristement, je n'admire plus. Claudel, en prise avec le carton coloré du Sud, en fait du diorit et du marbre. - Ici, empoignant le grand mythe dur et pur du Fils du Ciel, il a produit un chaos sans consistance, et ce qui est pis que tout, une oeuvre bien ennuyeuse. Il avait un sujet précisément et admirablement dramatique. Il tenait entre ses deux grands poings un conflit, l'un des plus grands conflits qu'on puisse imaginer sous le Ciel puisque le Ciel de Chine rencontrait le Ciel Latin. Le résultat : deux fort longs sermons ennuyeux. J'ai peine à indiquer la pauvreté du décor impérial, les maladresses and un protocole dogmatique qu'il vaut mieux ne pas aborder si l'on en est pas maître. Enfin ceci pouvait se racheter par le conflit signalé : mais un conflit suppose deux adversaires. L'un, le Fils du Ciel, est déjà bien terne, embarrassé, verbeux à l'extrême. L'autre, le Fils de Dieu, n'est pas encore devenu le magnifique Dieu Claudélien. Et je ne puis pas dire autre chose que l'ennui douloureux de voir un aussi grand sujet enterré sous des pelletées de mots."

Yves Daniel : Le combat pour le sol, dans le contexte agraire de la civilisation chinoise, rappelle bien évidemment le labeur des paysans qui oeuvrent à la fécondation de la terre, au centre de ce que Segalen appelle la 'splendeur céréale'. Les travaux agricoles quotidiens, dans ce drame, sont suspendus par une mystérieuse malédiction, mais le 'combat' ne prend pas pour autant fin, l'effort des laboureurs devenu inefficace s'élève à la hauteru de l'Empereur, seul à pouvoir combattre 'l'influx' maléfique. Le drame est né de la lecture du Repos du septième jour de Paul Claudel et fut conçu au cours d'une 'nuictée d'opium', 1913. Il existe deux manuscrits, le premier fut rédigé 1913, le second 1918. Le repos du septième jour est le répit hebdomadaire, jour où le travail des champs cesse pour lasser place au recueillement paisible, jour où les acteurs de la création et le Créateur lui-même s’accordent le relâchement au profit de la prière.
Le Prologue met en scène un messager impérial qui constate, au milieu des paysans de la province, que la « terre est malade », touchée par une mystérieuse malédiction à propos de laquelle les personnages savent peu de choses. L'acte I se déroule dans la Cité Interdite, les concubines attendent une cérémonie au cours de laquelle on va attribuer un nom particulier à l'une des plus appréciées, « L'Étrangère », qui est occidentale. Mais l'heure est grave car l'« influx » néfaste qui touche l'Empire a forcé l'impératrice à inviter le Fils du Ciel à procéder à des sacrifices particuliers pour ramener l'abondance et la bénédiction. L'Empereur paraît, attristé, offre à l'Étrangère son nom, « Élue-du-Ciel », et annonce qu'il doit s'isoler dans le Temple de la Pureté pour se préparer aux sacrifices. Un cortège pénal interrompt le dialogue : on présente à l'Empereur un homme dont la condamnation ne peut attendre, tant il trouble la paix de l'Empire, un prêtre missionnaire. Sa condamnation est prononcée, et c'est en vain qu'Élue-du-Ciel intercède auprès de l'Empereur qui ne comprend pas sa langue. La deuxième scène se déroule dans les ténèbres d'une salle du Temple, le Fils du Ciel médite et jeûne, seul. Torturé par la faim, il goûte l'huile de sa lampe, unique nourriture accessible. Il s'interroge, dans un long monologue, sur l'opportunité de la condamnation prononcée, alors une voix intervient : il s'agit de celle du prêtre exécuté il y a peu qui prophétise que le « Ciel descendra ». Mais les conceptions « religieuses » des deux personnages sont si différentes qu'elles conduisent à des incompréhensions et à des quiproquos. Leur seul lien est Élue-du-Ciel qui apparaît et peut maintenant tenter de se faire comprendre. Ces propos de chrétienne, néanmoins, se heurtent aux conceptions de l'Empereur : « Je comprends les mots... l'idée reste creuse... », dit-il. Un cortège rituel interrompt le dialogue : le sacrifice « ordinaire » a lieu, mais il échoue. L'acte II se déroule sur la « Terrasse aux Étoiles », observatoire impérial. Les astrologues sont dans une grande confusion car les présages sont néfastes. Le Duc Grand Astrologue apprend par un eunuque la nouvelle de la maladie d'Élue-du-Ciel. L'Empereur, quant à lui, prononce sur la Terrasse des mots qui ne sont pas « conformes » aux rites. La cour rend l'« Influx » responsable de la mort prochaine de l'Étrangère, craignant la colère du Fils du Ciel. C'est à la scène III que l'un et l'autre se rencontrent. Élue-du-Ciel répond à l'amour terrestre de l'Empereur par une tentative pour le convaincre de l'Amour chrétien du Ciel, sacrifice absolu. Mais les deux ne peuvent s'entendre et l'Empereur lui reproche d'avoir « importé » ses dieux avec elle. La mort, finalement, emporte la jeune femme et toutes les catastrophes touchent l'Empire : mort du prince héritier, pétitions, rébellions... L'Empereur prend la parole pour clore l'acte, mais ses mots, une fois encore, ne sont point « conformes ». L'acte III a lieu dans le Temple du Ciel. Le cérémoniaire s'interroge car rien de ce qui est prévu ne respecte les rites. L'Empereur paraît, vêtu en homme pauvre, le fantôme du prêtre vient à lui, avec Élue-du-Ciel - nous sommes à la dernière « veille de la nuit avant l'aube du printemps ». Le Fils du Ciel refuse aux deux fantômes l'accès de ce Ciel qu'il dit être le sien, mais les deux personnages sont emportés vers les deux, « enveloppés comme de flammes », le laissant dans une grande perplexité. Finalement, la pluie tombe, l'abdication un moment envisagée est oubliée, la malédiction prend fin. L'Empereur renvoie les personnages présents à l'audience : « Voici le riz et voici l'abondance. Allez manger dans le rassasiement. » Lui seul aura encore faim, car il a livré son coeur, « et mêlée aux fumées quelque chose d'insaisissable et d'inconnu s'est enfuie... »

Yvonne Y. Hsieh : Segalen first conceived the play as a response to Paul Claudel's Le repos du septième jour. The action takes place in an equally inderterminate era of Chinese history. For the décor of the play, Segalen makes use of the architecture with which he became familiar during his stay in Beijing. In the play, not only is there a prolongued duel between the Chinese and the Latin Heaven, but also a more personal debate between the Emperor and 'l’Etrangère', between him and the martyr, and between the Epress and the foreign favourite.

Anne-Marie Grand : Dans une 'lettre circulaire' pour ses amis et adressée à l'un d'eux, il analyse les emprunts de Paul Claudel à l'art chinois et conclut que le champ reste ouvert car pour ce dernier "toute inspiration 'formelle', toute rénovation dans les formes n'a rien à faire ici avec la Chine. Claudel n'a pas vu les ressources nouvelles d'un texte bref et jaloux, adouci de commentaires. Ni tout le symbolisme brutal et originel contenu dans les figurations primitives. Ni cette réthorique prudente de l'ode qui s'avance par une sorte de piétinement ; - ni l'impersonnalité fonctionnelle de l'histoire annalistique. Ni ce dialogue impérial où des réticences, des chutes soudaines de voix remplacent le mot Empereur". Cette lettre est importante dans la mesure surtout où Segalen y recense les formes littéraires chinoises qu'il transplantera dans son oeuvre, les explorant systématiquement les unes après les autres. Il est notable, qu'il ne s'attache qu'à des formes que l'on peut qualifier d'archaïques, ce que confirme même un rapide survol des textes. Les emprunts du poète ne concernent que la littérature la plus antique de la civilisation chinoise : le Shi jing, le Li ji et les Annales historiques.
  • Document: Grand, Anne-Marie. Victor Segalen : le moi et l'expérience du vide. (Paris : Méridiens Klincksieck, 1990). (Connaissance du 20e siècle). S. 72. (Seg27, Publication)
  • Document: Daniel, Yvan. Paul Claudel et l'Empire du Milieu. (Paris : Les Indes savantes, 2003). S. 296-298. (Clau24, Publication)
  • Person: Claudel, Paul
  • Person: Segalen, Victor
  • Person: Ythurbide, Pierre d'
17 1914 Expedition von Victor Segalen, Auguste Gilbert de Voisins und Jean Lartigue.
Voisins ist für die Archäologie, Lartigue für die Topographie zuständig. Sie reisen von Beijing nach Luoyang (Henan) zu den buddhistischen Grotten Longmen, nach Lintong, Xi'an (Shaanxi), wo sie das Grab von Shi Huangdi finden. Segalen schreibt an Paul de Cassagnac : "La grande pleine de Si-ngang fou se navigue comme une mer dont les îles seraient les tumuli d'empereurs, de concubines et de princesses."
Segalen entdeckt den Grabhügel von Kaiser Han Wudi, das Grab von General Huo Qubing, bewacht von einer Statue eines Pferdes (117 v. Chr.) und Säulen aus der Han-Zeit. Segalen und Voisins gehen nach Sichuan, Baoqi, zum Jialing jiang, treffen Lartigue in Baoning [Langzhong]. Sie erforschen Küstengräber, Grabstätten der Han, buddhistische Plastiken aus dem 6. Jh., den Buddha in Jiading. Lartigue reist nach Chongqing, Segalen und Voisins nach Chengdu. Sie treffen Pierre Bons d'Anty, der ihnen erklärt, dass sie Tibet wegen einer lokalen Rebellion nicht besuchen können. Sie reisen zur Mission Yazhou, zum Grab des Gao Yi und entdecken eine Stele der Han-Zeit. Dann nach Dajianlu (Sichuan), Lijiang (Yunnan), zum Yangzi. Ein Telegramm ruft sie nach Tianjin zurück, um des Zweiten Weltkrieges wegen nach Frankreich zurückzureisen.
  • Document: Gontard, Marc. La Chine de Victor Segalen : Stèles, Equipée. (Paris : Presses universitaires de France, 2000). (Ecrivains). S. 161-166. (Seg19, Publication)
  • Person: Gilbert de Voisins, Auguste
  • Person: Lartigue, Jean
  • Person: Segalen, Victor
18 1914-1917 Victor Segalen ist als Arzt im Marine-Spital von Rochefort und Brest tätig.
19 1914 Brief von Victor Segalen über seine Expedition an Jules de Gaultier.
Er schreibt : "Mon voyage prend décidément pour moi la valeur d'une expérience sincère : confrontation, sur le terrain, de l'imaginaire et du réel : la montagne vue par le 'poète', et la même, escaladée par celui à qui elle barre la route et qui trouvera, de l'autre côté du col, après dix heures d'étapes, à manger, à dormir, et peut-être (mais s'en préoccupe-t-il ?) le bien-être surajouté d'un beau spectacle. Et le fleuve, couru surs ses eaux, et non pas sur une carte, de la source à l'embouchure. Ensuite, j'aurai acquis, je l'espère, le droit à me prononcer : au moins à incliner du côté fictif – souvenirs et combinaisons de tête – quand mes os et mes muscles auront donné ce qu'ils doivent. Je vais chercher, au prix de dix mois d'efforts et de courses, le droit personnel au repos replié, à la longue méditation concentrique, sans but. Même le prétentieux de ces mots se pardonne au regard du concret de ce qui va suivre.
Ce concret s'annonce bien : un fort beau voyage. Quatre mois durant, l'inconnu dans le temps : le passé, à prendre sur le fait ; cinq mois ensuite : l'espace à définir dans des petits dessins. Vous connaissez déjà Voisins. Notre troisième compagnon est tout autant des nôtres : c'est Jean Lartigue, votre fervent, esprit recueilli dans un corps plein de jeunesse franche. Peu de gens se seront aussi bien entendus dès le départ ; mieux, aimés franchement, et par expérience."

Yvonne Y. Hsieh : The letter reveals one of Segalen's fundamental beliefs, that an author has no right to pronounce judgment on something he has not personally experiences.
  • Document: Segalen, Victor. Peintures. (Paris : G. Crès, 1916). [Enthält] : Peintures magiques. Cortèges et trophée des tributs des royaumes. Peintures dynastiques. (SegV12, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
20 1914 Segalen, Victor. Feuilles de route.
Tagebuch, das er während seiner Expedition führte. Daraus entnahm er Texte für Equipée. Darin enthalten ist ein Abschnitt aus den Mémoires historiques de Sima Qian, den Segalen kopiert hat.
  • Document: Banquier, savant, artiste : présences françaises en Extême-Orient au XXe siècle. Flora Blanchon (dir.). (Paris : Presses de l'Université Paris-Sorbonne, 2005). (Collection Asie). S. 22. (Bla11, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
21 1915 Segalen, Victor. Equipée [ID D9512].
Segalen schreibt : "J'ai toujours tenu pour suspects ou illusoires des récits de ce genre : récits d'aventures, feuilles de route, racontars – joufflus de mots sincères – d'actes qu'on affirmait avoir commis dans des lieux bien précisés, au long de jours catalogués... Ce livre ne veut donc être ni le poème d'un voyage, ni le journal de route d'un rêve vagabond."

In Chengdu schreibt er : "Imaginer, sur la foi des textes, que l'on va, dans ce lieu précis, découvrir une belle et archaïque statue de pierre de cette époque puissante et humaine des Han... et se trouver nez à nez avec un moignon informe de grès, est encore une déconvenue. Celle-ci, irrémédiable. Aucun espoir de découvrir un peu plus loin la statue qu'on ne trouve pas... Elle n'est pas perdue ; elle n'est pas égarée. Elle est là."

Er schreibt : "C'est donc à travers la Chine, grosse impératrice de l'Asie, pays du réel réalisée depuis quatre mille ans, que ce voyage se fera. Mais n'être dupe ni du voyage, ni du pays, ni du quotidien pittoresque, ni de soi! La mise en route et les gestes et les cris au départ, et l'avancée, les porteurs, les chevaux, les mules et les chars, les jonques pansues sur les fleuves, toute la sequelle déployée, auront moins pour but de me porter vers le but que de faire incessament éclater ce débat, doute fervent et pénétrant qui, pour la seconde fois, se propose: l'Imaginaire déchoit-il ou se renforce quand on le confronte au Réel ?"

"The entwined reciprocity of the two 'commas' forming the Tao, on white, the other black, equal, symmetrical neither ever victorious over the other. The symbol is a well-worn one. Its common translation is Yin and Yang, female and male ; this opposition and penetration which according to the classics of the tenth century, begat the world, are also capable of containing everything in the world we can image. My journey and the purpose of my journey are easily enclosed and uplifted in this symbol." [Französisches Original nicht gefunden].

Sekundärliteratur
1988 / 1996
Yvonne Y. Hsieh : Equipée narrate a sequence of episodes or describe in detail the characteristics of the various regions visited. It does not aim at being precise and informative. Instead, it explores the constant 'duel' between the real and the imaginary in different situations encountered during Segalen's second long journey across China, between what the traveler expects in his imagination and what he actually faces along the way. Equipée merely uses the travel experience as a catalyst for generating reflections on all sorts of subjects, from the usefulness of sandals and staff to the role of the imagination in restoring a badly eroded archaeological find to its original form ; from the mediocrity of catholic missionaries in China and the failure of their proselytizing efforts, to the mystery of lifesaving human instinct, 'supple as the caressing water, sensible as a peasant, sly as a cat coming out of some cellar or underground hide out'. Segalen often does not bother to tell us when or where certain events recounted in the text occurred, as this is not important for his purposes. Neither does he vouch for the authenticity of his accounts ; in fact, he deliberately chooses to give his readers the impression that he was traveling alone, except for the muleteers in his hire.
Segalen tries to invent another new genre with Equipée. For Segalen, China was 'le pays du réel', Tibet 'le pays de l’imaginaire'.
A few interesting observations may be made regarding Segalen’s modernization of T'ao Yüan-ming's story 'The Peach blossom source'. In the original version, the villagers had entered their secluded abode during the last days of the Ch'in dynasty, and the fisherman encountered them during the T'ai-yüan reign of the Chin emperor Hsiao-wu. In Equipée, the ancient villagers had taken refuge during the last days of the Ming dynasty and the traveler's accidental discovery of the community occurred almost three hundred years later, towards the end of the Ch'ing.

1996
Andreas Michel : Equipée represents an exploration of the clash of the two fundamental tendencies in which aisthesis has been thought in the West: as sensory encounter with the physical world, ('experience'), on the one hand, and as imaginative, poetic construction of the world ('imagination') on the other. In Equipée, Segalen, the poet, undertakes a journey into the land of the real ('un voyage au pays du réel') in order to find out if the power of the imagination can hold its own when confronted with brute reality or if, on the contrary, the knowledge furnished by the imagination has to be discarded.
Segalen is well aware of the name for his attraction to faraway lands-exoticism-as well as the negative connotations that this term holds. For apart from its geographical and cultural application, the idea of distance, in which he sees the essence of exoticism, also expresses the philosophical relation between subject and object. And it is at this point that his exoticism takes on theoretical dimensions.
This dimension of exoticism, then, is directly linked to an always renewed experience of difference and alterity. In his encounters with different cultures, Segalen is intent on reviving the level of aesthetic experience that had been devalued in aestheticism: direct sensory experience through physical contact. In this perspective, Segalen's own contribution to intellectual history comes into view: it consists in his desire to reintegrate sensory experience into his poetic writings. While Segalen the aestheticist believes in the evocative power of the imagination, Segalen the traveler explores the sensible nature of experience. Equipée, this trip in the land of the real, stages the debate between these two versions of aesthetic experience. During the expedition, Segalen opposes the imaginative practice of the poet and his tools, words, to the physical experience of the traveler.
Equipée is structured in such a way that the reader witnesses the imaginative anticipation (l'imaginaire) of an experience followed by a narrative of its actual occurrence (le réel). More often than not, the imaginative projection is proven to have been false, the actual experience taking place in a manner quite different from what the narrator had expected. The different chapters thus show the traveler being shaken to and from between the « two worlds » of imagination and reality.

1993
Qin Haiying : La confrontation textuelle de la Source aux fleurs de pêcher de Tao Yuanming et Equipée permet de voir que les deux récits sont construits selon un même schéma structurel. Mais on ne tarde pas à remarquer que, sur fond de cette structure profonde commune, le texte de Segalen présente bien des éléments visiblement différents. On peut dire que le texte de Segalen respecta la syntaxe du récit de Tao Yuanming en y permutant de nouveaux syntagmes et en la prenant souvent à contre-pied.
Pour tirer toutes les conséquences de la récriture du mythe chinois par Segalen, il faut encore tenir compte du fait que l'épisode n'est pas un récit indépendant comme le texte de Tao Yuanming, mais fait partie d'un journal de route à caractère autobiographique. Par les transformations de divers ordres, Segalen donne du mythe de la Source aux fleurs de pèchers une version originale et moderne, celle d'un poète occidental du XXe siècle qui se préoccupe avant tout du problème esthétique et philosophique de la Différence, du conflit et de l'alternance entre le même et l'autre.
Segalen a-t-il lu Tao Yuanming ? Si l'hypothèse de l'emprunt peut être prouvée biographiquement, notre étude sera non seulement justifiée par le rapport intertextuel, mais aussi légitimée par le rapport de fait. Aucune note manuscrite d'Equipée n'a mentionné cet emprunt et Segalen n’a nulle part parlé de Tao Yuanming. En consultant à la Bibliothèque nationale les manuscrits de Segalen, nous avons découvert une page manuscrite de Peintures au verso de laquelle Segalen avait copié au crayon et en caractères chinois de petits fragments du Récit de la source aux fleurs de pècher. C'est une preuve, que Segalen avait réellement connu dans le texte original le récit et que le rapprochement entre les deux textes est positivement fondé.
  • Document: Kushner, Eva. Victor Segalen and China : a dialectic of reality and imagination. In : Tamkang review ; vol. 6 (1975-1976). (Seg24, Publication)
  • Document: Hsieh, Yvonne Y. A frenchman's Chinese dream : the long-lost village in Victor Segalen's Equipée. In : Comparative literature studies ; vol. 25, no 1 (1988). (Seg32, Publication)
  • Document: Hsieh, Yvonne Y. From occupation to revolution : China through the eyes of Loti, Claudel, Segalen, and Malraux (1895-1933). (Brimingham, Alabama : Summa Publications, 1996). S. 56. (Seg31, Publication)
  • Document: Michel, Andreas. The subject of exoticism : Victor Segalen's 'Equipée'. In : Surfaces ; vol. 6 (1996).
    http://www.pum.umontreal.ca/revues/surfaces/vol6/michel.html. (Seg26, Publication)
  • Document: Qin, Haiying. Segalen et la Chine : écriture intertextuelle et transculturelle. (Paris : L'Harmattan, 2003). S. 191, 195-197. (Seg40, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
22 1916 Segalen, Victor. Peintures [ID D21455].
Er schreibt :
"La forme littéraire adoptée dans ce livre est neuve. Brisant net avec le procédé 'roman' où des personnages dialoguent et feignent de vivre pour la joie ou l'ennui du lecteur – ici, l'auteur prend à partie le lecteur ou du moins le 'spectateur' et en fait un 'comparse', un 'complice'. Il y a retentissement réciproque. Cette hypothèse est menée pour la première fois et, semble-t-il, sans défaillance d'un bout à l'autre d'un livre complet."

Er schreibt im Vorwort : "Meine Rolle Ihnen und diesen Gemälden gegenüber ist eine andere, nämlich die, Sie nur 'sehen' zu lassen. Es sind gesprochene Gemälde. Lassen Sie sich also durch dies überraschen, was kein Buch ist, sondern ein Spruch, ein Aufruf, eine Beschwörung, ein Schauspiel. Und sie werden bald damit einig gehen, dass sehen, wie es hier verstanden wird, heisst, an der Zeichenbewegung des Malers teilzunehmen, heisst, sich irrt ausgemalten Raum zu bewegen, heisst, sich in jede der gemalten Handlungen hineinzuversetzen."

Er schreibt : "A master-painter, in the time of Song, was wont to dwell upon the hillsides, with a small bottle of wine, and to spend the day in a state of slight intoxiation, gazing on and meditating. And do you know what it was he gazed upon ? A spectacle of course, since he was master and painter. The commentators' translation has it that he 'sought the bond uniting forever joy and life, life and joy, and they mocked him for being a drunkard and a madman'. Yet this inebriated vision, this pentrating look, this prophtic grasp, can replace for some - among whom you are – ‘the raison d’être’ of the world and of the godhead."

Sekundärliteratur
1975
Eva Kushner : The artist unfolds the scrolls of Chinese paintings, not before the reader's eyes but before his imagination. In other words, Segalen's idea of this kind of poetry of transposition is the obverse of the sort of description prescribed by the Parnassian school. In Peintures Segalen similarly conveys the spiritualization of space. Each poem is the imaginary unfolding of a painted scroll in which spaces are viewed successively rather than simultaneously, and in which the technicalities of perspective are less important than one stroke of the brush, because of all the suggestion the latter may hold for the viewer.

1986
Wolfgang Geiger : Diese 'erzählten Gemälde' sind ein einzigartiges Phänomen in der Literaturgeschichte. Segalen führt darin seine 'geistige Karawane' auf eine neue Reise, weg von der Konfrontation im dem Wirklichen und Gegenwärtigen, zurück zum Imaginären und Vergangenen. Die Beschreibung dieser Gemälde führt den Leser in eine imaginäre Landschaft ein. Die Themen der Peintures lehnt Segalen ebenso an die chinesische Tradition und Geschichte an wie bei Stèles, ohne die Vorgaben einfach zu imitieren. Zu einem guten Teil sind es auch von ihm efundene Bilder, aber im chinesischen Stil erfunden. Sich auf diese fiktiven Gemälde einzulassen, auf ihre in mehrfacher Weise andere Ästhetik, erfordert mehr denn je, dass sich der Leser einem fremden Denken öffnet und die gewohnte Vorstellung der abendländischen Ästhetik , die Trennung zwischen dem visuellen und dem fiktiven Raum hinter sich lässt.

1988
Yvonne Y. Hsieh : The entire text of Peintures is conceived as a running commentary to a series of imaginary Chinese paintings which the narrator-commentator is presenting to his audience, whose active participation he constantly solicits. The narrator-commentator is himself the painter, as his words evoke imaginary pictures which may not be based on real Chinese paintings. He harangues his audience is really the writer, Segalen, who addresses his reader, as the narrator's speech is not actually hear but read in a printed text. Finally, the reader-viewers are themselves the artist, since the only paintings they 'see' are those conured up by their own imaginations as they turn the printed text into visual images inside their heads. Segalen's intricate text is thus a written work purporting to be a pronounced speech which aims to evoke pure images, that is, a work that needs to be simultaneously read, heard, and seen. Actually, Segalen's original intention was to write an essay on Chinese painting : he had even gathered a mass of documentation for this purpose. Only later did he conceive of creating a radically new genre.

1990
Anne-Marie Grand : Le recueil se présente sous la forme d'un tryptique : trois groupes de textes aux masses équilibrées : 17 peintures magiques, 17 peintures dynastiques encadrant le déroulement en 12 tableaux des 'Cortèges et trophées'. Les dix-sept tableaux de la première partie utilisent la totalité des supports picturaux chinois : rouleau vertical, éventail, paravent, porcelaine, laque, pierre, la laine même des tapis, jusqu'à les faire éclater, déborder tout cadre et inscrire leurs calligraphies dans l'espace et le temps. 'Paintures magiques' conduisent sur les voies d'un dépouillement intérieur. Elles se jouent de toutes les croyances, certitudes, illusions du spectateur-lecteur.
‘Dans 'les néoménies des saisons', l'Empereur apparaissait comme accord, harmonie, équilibre, accueillant chaque heure à sa juste mesure, donnant au temps son dû ni trop tôt ni trop tard, il est ici le rassembleur, l'unificateur. Il n'est pas 'tel empereur ou tel autre', mais ce singulier successif élu par mandat du Ciel.
Les deux premières parties conduisent en un lieu dont les caractéristiques (l'indétermination en particulier) et la présence impériale indiquent la centralité. Un lieu qui est en même temps but et origine puisqu'à peine atteint, il bascule dans son absence et impose la nécessité d’en chercher à nouveau l'accès. Une certitude demeure, toutefois, le Centre existe, il lui arrive de se manifester et c'est dans cette certitude que s'installe la troisième partie. Elle s'ouvre sur une anecdote rapportant une promenade de Confucius and l'antique Palais des Zhou à Luo Yang. C'est donc dans le Dedans que le spectateur est maintenant invité à se déplacer.
Chacun des tableaux est placé sous le signe de l'Ubris. La faute majeure des Grecs, la transgression des limites, le débordement de l'humain est ici la seule vertu. La démesure, énorme à l'origine perd cependant, peu à peu, son énergie. Du dernier des Xia dont le surnom posthume fut 'l'inhumain', la 'lente marche à travers les palais dynastiques' épuise la puissance, la voit s'évanouir totalement dans l’arbre enchaîné, ne lassant vive que la seule écriture, le sceau qui clôt le tout : 'Grandeur officielle de T'sing'.
Chacun des portraits compose l'image de l’une des valeurs humaines que la coutume honore : force, intelligence, passion, foi, amitié, raison mais en les marquant de signes négatifs, les faisant, de plus, cohabiter avec d’autres, lâcheté, vanité, cruauté, faiblesse proche de la sottise, toujours considérées comme l'envers de valeurs. Toutefois, ces représentants de la décadence se succèdent de telle manière qu'ils dessinent une autre figure.
Chaque Empereur va tour à tour incarner des passions dévastatrices. De ceux qui furent dévorés par les philosophies à ceux qui s'égalèrent aux dieux, de ceux qui rient et se moquent de tout et de tous, de celui qui voulait tenir le monde entre ses deux mains, à portée de regard à celui qui règle des automates et des corps de ballet, les capacités de grandeur s'émoussent et l'homme dépers sa souveraineté jusqu'à laisser Place à l'arbre seul où la trace humaine ne pèse plus que du poids des chaînes l'enserrant.
Parlant à l'instar de Peintures du Dedans, le recueil n'en offre que des images beaucoup plus fragmentées, des 'moments' dans un langage hiératique et hautain beaucoup plus difficile à décrypter.

2003
Qin Haying : Dans Peintures, pour créer un effet équivalent à l'inscription calligraphique d'une peinture chinoise, Segalen joue sur la typographie et la mise en page, en insérant les titres des peintures littéraires aux différents endroits du corps textuel. Ces titres, différents par les majuscules, font partie d’une phrase du texte-peinture, tout comme les caractères calligraphiés font partie d'une peinture. Segalen change son mode d'écriture et inaugure une nouvelle forme littéraire d'inspiration picturale. Il ne s'agit plus cette fois de jouer sur l'analogie stèle-poème, mais sur le rapport peinture/littérature. Et ce rapport est exploré de la façon la plus inattendue : au lieu de décrire des peintures référentielles, l'auteur tente bel et bien d'écrire des peintures sans support pictural. On verra que le paradoxe de cette expression distincts en essayant de prouver par son livre que l'écriture peut faire mieux que la peinture, et ce non uniquement par l'usage des métaphores. Cette entreprise singulière est fondée sur une croyance au pouvoir supérieur des mots sur les couleurs : il importe, dans Peintures, de témoigner des possibilités de la littérature, entendue ici très simplement comme travail d'écriture sur et à partir des mots.
Comme ce qui est souvent arrivé au poète dans son itinéraire réel et spirituel, la recherche historique sur l'art chinois le fait heurter de nouveau à une absence, une disparition, et c'est très problablement cette disparition de l'origine et le désir de 'reconstituer l'essentiel absent' qui l'incitent à passer très rapidement d'un essai historique à l'invention d'un ensemble de pièces en prose appelées 'peintures littéraires'.
En s'appuyant sur une riche matière chinoise dont les sources principles restent les Textes historiques, traduits par Léon Wieger, tout en s'inspirant de sa documentation sur l'art chinois, le poète ne prétend nullement refaire la peinture chinoise disparue et ne se réfère guère à des modèles plastiques observables. Sa vraire ambition, c'est d'inventer verbalement, en français, des 'peintures chinoises' qui n'ont jamais existé, mais qui présenteraient, malgré tout, les effets attendus qui nous renverraient à cette forme d'art oriental avec sa spécificité et sa diversité : techniques, mode de vision, composition, supports, thèmes, genres picturaux. Certes, ces textes faits de signes linguistiques ne sont 'picturaux' que par fiction et métaphore, ils ne deviennent pleinement 'tableaux' que par l'imagination interposée. Néanmoins, il faut reconnaître qu'au-delà d'un usage métaphorique du mot 'peinture', Segalen fait preuve d'un sérieux effort pour inscrire le pictural dans le textuel et, ce faisant, il pose un jour nouveau le problème tant débattu du rapport entre littérature et peinture.
Peintures nous frappe d'abord par une très grande discursivité, une multiplication délibérée des traces de la parole. Pour reprendre une expression chinoise, il s'agit bien des 'peintures sonores'. Dans une présentation rédigée lors de la parution du livre, Segalen précise la nouveauté de ce mode d'écriture.
Chez Segalen, ces différents types de contextes entrent tous en jeu, mais de proportion inégale. L'identification des tableaux chinois réels qu'il aurait vus ou possédés relève du contexte biographique. Ce contexte assez limité est loin de pourvoir expliquer toutes les allusions du live. L'identification des sourves livresques, des anecdotes, des thèmes particuliers à la Chine relève du contexte culturel, de l'intertexte. Ce contexte, beaucoup plus important que le précédent, permet de comprendre une grande partie des allusions du livre, dont les plus visibles sont celles de la troisième section, 'Peintures dynastiques', où les noms propres des derniers empereurs de chaque dynastie chinoise sont explicitement présents et les épisodes les plus célèbres qui les concernent sont facilmenet reconnaissables, puisqu'ils constituent les grands moments de l'histoire chinoise.
La peinture est par excellence un art d'espace. Cela s'entend de deux manières : elle représente des objets situés dans l'étendue, et en même temps cette représentation elle-même, la peinture-objet, se situe aussi dans l'étendus. Le livre Peintures étant une monstration des peintures chinoises, il implique ces deux ordres d'étendue. La spatialité signifiée y est donc double : celle du monde peint et celle de la peinture. Si l'étendue de la peinture elle-même est un espace signifiant dans le cas d'un tableau proprement dit, elle devient à son tour un espace signifié dans ces peintures livresques, puisque la peinture-objet y fait aussi l'objet d'une représentation verbale. Ce livre est ainsi la transposition d'une transposition : il transpose des peintures chinoises qui transposent à leur tour le monde référentiel. Le problème de la spatialité dans Peintures doit se reformuler sur trois plans décalés l'un par rapport à l'autre : il y a l'espace propre au texte, l'espace englobant la peinture et l'espace englobé par la peinture, doublement signifié par la peinture qui est signifiée par le texte. Les peintures de Segalen tirent en partie leur étrangeté d'une conception chinoise de l'espace qui fait contraste avec la peinture occidentale classique.
Différente de la deuxième section qui ne porte qu'un seul grand titre, la première section 'Peintures magiques', contient autant de titres que de peintures. Sa particularité vient du fait que ces titres ne sont jamais placés en tête du texte, parce qu'ils sont éléments constitutifs dans le texte. La dernière section du livre revient à une présentation typographique normale, mais joue toujours un rôle signifiant particulier : cette fois, le titre est bien en tête de chaque peinture.
  • Document: Kushner, Eva. Victor Segalen and China : a dialectic of reality and imagination. In : Tamkang review ; vol. 6 (1975-1976). (Seg24, Publication)
  • Document: Geiger, Wolfgang. Vom Reiz des Unverständlichen : Victor Segalens Ästhetik des Fremden. In : Spuren ; no 15, April-Mai 1986. = www.historia-interculturalis.de. (2006). (Seg28, Publication)
  • Document: Grand, Anne-Marie. Victor Segalen : le moi et l'expérience du vide. (Paris : Méridiens Klincksieck, 1990). (Connaissance du 20e siècle). S. 128, 133-137. (Seg27, Publication)
  • Document: Qin, Haiying. Segalen et la Chine : écriture intertextuelle et transculturelle. (Paris : L'Harmattan, 2003). S. 53, 131, 133-134, 141, 148, 156-157, 169. 172. (Seg40, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
23 1917 Victor Segalen, Paul Vitry und Edmond Chassigneux werden beauftragt nach China zu gehen, um chinesische Arbeiter für das Ministère de la guerre zu anzuwerben. Gleichzeitig macht Segalen archäologische Forschungen der kaiserichen Gräbern des 5.-6. Jh. in Nanjing.
  • Document: Postel, Philippe. Victor Segalen et la statuaire chinoise : archéologie et poétique. (Paris : H. Champion, 2001). S. 22. (Seg20, Publication)
  • Person: Chassigneux, Edmond
  • Person: Segalen, Victor
  • Person: Vitry, Paul
24 1918 Victor Segalen kehrt nach Frankreich zurück und arbeitet als Arzt in Brest.
25 1919 Victor Segalen ist krankheitshalber im Spital in Paris und macht einen Aufenthalt in Algerien.
26 1919 Victor Segalen gibt eine Vorlesung für seine Mediziner Kollegen in Brest : 'Yuan-che-k'ai, futur Empereur'.
27 1919 Segalen, Victor. Thibet [ID D21488].
1988
Yvonne Y. Hsieh : Segalen embarked on a new literary project, a long poem in praise of Tibet, the kingdom he had twice failed to reach. As if to compensate for his dwindling life force, he deliberately celebrates in Thibet physical exertion accompanied by spiritual exaltation. Tibet offers a grandiose vision of towering peaks and twisted crages. Michael Taylor proposes in his introduction that Segalen's mental journey through Tibet constitutes a return to the West.
A detailed study of Thibet is not feasible, as no definitve text exists. Of the the fifty-eight séquences projected, three do not even have one complete version. In Thibet, physical ascent is, on the contrary the perfect symbol of spiritual elevation. It represents the revenge of the imaginary, the conquest of the most indomitable heights by the spirit.

1999
Michael Taylor : Imaginaire est le mot qui convient ici. D'abord parce que Segalen n'a vraiment vu le Tibet de ses propres yeux, ensuite parce qu'il ne se souvie de la fidélité géographique. Et enfin parce que le paysage tibétain joue un rôle manifestement symbolique. Il insiste sur l'immensité du pays tibétain et sur son extra-territorialité par rapport au monde connu des lecteurs occidentaux. Il traite le paysage à la fois comme le théâtre et la représentation d'un cheminement intérieur. Paysage sacré, où tout est double, où tout peut se lire sur deux, trois, quatre niveau d’exégèse.
Le poème est une tantative de prendre d'assaut, comparable à certaines techniques vajrayana pour forcer l'éveil, le 'Pays autre à connaître', le 'territoire inconnu' ou encore le 'territoire ineffable'. Donner un relief titanesque à son poème en inscrivant dans ses vers mêmes la sauvage démesure du paysage tibétain tel qu'il a été décrit par les voyageurs que Segalen a pu lire à la bibliothèque de l'Ecole française d'Extrême-Orient à Hanoi 1917. Le poème et le paysage sont confondus. L'écriture est en quelque sorte une exploration d'un territoire spirituel ; l'acte poétique est la conquête d'une contrée intérieure.
  • Document: Littérature et Extrême-Orient : le paysage extrême-oriental = Le taoïsme dans la littérature européenne. Textes réunis par Muriel Détrie. (Paris : H. Champion ; Genève : Slatkine, 1999). (Champion-varia ; no 37). S. 136-137. (Det4, Publication)
  • Person: Segalen, Victor
28 1921 Segalen, Victor. René Leys [ID D3084].
In this entrancing story of spiritual adventure, a Westerner in Peking seeks the mystery at the heart of the Forbidden City. He takes as a tutor in Chinese the young Belgian René Leys, who claims to be in the know about strange goings-on in the Imperial Palace: love affairs, family quarrels, conspiracies that threaten the very existence of the empire. But whether truth-teller or trickster, the elusive and ever-charming René presents his increasingly dazzled disciple with a visionary glimpse of an essential palace built upon the most magnificent foundations.
(New York review of books 2007).

Our narrator is a Frenchman in Peking in 1911, the final year of the Qing dynasty. He is not so much interested in the politics of revolutionary Sun Yat-sen and warlord Yuan Shih-kai, however, as he is obsessed by the "Within", by the mysteries of the Imperial family, nested within the successive walls of the Forbidden, Imperial, Manchu, and Chinese cities. Seeking out anyone who might have access to the palace, he finds the answer to his dreams in his tutor René Leys, a young Belgian boy who has learnt fluent Chinese and managed to find himself a place at court — a surprisingly privileged place.
Though there is little direct action in René Leys, it is nevertheless engrossing, drawing us into the narrator's plans and imaginings. It is also an unusual and original novel, involving storytelling at several different levels and incorporating elements of espionage and mystery fiction, including a murder and a twist right at the end. It also offers a view of life in Peking.
(Book review by Danny Yee 2002)

1988
Yvonne Y. Hsieh : Segalen's novel ist set in contemporary China. Real political events that took place between 28 Febr. and 22 Nov. 1911 are woven into the text. The only one among Segalen's literary creations to reflect his actual presence near Beijing at the time of the revolution, the novel contains obious autobiographical elements. The first-person narrator, who records in his diary the astonishing divulations of René Leys, is a thirty-five-year-old Frenchman whose name also happens to be Victor Segalen. Like Segalen, he penetrates once into the palace as a member of the French delegation received by the regent. His real-life model is the nineteen-year-old Frenchman Maurice Roy, whom Segalen met in June 1910. Between June 1910 and 30 Oct. 1911, Segalen kept a diary entitled 'Annales secrètes d’après Maurice Roy', in which he noted the incredible revelations of his friend, who admitted to being the lover of the empress Dowager, to fathering a daughter by her, and to receiving a concubine offered by the regent.
René Leys ist neither a novel concerning the Chinese capital nor a documentary work about the revolution. Its main theme is the dialectical tension between the real and the imaginary, which has played a significant role in all the texts examined thus far. The irruption of the real is based on historical events, the fall of the Qing monarchy and the proclamation of the Republic. The shattering of the narrator's belief in Leys' fictional life coincides with the destruction of Segalen's own vision of an eternal and imperial China.
The narrator is a Frenchman in Beijing in 1911. He is not so much interested in the politics of revolutionary Sun Yat-sen and warlord Yuan Shih-kai, however, as he is obsessed by the "Within", by the mysteries of the Imperial family, nested within the successive walls of the Forbidden, Imperial, Manchu, and Chinese cities. Seeking out anyone who might have access to the palace, he finds the answer to his dreams in his tutor René Leys, a young Belgian boy who has learnt fluent Chinese and managed to find himself a place at court — a surprisingly privileged place. Though there is little direct action in René Leys, it is nevertheless engrossing, drawing us into the narrator's plans and imaginings. It is also an unusual and original novel, involving storytelling at several different levels and incorporating elements of espionage and mystery fiction, including a murder and a twist right at the end. It also offers a view of life in Peking, albeit through the lens of the narrator's misunderstandings and sexual and antiquarian obsessions.

1990
Anne-Marie Grand : Du narrateur nous est livré le nom : Segalen, sa nationalité : française enracinée dans la Bretagne, son âge : il a quinze ans de plus que son héros, 36 ans en 1911. René Leys commence dans un parallélisme avec le texte abandonné qui se complique d'un grand nombre d’arabesques pour en faire cette oeuvre étonnante de facilité et de difficultés mêlées. Un écrit destiné à une lecture sous le signe de l'équivoque. A première vue l’enquête, comme l'induisait le refus de l'audience, concerne le Palais impérial.
Le texte est placé sous le signe de la communication. Tous les personnages, à des degrés divers d'ironie, en sont marqués, à commencer par le héros : René Leys. Le jeune homme est professeur, à ce titre chargé de transmettre un savoir, qu'il s'agisse d'économie politique quand il exerce à l'Ecole des nobles ou de chinois lorqu'il y initie le narrateur. Leys appartient à un double système de communication, sans négliger qu'il s'octroie un rôle au sein de la police secrète, organisme consacré, par définition, aux activités de renseignements. Similaire en cela au vieux professeur Wang enseignant dans une école officielle (de la police secrète) et dans le cadre du cours de chinois que lui aussi despense au narrateur.
Le héros du récit, René Leys atteint d’une mort scripturale, comme son modèle, Maurice Roy d'une mort symbolique le jour où il a cessé d’amuser ou d'intriguer Segalen, comme le double perdu dans le temps ; le second, Guangxu, mort bien réel dont l'écriture assume la réalité ; Pékin enfin, morte pour avoir souffert 1911, cessant alors d’être 'l'habitat des rêves' de l'écrivain qui s'en plaindra encore en 1917, 'déplorant avec preuves constantes à l'appui que Péking n'ait pas brûlé d'un seul jet' à ce moment-là.
René Leys, très jeune, est, malgré ses dénégations, profondément sinisé. Il parle avec la même aisance tous les dialectes chinois. Monsieur Wang est un vieillard chinois occidentalisé. Il s'oppose à Leys chargé de maintenir l'Empire du milieu dans ses traditions. Le français Jarignoux se situe dans le même réseau d'oppositions complémentaires. Solidement européen par le dire et le faire, mais naturalisé chinois par souci mercantile. René Leys ouvre, pour le narrateur, des portes au Palais, Jarignoux s'empresse de les refermer qui jette un doute sur sa personnalité. Les trois personnages, bien souvent, ne paraissent faire qu'un. Le palais, orienté au sud, cerné de murailles, entouré de fossés fleuris de lotus traduisant 'à la fois la beauté secrète du Dedans et sa contemplation impossible' est similaire à la maison du narrateur.
René Leys était l'ami de Guanxu comme il deviendra celui du narrateur. Le miroir trouble qui unit Leys et Guangxu, héros du Fils du ciel, fait vaciller l'image de l'écrivain. C'est toujours de nuit que René Leys se rend au Palais, comme c'est la nuit que par le jeu des confidences arrachées ou provoquées le narrateur ouvre 'des portes au Palais'. Leys commence par affecter le plus important, le Palais lui-même. L'habitant du Dedans n'est plus Empereur mais impératrice, la veuve de Guangxu, l'impératrice Longyu. Ce pourrait n'être que simple soumission à la vérité historique s’il n'y avait, de la part du narrateur, une insistance telle qu'elle se diffuse dans tout le texte et autorise la suspicion.
René Leys meurt en même temps que l'Empire. Dedans et dehors vont bientôt se confondre. Le narrateur va s'arracher à Pékin, a l'attraction béante de son Centre. Leys se termine sur une mort qui a des allures de meurtre. Meurtre ou suicide, il disparaît dans une apothèose, plus beau, plus séduisant que jamais, ayant dit ce qu'il avait à dire, finalement vainqueur. Le mystère du Dedan reste toujours à déchiffrer. Le déplacement du respect sur la personne de Guangxu comme sur le cadavre de Leys invite à les poser en équivalence. Le texte se termine par le départ du narrateur.

1993
Yvonne Y. Hsieh : Segalen's description of Yuan Shikai in René Leys during his triumphant entry into Peking – after the Manchu court was forced to recall him from disgrace to save the dynasty from the rebels – reflects real admiration for Yuan. Segalen was thus ironically in agreement with most Europeans in China at the time, even though he always distanced himself from his fellow expatriates, whose cultural ignorance and colonialist arrogance he deplored.

1999
Jacques Huré : Le narrateur de René Leys voit dans 'le Palais' (La cité interdite), l'allégorie de ce qu'il nomme le 'Dedans'. Il va chercher à entrer dans cet espace à travers René Leys, soit chercher à parcourir le labyrinthe de la connaissance d'une réalité qui lui échappe et pour laquelle il doit passer par l'intermédiaire d'un professeur de chinois. René Leys devient le médiateur de la connaissance du mystère du Dedans, indispensable en quelque sorte à l'accès à la lumière de la connaissance de soi. Le 'dedans' ou le 'souterrain' représente bien l'autre face du Palais, domicile, lui, du souverain (Homme ou femme), et la quête passe par l'un et par l'autre.
Segalen présente dans son roman, sous la forme d'un journal, l’interrogation du narrateur sur l'identié véritable de René Leys qui lui raconte les histoires du 'Dedans' (complots, intrigues amoureuses), dont la véracité lui paraît douteuse. Ici, le doute exerce une fonction capitale. Il détruit toutes les certitudes constituitives pour ainsi dire de la personnalité de René Leys. Quelle réalité reposait son discours ? Qui était-il ? Un affabulateur ? Plutôt un séducteur, comme l'observation de ce qui le lie au narrateur, de plus en plus, et qui se résout par la tragédie, la mort, incline à le penser ? René Leys serait le récit de l'emprise exercée par un jeune homme de sensibilité très féminine, sur le narrateur, qui prend conscience de l'ambiguïté de sa relation, reflet de sa propre ambiguïté.

2001
Philippe Zard : Les premières pages de René Leys décrivent un personnage avide d'en savoir plus, de pénétrer les secrets du règne de l'Empereur Kouang-siu, disparu moins de trois ans plu tôt, d'aller au-delà des versions officielles pour pénétrer jusqu'aux secret intimes de la 'ville violette interdite'. Au commencement se trouve donc un mytère, une énigme, un point d'histoire et de politique resté sans réponse. Le culte du secret apparaît comme une irréductible composante de la Cité interdite.
Chez Segalen, le narrateur se complaît à évoquer l'architecture singulière d'une ville entourée 'd'enceintes géométriques', fournit un plan de la ville qui fait apparaître les encastrements successifs balisés par des remparts de plus en plus infranchissables : 'Ville tartare, Ville impériale, Palais, Palais du milieu'. L'imaginaire de Segalen est centripète : il converge vers le centre de la structure, le 'milieu' isolé et protégé par une interminable série de murs et de cloisons. L'essence de l'Empire repose dans 'la magie encolse dans ces murs, où je n’entrerai pas' et dans la figure d’un Empereur dont on ne sait s'il règne ou s'il est retenu prisonnier dans 'l'enclos où l'on avait muré sa personne, cette ville violette interdite, - dont les remparts m'arrêtent maintenant'. La question de la clôture, de la fortification, de l'enfermement est donc le point de fixation du récit.
'Segalen', au cours du roman, met à l'épreuve divers modes d'accès au Dedans. Ainsi le récit de l'Audience au Palais n'exprime-t-il que la déception de n'avoir rien vu : la voie directe est plus égarante qu'instructive. L'enseignement de Maître Wang, l'un de ses deux professeurs de chinois, lettré et familier du Palais, n'est pas davantage éclairant. Il n'a rien d'autre à proposer qu'une oiseuse érudition, qui se résout en manie taxinomique, en nomenclatures aussi dérisoires que mortes, qui ne trahissent qu'une passion de l’Ordre – quand 'Segalen' est à la recherche de sensations fortes : son rapport à la Chine est un rapport de désir, don de désordre.
L'observation de la ville apporte au personnage des satisfactions bien supérieures : elle flatte un désir de maîtrise et de toute-puissance ; elle lui permet de 'comprendre' la cité, en un sens spatial et intellectuel, sans lui permettre pour autant de la 'pénétrer'. Il s'agit encore d'une approche abstraite, occidentale, qui ne permet pas encore l'intimité avec le Dedans. Dans cette mesure, René Leys apparaît comme un cauveur : c'est lui qui va réenchanter la Chine, en faisant parler le romanesque. Autrement dit, parti pour une enquête sur les derniers jours de Kouang-siu, le narrateur opte durablement pour un accès romanesque à l'Empire, pour la voie de la fabulation. A la fin, le principe de réel semble définitivement l'emporter, par le surgissement de l'Histoire et la chute de l'Empire, sans que cependant le narrateur se résigne à trancher, à répondre, selon ses propres termes, par 'oui ou non à la question de l'imposture de René Leys.
Au total, la démarche du narrateur confronté à l'énigme impériale semble constamment se mouvoir dans la zone de l'approximatif, - entre le possible, le plausible, l'incroyable et l'invraisemblable, l'incertain, le douteux pour aboutir à une forme de dégagement sceptique. Il est clair que Segalen – l'auteur et le narrateur se confondent ici – semble choisir de se tenir à égale distance de la pure fantaisie romanesque et de la philosophie positiviste de la connaissance caractéristique de l'école naturaliste traverse les denières pages du roman. La Chine semble être de ces pays qu'on ne pénètre pas sans le secours de l'imagination.
Peu à peu, l'attention de 'Segalen', d'abord fixée sur l'Empereur défunt et les mystères du Palais impérial, se porte sur son informateur : c'est René Leys qui finit par devenir la source d'intérêt, l'individu mystérieux, aussi impénétrable que les murs du Palais. René Leys, l'étranger mystérieusement introduit au Palais, est celui qui, dans les enceintes de la Cité intrerdite, ouvre une brèche où s'engouffrent le récit et le désir : celui-ci ne s'éveille ni dans la connaissance absolue de l'Empire, ni dans l'ignorance complète, mais dans l'entre-deux. L'inité, et initiateur, se dit policier, et même bientôt chef de la Police secrète ; il rend compte des menaces imminentes qui pèsent sur le Régent. Le roman que bâtit le jeune homme se fixe sur les périls qui guettent la paix de l'Empire, renvoie à une inquiétude fondamentale sur la pérennité de celui-ci, sa solidité, ses assurances – or, cette inquiétude est celle-là même que nourrit Segalen, fasciné par l'exemple historique d'un Empereur malade et mélancolique. La précarité de l'Empire est vérifiée, à la fin, non par René Leys, mais par l'Histoire elle-même, à travers la chronique des révolutions de 1911 et du décret d’abdication en faveur de Yuan Che-k'ai, qui place la Chine 'presque en république'.
Que le 'Dedans' soit l'objet d'un investissement métaphorique et fantasmatique est plus manifest encore dans le cas de l'oeuvre de Segalen. René Leys ne peut en rien être réduit au rôle de manipulateur ou de mystificateur. A la fin du livre, relisant ses notes, le narrateur prend conscience du tandem singulier qu'il formait avec son mentor : il se rend compte qu'il a soufflé au jeune homme l'essentiel de son affabulation ; le professeur ne fait que répondre à une demande tacite de son disciple, exécute un programme fantasmatique dont les grandes lignes ont été dessinées par le narrateur.
L'homosexualité du jeune René Leys est presque transparante – son absence manifest de désir pour les femmes, ses nombreux 'amis' font peser sur lui tous les soupçons – comme est clairement lisible la propre attirance de 'Segalen' pour l'éphèbe. L'atmosphère homosexuelle du roman se révèle sur fond d'une peur quasi obsessionnelle de la castration et d'une phobie de la femme. Dans le Dedans de l'Empire règnent les femmes – au milieu des Eunuques. Dans l'enclos des murailles du Dedans se joue pour Segalen un scénario fantasmatique dans lequel se retrouvent tout à la fois le mystère de l'origine, la défaillance du père, l'impérieuse puissance maternelle, - et le secret de sa propre féminité. Les murs du Dedans figuraient une identié invulnérable, idéal de permanence à soi-même, d'autant plus forte qu'elle est soustraite au regard inquisiteur, dérobée à toutes les curiosités, à l'abri de toute altération. Les révélations de René Leys ont donc à cet égard une foction ambivalente : elles satisfont un désir irrésistible de voir et de connaître, une curiosité irrépressible.
Le destin de René Leys est emblématique de celui de l'Empire. Le jeune homme d'effondre sous le double poids du scepticisme croissant de 'Segalen' et de l'Histoire en marche. Dès que la foi du narrateur se fissure, dès que le doute gagne, le jeune homme se défait, meurt de ne pouvoir maintenir longtemps l'illusion de sa toute-puissance ; mais c'est aussi le cas pour l'Empire tout entier.

2009
Jean Claude Trutt : René Leys a ceci d'extraordinaire, c'est d'abord qu'il est né de la recherche entreprise pour un tout autre livre, Le fils du ciel, complètement différent, et qu’ensuite le personnage principal du roman est entièrement copié sur un personnage réel, Maurice Roy, fréquenté par Segalen en 1910 et au cours de l’été 1911. Le manuscrit du Fils du ciel est très incomplet. Une oeuvre originale: des Annales consacrées à l'Empereur Guangxu, arrivé sur le trône en principe à l'âge de 4 ans en 1875, régnant réellement 100 jours du 11 juin au 21 septembre 1898, immédiatement écarté du pouvoir par sa tante Cixi, effrayée par sa volonté de réforme, puis confiné jusqu'à sa mort en 1908, peut-être encore empoisonné à la dernière minute par sa tante agonisante (elle avait déjà fait tuer sa concubine préférée lors des événements de 1900) qui meurt un jour plus tard après avoir désigné comme successeur au trône le fameux Puyi, qui était alors âgé de 3 ans, et avoir nommé comme Régent son père, frère cadet de Guanxu. Les Annales que projetait Segalen devaient contenir la chronique d'un historien s'exprimant à la mode chinoise sur un ton officiel et dans une langue hagiographique et les poèmes de l'Empereur (qui, comme tous les Empereurs du passé devait être un lettré) et peut-être ses réflexions face à l'intrusion étrangère. Cela aurait pu être un très beau livre, si Segalen avait eu le temps et la force de l'achever. René Leys, dont le héros est l'avatar littéraire, à peine modifié, de ce Maurice Roy, fils de 19 ans du Directeur de la Poste de Pékin, parlant parfaitement chinois, parfaitement au courant des secrets d'alcôve de la Cité interdite, prétendant y avoir ses entrées, avoir été l'ami du défunt Empereur Guangxu, faire partie de la police secrète, et être l'amant de l'Impératrice (et avoir été dépucelé par elle). Sophie Labatut a rassemblé tout ce qu'on pouvait savoir sur le mystérieux Maurice Roy: le dossier de Segalen intitulé Annales secrètes d'après M. R., les lettres de Maurice Roy envoyées à Segalen et que celui-ci a conservées, un autre dossier de Segalen intitulé Révolution qu'il a constitué à la suite des Annales M. R.
Le narrateur de l'histoire est, lui, un avatar de Segalen, plus naïf encore, et plus gaulois aussi dans certaines de ses remarques (dont certaines sont même carrément de mauvais goût). Quant à René Leys il est finalement plutôt touchant, juvénile et frêle ('pâle et les yeux grands ouverts comme deux puits d'ombre'). Et puis sa fin est dramatique : il meurt empoisonné. C'est quand même une plus belle fin que celle de Maurice Roy qui devient un vil banquier ('engraissé... insipide, gentil, fini', dit Segalen qui le rencontre à nouveau en 1917). Quand Segalen rédige René Leys, en 1913, il est bien désenchanté.
  • Document: Grand, Anne-Marie. Victor Segalen : le moi et l'expérience du vide. (Paris : Méridiens Klincksieck, 1990). (Connaissance du 20e siècle). S. 113-114, 116-125. (Seg27, Publication)
  • Document: Hsieh, Yvonne Y. From occupation to revolution : China through the eyes of Loti, Claudel, Segalen, and Malraux (1895-1933). (Brimingham, Alabama : Summa Publications, 1996). S. 64. (Seg31, Publication)
  • Document: Littérature et Extrême-Orient : le paysage extrême-oriental = Le taoïsme dans la littérature européenne. Textes réunis par Muriel Détrie. (Paris : H. Champion ; Genève : Slatkine, 1999). (Champion-varia ; no 37). S. 202-204. (Det4, Publication)
  • Document: Les écrivains français du XXe siècle et la Chine : colloque internationale de Nanjin 99' = 20 shi ji Faguo zuo jia yu Zhongguo : 99' Nanjing guo ji xue shu yan tao hui. Etudes réunies par Christian Morzewski et Qian Linsen. (Arras : Artois presses Université, 2001). (Lettres et civilisations étrangères).
    20世紀法國作家與中國 99'南京国际学朮硏讨会 S. 12-17, 20-22, 25. (Morz, Publication)
  • Document: Trutt, Jean Claude. Segalen et la Chine : http://www.bibliotrutt.lu/artman2/publish/tome_4/Notes_16_suite_Victor_Segalen_les_Maoris_la_Chine_et_l_exotisme.php. (Seg21, Web)
  • Person: Segalen, Victor

Sources (2)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 1912 Segalen, Victor. Stèles. (Pei-king : Pei-t'ang, 1912). [Es gibt davon 81 gedruckte Exemplare auf koreanischen Papier, eine Zahl die mit den 9 x 9 Fliesen der dritten Terrasse des Himmels-Tempels in Beijing übereinstimmen und 200 auf normalem Papier]. = [2e éd.]. In : Mercure de France (Dec. 1913). = (Paris : G. Crès, 1914). [Enthält 16 zusätzliche Gedichte, total 64, die mit der Zahl der Hexagramme des Yi jing übereinstimmen].
http://www.steles.net/page.php?p=75. (2001).
Publication / Sega2
2 1955 Segalen, Victor. Notes sur l'exotisme. In : Mercure de France ; no 1099-1100 (1955). Publication / Seg25

Cited by (1)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 2000- Asien-Orient-Institut Universität Zürich Organisation / AOI
  • Cited by: Huppertz, Josefine ; Köster, Hermann. Kleine China-Beiträge. (St. Augustin : Selbstverlag, 1979). [Hermann Köster zum 75. Geburtstag].

    [Enthält : Ostasieneise von Wilhelm Schmidt 1935 von Josefine Huppertz ; Konfuzianismus von Xunzi von Hermann Köster]. (Huppe1, Published)