2000
Publication
# | Year | Text | Linked Data |
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1 | 1895-1955 |
Paul Claudel allgemein 1895-1955. Yvan Daniel : L'exotisme « chinois » claudélien n'est ni un exotisme de pacotille ni une croisade assimilant par force l'Asie au monde catholique. Dans toutes les oeuvres de la période, et même, singulièrement, dans Le Repos du. septième jour, les spécificités authentiques de la culture chinoise - au moins telle qu'elle était comprise à l'époque - sont présentes, et l'effort fourni pour les comprendre est partout visible. Cette volonté de comprendre prend forme dans deux mouvements : le premier consiste à adopter poétiquement le point de vue du Chinois, le second à approfondir l'observation à force de définitions et d'analyses. Voyageur, visiteur, marcheur, spectateur, habitant, poète, dramaturge, diplomate, infatigable lecteur... la multiplication des points de vue et des approches conduit à la production de textes de types différents : rapports consulaires, poésies, drame, études et conférences. Tous les domaines sont alors abordés et liés : économie, histoire, géographie, droit, finance, religion, ethnologie, science, zoologie... Cette multiplication permet, lorsqu'on en considère dans le même temps les différentes parties, de prendre la mesure de la vision holistique claudélienne. Les Cinq Grandes Odes sont en ce sens le moment d'un tournant important, elles contiennent en effet la justification du désir d'unité dans la récapitulation poétique, qui apparaissait déjà implicitement dans certains poèmes antérieurs. Le statut de l'étranger, dans ces conditions, est à la fois magnifié et mis en péril : l'exotisme claudélien est paradoxal. D'une part, l'empire du Milieu est l'objet de tout l'intérêt de l'auteur qui l'habite poétiquement et n'hésite pas à adopter son point de vue pour le mieux comprendre, d'autre part, il est profondément relié à l'« univers indéchirable » et soumis au regard globalisant du poète. L'intérêt porté à la Chine va parfois jusqu'à la fascination mais ne peut bien sûr pas être considéré séparément de la foi catholique de l'auteur, et le rêve de l'unité spirituelle de l'humanité n'est pas séparable du désir de la conversion universelle. De ces ambiguïtés naîtront certaines tensions contradictoires que nous étudierons. Les fonctions diplomatiques de Claudel sont : Economie, échanges commerciaux, statistiques, analyses, développement des transports, négociation du chemin de fer Beijing-Hankou, l'influence militaire et l'arsenal de Fuzhou, le système politique et le fonctionnement de la société. Claudel ignore le chinois mais les observations qu'il fait sur le terrain sont complétées par les échanges qu'il peut avoir avec les religieux présents sur place, évidemment for attentifs aux traditions loca.es. Les soirées au Consulat étaient occupées à discuter les coutumes religieuses des Chinois, aussi bien avec les Jésuites qu'avec les missionnaires appartenant à d'autre ordres. Les allusions aux différentes spritualités de l'Asie – hindouisme, bouddhisme, confucianisme, taoïsme – parcourent toute l'oeuvre claudélienne, de façon apparemment dispersée et décousue : on découvre au fil des textes des analyses, des comparisons, éventuellement des condamnations, mais aussi des analogies, des rapprochements, des condisérations syncrétiques qui peuvent a priori sembler étonnantes. Si l'on rapproche toutes ces allusions pour en faire la synthèse afin de saisir l'ensemble du point de vue claudélien, on est tout d'abord frappé par d'apparentes incohérences, mais elles finissent par se résoudre dans la perspective d'une singulière preparatio evangelica dédiée à l'Extrême-Orient. Gilbert Gadoffre : Pour un homme qui avait décidé d'aborder la Chine avec ses yeux, les arts plastiques posaient moins de problèmes et moins de pièges que la philologie. Du bouddhisme il côtoie les monastères et les ermites, les seuls, dans le Fujian, à pouvoir offrir une image de sa vie contemplative, qui croit avoir entendu l'appel du cloître ; mais pour peu qu'il ouvre un livre sur Bouddha ou qu'il prête l'oreille aux propos des missionnaires, il entrevoit dans la quête du Nirvâna un peu de cette complaisance au Néant des philosophes fin de siècle contre laquelle il avait réagi avec violence. Il est également très sensible à la poésie des cultes chinois, à l'omniprésence du sacré dans la ville et dans la campagne, à « ce sentiment partout du surnaturel, ces temples, ces tombeaux, ces humbles petits sanctuaires sous un arbre où le culte se compose d’une bauette d'encens et d’un morceau de papier ; tout cela m'était comestible ». Mais quand il se renseignait sur ces cultes, il ne pouvait que trouver à l'origine des croyances et des superstitions indiscutablement païennes. Aussi courait-il le double risque de fermer les yeux sur certaines incompatibilités, ou bien, en réagissant trop brutalement, d'atteindre dans ses fondements la notion même de surnaturel. Lucie Bernier : Après quatorze ans en Chine, Paul Claudel ne connaît pas la langue chinoise et n'a donc qu'une connaissance indirecte de la littérature et de la philosophie chinoise. A le lire, on s'aperçoit que l'appropriation des écrits de Laozi de de Zhuangzi dans son oeuvre exprime non seulement l'assimilation d’idées philosophiques vues à travers des traductions, principalement celles du Père Léon Wieger et de Stanislas Julien, mais aussi l'influence d'une littérature populaire chinoise à thème daoiste. La préoccupation de Claudel pour la philosophie daoiste se déroule en deux temps. La première phase consiste en ses premières années en Chine (1895-1909), interrompus par des séjours en France d'une durée respective d'un an en 1900 et 1905. La deuxième phase est marquée par son retour en Asie grâce à l'obtention d'un poste d’ambassadeur à Tokyo de 1922-1927. Ces années au Japon le ramènent dans le temps et peuvent être désignées dans ses écrits comme étant une période de réminiscences de la Chine. Converti au catholicisme depuis 1886, Claudel sera dans les années suivantes en proie à une crise existentielle et spirituelle qui le laisse dans l'incertitude. Vers les années 1890 qu'il 'découvrira' le dao. Il cherchera dans l'inconnu la confirmation de sa foi. Même si ces connaissances sur la philosophie daoiste sont très limitées, l'influence en est apparante dès la première version de La ville avec des images telles les associations père-ciel / mère-terre. Ces éléments daoistes sont empruntés au chapitre XX du Dao de jing. Claudel suit le courant européen et au Japon, il relit le Dao de jing tout en élargissant ses connaissances par la lecture dautres livres daoistes tel celui de Zhuangzi, Nan hua zhen jing. L^influence de ce livre inspire plusieurs écrits de Claudel dans lesquels apparaissent en filigrane les éléments reliés à Zhuangzi. Tout au long de sa vie, Claudel est convaincu de la supériorité de la religion chrétienne. Certes, il idéalise la Chine mais c^est justement parce qu'il se tourne vers son passé qu'il ne peut s'empêcher d'émettre certains commentaires défavorables sur l'état présent de la Chine et sa soi-disant inertie. |
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2 | 1901 |
Claudel, Paul. L'arbre ; Tête d'or ; L'échange ; Le repos du septième jour ; La ville ; La jeune file violaine. (Paris : Mercure de France, 1901). [Geschrieben 1890-1897]. Le repos du septième jour. Acte I : Administration de la Terre. Acte II : Descente dans l'abîme. Acte III : Ascension vers le Ciel – Sainteté. Er schreibt 1954 : « D'une part un peuple plein de sève, fidèle à ses 'manières' immémoriales, d'autre part à travers les superstitions, à travers le Bouddhisme, le Confucianisme et le Tao (combien amusant et intéressant le Tao !) quelque chose d'antique et de vénérable, où les anciens Jésuites avaient vu comme une ombre de la Vérité révélée ! Que de conversations j'eus à ce sujet avec mon saint ami, le Père [Emile-Genest-Auguste] Colombet, qui me prêta le fameux livre du Père [Joseph] de Prémare ! C'est de ces conversations qu'est issu ce drame le Repos du septième jour. » Yvan Daniel : Claudel ne cite pas précisément les écrits de Joseph Henri-Marie de Prémare, mais de nombreux indices permettent d'affirmer qu'il a lu certains d'entre eux. Les oeuvres chinoises ayant influencé Le repos du septième jour étaient toutes contenues dans les premières lignes du Notitia linguae sinicae [ID D1815]. Une lecture profonde permet de suggérer que Claudel n'a pas voulu illustrer grossièrement les théories de Prémare, il les a fait apparaître 'en figure', c’est-à-dire, par définition, de façon indirecte et symbolique. Il n'avait utilisé pour préparer la rédaction de son drame que les éléments fournis par cette oeuvre, réutilisant ces morceaux de phrases traduits sans contexte ni référence précise. Mais la lecture du Notitia ne suffit pas, pour expliquer les autres allusions présentes dans le drame, et les passages qui montrent une connaissance réelle de la culture chinoise des Classiques. Pour ce qui concerne l'antiquité chinoise, Claudel a vraisemblablement étudié les traduction d'ouvrages historiques, annales ou 'chants' des Classiques. L'étude de l'antiquité chinoise dans Le repos du septième jour a montré que de nombreux passages de l'oeuvre semblent directement issus des lectures de l'auteur qui disposait d'un fonds assez important à l'époque de la rédaction. L'imagination et le style claudélien sont venus transformer et enrichir un matière originelle d'ailleurs sèche et souvent brève à cause des impératifs de la traduction ; on voit mal cependant comment tant d'éléments proprement chinois et remontant à la plus haute antiquité auraient pu être entièrement inventés par l'auteur avec tant de justesse. Ce sont ces ouvrages qui pouvaient apporter à Claudel le plus d'informations, et donner au Repos ce ton et ce lexique qui rappellent sans cesses les traductions jésuites. Claudel partage d'ailleurs avec la Compagnie de Jésus cette fascination pour la figure du Fils du ciel. Claudel néglige la disposition rituelle du souverain et des dignitaires dans le palais, le premier étant 'tourné vers le midi pour montrer qu'il est ce que le principe de lumière et de chaleur est pour la nature', et les autres 'tournés vers le Nord'. Mais une telle mise en scène théâtrale n'aurait sans doute pas pris son sens face à un public occidental. La seule 'erreur' importante est celle de la procédure d'intronisation du nouvel empereur, à l'acte III. Selon la tradition, l'empereur est 'l'homme unique' et il ne peut y avoir de nouvel empereur de son vivant, car il ne peut y avoir 'deux rois dans le monde'. L'auteur fait de l'empereur un sage retiré du monde, ou même un saint, entremêlant ainsi habilement l'idéal confucianiste de la sagesse et l'idéal monastique chrétien. Cette fin est d'ailleurs préméditée, puisque Claudel n'ignorait pas que la tradition chinoise refuse que deux empereurs vivent en même temps. Si la mise en scène du protocole impérial est imparfaite, parfois 'occidentalisée' ou déformée par les modifications nécessaires dues au sens se l'oeuvre, les points majeurs de l'étiquette et la répartition des fonctions de cour sont conformes à la tradition. Claudel imagine et met en scène l'apparition des prémices du christianisme dans la Chine antique. Ses références sont alors essentiellement religieuses, fondées sur les ouvrages des anciens figuristes jésuites qui pensaient avoir retrouvé 'en figure' dans les Classiques chinois, les vestiges de la révélation chrétienne. Yvonne Y. Hsieh : Segalen first conceived the play Le combat pour le sol as a response to Paul Claudel's Le repos du septième jour. In a letter to Pierre d'Ythurbide (1913), Segalen expresses his disappointment over Claudel's work : "Ici, empoignant le grand mythe dur et pur du Fils du Ciel, il a produit un chaos sans consistance, et ce qui est pis que tout, une oeuvre bien ennuyeuse. Il avait un sujet précisément et admirablement dramatique. Il tenait entre ses deux grands poings un conflit, l'un des plus grands conflits qu'on puisse imaginer sous le Ciel puisque le Ciel de Chine rencontrait le Ciel Latin. Le résultat : deux fort longs sermons ennuyeux." The emperor in Claudel's play ventures into the netherworld in search of an explanation. There, he learns of the true God first from the demon, then from an angel who reveals the solution to his problem ; namely the consecration of the seventh day of the week as a day of rest. Lucie Bernier : Claudel juxtapose les éléments daoistes et chrétiens. L'Empereur Nouveau habillé des habits pontificaux reflète bien cette façon de s'exprimer. Dans cette première étape de l'interprétation de Laozi, l'image du Vide est récurrente mais sans toutefois contenir encore l'osmose entre les deux cultures qui caractérisera les écrits ultérieurs à 1921. La ville Bernard Hue : Les premières traces de taoïsme dans l'oeuvre de Claudel, peuvent être décelées dès 1890, dans la première version. Claudel converti se montre plus soucieux d'idées, de doctrines, de pensées que d'expression plastique et de recherches esthétiques. Deux appels simultanément se font entendre : celui de Dieu et celui du siècle, de ce monde tout rempli d'amour et de beauté, fait, lui semble-t-il, pour être passionnément conquies. C'est dans cette atmosphère de partage que se situe la découverte du tao. La ville reflète les permieères traces d'une connaissance toute récente du tao. Deux images, celles de la Terre et celle du Ciel, font penser à la conception du yin et du yang. Lucie Bernier : La ville devient la pièce témoin des premières tentatives de recherche vers l'Autre de Claudel. |
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3 | 1906 |
Fallex, Maurice ; Mairey, Alphonse. Les principales puissances du monde [ID D21732]. "L'invasion de la Chine par les étrangers n'est que la forme la plus grave de la question d'Extrême-Orient. La Chine contient la plus vaste réserve d'hommes qui soit au monde, et elle n'est point passive ; elle réagit ; cette réaction consitute le péril jaune." |
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4 | 1910-1912 |
Segalen, Victor. Le fils du ciel [ID D21486]. Segalen schreibt an Yvonne Segalen : Er schreibt über Kaiser Guangxu, die Hauptperson in Le fils du ciel : "Tout sera pensé par lui, pour lui, à travers lui. Exotisme impérial, hautain, aristocratique, légendaire, ancestral et raffiné. Car tout, en Chine, redevient sa chose. Il est partout, il sait tout et peut tout. Sa capitale ? jardin pour ses yeux. Sa province ? petit parc. Les pays éloignés ? vassaux lointains ; et les peuples d'occident ? ses tributaires respectueux. Je tiens mon Personnage." "Je reste fidèle au Fils du ciel dont j'ai peur de ne pas t'avoir assez dit l'ampleur et l'intérêt que j'y prends." Alors que d'autre part il y revient chaque fois qu'une oeurve qui l'a évincé d'achève, le manuscrit ne sera jamais terminé. Er schreibt Claude Debussy en 1910 : "J’ai commencé un Fils du ciel dont le sujet est ridicule d'audace. Mais je n'ai pas oublié qu'aux premiers mots d'Orphée vous m'avez dit : même si l'on s'y casse les os, la chose vaut d'être tentée. Et puis, si je n'osait pas mettre en scène l'étonnante figure de Kouang-siu, mort 'impérialement' il y a deux ans, d'autres le feraient peut-être, et comment !" Er schreibt an Georges Daniel de Monfreid en 1910 : "Je n’ignore pas que mon projet d'écrire un Fils du ciel qui sera Le livre des annales Kouang-siu est bourré d'audace." Er schreibt an Jeanne Perdriel-Vaissière en 1910 : "Le dénommé Fils du ciel atteint la centième page, et vivote. Mais que difficile ! Il faut tour à tour faire vivre le vrai Kouang-siu, anémique, imaginatif, plein de révoltes ou de désespoirs, et puis l'étouffer aussitôt pour qu'il ne gène pas son sosie. Je ne veux pas d'un roman historique, et pourtant le cadre m’étreint que je brise tous les jours." En 1912 il avoue à l'un de ses correspondants : "Je me suis remis à mes annales Kouang-siu qui me tiennent depuis trois ans et sont horriblement dures à écrire : mais je piétine avec rage jour par jour mon carré de besogne." Sekundärliteratur Yvonne Y. Hsieh : Le fils du ciel is far more than a simple biography, although it respects in its chronological development the major events in the adult life of Guangxu. For more dramatic impact, events taking place in reality between 1889 and 1908 have been compressed into a time span of roughly five years. Moreover, Segalen's account of the emperor's private life is almost entirely fictional. From the beginning, the narrator is identified as a court annalist names Wu K'o-leang who because of his virtuous character, fine calligraphy, and filial piety has been privately apponted by the empress Dowager to compose the secret annals of the reign of Guangxu. Where the art of euphemism is freely applied to masking China's dismal situation on the international scene, one senses the annalist's total solidarity with the official position. As a traditional Chinese, he is as concerned with alvaging national pride as the Qing court. However, where euphemism covers up the internal power struggle and the empress Dowager's ruthless persecution of the emperor, the annalist's task understandably becomes more delicate. His uneasy attitude towards the whole affaire of the emperor's arrest and dethronement, for instance, is reflected in the countless contradictions within his text. Anne-Marie Grand : Ce que retient Segalen de ses premiers contacts avec l'Empire du milieu (architecture, écriture, taoïsme) converge sur un vide où s'absente la figure de l’Empereur. Tout l'indique et l'appelle pour assurer dans ses dimensions réelles et symboliques, la cohérence d'un donné multiforme dans que rien se perde de ses particularités. Souverain réel dont les Annales dynastiques consignent les actes, c’est en son honneur que s'érige ce qui, en Chine, ressemble le plus à un monument tel que conçu par la culture occidentale, par son ampleur comme par son intérêt esthétique : le tombeau. C'est encore lui la raison dernière de l'ordonnance de la ville, écrin dont il est le joyau. Maître invisible, rentranché derrière les murailles rouges, au coeur de la Cité interdite, il marque d'un point veugle le centre de sa capitale, et par là le centre du monde. De même qu'il est aussi celui par qui les mots adviennent, législatur du langage comme il l'est de l'Empire. Puis, lorsque son règne s'achève, ramené à l'essentiel : des mots, son nom de règne, son nom posthume, porteurs encore de bien des puissances. Enfin, souverain symbolique, il est l'Homme, représentant l'humanité, tout puissant depuis des millénaires. Aux dires de l'écrivain, le personnage s'est imposé à lui à la suite d'une série de proses que hantait obstinément le 'Fils du ciel'. Ces proses ont été, en partie du moins, confiées aux lettres destinées à Yvonne Segalen avant d'être retravaillées pour prendre place dans Briques et tuiles. Toutes mettent l'accent sur 'l'immensité' du personnage. Or, quand il s'agit de lui donner une apparence historique, l'empereur choisi est Guangxu que Segalen lui-même qualifiera, en 1913, de 'fantôme de souverain, faible, irrésolu, malade'. Qin Shi Huangdi, Chongzhen et d'autres souverains mythiques ou historiques se retrouvent dans les textes de Segalen. La lecture du Fils du ciel, cette 'Chronique des jours souverains' fournit certains indices sur les raisons d'un tel choix, ne serait-ce que parce que ce qui pourrait être vie et mort de Guangxu, en déborde les cadres et devient und tragédie de l'indicible. Dans la construction du personnage, Segalen suit la conception du pouvoire et les conséquences pratiques qu'elle entraîne. Ses notes, en marge du manuscrit fournissent des informations sur ses textes de référence. La prise du pouvoir effective, le premier acte impérial de Guangxu le contraindra à mesurer ce status de 'fils' comptable devant le Ciel. "Et Nous courbant devant le Ciel, conscient de l'immensité de nos faultes, Nous Nous accusons devant Sa colère en nous offrant à son châtiment." Quelques semaines après la révélation des tombeaux des Ming, Segalen envisage "cette affabulation : comme héros, un personnage immortel, ou plutôt sans cesse renaissant, phénix du trône, l'Empereur. 1ère partie : la Chine aristocratique et somptueuse, au faste nombreux, aux raffinements du toucher, des yeus, de tout aparat. 2e partie : l'Empereur, tombé du trône et fugitif voit une autre Chine, misérable et précaire, qu'on lui cachait si merveilleusement bien. Son étonnement, ses angoisses. Vive opposition entre la 1ère et 2e partie. Sa résolution s'il redevient le Maître de remédier à tout. 3e partie : courte, serrée : il a reconquis le trône et son faste. Et tout reprend comme par le passé éternel". C'est aussi une Chine disparue avec la vieille Impératirce Cixi, en 1908, ce qui la rend doublement imaginaire pour l'écrivain. Elle reste à retrouver dans les mémoires, dans les récits, où à reconstruire sur la foi de ce qui aurait dû être. La Chine imaginaire va devenir, en fait, pour Segalen la Chine réelle parce que plus authentique, plus conforme à son essence exotique et surtout la seule à pouvoir recevoir les investissements qui étaient les siens. Le projet d'un développement en trois parties se maintiendra sur le même rythme : la Cour, la fuite, le retour. L'opposition entre les deux Chine disparaîtra ne laissant pour trace de l'idée initiale que le bref face à face de l'Empereur et d'un mendiant, et la présence des étrangers, témoignant en creux de l'autre Chine, réalité coloniale. Le récit s'appuie sur les événements du règne reel de Guangxu, qui va de la prise de pouvoir effective, en 1889 à la mort du souverain et de Cixi, en 1908. Le drame de Guangxu se fait métaphore du drame humain, de l'homme en tant qu'individu, priosonnier de ses hérédités tentant de se réapproprier sa vérité particulière sans y parvenir. Lucie Bernier : L'Empereur de Segalen est un parsonnage en retraite qui fait le vide autour de lui et au sens daoiste du terme, tenera d'être un avec l'Univers et voudra éliminer la division entre le Même et le Non-moi. Comme son titre l'indique, tout est centré sur l'Empereur ou plutôt, tout tourne autour de lui. Les personnages sont historiques à quelques exceptions près (celui de la princesse entre autres) mais même s'ils sont véridiques, là encore les modèles sont tirés de plusieurs autres contemporains et forment une sorte d’amalgames. Les événements romanesques sont basés sur les faits historiques connus à l'époque et l'auteur invente le reste pour les adapter à ses besoins. Ce qui intéresse Segalen, ce n'est pas l'Empereur en tant que tel mais plutôt son rôle imaginaire quasi-mythique. Dans ce livre, l'auteur nous fait part de ses méditations sur l'histoire chinoise et la vie intérieure de l'Empereur. Tout le roman est en opposition entre le réel et le symbolique, car en tant qu'Empereur, seul son rôle importe et ce qu'il incarne tandis que sa personnalité et ses désirs, n'existent pas. Segalen fait donc connaître l'être humain à l'intérieur du rôle que l'Empereur incarne. Pour mieux faire connaître ce Fils du ciel, Segalen fait de lui un poète daoiste qui se retire du monde et vivra dans l'anachronisme en entremêlant sa vie à celle de ses prédécesseurs s'identifiant à eux à un point tel, qu'il s'évanouit à la seul mention de leurs noms. Du point de vue de la narration, le texte se compose de juxtapositions formées de dialogue et entrecoupées de poèmes et de commentaires, ceux-xi en récit rapporté, de la part de deux chroniqueurs. En général, les poèmes de l'Empereur sont des commentaires ou observations sur les actions qu'il pose ou voudrait poser ou sur ce qui lui arrive. Segalen veut démontrer à quel point l'Empereur est un être prisonnier de son rôle et sans la moindre chance de liberté. Il essaie donc de libérer à travers ses poèmes et la narration de la vie intérieure, l'imaginaire du Fils du ciel. |
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# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 2000- | Asien-Orient-Institut Universität Zürich | Organisation / AOI |
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