1972
Publication
# | Year | Text | Linked Data |
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1 | 1896 |
Claudel, Paul. En Chine : Pagode. Ville la nuit. Jardins. In : La revue de Paris, 15 août (1896). Pagode « Je descends de la ricksha et un épouvantable mendiant marque le commencement de la route... Je vois la Pagode au loin entre les bosquets de bambous, et, prenant à travers champs, je coupe au court. La campagne est un vaste cimetière. Partout, des cercueils ; des monticules couverts de roseau flétris, et, dans l'herbe sèche, des rangées de petits pieux en pierre, des statues mitrées, des lions, indiquent les sépulture antiques. Les corporations, les riches, ont bâti des édifices entourés d'arbres et de haies. Je passe entre un hospice pour les animaux et un puits rempli de cadavres de petites filles dont leurs parents se sont débarrassés... Il faut d'abord parler de la Pagode proprement dite. Elle se compose de trois cours et de trois temples, flanqués de chapelles accessoires et de dépendances. Le lieu religieux ici n'enferme pas, comme en Europe, unique et clos, le mystère d'une foi et d'un dogme circonscrits. Sa fonction n'est pas de défendre contre les apparences extérieures l'absolu ; il établit un certain milieu, et, suspendu en quelque sorte du ciel, l'édifice mêle tout la nature à l'offrande qu'il constitute. Multiple, de plain-pied avec le sol, il exprime, par les relations d'élévation et de distance des trois arcs de triomphe ou temples qu'il lui consacre, l'Espace ; et Bouddha, prince de la Paix, y habite avec tous les dieux. L'architecture Chinoise supprime, pour ainsi dire, les murs ; elle amplifie et multiplie les toits, et, en exagérant les cornes qui se relèvent d'un élégant élan, elle en retourne vers le ciel le mouvement et la courbure ; il demeurent comme suspendus, et plus la fabrique du toit sera ample et chargée, plus, par sa lourdeur même... De chaque coté de la salle, deux à droite, deux à gauche, quatre colosses peints et vernis, aux jambes courtes, aux torses énormes, sont les quatre démons, les gardiens des quatre plages du ciel. Imberbes comme des enfants, l'un agite des serpents, un autre joue de la viole, un autre brandit un engin cylindrique pareil à un parasol fermé ou à un pétard. Je pénètre dans la seconde cour ; un grand brûle-parfums de fonte, tout couvert d'écriture, se dresse au milieu. Je suis en face du pavillon principal. Sur les arêtes du toit, des groupes de petits personnages coloriés se tiennent debout comme s'ils passaient d’un côté à l'autre ou montaient en conversant... La salle est haute et spacieuse, quatre ou cinq colosses dorés en occupent le fond. Le plus grand est assis au milieu sur un trône... Assis sur le lotus, ce sont les Bouddhas célestes, Avalokhita, Amitabha, le Bouddha et la lumière sans mesure, le Bouddha du Paradis de l'Ouest. A leurs pieds les bonzes accomplissent les rites... Quatre bonzes, juchés sur des escabeaux, médietent à l'intérieur de la porte... » Ville la nuit « ...Ce sont des ateliers de menuiserie, de gravue, des échoppes de tailleurs, de cordonniers et de marchands de fourure ; d'innombrables cuisines, d'où, derrière l'étalage des bols pleins de nouilles ou de bouillon, s'échappe un cri de friture ; des enfoncements noirs où l'on entend un enfant qui pleure ; parmi des empilements de cervueils, un feu de pipe ; une lampe, d'un jet latéral, éclaire d'étranges fouillis. Aux coins des rues, au tournant ces massifs petits ponts de pierre, derrière des barreaux de fer dans une niche, on distingue entre deux chandelles rouges des idoles naines... En marche ! Les rues deviennent de plus en plus misérables, nous longeons de hautes palissades de bambous, et, enfin, franchissant la porte du Sud, nous tournons vers l'Est. .. La cité est purement humaine. Les Chinois observent ceci d'analogue à un principe de ne pas employer un auxiliaire animal et mécanique à la tâche qui peut faire vivre un homme... Une fumerie d'opium, le marché aux prostituées, les derniers remplissent le cadre de mon souvenir. La fumerie est un vaste vaisseau, vide de toute la hauteur de ses deux étages qui superposent leurs terrasses intérieures. La demeure est remplie d'une fumée bleue, on aspire une odeur de marron brûlé... Je passe et j'emporte le souvenir d'une vie touffue, naïve, désordonnée, d'une cité à la fois ouverte et remplie, maison unique d'une famille multipliée. Maintenant, j'ai vu la ville d'autrefois, alors que libre de courants généraux l'homme habitait son essaim dans un désordre naïf. Et c'est, en effet, de tout le passé que j’eus l'éblouissement de sortir, quand, dans le tohu-bohu des brouettes et des chaises à porteur, au milieu des lépreux et des convulsionnaires franchissant la double poterne, je vis éclater les lampes électriques de la Concession. » Jardins « Il est trois heures et demie. Deuil blanc : le ciel est comme offusqué d'un ligne. L'air est humide et cru. J'entre dans la cité. Je cherche les jardins. Je marche dans un jus noir. Le long de la tranchée dont je suis le bord croulant, l'odeur est si forte qu'elle est comme explosive. Cela sent l'huile, l'ail, la graisse, la crasse, l'opium, l'urine, l'excrément et la tripaille. Chaussés d'épais cothurnes ou de sandales de paille, coiffés du long capuce du 'foumao' ou de la calotte de feutre, emmanchés de caleçons et de jambières de toile ou de soie, je marche au milieu de gens à l'air hilare et naïf. Le mur serpente et ondule, et sa crête, avec son arrangement de briques et de tuiles à jour, imite le dos et le corps d'un dragon qui rampe ; une façon, dans un flot de fumée qui boucle, de tête le termine. – C'est ici. Je heurte mystérieusement à une petite porte noire : on ouvre. Sous des toits suplumbants, je traverse une suite de vestibules et d’étroits corridors. Me voici dans le lieu étrange. C'est un jardin de pierres. Comme les anciens dessinateurs italiens et français, les Chinois ont compris qu'un jardin, du fait de sa clôture, devait se suffire à lui-même, se composer dans toutes ses parties. Ainsi la nature s'accommode particulièrement à notre esprit, et, par un accord subtil, le maître se sent, où qu'il porte son oeil, chez lui... les Chinois construisent leurs jardins à la lettre, avec des pierres. Ils sculptent au lieu de peindre... Assise sur des pilotis de granit rose, la maison-de-thé mire dans le vert-noir du basin ses doubles toits triomphaux, qui, comme les ailes qui se déploient, paraissent le lever der terre.... Je m'engage parmi les pierres, et par un long labyrinthe dont les lacets et les retours, les montées et les évasions, amplifient, multiplient la scène, imitent autour du lac et de la montagne la circulation de la rêverie, j'atteins le kiosque du sommet. Le jardin paraît creux au-dessous de moi comme une vallée, plein de temples et de pavillons, et au milieu des arbres apparaît le poëme des toits... Les Chinois font des écorchés de paysages. Inexplicable comme la nature, ce petit coin paraissait vaste et complexe comme elle. Du milieu de ces rocailles d'élevait un pin noir et tors ; la violente dislocation de ses axes, la disproportion de cet arbre unique avec le pays fictif qu'il domine, - tel qu'un dragon qui, fusant de la terre comme une fumée, se bat dans le vent et la nuée, - mettaient ce lieu hors de tout, le constituaient grotesque et fantastique... » Gilbert Gadoffre : Les poèmes Pagode, Jardins et Ville la nuit ont été écrits à Shanghai et inspirés par des visites à la ville chinoise. La première partie a un thème obsédant : celui de l'ermite bouddhiste. Ni les motivations religieuses ni les lieux ne sont nommés, mais les itinéraires de promenade favoris de Claudel à Fuzhou passaient par les monastères et les ermitages bouddhistes de l'arrière-pays, comme en témoignent des poèmes tels que Vers la montagne, La mer supérieure, Le temple de la conscience, Décembre, Le contemplateur, La maison suspendue, La source, Libation au jour futur, ainsi que les dernières pages du Repos du septième jour. Dans Jardins tout suggère des complicités occultes entre la Nature et l'esprit, entre les matériaux naturels et l'art du jardinier chinois, entre les labyrinthes du jardin et 'la circulation de la rêverie', entre l'angle des toits et les mouvements de la danse, entre la structure du jardin et la complexité de la nature. |
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2 | 1897 |
Claudel, Paul. Paysages de Chine [geschrieben 1896] : Fête des morts le septième mois, Théâtre, Villes, Tombes-Rumeurs, L'entrée de la terre, Religion du signe, Le banyan. In : La revue blanche ; 1er juillet (1897). Paysages de Chine II : La dérivation [1896-1897], Portes [1896-1897], Le fleuve [1897] . In : La revue blanche ; 15 août (1897). Fête des morts le septième mois « ...La barque part et vire, laissant dans le large mouvement de son sillage une file de feux : quelqu’un sème de petites lampes... Un bras saisissant le lambeau d'or, la botte de feu qui fond et flamboie dans la fumée, en touche le tombeau des eaux : l'éclat illusoire de la lumière, tel que des poissons, fascine les froids noyés. D'autres barques illuminées vont et viennent ; on entend au loin des détonations, et sur les bateaux de guerre deux clairons, s'enlevant l'un à l'autre la parole, sonnent ensemble l'extinction des feux... Le bateau se rapproche, il longe la rive et la flotte des barques amarrées, et s'engageant dans l'ombre épaisse des pontons à opium, le voici à mes pieds. Je ne vois rien, mais l'orchestre funèbre, qui d'un long intervalle, à la mode de chiens qui hurlent, s'était tu, fait de nouveau explosion dans les ténèbres. Ce sont les fêtes du septième mois, où la Terre entre dans son repos. » Théâtre « ... Le rideau, comparable à ce voile qu’est la division du sommeil, ici n'existe pas. Mais, comme si chacun, y arrachant son lambeau, s'était pris dans l'infranchissable tissu, dont les couleurs et l'éclat illusoire sont comme la livrée de la nuit, chaque personnage dans sa soie ne laisse rien voir de lui-même que cela dessous qui bouge ; sous le plumage de son rôle, la tête coiffée d'or, la face cachée sous le fard et le masque, ce n'est plus qu'un geste et une voix. L'empereur pleure sur son royaume, la princesse injustement accusée fuit chez les monstres et les sauvages, les armées défilent, les combats s'engagent devant les vieillards, les dieux descendent, le démon surgit d'un pot... L'orchestre par derrière, qui tout au long de la pièce mène son tumulte évocatoire, comme si, tels que les essaims d'abeilles qu’on rassemble en heurtant un chaudrom, les phantasmes scéniques devaient se dissiper avec le silence, a moins le rôle musical qu'il ne sert de support à tout, jouant, pour ainsi dire, le souffleur, et répondant pour le public. C'est lui qui entraîne ou ralentit le mouvement, qui relève d'un accent plus aigu le discours de l'acteur, ou qui, se soulevant derrière lui, lui en renvoie, aux oreilles, la bouffée et la rumeur. Il y a des guitares, des morceaux de bois, que l'on frappe comme des tympans, que l'on heurte comme des castagnettes, une sorte de violon monocorde quie comme un jet d'eau dans une cour solitaire, du filet de sa cantilène plaintive soutient le développement de l'élégie ; et enfin, dans les mouvements héroïques, la trompette... » Tombes.-Rumeurs «... La mort, en Chine, tient autant de place que la vie... Les liens entre les vivants et les morts se dénouent mal, les rites subsistent et se perpétuent. A chaque instant on va à la tombe de la famille, on brûle de l'encens, on tire des pétards, on offre du riz et du porc, sous la forme d'un morceau de papier on dépose sa carte de visite et on la confirme d'un caillou. Les morts dans leurs épais cercueils restent longtemps à l'intérieur de la maison, puis on les porte en plein air, ou on les empile dans de bas réduits, jusqu'à ce que le géomancien ait trouvé le site et le lieu. C'est alors qu’on établit à grand soin la résidence funèbre, de peur que l'esprit, s'y trouvant mal aille errer ailleurs. On taille les tombes dans le flanc des montagnes, dans la terre solide et primitive, et tandis que, pénible multitude, les vivants se pressent dans le fond des vallées, dans les plaines basses et marécageuses, les morts, au large, en bon lieu, ouvrent leur demeure au soleil et à l'espace... Les villes chinoises n'ont ni usines, ni voitures : le seul bruit qui y soit entendu quand vient le soir et que le fracas des métiers cesse, est celui de la voix humaine... Chacun croit qu'il parle seul : il s'agit de rixes, de nourriture, de faits de ménage, de famille, de métier, de commerce, de politique. » Religion du signe « ... Le Signe Chinois développe, pour ainsi dire, le chiffre ; et, l'appliquant à la série des êtres, il en différencie indéfiniment le 'caractère'. Le mot existe par la succession des lettres, le caractère par la proportion des traits. Et ne peut-on rêver que dans celui-ci la ligne horizontale indique, par exemple, l'espèce, la verticale l'individu, les obliques dans leurs mouvements divers l'ensemble des propriétés et des énergies qui donnent au tout son 'sens', le point, suspensu dans le blanc, quelque rapport qu’il ne convient que de sous-entendre ? On peut donc voir dans le Caractère Chinois un être schématique, une personne scripturale, ayant, comme un être qui vit, sa nature et ses modalités, son action propre et sa vertu intime, sa structure et sa physionomie. Par là s'explique cette piété des Chinois à l'écriture ; on incinère avec respect le plus humble papier que marque le mystérieux vestige. Le signe est un être, et, de ce fait qu'il est général, il devient sacré. Telle est la base de cette religion scripturale qui est pariculière à la Chine. Hier j'ai visité un temple Confucianiste... » Le fleuve « ...Le ciel est bas, les nuées filent vers le Nord ; à ma droite et à ma gauche, je vois une sombre Mésopotamie. Point de villages ni de cultures ; à peine, çà et là, entre les arbres dépouillés, quatre, cinq huttes précaires, quelques engins de pêche sur la berge, une barque ruineuse qui vogue, vaisseau de misère arborant pour voie une loque. L'extermination a passé sur ce pays, et ce fleuve qui roule à pleins bords la vie et la nourriture n'arrose pas une région moins déserte que n'en virent ces eaux issues du Paradis, alors que l'homme, ayant perforé une corne de boeuf, fit entendre pour la première fois ce cri amer et rude dans le milieu de la terre inhabitée. » Gilbert Gadoffre : Dans Le fleuve l'étagement des significations est marqué. Dès les premières lignes on nous présente une analyse du débit du Yangzi qui pourrait sortir de la plume d'un ingénieur hydrographe. Définies d'abord en termes techniques la masse et la force sont alors transposées, situées dans le milieu magique où microcosme et macrocosme se confondent : le lit du fleuve, ses eaux, ses alluvions, s'anthropomorphisent et deviennent artères, sang, plasma. Le poète nous a fait passer successivement par trois registres : le scientifique, le magique et la mythique. |
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3 | 1898 |
Claudel, Paul. Salutations. MS "Et je salue de nouveau cette terre pareille à celles de Gessen et de Chanaan. Cette nuit, notre navir à l’entrée du fleuve ballotté dans le clair-de-lune couleur de froment, quel signe bien pas au delà de la mer m’a fait le feu des 'Chines'... Et je saluerai cette terre, non point avec un jet frivole de paroles inventées, mais en moi que la découverte soudain d'un immense discours cerne le pied des monts comme une mer d'épis traversée d’un triple fleuve... » Gilbert Gadoffre : Hymne d'action de grâces du consul revenu à sa terre promise du Fujian, Salutation est placée sous le signe de la plénitude. Claudel nous transporte en divers points : au large des côtes du Fujian, sur un bateau qui remonte le Min, dans les faubourgs de Fuzhou. Mais ces changements de lieu sont imperceptibles tant le lieu géographique s'efface derrière un cadre imaginaire qui se dessine en transparence : un paysage liquide et blanc où le poète est immergé. |
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4 | 1900 |
Claudel, Paul. Connaissance de l'Est [ID D2653]. [Enthält neben publizierten Gedichten folgende Gedichte, die zum ersten Mal publiziert sind] : Pensée en mer [1896]. Vers la montagne [1896]. La mer supérieure [1896]. Le temple de la conscience [1896]. Octobre [1896]. Novembre [1896]. Peinture [1896]. Le contemplateur [1896]. Décembre [1896]. Tempête [1896]. Le porc [1896]. Ardeur [1897]. Considération de la cité [1897]. La descente [1897]. La cloche [1897]. La tombe. [1897] Tristesse de l’eau [1898]. La navigation nocture [1897]. Halte sur le canal [1898]. Le pin [1898]. L’arche d’or dans la forêt [1898]. Le promeneur [1898]. Ca et là [1898]. La terre vue de la mer [1898]. Salutation [1898]. La maison suspendue [1898]. La source [1898]. La marée de midi [1898]. Le risque de la mer [1899]. Heures dans le jardin [1899]. Sur la cervelle [1899]. La terre quittée [1899]. Halte sur le canal "...La Chine montre partout l'image du vide constitutionnel dont elle entretient l'économie. 'Honorons', dit le Tao teh king, 'la vacuité qui confère à la roue son usage, au luth son harmonie'... La Chine ne s'est pas, comme l'Europe, élaborée en compartiments ; nulles frontières, nuls organismes particuliers n'opposaient dans l’immensité de son aire de résistance à la propagation des ondes humaines. Et c'est pourquoi, impuissante comme la mer à prévoir ses agitations, cette nation, qui ne se sauve de la destruction que par sa plasticité, montre partout, - comme la nature, - un caractère antique et provisoire, délabré, hasardeux, lacunaire... » Gilbert Gadoffre : Halte sur le canal. Le symbole des vides qui alternent avec les pleins dans la démographie chinoise, et du vide taoïste tel qu'il est défini dans le Dao de jing. Dans Peinture se présente comme un tableau monochrome, un lavis à l'encre de Chine, la couleur intervient brusquement aux dernières lignes, et c'est le trait final de la douve circulaire, avec, dans 'un morceau d'azur au lieu d'eau, les trois quarts d'une lune à peine jaune'. Heures dans le jardin « ... On a fermé par mon ordre la porte avec la barre et le verrou. Le portier dort dans sa niche, la tête avalée sur la poitrine ; tous les serviteurs dorment. Une vitre seule me sépare du jarin, et le silence est si fin que tout jusqu'aux parois de l'enceinte, les souris entre deux planchers, les poux sous le ventre des pigeons, la bulle de pissenlit dans ses racines fragiles, doit ressentir le bruit central de la porte qu j'ouvre. La sphère céleste m'apparaît avec le soleil à la place que j'imaginais, dans la splendeur de l'après-midi... » Gilbert Gadoffre : Tout se passe dans le jardin du consulat de France à Fuzhou. Dans les premières séquences nous voyons se succéder des images végétales : grappes de raisin qui mûrissent au soleil, algue dans le courant 'que son pied seul amarre', palmier d'Australie immobile malgré ses battements d'ailes dans le vent, aloès triomphal qui meurt au moment même où il arrive à la maturité sexuelle. Puis vient la séquence de la claustration dans le jardin et le dispositif en spirale qui conduit le poète jusqu'au puits central ; c'est ensuite l'apparition de l'arbre blanc and la nuit, et enfin le thème de la marée. Zhang Xinmu : Connaissance de l'Est apparaît comme un recueil de récits de voyage, apportant différents éléments consituant l'identité de la Chine du début du XXe siècle. Nous apercevons que ces récits sont plutôt des nominations subjectives en série, issues d'une exaltation poétique, tantôt affective, tantôt répugnante. La connaissance que constitutent ces chinoiseries à peine nommables n'est qu'un prétexte, un lieu où l'auteur pourrait laisser libre cours à son imagination et à son élan poétique. La connaissance ici se montre comme résultat d'une signifiance, comme trame de signes reliant le monde naturel au monde social, la culture à la langue, et le poète, émerveillé d'abord par le cadre naturel, dégoûté ensuite par ce monde abominable, erre dans son territoire imaginaire. Il a quand même retrouvé la grandeur culturelle de ce monde abominable et y a aperçu une éclaircie de la répugnance, du dégoût, du sentiment de l'abjection. Connaissance de l'Est est en réalité une représentation du monde chinois par les signes. Ces signes si nombreux et si hétérogènes en apparence, pourraient être regroupés en quatre catégories : signes du monde naturel, signes de la sociöté, signes de la culture et enfin, signes de la langue. Claudel a créé les différents signes en utilisant plusieurs façons de représenter le monde chinois. On y remarque surtout trois oppositions : le monde naturel s'oppose au monde humain, le monde réel au monde supposé, le monde substantiel au monde sémiologique. Par le transfert des signes, ces mondes en opposition constitutent l'ensemble du monde chinois tel que Claudel l'a senti et perçu, et qu'il voudrait cristalliser en lettres. Le parcours de reconnaissance est marché d'abord par un enchantement, puis par une déception, et enfin par une sublimation en signes littéraires. Si le monde social a déçu le poète, le monde culturel lui laisse quand même un espoir. Il constate la grandeur de la culture chinoise, et le caractère chinois lui inspire de riches images. |
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5 | 1901 |
Claudel, Paul. L'arbre ; Tête d'or ; L'échange ; Le repos du septième jour ; La ville ; La jeune file violaine. (Paris : Mercure de France, 1901). [Geschrieben 1890-1897]. Le repos du septième jour. Acte I : Administration de la Terre. Acte II : Descente dans l'abîme. Acte III : Ascension vers le Ciel – Sainteté. Er schreibt 1954 : « D'une part un peuple plein de sève, fidèle à ses 'manières' immémoriales, d'autre part à travers les superstitions, à travers le Bouddhisme, le Confucianisme et le Tao (combien amusant et intéressant le Tao !) quelque chose d'antique et de vénérable, où les anciens Jésuites avaient vu comme une ombre de la Vérité révélée ! Que de conversations j'eus à ce sujet avec mon saint ami, le Père [Emile-Genest-Auguste] Colombet, qui me prêta le fameux livre du Père [Joseph] de Prémare ! C'est de ces conversations qu'est issu ce drame le Repos du septième jour. » Yvan Daniel : Claudel ne cite pas précisément les écrits de Joseph Henri-Marie de Prémare, mais de nombreux indices permettent d'affirmer qu'il a lu certains d'entre eux. Les oeuvres chinoises ayant influencé Le repos du septième jour étaient toutes contenues dans les premières lignes du Notitia linguae sinicae [ID D1815]. Une lecture profonde permet de suggérer que Claudel n'a pas voulu illustrer grossièrement les théories de Prémare, il les a fait apparaître 'en figure', c’est-à-dire, par définition, de façon indirecte et symbolique. Il n'avait utilisé pour préparer la rédaction de son drame que les éléments fournis par cette oeuvre, réutilisant ces morceaux de phrases traduits sans contexte ni référence précise. Mais la lecture du Notitia ne suffit pas, pour expliquer les autres allusions présentes dans le drame, et les passages qui montrent une connaissance réelle de la culture chinoise des Classiques. Pour ce qui concerne l'antiquité chinoise, Claudel a vraisemblablement étudié les traduction d'ouvrages historiques, annales ou 'chants' des Classiques. L'étude de l'antiquité chinoise dans Le repos du septième jour a montré que de nombreux passages de l'oeuvre semblent directement issus des lectures de l'auteur qui disposait d'un fonds assez important à l'époque de la rédaction. L'imagination et le style claudélien sont venus transformer et enrichir un matière originelle d'ailleurs sèche et souvent brève à cause des impératifs de la traduction ; on voit mal cependant comment tant d'éléments proprement chinois et remontant à la plus haute antiquité auraient pu être entièrement inventés par l'auteur avec tant de justesse. Ce sont ces ouvrages qui pouvaient apporter à Claudel le plus d'informations, et donner au Repos ce ton et ce lexique qui rappellent sans cesses les traductions jésuites. Claudel partage d'ailleurs avec la Compagnie de Jésus cette fascination pour la figure du Fils du ciel. Claudel néglige la disposition rituelle du souverain et des dignitaires dans le palais, le premier étant 'tourné vers le midi pour montrer qu'il est ce que le principe de lumière et de chaleur est pour la nature', et les autres 'tournés vers le Nord'. Mais une telle mise en scène théâtrale n'aurait sans doute pas pris son sens face à un public occidental. La seule 'erreur' importante est celle de la procédure d'intronisation du nouvel empereur, à l'acte III. Selon la tradition, l'empereur est 'l'homme unique' et il ne peut y avoir de nouvel empereur de son vivant, car il ne peut y avoir 'deux rois dans le monde'. L'auteur fait de l'empereur un sage retiré du monde, ou même un saint, entremêlant ainsi habilement l'idéal confucianiste de la sagesse et l'idéal monastique chrétien. Cette fin est d'ailleurs préméditée, puisque Claudel n'ignorait pas que la tradition chinoise refuse que deux empereurs vivent en même temps. Si la mise en scène du protocole impérial est imparfaite, parfois 'occidentalisée' ou déformée par les modifications nécessaires dues au sens se l'oeuvre, les points majeurs de l'étiquette et la répartition des fonctions de cour sont conformes à la tradition. Claudel imagine et met en scène l'apparition des prémices du christianisme dans la Chine antique. Ses références sont alors essentiellement religieuses, fondées sur les ouvrages des anciens figuristes jésuites qui pensaient avoir retrouvé 'en figure' dans les Classiques chinois, les vestiges de la révélation chrétienne. Yvonne Y. Hsieh : Segalen first conceived the play Le combat pour le sol as a response to Paul Claudel's Le repos du septième jour. In a letter to Pierre d'Ythurbide (1913), Segalen expresses his disappointment over Claudel's work : "Ici, empoignant le grand mythe dur et pur du Fils du Ciel, il a produit un chaos sans consistance, et ce qui est pis que tout, une oeuvre bien ennuyeuse. Il avait un sujet précisément et admirablement dramatique. Il tenait entre ses deux grands poings un conflit, l'un des plus grands conflits qu'on puisse imaginer sous le Ciel puisque le Ciel de Chine rencontrait le Ciel Latin. Le résultat : deux fort longs sermons ennuyeux." The emperor in Claudel's play ventures into the netherworld in search of an explanation. There, he learns of the true God first from the demon, then from an angel who reveals the solution to his problem ; namely the consecration of the seventh day of the week as a day of rest. Lucie Bernier : Claudel juxtapose les éléments daoistes et chrétiens. L'Empereur Nouveau habillé des habits pontificaux reflète bien cette façon de s'exprimer. Dans cette première étape de l'interprétation de Laozi, l'image du Vide est récurrente mais sans toutefois contenir encore l'osmose entre les deux cultures qui caractérisera les écrits ultérieurs à 1921. La ville Bernard Hue : Les premières traces de taoïsme dans l'oeuvre de Claudel, peuvent être décelées dès 1890, dans la première version. Claudel converti se montre plus soucieux d'idées, de doctrines, de pensées que d'expression plastique et de recherches esthétiques. Deux appels simultanément se font entendre : celui de Dieu et celui du siècle, de ce monde tout rempli d'amour et de beauté, fait, lui semble-t-il, pour être passionnément conquies. C'est dans cette atmosphère de partage que se situe la découverte du tao. La ville reflète les permieères traces d'une connaissance toute récente du tao. Deux images, celles de la Terre et celle du Ciel, font penser à la conception du yin et du yang. Lucie Bernier : La ville devient la pièce témoin des premières tentatives de recherche vers l'Autre de Claudel. |
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6 | 1902 |
Claudel, Paul. La délivrance d'Amaterasu. Visite. La lampe et la cloche. In : L'Occident ; nov. (1902). Gilbert Gadoffre : Visite. L'anecdote qui sert de point de départ – la visite protocolaire que le consul doit faire au Vice-Roy de Fuzhou pour négocier un accord sur le riz indo-chinois – est presqu'imperceptible. La chasie à porteurs conduit le consul dans un nouveau tracé de jeu de l'Oie. Elle l'arrache aux rumeurs des quartiers commerçants périphériques de la ville de Fuzhou et l'engage dans le quartier patricien de la Montagne Noire ; au milieu de ce quartier, le yamen mandarinal ; au milieu de la cour du yamen, un encols de banyans ; à l'ombre des banyans, le noble toit de la Résidence ; une fois la porte de la maison franchie, le petit salon d'attente ; dans ce salon, le consul ne voit plus que les barreaux des fenêtres qui 'l'excluent' et 'l'aussurent par le dedans'. Le mot 'seul', qui donne au texte son point d'orgue, ne fait que matérialiser le sentiment d'oppression que donne au lecteur le resserrement du décor. |
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7 | 1903 |
Claudel, Paul. Quatre petits poèmes : Le riz, Le point, Libation au jour futur, Le jour de la fête-de-tous-les-fleuves. In : L'Occident ; nov. (1903). Le riz Gilbert Gadoffre : La tête-à-tête avec la Nature chinoise permet de surprendre des affinités essentielles entre l'homme et son milieu, le végétal et l'animal, le minéral et l’humain, les procédés du paysan et ceux de la Nature. Il est fait d'un contrepoint d'analogies : le soleil qui fait mûrir les rizières et le four, le repiquage du riz et la fécondation, les eaux d'irrigation et les eaux menstrulles, la marée haute et l'allaitement, la maturation des récoltes et la cuisson chinois du riz à la vapeur. Le jour de la Fête-de-tous-les-fleuves « Le jour de la fête-de-tous-les-fleuves, nous sommes allés souhaiter la sienne au nôtre, qui est large et rapide... Mais aujourd’hui c'est la fête du fleuve ; nous célébrons son carnaval avec lui dans le roulant tumulte des eaux blondes. Si tu ne peux passer le jour enfoncé dans le remous comme un buffle jusqu'aux yeux à l'ombre de ton bateau, ne néglige pas d'offrir au soleil de midi de l'eau pure dans un bol de porcelaine blanche ; elle sera pour l'an qui vient un remède contre la colique... Que chacun, par cette après-midi de pleine crue et de plein soleil, vienne palper, taper, étreindre, chevaucher le grand fleuve minicipal, l'animal d'eau qui fuit d'une échine ininterrompue vers la mer... » |
# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 2009 | Romanisches Seminar Universität Zürich | Organisation / URose |
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