1968
Publication
# | Year | Text | Linked Data |
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1 | 1878 |
Rochechouart, Julien de. Excursions autour du monde [ID D2385]. Er schreibt über China : "Les montagnes sont des collines ; les rochers des rocailles, les arbres des arbustes ; rien de simple, de naturel, de grand. Dans ce paysage, tout est petit, controurné, rabougri, grotesque, et les pagodes jetées çà et là achèvent d'imprimer le cachet à cette nature. Il n'y a pas dans toute la Chine un seul monument, pas un temple, pas une statue, pas un tableau, rien d'élevé, de grand. Ne parlons pas d'esthétique, cette idée ne saurait être traduite en chinois. Mais leurs yeux, au moins, sont ouverts à l'harmonie des couleurs." |
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2 | 1879 |
Gautier, Judith. Les peuples étranges [ID D21861]. Sie schreibt : "En Chine la poésie c'est la clé magique qui ouvre toutes les portes, la marque de noblesse devant laquelle se courbent les front les plus hautains, le privilège céleste qui rend inviolable celui à qui il a été confié. L'Empereur lit-il les vers d'un grand poète ? Il est tout à coup transporté de joie, il s'informe de celui qui lui a procuré un si nobel plaisir, lui confie les postes les plus enviés, lui ouvre son palais, et, lorsqu'il entre, descend de son trône et le reçoit debout. L'Empire du Milieu est le paradis des poètes." "Le Chi-king (Livre des vers) [Shi jing] contient une partie de ces poêmes primitifs. Mais on se demande avec surprise et regret pourquoi le grand Confucius qui a rassemblé pour les sauver de l'oubli ces épaves précieuses, n'a conservé que trois cent cinq chants des trois mille qu'il avait en sa possession. Pourquoi imposer silence à la plupart de ces voix anciennes et les empêcher d'arriver jusqu'à nous ? Sans doute le grave philosophe n'a voulu rendre immortels que les poêmes ayant une portée morale et historique, il a replongé impitoyablement dans l'abîme tout ce qui était seulement descriptif, lyrique ou passionné." |
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3 | 1884 |
Contenson, Bon Guy de. Chine et Extrême-Orient [ID D21862]. Er schreibt : "Dès mon arrivée en Chine, je trouvai les Chinois fort amusants. Ils ressemblent en tous points aux portraits qu'ils nous tracent d'eux-mêmes sur leurs éventails et leurs écrans, et que nous regardons comme des caricatures." |
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4 | 1889 |
Exposition universelle Paris. La Chine y était représentée, et aussi l'Indochine et les possessions françaises en contact direct avec les civilisations d'outre-mer. L'empire du Milieu était représenté par un pavillon au triple toit relevé aux angles, qui correspondait d'autant mieux à l'image que l'homme de la rue pouvait se faire de la Chine que son auteur, Charles Garnier, l'architecte de l'Opéra, s'était inspiré des pagodes de paravents, de céramiques et de broderies. Aussi les visiteurs pouvaient-ils lire dans un guide que "l'habitation chinoise répond de tous points à l'idée que l'on s'en fait d'avance". Les visiteurs qui s'attendaient à trouver dans la fausse pagode un déploiement d'oeuvres d'art risquaient de rester sur leur faim. Les négociants cantonais d'étaient limités à ce qu'ils croyaient être le goût du public parisien, et les organisateurs français encourageaient un certain désordre dans la présentation, qui devait faire plus chinois. L'attaché militaire de la Légation de Chine à Paris ne pouvait s'empêcher d'écrire : "Un pêle-mêle d'étuffes, de meubles, d'ivoires, de bambous, de petits bibelots de toutes matières, de toutes formes, de toutes couleurs ; les marchandises n'étant pas exposées par classet et groupes, l'oeil incertain ne sait d'abord où se porter. Cela rassemble assez à l'art incohérent qui jette, comme au hasard, tous les tons de la palette. |
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5 | 1889 |
Paul Claudel avait eu son premier contact avec l'Asie à l'Exposition [universelle à Paris]. Er schreibt : « J'ai été en contact avec le théâtre chinois pour la première fois à l'Exposition de 1889. » Gilbert Gadoffre : Exposition, théâtre, musique, restaurants, telles sont les premières découvertes chinoises de Claudel, découvertes de touriste, sans aucune intention d’approfondissement. Il lui a suffi d'avoir vu. Sa curiosité ne va pas jusqu'aux livres. Tout au plus a-t-il feuilleté deux recueils d'adaptations assez lâches, les Poèmes de Chine d'Emile Blémont [ID D21856] et Le livre de jade de Judith Gautier [ID D12659]. |
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6 | 1895 | Paul Claudel kommt in Shanghai an. |
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7 | 1895-1955 |
Paul Claudel allgemein 1895-1955. Yvan Daniel : L'exotisme « chinois » claudélien n'est ni un exotisme de pacotille ni une croisade assimilant par force l'Asie au monde catholique. Dans toutes les oeuvres de la période, et même, singulièrement, dans Le Repos du. septième jour, les spécificités authentiques de la culture chinoise - au moins telle qu'elle était comprise à l'époque - sont présentes, et l'effort fourni pour les comprendre est partout visible. Cette volonté de comprendre prend forme dans deux mouvements : le premier consiste à adopter poétiquement le point de vue du Chinois, le second à approfondir l'observation à force de définitions et d'analyses. Voyageur, visiteur, marcheur, spectateur, habitant, poète, dramaturge, diplomate, infatigable lecteur... la multiplication des points de vue et des approches conduit à la production de textes de types différents : rapports consulaires, poésies, drame, études et conférences. Tous les domaines sont alors abordés et liés : économie, histoire, géographie, droit, finance, religion, ethnologie, science, zoologie... Cette multiplication permet, lorsqu'on en considère dans le même temps les différentes parties, de prendre la mesure de la vision holistique claudélienne. Les Cinq Grandes Odes sont en ce sens le moment d'un tournant important, elles contiennent en effet la justification du désir d'unité dans la récapitulation poétique, qui apparaissait déjà implicitement dans certains poèmes antérieurs. Le statut de l'étranger, dans ces conditions, est à la fois magnifié et mis en péril : l'exotisme claudélien est paradoxal. D'une part, l'empire du Milieu est l'objet de tout l'intérêt de l'auteur qui l'habite poétiquement et n'hésite pas à adopter son point de vue pour le mieux comprendre, d'autre part, il est profondément relié à l'« univers indéchirable » et soumis au regard globalisant du poète. L'intérêt porté à la Chine va parfois jusqu'à la fascination mais ne peut bien sûr pas être considéré séparément de la foi catholique de l'auteur, et le rêve de l'unité spirituelle de l'humanité n'est pas séparable du désir de la conversion universelle. De ces ambiguïtés naîtront certaines tensions contradictoires que nous étudierons. Les fonctions diplomatiques de Claudel sont : Economie, échanges commerciaux, statistiques, analyses, développement des transports, négociation du chemin de fer Beijing-Hankou, l'influence militaire et l'arsenal de Fuzhou, le système politique et le fonctionnement de la société. Claudel ignore le chinois mais les observations qu'il fait sur le terrain sont complétées par les échanges qu'il peut avoir avec les religieux présents sur place, évidemment for attentifs aux traditions loca.es. Les soirées au Consulat étaient occupées à discuter les coutumes religieuses des Chinois, aussi bien avec les Jésuites qu'avec les missionnaires appartenant à d'autre ordres. Les allusions aux différentes spritualités de l'Asie – hindouisme, bouddhisme, confucianisme, taoïsme – parcourent toute l'oeuvre claudélienne, de façon apparemment dispersée et décousue : on découvre au fil des textes des analyses, des comparisons, éventuellement des condamnations, mais aussi des analogies, des rapprochements, des condisérations syncrétiques qui peuvent a priori sembler étonnantes. Si l'on rapproche toutes ces allusions pour en faire la synthèse afin de saisir l'ensemble du point de vue claudélien, on est tout d'abord frappé par d'apparentes incohérences, mais elles finissent par se résoudre dans la perspective d'une singulière preparatio evangelica dédiée à l'Extrême-Orient. Gilbert Gadoffre : Pour un homme qui avait décidé d'aborder la Chine avec ses yeux, les arts plastiques posaient moins de problèmes et moins de pièges que la philologie. Du bouddhisme il côtoie les monastères et les ermites, les seuls, dans le Fujian, à pouvoir offrir une image de sa vie contemplative, qui croit avoir entendu l'appel du cloître ; mais pour peu qu'il ouvre un livre sur Bouddha ou qu'il prête l'oreille aux propos des missionnaires, il entrevoit dans la quête du Nirvâna un peu de cette complaisance au Néant des philosophes fin de siècle contre laquelle il avait réagi avec violence. Il est également très sensible à la poésie des cultes chinois, à l'omniprésence du sacré dans la ville et dans la campagne, à « ce sentiment partout du surnaturel, ces temples, ces tombeaux, ces humbles petits sanctuaires sous un arbre où le culte se compose d’une bauette d'encens et d’un morceau de papier ; tout cela m'était comestible ». Mais quand il se renseignait sur ces cultes, il ne pouvait que trouver à l'origine des croyances et des superstitions indiscutablement païennes. Aussi courait-il le double risque de fermer les yeux sur certaines incompatibilités, ou bien, en réagissant trop brutalement, d'atteindre dans ses fondements la notion même de surnaturel. Lucie Bernier : Après quatorze ans en Chine, Paul Claudel ne connaît pas la langue chinoise et n'a donc qu'une connaissance indirecte de la littérature et de la philosophie chinoise. A le lire, on s'aperçoit que l'appropriation des écrits de Laozi de de Zhuangzi dans son oeuvre exprime non seulement l'assimilation d’idées philosophiques vues à travers des traductions, principalement celles du Père Léon Wieger et de Stanislas Julien, mais aussi l'influence d'une littérature populaire chinoise à thème daoiste. La préoccupation de Claudel pour la philosophie daoiste se déroule en deux temps. La première phase consiste en ses premières années en Chine (1895-1909), interrompus par des séjours en France d'une durée respective d'un an en 1900 et 1905. La deuxième phase est marquée par son retour en Asie grâce à l'obtention d'un poste d’ambassadeur à Tokyo de 1922-1927. Ces années au Japon le ramènent dans le temps et peuvent être désignées dans ses écrits comme étant une période de réminiscences de la Chine. Converti au catholicisme depuis 1886, Claudel sera dans les années suivantes en proie à une crise existentielle et spirituelle qui le laisse dans l'incertitude. Vers les années 1890 qu'il 'découvrira' le dao. Il cherchera dans l'inconnu la confirmation de sa foi. Même si ces connaissances sur la philosophie daoiste sont très limitées, l'influence en est apparante dès la première version de La ville avec des images telles les associations père-ciel / mère-terre. Ces éléments daoistes sont empruntés au chapitre XX du Dao de jing. Claudel suit le courant européen et au Japon, il relit le Dao de jing tout en élargissant ses connaissances par la lecture dautres livres daoistes tel celui de Zhuangzi, Nan hua zhen jing. L^influence de ce livre inspire plusieurs écrits de Claudel dans lesquels apparaissent en filigrane les éléments reliés à Zhuangzi. Tout au long de sa vie, Claudel est convaincu de la supériorité de la religion chrétienne. Certes, il idéalise la Chine mais c^est justement parce qu'il se tourne vers son passé qu'il ne peut s'empêcher d'émettre certains commentaires défavorables sur l'état présent de la Chine et sa soi-disant inertie. |
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8 | 1895 | Paul Claudel schreibt vor seiner Abreise nach China : « Quitter Paris, quitter ma famille, quitter enfin tout ce qui m'entourait : cela, j'en avais un désir extrêmement violent. » | |
9 | 1895 |
Paul Claudel schreibt in der ersten Woche im Hotel in Shanghai : « Je suis tout seul, je n'ai plus de pays, plus de famille, je suis dans l'abandon le plus complet et l'avenir est incertain. Je suis dans un milieu complètement différent, beaucoup plus différent que ne l'était encore l'Amérique, et un avenir, un avenir redoutable pour moi m'attend, en même temps que le passé sombre derrière moi. » Gilbert Gadoffre : Les consulats étaient le centre de la vie de société, une société riche et brillante, qui dépasse les moyens de Claudel et lui fait remâcher son aversion pour la vie mondaine. |
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10 | 1895 |
Briefe von Paul Claudel an Stéphane Mallarmé. « Me voici au milieu de mon papier sans vous avoir encore parlé de la Chine. J'y vis et je m'y plais, mais les pays tropicaux que j'ai vus à mon passage ont pour moi un charme que je ne puis oublier. La chaleur du paradis de la vie y est trop forte et la diarrhée qui prend au ventre ceux qui y séjournent trop est comme la dissolution de l'individu qui cède. La Chine est un pays ancien, vertigineux, inextricable. La vie n'y est pas atteinte par le mal moderne de l'esprit qui se consière lui-même, cherche le mieux et s'enseigne ses propres rêveries. Elle pullule, touffue, naïve, désordonnée, des profondes ressources de l'instinct et de la tradition. J'ai la civilisation moderne en horreur, et je m'y suis toujours senti étranger. Ici, au contraire, tout paraît naturel et normal. » « C’est déjà chose faite, et des esquisses de Pagode, Jardins, Ville la nuit sont déjà en chantier. » |
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11 | 1895 |
Brief von Paul Claudel an Jules Renard. "Il n'y a rien de plus beau au monde que le théâtre chinois. Quand on a vu ça, on ne peut plus rien voir." |
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12 | 1896 | Paul Claudel ist Konsul in Fuzhou (Fujian). |
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13 | 1896 | Paul Claudel sieht sich ein kantonesisches Theaterstück an. Er schreibt darüber : „Je vois une tarte de têtes vivantes, un pavage de crânes et de faces rondes et jaunes, si dru qu'on ne voit pas les membres et les corps ; tous adhèrent, les coeurs du tas battant l'un contre l'autre. Cela oscille d'un seul mouvement. Dans ces grands rassemblements d'hommes que sont les célébrations folkloriques dépeintes dans 'Fête des morts le septième mois' et 'Le Jour de la Fête-de-tous-les fleuves', le Chinois est encore immergé dans la masse : on ne voit que mouvements de foule et actes rituels. Pas un visage humain, mais des barques bondées, des flûtes, des gongs, des pétards, des 'bras de cent pagayeurs nus'. Tout au plus aperçoit-on dans ce tumulte des formes humaines sous des robes de soir : Tout grouille, tout tremble d'une rive à l’autre de sampans et de bateaux, où les convives de soie pareils à de clairs bouquests boivent et jouent ; tout est lumière et tambour. Comme on nous avait montré au théâtre le drame s'agiter sous l'étoffe vivante de la foule, ici la fête a transformé ces hommes et ces femmes en acteurs anonymes d'un grand spectacle de mouvement. » |
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14 | 1896 |
Brief von Paul Claudel an Stéphane Mallarmé. « J'ai trouvé dans le peuple chinois avec sa salubre horreur de tout changement le peuple selon mon coeur. La Chine devient le seul pays où un individu décent peut vivre sans souffrance. » |
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15 | 1896 | Paul Claudel schreibt auf einem Blatt die Texte aus Kap. XI und V aus dem Dao de jing, die er vermutlich aus der englischen Übersetzhung von James Legge ins Französische übersetzt hat : "Les trente rais de la roue se réunissent en un seul essieu, mais c'est de la place vide que l'usage de la voiture dépend. On fait des vases avec de la terre, mais c'est leur vacuité qui constitue leur usage. Les portes et les fenêtres sont fabriquées pour faire l'appartement, mais c'est de la place vide que l'appartement est fait. L'espace qui est entre le Ciel et la Terre n'est-il pas comparable à un soufflet de forge ? Il se vide et ne s'épuise pas, et il envoie encore de l'air. Beaucoup de paroles épuisent la respiration. Garde ce qui est intérieur." |
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16 | 1896 | Erster Sommeraufenthalt von Paul Claudel in Kuliang (Fuzhou), das ihn inspiriert. Er schreibt Vers la montagne und La mer supérieure. Nach dem Besuch des Temple de la fontaine murmurante schreibt er Le temple de la conscience. |
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17 | 1896 |
Claudel, Paul. En Chine : Pagode. Ville la nuit. Jardins. In : La revue de Paris, 15 août (1896). Pagode « Je descends de la ricksha et un épouvantable mendiant marque le commencement de la route... Je vois la Pagode au loin entre les bosquets de bambous, et, prenant à travers champs, je coupe au court. La campagne est un vaste cimetière. Partout, des cercueils ; des monticules couverts de roseau flétris, et, dans l'herbe sèche, des rangées de petits pieux en pierre, des statues mitrées, des lions, indiquent les sépulture antiques. Les corporations, les riches, ont bâti des édifices entourés d'arbres et de haies. Je passe entre un hospice pour les animaux et un puits rempli de cadavres de petites filles dont leurs parents se sont débarrassés... Il faut d'abord parler de la Pagode proprement dite. Elle se compose de trois cours et de trois temples, flanqués de chapelles accessoires et de dépendances. Le lieu religieux ici n'enferme pas, comme en Europe, unique et clos, le mystère d'une foi et d'un dogme circonscrits. Sa fonction n'est pas de défendre contre les apparences extérieures l'absolu ; il établit un certain milieu, et, suspendu en quelque sorte du ciel, l'édifice mêle tout la nature à l'offrande qu'il constitute. Multiple, de plain-pied avec le sol, il exprime, par les relations d'élévation et de distance des trois arcs de triomphe ou temples qu'il lui consacre, l'Espace ; et Bouddha, prince de la Paix, y habite avec tous les dieux. L'architecture Chinoise supprime, pour ainsi dire, les murs ; elle amplifie et multiplie les toits, et, en exagérant les cornes qui se relèvent d'un élégant élan, elle en retourne vers le ciel le mouvement et la courbure ; il demeurent comme suspendus, et plus la fabrique du toit sera ample et chargée, plus, par sa lourdeur même... De chaque coté de la salle, deux à droite, deux à gauche, quatre colosses peints et vernis, aux jambes courtes, aux torses énormes, sont les quatre démons, les gardiens des quatre plages du ciel. Imberbes comme des enfants, l'un agite des serpents, un autre joue de la viole, un autre brandit un engin cylindrique pareil à un parasol fermé ou à un pétard. Je pénètre dans la seconde cour ; un grand brûle-parfums de fonte, tout couvert d'écriture, se dresse au milieu. Je suis en face du pavillon principal. Sur les arêtes du toit, des groupes de petits personnages coloriés se tiennent debout comme s'ils passaient d’un côté à l'autre ou montaient en conversant... La salle est haute et spacieuse, quatre ou cinq colosses dorés en occupent le fond. Le plus grand est assis au milieu sur un trône... Assis sur le lotus, ce sont les Bouddhas célestes, Avalokhita, Amitabha, le Bouddha et la lumière sans mesure, le Bouddha du Paradis de l'Ouest. A leurs pieds les bonzes accomplissent les rites... Quatre bonzes, juchés sur des escabeaux, médietent à l'intérieur de la porte... » Ville la nuit « ...Ce sont des ateliers de menuiserie, de gravue, des échoppes de tailleurs, de cordonniers et de marchands de fourure ; d'innombrables cuisines, d'où, derrière l'étalage des bols pleins de nouilles ou de bouillon, s'échappe un cri de friture ; des enfoncements noirs où l'on entend un enfant qui pleure ; parmi des empilements de cervueils, un feu de pipe ; une lampe, d'un jet latéral, éclaire d'étranges fouillis. Aux coins des rues, au tournant ces massifs petits ponts de pierre, derrière des barreaux de fer dans une niche, on distingue entre deux chandelles rouges des idoles naines... En marche ! Les rues deviennent de plus en plus misérables, nous longeons de hautes palissades de bambous, et, enfin, franchissant la porte du Sud, nous tournons vers l'Est. .. La cité est purement humaine. Les Chinois observent ceci d'analogue à un principe de ne pas employer un auxiliaire animal et mécanique à la tâche qui peut faire vivre un homme... Une fumerie d'opium, le marché aux prostituées, les derniers remplissent le cadre de mon souvenir. La fumerie est un vaste vaisseau, vide de toute la hauteur de ses deux étages qui superposent leurs terrasses intérieures. La demeure est remplie d'une fumée bleue, on aspire une odeur de marron brûlé... Je passe et j'emporte le souvenir d'une vie touffue, naïve, désordonnée, d'une cité à la fois ouverte et remplie, maison unique d'une famille multipliée. Maintenant, j'ai vu la ville d'autrefois, alors que libre de courants généraux l'homme habitait son essaim dans un désordre naïf. Et c'est, en effet, de tout le passé que j’eus l'éblouissement de sortir, quand, dans le tohu-bohu des brouettes et des chaises à porteur, au milieu des lépreux et des convulsionnaires franchissant la double poterne, je vis éclater les lampes électriques de la Concession. » Jardins « Il est trois heures et demie. Deuil blanc : le ciel est comme offusqué d'un ligne. L'air est humide et cru. J'entre dans la cité. Je cherche les jardins. Je marche dans un jus noir. Le long de la tranchée dont je suis le bord croulant, l'odeur est si forte qu'elle est comme explosive. Cela sent l'huile, l'ail, la graisse, la crasse, l'opium, l'urine, l'excrément et la tripaille. Chaussés d'épais cothurnes ou de sandales de paille, coiffés du long capuce du 'foumao' ou de la calotte de feutre, emmanchés de caleçons et de jambières de toile ou de soie, je marche au milieu de gens à l'air hilare et naïf. Le mur serpente et ondule, et sa crête, avec son arrangement de briques et de tuiles à jour, imite le dos et le corps d'un dragon qui rampe ; une façon, dans un flot de fumée qui boucle, de tête le termine. – C'est ici. Je heurte mystérieusement à une petite porte noire : on ouvre. Sous des toits suplumbants, je traverse une suite de vestibules et d’étroits corridors. Me voici dans le lieu étrange. C'est un jardin de pierres. Comme les anciens dessinateurs italiens et français, les Chinois ont compris qu'un jardin, du fait de sa clôture, devait se suffire à lui-même, se composer dans toutes ses parties. Ainsi la nature s'accommode particulièrement à notre esprit, et, par un accord subtil, le maître se sent, où qu'il porte son oeil, chez lui... les Chinois construisent leurs jardins à la lettre, avec des pierres. Ils sculptent au lieu de peindre... Assise sur des pilotis de granit rose, la maison-de-thé mire dans le vert-noir du basin ses doubles toits triomphaux, qui, comme les ailes qui se déploient, paraissent le lever der terre.... Je m'engage parmi les pierres, et par un long labyrinthe dont les lacets et les retours, les montées et les évasions, amplifient, multiplient la scène, imitent autour du lac et de la montagne la circulation de la rêverie, j'atteins le kiosque du sommet. Le jardin paraît creux au-dessous de moi comme une vallée, plein de temples et de pavillons, et au milieu des arbres apparaît le poëme des toits... Les Chinois font des écorchés de paysages. Inexplicable comme la nature, ce petit coin paraissait vaste et complexe comme elle. Du milieu de ces rocailles d'élevait un pin noir et tors ; la violente dislocation de ses axes, la disproportion de cet arbre unique avec le pays fictif qu'il domine, - tel qu'un dragon qui, fusant de la terre comme une fumée, se bat dans le vent et la nuée, - mettaient ce lieu hors de tout, le constituaient grotesque et fantastique... » Gilbert Gadoffre : Les poèmes Pagode, Jardins et Ville la nuit ont été écrits à Shanghai et inspirés par des visites à la ville chinoise. La première partie a un thème obsédant : celui de l'ermite bouddhiste. Ni les motivations religieuses ni les lieux ne sont nommés, mais les itinéraires de promenade favoris de Claudel à Fuzhou passaient par les monastères et les ermitages bouddhistes de l'arrière-pays, comme en témoignent des poèmes tels que Vers la montagne, La mer supérieure, Le temple de la conscience, Décembre, Le contemplateur, La maison suspendue, La source, Libation au jour futur, ainsi que les dernières pages du Repos du septième jour. Dans Jardins tout suggère des complicités occultes entre la Nature et l'esprit, entre les matériaux naturels et l'art du jardinier chinois, entre les labyrinthes du jardin et 'la circulation de la rêverie', entre l'angle des toits et les mouvements de la danse, entre la structure du jardin et la complexité de la nature. |
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18 | 1897 | Paul Claudel ist 6 Monate Vize-Konsul des französichen Konsulats in Hankou (Hubei). Er reist auf dem Yangzi von Shanghai nach Hankou und zürück auf dem Yangzi über Nanjing, Zhenjiang (Jiangsu) nach Shanghai. |
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19 | 1897 |
Briefe von Paul Claudel an Stéphane Mallarmé. « J'ai ouvert, depuis un an, sous le titre Description du pays de l'Est, un carton où je mets mes papiers sur la Chine, notes ou poèmes. » Er schreibt über seinen Sommeraufenthalt in Guling : « Les dragons et les hydres de la mythololgie chinoise qui montent vers notre plateau des pentes toujours fumantes d'une double vallée. » |
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20 | 1897 | Paul Claudel schreibt auf den letzten Blättern im Dezember in seine Agenda die chinesischen Zeichen : 大 (da) [Erwachsener], 木 (mu) [Baum]. In Le repos du septième jour schreibt er : "L'homme n'est-il pas un arbre qui marche ? Comme il élève sa tête, comme il étend ses branches ver le ciel, C'est ainsi qu’il enfonce ses racines vers la terre." Als drittes Zeichen schreibt er 王 (wang) [König]. Le souverain est l'homme qui relie entre eux le Ciel, la terre et l’humanité. |
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21 | 1897 |
Claudel, Paul. Considération de la Cité. MS Er schreibt das Gedicht nach einem Spazierung nach Boyang. Gilbert Gadoffre : Il ne voit plus devant lui des dragons et des hydres, mais des murailles, des maisons et les tours d’une ville imaginaire. |
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22 | 1898 | Paul Claudel ist Konsul in Fuzhou (Fujian) und kehrt nach Shanghai zurück. Er reist nach Ningbo (Zhejiang), nach Dinghai und den Inseln Zhousan (Zhejiang), nach Suzhou und nach Japan. |
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23 | 1898 |
La Mission lyonnaise d'exploration commercial en China [ID D6201]. Mission zur Erforschung der wirtschaftlichen Lage in Tonkin [Vietnam], Süd-China und im Tal des Yangzi unter Leitung von Henri Brenier. Sie finden als Handelsorte Manhao und Mengzi (Yunnan). 1. Etudier les voies et moyens de pénétration économique en Schine du Sud à partir du Tonkin. 2. Etude économique de la province de Se-tchouen [Sichuan] et des moyens qui permettraient de la rattacher à nos sphères d'influence commerciales et politiques. 3. Visite aux grands centres distributeurs de Hong-kong et de Changhaï [Shanghai]. 4. Etude générale des moyens de communication et de transport, des usages commerciaux et des banques. |
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24 | 1899 | Paul Claudel ist Konsul in Fuzhou (Fujian). |
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25 | 1899 | Paul Claudel reist per Schiff von Shanghai zur Pagoda Anchorage, über Nantai (Liaoning) nach Fuzhou. Er schreibt an Jean Amrouche : « J'en profitais pour faire de grandes excursions dans le pays. Comme il y avait le bateau qui n'apportait la malle que tous les hui jours ou tous les quinze jours, cela me laissait énormément de liberté. J'avais beaucoup de temps pour lire, pour réfléchir et pour me promener. » | |
26 | 1900 | Paul Claudel hält sich in Frankreich auf. |
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27 | 1901 | Paul Claudel organisiert geologische Expeditionen in China. |
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28 | 1903 | Paul Claudel reist nach Indochina. |
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29 | 1904 | Paul Claudel hat die Mission der Beaufsichtigung des Ministère des affaires étrangères in Fuzhou (Fujian). |
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30 | 1904-1909.1 |
Claudel, Paul. Livre sur la Chine [ID D21908]. [Auszüge (1)]. Gilbert Gadoffre : Les archives de la Société Paul Claudel possèdent un précieux text qui permet de suivre le premier état du projet. Il s’agit d’un ensemble de quarante-hui feuilles de grand format, dactylographiées recto-verso et groupées en sept cahiers. Index Idées sur la politique de la France en Chine Politique de l’Indochine Faire un répertoire d’idées Organisation d’une banque française en Chine Indochine Conclusions générales Chap. 1 : La Chine et les Chinois Chap. 2 : L’Europe en Chine Chap. 3 : Les missions Chap. 4 : Les écoles Psychologie de l’Européen en Chine Chap. 5 : L’Européen et le commerce en Chine Chap. 6 : Géographie commerciale de la Chine Chap. 7 : La monnaie et le Change Chap. 8 : Industries en Chine Chap 9 : Entente possible de l’Europe contre le Japon en Chine « La Chine a beaucoup changé au cours de ces dernières années, plus peut-être que dans bien des siècles de sa tranquille existence passée : Les idées quon se fait de la Chine en Europe doivent aussi changer. Le présent livre a pour ambition de renouveler le fonds de lieux communs sur lesquels les personnes qui sont appelées à exercer une action quelconque sur les affaires d’Extrême-Orient sans les connaître sont bien forcées de vivre ; qu’il soit donc le modeste répertoire qu’un journaliste ou un homme d’Etat puisse feuilleter sans ennui. Les auteurs ont beaucoup pratiqué la Chine. Ils ont pensé ne pouvoir donner une forme plus utile au résultat de leur expérience et se rendre ainsi agréables au plus grand nombre de leurs contemporains qu’en composant un ‘guide-âge’ qui les promènera sans fatigue à travers les poins de vue divers d’un site compliqué. » Idées sur la politique de la France en Chine Principes 1) La France n’a pas, en Chine, de ces intérêts que l’on peu appeler nécessaires et organiques : c’est-à-dire dont le développement ou la mise en échec ragit sur l’existence même de la nation et qui sont l’objet naturel de l’attention qu’elle porte au-dehors. On ne saurait la comparer à ce point de vue au Japon, à la Russie, ni même à la Grande-Bretagne. 2) La France a en Chine trois espèces d’intérêts positifs : 1. des intérêts politiques et locaux du fait de ses possessions d’Indo-Chine ; 2. des intérêts commerciaux ; 3. des intérêts financiers, du fait du mouvement de fonds qu’entraînera la réorganisation économique et administrative de l’Empire Céleste. 3) Le rôle de la France en Chine est donc essentiellement un rôle de conservation et de progrès ; elle désire sincèrement la paix et la prospérité de l’Empire à titre de voisin, à titre de client et à titre de bailleur de fons. Chap. 1 : La Chine et le Chinois (1. Le pays. 2. La civilisation. 3. L’administration. 4. Le peuple). 1. Un pays est une chose qui a une forme et qui est caractérisé par une direction. Ex[emple] : L'Allemagne est une plaine orientée, vers le S[ud]-E[st]. Un pays est une civilisation, un groupement social au service d'une direction géographique. La Chine est close de tous les côtés (Thibet, Montagnes du Sud, déserts du Nord, solitudes de la Sibérie) : c'est un pays fermé, avec des communications naturelles faciles entre ses bassins. C'est un pays de production homogène qui suffit à tous ses besoins dans toutes ses parties, chacune produisant elle-même pour tous ses besoins : riz, produits textiles, blé, etc. : pas besoin des autres pays. Comme la terre est riche, la population est dense ; la circulation est intense et courte dans la vieille Chine, qui se procure à de faibles distances tout ce qui lui est nécessaire ; c'est une circulation « capillaire ». Pas de spécification organique (tout ceci doit être présenté sans explications, ni discussion, sous forme d'énoncés oraculaires, d'affirmations). L'état politique de la Chine est le produit d'une nivellation spontanée ; c'est un immense bien-fonds : ayant les mêmes besoins partout, cela supprime les différences politiques, conséquence de la suppression des différences sociales. Les principautés existant du temps de Confucius se sont détruites d'elles-mêmes : les cloisons entre les parties ne séparaient pas des choses différentes et ont disparu par la force des choses ; l'amalgame était forcé puisque tout était pareil, les divisions politiques tenaient plus à des circonstances de hasards locaux qu'à des différences réelles. L'état social de la Chine résulte d'une exploitation de la terre aussi minutieuse que possible et s'est étendue à mesure que la mise en culture des terres refoulait les peuples plus loin. L'état politique s'est forcément unifié à l'état social. C'est une formation qui s'est produite sans réaction du dehors ; c'est un produit foncier. Les guerres avec les Turcs n'ont affecté que les frontières ; l'intérieur est resté à l'abri de toute attaque sérieuse. La grande invasion mongole du XIIIème siècle n'est qu'un accident passager de 70 ans. 2. La civilisation. - Le trait dominant créateur de la civilisation chinoise est la transaction. La Chine se présente comme un immense bien-fonds ; c'est une masse de terre arable compacte qu'il s'est agi d'aménager. Ce trait domine toute la civilisation chinoise et les mœurs du pays. Elle a un caractère réel au sens juridique c'est-à-dire (en donnant au mot un tour de main) un caractère réaliste. Le contrat et la transaction aussi sont d'une très grande antiquité, toutes les formes d'achat, vente, hypothèque, etc. dominent la civilisation ; l'accommodation de la terre à la population ; aménager la terre par l'agriculture, construire des canaux, tout est basé là-dessus. Si l'on veut trouver l'équivalent d'une civilisation autochtone, agricole, foncière, c'est l'Egypte. Caractère démocratique de tous les pays de population dense : l'Egypte. De cette habitude et nécessité des contrats s'est formé le trait principal du caractère chinois, de tout régler par des compromis, par des titres. Cette civilisation a une immémoriale accoutumance de l'homme à la terre et de la terre à l'homme ; ils ont pris l'habitude l'un de l'autre, si bien que l'on a pu dire que les saisons obéissent au calendrier impérial, les périodes du grand froid, du petit froid, le réveil des insectes dans toute l'étendue de la Chine, correspondent du Nord au Kouang-si, aux indications impératives, prophétiques du calendrier. 3. L'administration. - De ce caractère foncier, réel, de la terre résulte l'importance prise par les scribes, ceux qui enregistrent les contrats : la forme, la formule, la stèle, le titret la fiche, la brique, tout ce qui sert à l'enregistrement des contrats. A Suse, on a trouvé au fond des puits d'énormes accumulations de briques contenant tous leurs exercices (?)... Étant donnée la nécessité du caractère authentique des contrats, les greffiers étaient la conséquence sine qua non. Le scribe est devenu par là même le maître du pays comme dans les vieilles civilisations de l'Assyrie. Un célèbre passage d'un papyrus égyptien exalte l'importance du scribe « pas marin, pas soldat... ». Ce trait explique toute la civilisation babylonienne. La répartition de la terre et de l'eau, deux choses sur quoi vivent les vieilles civilisations agricoles babylonienne et égyptienne ; le contrat est la base et la stèle qui le constate. L'administration est déterminée tout entière par l'écriture. Cette civilisation actuellement est très intéressante, car elle présente l'état des plus anciennes civilisations telle que les Elamites. Le caractère n'est pas du tout basé sur des principes idéalistes de bien public, de justice absolue. Ce sont des idées étrangères à la civilisation chinoise, appartenant à des couches d'idées extérieures à la Chine, à l'Asie antique même. Cette vieille civilisation chinoise éprouve le besoin de parasiter, exactement à la manière des sociétés animales ; ce parasitisme soulage tout le système, aplanit les inégalités sociales qui peuvent se produire ; elle régularise, réglemente les conflits qui peuvent se produire et au besoin les provoque. Le parasite est attiré et s'applique là où il y a pléthore dans ce corps social. Jamais une grande fortune ne dure en Chine, n'est ancienne et ne se perpétue. On estime que celui qui a fait fortune en jouit de 10 à 15 ans, puis le mandarin intervient et vous engage dans une affaire où l'on vous ruine, ou pressure. L'administration est une couche sociale superposée à une autre, comme dans les sociétés animales, la réglementation et la régularisation des conflits amènent le soulagement des inégalités ; le corps social a besoin d'être exploité, débarrassé de son trop-plein et il se produit ainsi un certain niveau constant auquel il est toujours ramené. Les conflits d'intérêts sont nécessaires au bien public, ils empêchent les trop gros monopoles, la puissance excessive des associations, corporations, congrégations qui, en Chine, se créent naturellement et sans cesse par une sorte d'organisation spontanée, de force nécessaire. Ainsi : sociétés de scribes et sociétés d'exploiteurs : l'exploitation est légitime et bienfaisante. 4. La psychologie du Chinois. - Aussi difficile que la psychologie de tout autre peuple ; cependant ils se ressemblent plus entre eux que n'importe quelle autre nation et présentent en somme moins de différences. On peut dire trois choses : 1° Ce sont des rats, sales, pullulents, granivores, rongeurs, il a une queue, des dents avancées et « ces yeux impitoyables », ricaneurs, curiosité inintelligente éternellement renouvelée, sans tact, sans pudeur, sans initiative, fuyant brusquement, puis acharnés en légions se ruant à l'assaut. 2° Ce sont des commerçants avant tout, qu'ils soient agriculteurs, marins, industriels, ils évaluent toujours leur travail à sa juste valeur ; quoi qu'il fasse, le Chinois vend tout son travail, donnant le moins possible pour le plus possible. 3° C'est un être collectif : ceci est la clé de toutes ses bizarreries. Pour le reste, sa psychologie est la même que celle des autres hommes ; il éprouve de même des sentiments, des passions, il a des instincts, une intelligence qui ne diffèrent pas sensiblement des nôtres, sauf l'absence de nerfs. Mais il tient à la même tige, fait partie d'une touffe. Il est forcé dans toutes ses actions de tenir compte d'une quantité de choses : moeurs, habitudes, état social. Ainsi la Chine est un immense réservoir, un amalgame compact qu'on ne sait par où prendre. C'est une civilisation élaborée en vase clos, d'après des bases très anciennes qui ont disparu des autres races ; elle a été soustraite à toute comparaison. Dans ce pays homogène composé de terre arable s'est développée une civilisation basée sur le contrat ; la classe la plus importante est celle qui rédige le contrat, c'est le scribe. La conséquence c'est que le Chinois n'est pas un être déraciné ; il tient au sol par toutes ses racines et à la touffe dont il n'est qu'une partie. C'est là le vieil état de la civilisation chinoise qui tend à se modifier de plus en plus. Cependant cela tient à des nécessités foncières qui ne peuvent disparaître : cette immense quantité de terre arable continuera à être cultivée. Mais la circulation est insuffisante et devra se développer ; actuellement il n'y a que les canaux, les sentiers. Hammabi et les lois de l'eau. Parker remarque qu'à l'inverse des pays d'Europe où la civilisation a été apportée par la mer, par la Gaule, la civilisation en Chine s'est développée de l'intérieur, du continent et peu à peu la masse continentale a refoulé et gagné vers les côtes, refoulant les populations autochtones dont les populations côtières n'ont encore qu'une assimilation incomplète : la grande variété des langages et dialectes patois n'existe que sur la côte. La Chine n'est arrivée à la mer qu'à la fin de son évolution. Le régime du commerce européen en Chine est très spécial : les rapports anglais, toute une énorme littérature spéciale, très consciencieuse, mais avec les défauts anglais, aucun ordre, un manque d'idées absolu, des renseignements très précieux, mais noyés ; mine de renseignements qu'il faut péniblement extraire. La prése[nce] et la situation des Japonais en Chine [sont] complètement artificielles ; le Chinois déteste le Japonais, les mandarins leur sont hostiles ; aucune sympathie de nature ; le Chinois préfère le blanc, l'Européen ; mais il est lâche, peureux, et très effrayé des airs de Matamore pris par les Japonais. L'action de ceux-ci est uniquement extérieure, violente, mais elle se caractérise par une impudence, une audace sans frein ; ils ont essayé de fonder des banques, des écoles, des maisons de commerce : façades vides ; des lignes de navigation qui ne vivent que des subventions de la métropole. Chap. 2 : L'Europe en Chine Cette civilisation s'était développée sur elle-même et était restée fermée, aussi étrangère à la nôtre que les anciennes civilisations de Babylone. Les Européens qui avaient évolué se trouvèrent en contact avec elle au milieu du XIXème siècle. Ici se pose la question : 1° Quel est le droit d'un pays à rester fermé ? Les autres nations peuvent-elles l'obliger à s'ouvrir ? En vertu du droit qu'a un organisme de communiquer avec toutes ses parties, on est intervenu : on envoie des expéditions dans les champs glacés du pôle, dans les brûlantes régions désertiques du Sahara : comment s'imaginer qu'un peuple de 300 millions d'hommes puisse prétendre échapper à la connaissance et aux rapports avec les autres ; comment admettre qu'une si grande partie de l'humanité reste fermée, soustraite à la circulation des grands courants commerciaux et civilisateurs. 2° L'action de l'Europe a-t-elle été utile ou nuisible ? nuisible certainement. La Chine se suffit, mais absorbe sa production, ses productions laissent rarement un superflu ; elle n'a pas ainsi de monnaie d'échange fixe constante avec l'extérieur (Remarquer le rapport de Bauer (maison suisse) en 1899 sur la situation du commerce North China Herald). On peut apprécier le dommage causé à la Chine : la grande voie commerciale, le sens dans lequel se fait le mouvement était du Sud au Nord, il se faisait d'abord par la côte et aussi par la grande voie intérieure du Méelin (Canton) Rivière de l'Ouest ou du Nord [Blanc - En marge : leur seuil ?] montagneux : le Méelin, entre Kouang-toung et Hou-nan, puis par le lac Toung Ting ou le lac Poyang et le Grand Canal ; dans le sens de la latitude car les productions ne varient pas dans le sens de la longitude (les chemins de fer du S[ud] au Nord payent toujours mieux, même en France sur de petits trajets). Le récit de l'Ambassadeur Macartney en 98 relate déjà l'extrême intensité du commerce par cette voie. Les Européens ont reçu dès leur arrivée le droit exorbitant de cabotage, ce qui a ruiné le commerce du Méelin et causé de grandes souffrances. La population chinoise très dense vit toujours à la limite de la famine, tout le peuple de la batellerie et des jonques, des porteurs a beaucoup souffert : le commerce du riz a passé par le cabotage à vapeur. Plus tard la Chine a créé la « China Merchant » avec Li Hong-tchang et son âme damnée Cheng. Un autre dommage venant des Européens a été celui résultant de l'opium qui a sensiblement détérioré la classe des mandarins qui a beaucoup baissé ; or ce commerce a été toute la politique de l'Angleterre pendant bien des années et ce sont les Sassoon, les juifs de Bagdad d'abord, puis Bombay puis la Chine où ils possèdent une grande partie des concessions de Shanghai et Hankéou. Ainsi double dommage porté à la Chine par l'opium et le droit de cabotage extorqué par l'Europe au nom du droit du plus fort ; les deux ont abaissé le niveau de l'administration chinoise et causé d'énormes souffrances. Autre dommage : depuis longtemps la balance du commerce est au détriment de la Chine, la différence devenant de plus en plus sensible ; l'administration des douanes cherche à pallier cette différence en disant que bien des éléments d'appréciation nous échappent : par l'argent payé aux coolies sur les concessions, l'argent apporté par les missions, le commerce par voie de terre. Mais réciproquement il faut tenir compte des intérêts de la dette chinoise devenue assez considérable. Il y a un débet annuel considérable de la Chine qu'on pourrait trouver dans les comptes de Trésorerie des Directeurs, s'ils étaient faits sérieusement La Chine a été ainsi appauvrie par le contact des Européens. Ajoutons les indemnités à payer à l'Europe, qui s'aggravent de jour en jour et qu'il faut multiplier par 10 au moins pour avoir une idée de ce que paye la population ; de là résulte aussi une dépréciation de l'argent par suite de la nécessité d'acheter de l'or. Tout cela pèse sur une population très pauvre, comme celle de l'Inde toujours à la limite d'une famine. Avant l'arrivée des Européens, c'était un pays clos, plein, se suffisant sans produire de superflu ; le contact avec l'Europe a causé de vives souffrances - Autre cause plus grave et plus profonde : c'est le contact de deux civilisations sans points communs dont l'une a exercé sur l'autre une action destructrice ; en Chine il n'y a pas d'organisation méthodique. C'est une masse amorphe qui tient par une sorte de force agglutinante des moeurs, des habitudes se maintenant par une force centripète, parce qu'elle était isolée ; du moment où il y a eu des sollicitations extérieures, des actions exercées de l'extérieur, comme elle ne possède pas d'armature extérieure, pas d'organisation comportant un échange raisonné de services, comme ce qui existe en Europe, il s'est produit des troubles profonds, des désagrégations. Jusque-là on vivait ainsi parce qu'on ne pouvait faire autrement, ni on n'en avait l'idée ; la Chine se maintenait par la force des habitudes. La grande différence avec l'Europe, ce dont la Chine ne peut se faire une idée, c'est la règle uniforme appliquée à tout le monde également ; l'idée d'une règle générale est difficile à comprendre par eux, que chacun ait à payer la même chose à la douane, l'idée d'une règle extérieure uniforme, mathématiquement imposée à tous est pour eux inadmissible. Tout est question de marchandage, compromis individuel, telle est la situation de l'individu, telle est la somme à payer (cela est ainsi aussi pour l'achat des objets par les mandarins, par rapport à la position occupée, au nombre d'intermédiaires nécessaires) : autant de personnes, autant de compromissions différentes, de moyens différents de s'arranger. Les droits de douane donnaient lieu à des marchandages indéfinis : c'est universel, cela se passe d'ailleurs encore ainsi quand les Chinois se retrouvent entre eux seuls, on a le moyen de retarder et compromettre les examens de douanes pour les obliger à payer un tour de faveur. Ce qu'on paye dépend de la situation de la personne. Une unité rigide, extérieure, mécanique, imposée à tous sans distinction, voilà le régime que l'Europe apporte avec elle partout et dont elle ne peut se passer : les Chinois ne le comprennent pas. Ainsi l'Europe par là a apporté une perturbation profonde dans cette vieille organisation depuis 1840 ; on en a ressenti profondément les effets, doublement : 1° trouble intérieur et 2° difficulté de plus en plus grande d'exercer une action à la périphérie (Ex[emple] les Taipings 1852, attribuables directement aux Européens puisque le fondateur est un élève des missions protestantes ; les Wangs, les 7 rois, le Grand Roi de l'Ouest, le principal fondateur de la secte des Longs cheveux ; de plus, leur doctrine est une caricature de la religion chrétienne : cette rébellion a été créée indirectement par l'Europe et aussi étouffée par elle directement. Autre exemple : les Boxers si pitoyablement réprimés en 1900 par l'Europe.) Ainsi, troubles intérieurs, convulsions violentes d'un organisme qui cherche à résister et pouvoir régulateur affaibli. Le pouvoir d'élimination, l'exutoire des concours qui occupe et emploie les intelligences par des examens continuels, a diminué beaucoup. La détérioration de la classe mandarine est un autre dommage très grave : voyant leur autorité très diminuée, leur dignité disparaître, ils n'ont plus confiance dans leur hiérarchie et dans l'appui du pouvoir central, ils ne cherchent plus qu'à gagner de l'argent par tous les moyens ; la préoccupation du bien général a disparu complètement. On ne trouve plus de ces grands fonctionnaires honnêtes comme autrefois : Tchang Tche-tong est la dernière épave des fonctionnaires anciens. Cela provient de la décomposition de l'organisme, chacun cherche à tirer à soi la couverture ; il n'y a plus de contrôle du centre aux extrémités ; il n'y a plus de ces vieux patriotes chinois dont la férocité fanatique est un modèle pour les Chinois comme ce « vieux Chinois » vice-roi du Chan-si [Yu-hien] qui a fait commander de si épouvantables massacres en 1900 ; (les missions protestantes ont fait un rapport secret si épouvantable qu'on a jugé imprudent de le livrer à la publicité pour ne pas soulever d'indignation l'Europe ; seules les missions catholiques et protestantes en ont eu connaissance). Le manque de confiance dans le pouvoir et la recherche d'un nouvel ordre de choses se traduisent par des émeutes : et ces troubles se produisent sur la grande voie, du Sud au Nord, du commerce, les Taipings venant du Kouang-si. 2° Autre effet de l'intervention de l'Europe. - Diminution de l'influence extérieure de la Chine et impuissance à retenir les anciens royaumes tributaires et les provinces extérieures éloignées de Pékin : Ex[emple] Annam 1885, Birmanie, Lieoukiéou 1873 au Japon, insurrection du Yunnan, Kachgarie aux Yakoublihan en 1873, insurrection du Chen-si, la Corée en 1894, tout le système d'état qui gravitait autour de la Chine. (En 1797 Kien-long faisait une expédition au Népaul). Aujourd'hui enfin le Thibet, dernier pays tributaire de la Chine, se détache. La vie se retire des extrémités et au-dedans il y a des troubles et des convulsions (plus tard on verra pourquoi ce résultat). L'Europe s'effraye de cette action dissolvante si rapide que dès 1842, 10 ans plus tard, la Chine est sur le point de tomber en décomposition ; il faut lui prêter des soldats pour maintenir la dynastie et la centralisation du pouvoir au moment où on la combat (Gordon, Giquel, etc). En même temps on introduit un service administratif organisé, le Service des Douanes. Partout où va l'Européen il porte son administration avec lui, établissant un régime nouveau qui sauvegarde ses intérêts, mais accélère la dissolution ; le système s'est développé, après les Douanes il a embrassé toutes les questions de navigation, le service des phares, la poste, la navigation intérieure, les likins, les douanes chinoises ; c'est une tache d'huile qui s'étend, non par suite d'un plan préconçu, mais au hasard des événements et d'une direction autocratique. Ce système des douanes ne mérite pas sa réputation ; il est très onéreux par rapport aux services qu'il rend ; il a été l'objet des plus vives plaintes du commerce britannique pendant longtemps de 1860 à 1870 constamment, puis l'autorité de Sir Robert Hart a grandi, il a fait tout accepter en raison des services ; les statistiques sont très mal /ailes et suspectes, incomplètes, beaucoup de choses leur échappent. (Étude de Brenier sur la position respective réelle de la France et de l'Angleterre en Chine 1903). Pour toute l'Europe il n'y a qu'une rubrique en bloc avec des contradictions incroyables dans les chiffres. Pour les États-Unis, le chiffre seul du pétrole est supérieur au total indiqué par ses importateurs ; pour l'Angleterre, tout est distingué, chaque colonie. De plus, toute une partie de l'administration est secrète, ce qui est incroyable et contraire à cette organisation établie conventionnellement par les traités. Elle n'est pas même à l'abri de la critique au point de vue de la concussion et on ne peut empêcher les Chinois entre eux de squeezer pour l'examen retardé des objets ; les Européens même ne sont pas toujours à l'abri de tout soupçon. Le personnel est très médiocre et trop payé pour ses services : il ne mérite pas sa renommée. Le seul mérite c'est qu'il donne des chiffres certains pour le commerce ce qui oblige les mandarins à verser réellement à une banque spéciale sous le contrôle chinois [Sir R. Bredon]. Les Douanes sont un des moyens employés par les Européens pour consolider la Chine et maintenir leur commerce. Par la force des choses cette administration s'est étendue et Sir Robert Hart rêve de retendre à une réorganisation de la monnaie. Le régime intérieur chinois devenant cependant de plus en plus mauvais, on en arrive à la perspective immédiate d'une dissolution de la Chine. On prit des précautions : 1° la porte ouverte, mais les Chinois créèrent aussitôt tout un système inextricable de portes entrebâillées comme dans les rues chinoises, ouvertures si incommodes où il faut savoir se faufiler ; le régime intérieur des likins est une création récente pour se défendre contre l'Europe ; dans le Nord il n'y en a pas. Il y aurait un livre à écrire sur les efforts de l'Europe pour échapper à ces droits grâce aux passes de transit inappliquées ; on retrouvera des polémiques indéfinies dans les archives de la chambre de Commerce de Shanghai ; pendant 40 ans l'Angleterre s'est défendue contre les likins, toute sa politique y était engagée ; depuis 1898, changement de front, ils sont reconnus, obtiennent une existence conventionnelle et servent même en partie à couvrir un emprunt anglo-allemand (partie des likins du Tche-kiang et du Hou-pé) ; en 1900, nouvelle consécration : on prévoit que certains likins seront admis par la Douane qui n'en publie pas les statistiques. On est obligé d'envisager la création de ce régime. Cette fameuse porte ouverte à laquelle Lord Ch. Beresford attachait tant d'importance. Cela revient à la clause de la nation la plus favorisée ; pas de régime différentiel ; le mot est impropre. En résumé, le système d'entraves a été augmenté par les likins, il n'y a pas eu de progrès réel. Aussi a-t-on passé à une autre politique, celle des sphères d'influence, ouverte par l'Allemagne à Kiao-tcheou en 1898, c'est le « Break up of China » de Beresford, chacun prend ses positions pour la dissolution de la Chine : les nations comme la France et l'Angleterre prennent position de fait sans chercher à développer leur acquisition, dans un cul-de-sac qui n'aboutit à rien ; les autres comme la Russie et l'Allemagne prennent des positions de politique pure. La Russie et l'Allemagne, au contraire font de la politique à très grande envergure qui tend à englober des morceaux énormes de la Chine. Au point de vue diplomatique, la campagne russe est magnifique ; mais elle a été trop loin, bluffé, n'a pas été finalement assez forte. Reste l'Allemagne qui poursuit la campagne d'assimilation du Chantoung. Ainsi la Chine complètement fermée à l'Europe se trouve par son contact avec elle profondément troublée, dérangée dans ses aplombs, elle cherche à se retrouver et [subit des] convulsions intérieures. L'Europe inquiète de cette dissolution si rapide de la Chine cherche à réparer le mal en l'organisant, puis prévoyant la désorganisation mortelle elle prend des positions politiques. Aucune mesure jusqu'ici n'a servi pour retrouver la cristallisation chinoise, l'équilibre amorphe, instinctif existant par une sorte de consentement tacite qui est devenu impossible à la suite du dérangement venu de l'extérieur. L'histoire de ces rapports est celui des efforts des Européens pour empêcher la catastrophe trop rapide ; aujourd'hui la décomposition est complète ; il n'y a plus rien à faire. Les Chinois refusent tout ; même ce qui est prévu formellement par les articles des traités ne peut être obtenu, à moins d'une grande pression des Légations, si les intérêts sont suffisants. La Chine est un produit artificiel ; si l'Europe se retire d'elle, elle tombera en décomposition, en pourriture ; politiquement c'est une fiction diplomatique ; l'administration chinoise n'existe pas par elle-même, c'est un organisme parasite, superposé. (Francqui disait que l'on peut tracer une ligne, celle du chemin de fer Canton-Hankéou-Pékin : tout ce qui est à l'Est est la partie détachable, même par une désagrégation, et subit l'action de l'Europe ; tout ce qui est à l'Ouest, c'est la vieille Chine, intacte, qu'il faut laisser mûrir). Il reste la force agglutinante des mœurs, des mêmes habitudes ; ce qui reste solide en Chine c'est la force d'une civilisation agricole, conservatrice. Mais elle a besoin de s'organiser : elle ne peut continuer à vivre avec ce régime spongieux : il faut créer de grands organes de circulation, les anciens, route du Méelin, grand canaux sont abandonnés, ensablés. Il faut de grands troncs artériels, des routes qui rétablissent l'unité dans le pays et ne peuvent être l'œuvre que d'une administration européenne qui arrêtera ainsi la dissolution de la Chine au contact d'une civilisation différente de l'Europe. Chap. 3 : Les Missions Les commerçants en Chine ne font des affaires que sur les concessions et sur de rares points de l'intérieur ; ils ne cherchent pas à tirer parti des missions toujours prêtes à rendre service, à servir d'intermédiaires, à les mettre en relations directement avec les Chinois ; on ne cherche pas à se servir de cette force énorme que donne le contact direct avec la Chine. 1° Historique. 2° Répartition géographique. (D'abord ce fut le désordre complet qui a causé la perte du Japon pour le christianisme : livre traité de main de maître par le P. Louvet : Les Daimios chrétiens du Japon et l'Aubin, psychologie du missionnaire). Il faut distinguer les missions protestantes limitées à un rôle éducationnel ; hôpital, écoles ; ils ont exercé une influence énorme au point de vue du développement des idées libérales et révolutionnaires. Le Chinois élevé par eux devient un hybride, tandis que le Chinois chrétien remplace simplement le culte des tablettes par les images saintes et reste chinois. Utilité des missions. - Elles pourraient rendre de grands services aux commerçants. Les missions ont une connaissance complète du caractère chinois, ont avec lui le contact immédiat, des relations très fortes, des rapports directs et constants. Livre de l'abbé Hue sur l'Empire chinois, livre très supérieur aux voyages en Mongolie et au Thibet, compte rendu de Pelliot des Écoles d'Extrême-Orient, livre classique comme celui de Tocqueville sur les États-Unis ; il y a aussi une multitude de faits précieux dispersés dans le « Bulletin de la Propagande ». On se rend compte que l'administration est simplement superposée, n'est qu'un parasite et n'administre pas ; les missions pourraient renseigner les Consuls mieux que personne et disposer le terrain pour une action commerciale ; la mission mettrait en rapport direct le commerçant avec le consommateur. (De l'Écho de Chine, monographies d'ouvriers chinois, de métiers, du P. Korrigan, jésuite de Wou-hou, véritable petite encyclopédie des métiers chinois. Claudel sous le nom de Figulus fait en 1898 des articles de bibelots, un sur [blanc]. On reproche aux missions d'absorber l'influence française, de multiplier « les affaires », mais plus il y en a et mieux cela vaut avec la Chine ; c'est une monnaie d'échange, monnaie courante des transactions ; il ne faut pas les fuir. Si la France a une position en Chine, c'est dû uniquement aux missions et non à son commerce (qui dit catholique dit français, les Chinois se disent aussi « francs », fille de Gotta. [blanc] au Japon. Influence française et anglaise (protestante). La situation de désorganisation actuelle de la Chine est défavorable aux missions. Jamais la Chine n'a été tolérante à l'égard du christianisme ; la prétendue tolérance des bouddhistes est inexacte (compte rendu excellent du livre de Groot (du Bulletin des Écoles d'Extrême-Orient) et avisé de Maître, article magistral d'exposé sur les causes de la guerre russo-japonaise et historique des faits). Action personnelle du P. Robert qui amène les capitaux chinois ; l'extension de la concession lui est due, il a fondé un journal, sauvé Racine, etc. Tous les rapports des commerçants, des Consulats avec les Chinois se font par l'intermédiaire du P. Robert qui met en relation avec les gros capitalistes chinois, tous méfiants, qui ne traitent qu'avec ceux qu'ils connaissent et avec qui ils sont en confiance. Le caractère chinois exige toujours un intermédiaire. C'est le rôle que joue la mission, car la position officielle du Consul les effraye. Les missions pourraient dans l'intérieur de la Chine contrebalancer l'influence japonaise et résister à leur action : elles ont un besoin énorme du gouvernement français qui ne demande rien en échange. Pratiquement, elles ne rendent pas service au commerce français qui n'existe pas. On ne s'étend pas dans l'intérieur. Le caractère français préfère, d'ailleurs, crier toujours contre les autres que d'agir. Chap. 4 : Les écoles Dans la suite du développement des relations entre la Chine et l'Europe viennent les écoles. La première idée qui vient à l'esprit quand il s'agit de réformer, c'est par le moyen de l'éducation. Le Chinois, par essence, est un être studieux, il aime aller à l'école, les relations de professeur à élèves ont une grande importance dans toute la vie, sont sacrées : c'est une des 5 relations sacrées établies par Confucius. Le Chinois toute sa vie va à l'école ; il y a des récompenses spéciales pour les vieux étudiants de 80 ans qui continuent à se présenter aux examens. (Renseignements sur examens : Vetch). Le temple de Confucius de Foutchéou avec les 7 puits de science, de la forme de la Grande Ourse, qui est la constellation des Lettrés ; cela vient du Véda, ce sont les 7 rishis, les 7 sages. Le respect de l'étude est si grand que le marmiton, élève de cuisine, est « student », le 2ème boy apprenti ; tout prend ce nom. Le jeune chinois de 8 ans a des facultés inouïes pour apprendre, il met une application inlassable à l'étude 40, travaille dix heures par jour sans fatigue : ils considèrent que c'est un métier d'étudier, qu'on doit être payé pour étudier ; c'est un but de la vie ; « que fait votre fils ? - il apprend « l'anglais », c'est une profession, les lettres sont un métier. On ouvre une école, les Chinois y affluent de suite ; le fait seul d'apprendre exerce une attraction ; on ouvrirait des cours de sanscrit, d'iroquois, on aurait des élèves en Chine ; d'ailleurs savoir quelque chose de spécial vous donne une position (comme chez nous cela fait vivre son homme, toutes les langues étrangères) un esprit studieux y trouve à vivre de sa science, à [blanc] : tout aboutit à cela. Il ne faut pas croire que cela répond à un besoin réel, ce n'est pas nécessaire. Cependant à Souifou, les gens que l'on paie ne viennent que pour cela et prolongent leurs études ; si on les fait payer, très peu cependant, car ils ne sont pas riches, cela vaut mieux, mais ils veulent aussi tirer parti de suite dès qu'ils savent quelques mots ; et puis ils se considèrent comme clients de la France, on leur doit une place (le lettré de Bons qui ne veut pas faire du commerce). Il ne faut pas s'émouvoir des contradictions : en Chine on admet de suite le contraire près d'une vérité constatée. Ainsi si l'on veut que la Chine se mette à l'école de l'Europe : 2 moyens. 1° Ecole ; 2° Missions de jeunes Chinois venant s'initier à la science en Europe. Ce second moyen a été employé d'abord ; aussitôt après la guerre de 1857, mission en Amérique sous la direction de [blanc] ; d'autres missions envoyées par la douane en Angleterre sous la direction de Lay (Sir Robert Hart s'en débarrasse comme d'un rival) mission en Allemagne. Le meilleur exemple ce sont les missions envoyées par Giquel sous la direction de M. de Segonzac entre 1870-1878, tradition reprise en 1898 après le second contrat de l'Arsenal, une autre mission fut envoyée en France sous la direction de Lin fusillé comme espion par erreur en 1900. Le Directeur général de ces missions Ou-Tai-tchang résida longtemps en France, chargé de la direction de ces jeunes Chinois, invité constamment à dîner dans le monde, trouvait à se nourrir, mais les autres ne recevant rien étaient affamés : ils ne restèrent que 3 ans (5 ans est le minimum pour pétrir à notre influence ces esprits) - un de ceux-là est vaguement interprète à Yunnan-sen. Depuis les étudiants sont envoyés au Japon (quelques ingénieurs dernièrement en Belgique). La 1ère des Écoles fut celle de la Douane, le collège de Toung-se-Suan à Pékin. Les Écoles protestantes. - (Enquête générale faite par la Légation, prescrite par S. Pichon, reprise par M. Dubail). Ils ont consacré énormément d'argent et de travail à cette œuvre : ils ont fondé des écoles de filles, des écoles professionnelles, des sortes d'universités, de grands collèges (rapports de Doire sur l'œuvre éducationnelle des protestants en Chine). Les écoles non confessionnelles anglaises et américaines : deux à Shanghai ; d'Allemagne à Ichang et Chantoung. École française : celle de la Municipalité française de Shanghai qui a très bien réussi, à Tientsin, à Pékin, grande utilité pour fournir les interprètes, chemin de fer Hankéou-Pékin, etc. L'école de l'Arsenal (34 000 Fr. nouveau-central, 2 professeurs, Médard, la Légation devrait lui [blanc] : il apprend le calcul différentiel. Il y a à Foutchéou une petite école Koung où l'on apprend le français. Les pères Jésuites à Zikawei enseignent le français. Apprécier cette œuvre-là et le rôle de ces écoles. Il faut distinguer entre les écoles françaises et anglaises. L'œuvre éducationnelle anglaise a des résultats très importants, c'est à elle qu'on doit cette poussée libérale actuelle dans toutes les villes de Chine, la jeunesse qui est affamée de places, d'affaires, qui sort tous les ans des écoles anglaises. On les reconnaît d'ailleurs, ils ressemblent aux Japonais trait pour trait ; les anciens Chinois étaient courtois, bien élevés, cédaient le pas ; les nouveaux regardent les femmes en face, les bousculent même, sont insolents, affectent des manières européennes, ne respectent pas ceux-ci, sont à l'affût des affaires. Cet élément libéral et révolutionnaire de toutes les villes est maintenant manufacturé régulièrement par les écoles anglaises. Les filles élevées par les protestants sont pareilles : au lieu de cette tournure modeste, chaste, traditionnelle chinoise (qui sont paillards, mais ont extérieurement le respect des apparences, des formes), elles font des mouvements de gymnastique contraires à la décence, à la réserve timide et décente, elles ont les cheveux taillés à la chien, vous regardent dans les yeux comme des filles de la rue ; certaines font des études médicales dans les universités américaines du Michigan. Ces Chinois de la nouvelle Chine sont des ferments de troubles et d'insurrection ; ils ne présentent aucune garantie morale et n'apportent pas la prudence et la réserve des Européens en touchant aux affaires chinoises. Conformément au caractère chinois, ils cherchent toujours de suite à battre monnaie avec ce qu'ils savent et veulent en tirer parti au point de vue pratique. Les Anglais leur apprennent admirablement leur langue ; elle est facile, langue où les mots n'ont pas de sexe, petit nègre ; ils ont beaucoup d'occasions de parler, et puis il faut mieux le savoir car la concurrence est plus grande, placés entre Hongkong et Shanghai, ils trouvent toujours à utiliser leur science. Depuis trois ans l'anglais se répand énormément, dans les villes mêmes de l'intérieur par les Douanes, la poste : on voit, ce qui est tout nouveau, des enseignes dans les villes intérieures. C'est une chose très importante de pouvoir causer directement avec les Chinois : l'anglais est appelé à devenir la langue commerciale. Les débouchés sont innombrables sur les concessions : douanes, coolies, boys, dans les administrations et maisons de commerce. Il y a intérêt à très bien parler la langue à cause de la concurrence. En regard, il y a les écoles françaises, le débouché est très limité, peu de places ; plus difficile ; quelques places d'interprètes pour l'Indo-Chine, les chemins de fer, pour quelques voy. [blanc] ; ils parlent très très mal, connaissances rudimentaires, ou bien ils ne savent pas le mandarin ([blanc] sache le français, un autre le mandarin). Le niveau intellectuel des étudiants est bien inférieur à celui des étudiants qui apprennent l'anglais ; le temps d'instruction dans les écoles françaises est moins long, l'éducation primaire très rudimentaire, aussi n'a-t-on pas la prise énorme des écoles anglaises sur la Chine, par insuffisance de ressources et de débouchés. Il n'y a pas lieu de développer davantage cette tentative ; les écoles existantes sont amplement suffisantes. Peut-être y aurait-il place, cependant, pour des Écoles d'enseignement supérieur, qui manque en Chine ; mais il faudrait étudier cette idée avec beaucoup de réserve et de toute façon il serait bien meilleur d'envoyer des étudiants en Europe. Les élèves parlant français ont des débouchés très restreints en Chine où les maisons de commerce et banques françaises ne font correspondre qu'en anglais, les employés ne parlent qu'anglais, on ne peut réagir. La devise de l'Alliance française « ...tout h[omme] q[ui] parle français est un client forcé de l'influence française » rien n'est plus faux. Les Allemands apprennent la langue du pays, cela ne nuit pas à leur commerce. Tout au plus faut-il développer les écoles dans les pays limitrophes du Tonkin qui doit être soumis à notre influence et cette œuvre ne regarde que l'Indo-Chine. Encore le recrutement des instituteurs laïques est-il très difficile (à Pakhoï il était [blanc]) : or ce n'est pas un vice pour les enfants qui sont très bien soignés et préservés dans les familles convenables, on en a le plus grand soin ; ce sont les coolies qui vivent publiquement ainsi tous ensemble. Berthet avait quatre boys, un seul avait une femme ; les autres le considéraient comme un cochon, l'avaient mis en quarantaine pour avoir introduit une femme dans une maison honnête ; la séparation des hommes et des femmes a développé [blanc]. Si on veut continuer cette œuvre grossière d'école primaire, d'apprendre le français aux indigènes, il faut préparer un plan régulier, économique non plus basé sur des considérations sentimentales, multiplier les petites écoles au Yunnan (C'est une bonne observation, comme on dit dans les thèses médicales, celle de Bons sur interprète). La question des Facultés de Médecine - difficile de trouver [blanc] pour la direction, difficile d'obtenir des élèves pour une longue période d'études, l'enseignement supérieur est une chose de luxe et n'est possible que dans des pays riches ; d'ailleurs on ne peut apprendre que sur des figures, des machines de petit modèle, c'est un enseignement supérieur théorique. Est-ce utile ? est-ce durable ? Cela ne donne aucune prise. Les théories générales sur la solidarité ont même valeur que Confucius et [blanc]. On ne peut se rendre compte sans voir fonctionner les organisations administratives, les grands services publics, la science appliquée. L'idée d'une Université est tout d'abord séduisante. Les universités anglaises, américaines n'ont cependant pas donné de bons résultats : ce sont des écoles secondaires où l'on apprend seulement sérieusement à parler anglais, mais jamais des connaissances approfondies (la médecine chinoise : l'opothérapie, soigner les maladies des organes par des liqueurs tirées de ces organes... Brown Sequ[?]l, organes génitaux, foie, rate). 2° Éducation en Europe. C'est ce qu'il y a de plus intéressant. La France a besoin non de coolies, de fruits secs, d'interprètes, mais de gens rendant des services réels dont la formation dépend d'elle. Les missions de Giquel ont fourni beaucoup de jeunes gens remarquables. L'esprit français produit une véritable hybridation et donne un mélange plus fort que l'anglais dans aucun cas (général Tchenk toi tay, fameux type de ces hommes de Foutchéou ; Wei Yan est à Canton ; on lui doit les deux contrats, pas soutenu par M. Dubail ; Li tao taï, si imbu d'esprit français ; Lin fang examen de droit, même promotion que Claudel, chose de première importance ; Hu, instrument le plus actif du contrat H-P ; Ou-Tai-tchang [blanc] à Vienne, à Nankin. L'esprit français est plus insinuant, très contagieux quand on y est soumis suffisamment longtemps. Services considérables : les interprètes, intermédiaires auprès des autres Chinois ; il faut le temps de se pénétrer des habitudes françaises, 5 ans au minimum. La plupart nous sont acquis, non pour des raisons sentimentales, mais ils sont devenus suspects ; des Français ne sont à l'aise qu'avec des Français, bon gré mal gré ils sont forcés de s'adresser à nous quel que soit leur sentiment intime. Il faut un bain suffisant d'esprit et de civilisation française, ce que jamais aucune école ne donnera, [pour créer] un état d'esprit français. Il est très fâcheux que les missions aient été interrompues, que la diplomatie française s'en soit désintéressée. Elles gardent cependant les moeurs et les habitudes chinoises intactes, le plus grand respect pour les tombeaux de leurs parents et dépensent de grosses sommes pour les entretenir ; Elles conservent aussi les superstitions chinoises (Lin fang, médecin chinois, a incisé le bubon pesteux, enfoui le rat vivant ; voilà comment ils comprennent ce qu'on dit, que les rats causent la peste et illustrent les enseignements et les faits. Un soir de peste ils sont dans les rues nocturnes de Foutchéou et, suivant deux personnes qui causent, j'écoute leur conversation : ils laissent tomber une liste qu'ils ramassent ; ce sont tous les gens qui doivent mourir le lendemain. Il la ramasse, efface son nom : les deux génies de la peste reviennent pour chercher leur liste, tous meurent, sauf lui. Histoires de renards, de possession, très fréquentes et crues ; maisons abandonnées, inhabitées, hantées ; [blanc] est possédée ; phénomènes diaboliques, des incendies éclatent spontanément. Doyêre, ses ingénieurs lui disaient « croyez-vous vraiment que les Boxeurs soient invulnérables pour les balles ?» Il est impossible de changer la crédulité chinoise.) Il est malheureux que cette excellente pratique des missions ait toujours été limitée au Fokien, pas développée et abandonnée par la mauvaise volonté du gouvernement chinois. Il ne faut pas laisser au seul Japon la formation intellectuelle de la nation, la formation de l'administration future, de la réorganisation administrative de la Chine. Il faudrait des jeunes gens admis après examen très sérieux, des garanties d'intelligence, de famille, de caractère. Cinq ans au moins, ils suivraient les cours de nos grandes écoles scientifiques, feraient des stages dans les grands établissements industriels comme Le Creusot, seraient formés [blanc] jointe au groupe chinois. École extrême-orientale, ce mélange de nos élèves interprètes serait inappréciable, leur donnerait une connaissance familière de la langue et créerait des relations précieuses pour l'avenir. Il faudrait que ces jeunes Chinois revenus ne fussent pas suspects, soient connus de la Légation, appuyés par elle, suivis dans toute leur carrière, défendus comme nos clients. Ainsi : choix très sévère à l'entrée, contrôle très suivi à la sortie de manière à ce qu'ils ne soient pas tenus en quarantaine en Chine. La France payerait l'École pour [blanc] bon marché Japon. Psychologie de l'Européen en Chine Passé le Canal de Suez, les Dix Commandements n'existent plus, dit Kipling. L'Européen se croit en vacances ; les conditions de vie sont beaucoup plus faciles : il gagne beaucoup plus d'argent, il se sent spécialement protégé ; il constitue au milieu des Chinois une aristocratie investie d'un pouvoir exceptionnel, rien que par le fait d'être blanc ; en Europe, l'homme n'est qu'une unité ; en Extrême-Orient, il prend la valeur d'un coefficient. Les Chinois cherchent à l'intéresser à leurs affaires ; une multitude de gens interlopes n'ont d'autres moyens d'existence que de servir d'enseignes aux affaires chinoises ; le Consul ne peut intervenir, il doit même fermer les yeux, car il trouve là un moyen d'influence. On reçoit largement, on dépense beaucoup, on a une domesticité nombreuse, l'habitude du « chit » et du chèque est dangereuse ; jamais on n'a d'argent sous la main, les banques sont très larges pour le crédit ; l'épargne n'existe pas ; tous ces éléments sont des agents de démoralisation actifs ; la communauté rapatrie aisément les enfants laissés sans ressources, assure des bourses aux veuves : l'Européen en Chine est très généreux, il laisse en Occident ses instincts d'avarice et même d'économie. L'honnêteté est d'ailleurs très rare, il est difficile de trouver des gens sérieux sur qui l'on puisse compter ; la question qui domine tout, c'est celle des clerks pour les commerçants : il est très difficile d'en trouver ; les Anglais n'ont de bon que les Écossais, leurs meilleurs agents ; les Allemands ont seuls d'excellents employés qui viennent apprendre le commerce et sont très peu payés (ils sont tenus de jouer du violon, de faire la cour à la demoiselle de la maison et ils trouvent encore le moyen d'attraper des maladies secrètes, tout cela pour 75 dollars par mois) ; il y a les employés volontaires, « freiwillig », c'est la grande force du commerce allemand, avec leur force de travail. Les Français montrent souvent des initiatives intéressantes (ils ont été les premiers à organiser Hankéou et le commerce avec le Setchouen) ; mais ils manquent de suite dans les idées et de sérieux dans les affaires. Ils n'ont pas de grandes maisons solides, bien connues des Chinois, établies depuis longtemps dans le pays, inébranlables comme les grandes maisons allemandes et anglaises. Les maisons françaises sont branlantes, à la merci d'une mauvaise année ou de mauvais employés. On peut d'ailleurs s'étonner que les grandes maisons d'exportation de soie s'adressent à des maisons anglaises de préférence (Jardine) : si le commerce et le commerçant étaient la même chose, les Français auraient une plus grosse situation. Le Français se décide malaisément à passer sa vie au loin, il s'attend toujours à quitter ; il considère dans tous les cas qu'il a fait un sacrifice héroïque et veut en être payé grassement. Il exagère tous les défauts de l'Européen en Chine : de dépensier il devient prodigue, les autres sont indépendants : il ne supporte aucune subordination ; il ne peut consentir à rester employé ; ses qualités même d'économie, de prévoyance, sont grandement diminuées hors de France : Marty doit son succès à ce qu'il a été gagne-petit, grippe-sou, inattaquable pour les Chinois. Le grand défaut de l'Européen en Chine c'est l'importance que donne ce privilège de l'exterritorialité : le plus petit employé, le plus mince [blanc] est un personnage important, protégé par le Consul ; il s'exagère son importance, perd l'esprit d'économie, de famille : il vit tout le temps comme à l'hôtel en Chine. |
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31 | 1904 |
Das Ministère des affaires étrangères schickt zwei Inspektoren nach Fuzhou, um die Aktivitäten und das Privatleben von Paul Claudel zu überwachen. Philippe Berthelot wohnt einige Wochen bei Claudel in Fuzhou, was der Anfang einer grossen Freundschaft ist. Gilbert Gadoffre : La situation fausse de Claudel, les orages de sa vie privée, les déboires du Syndicat du Fujian, la méfiance à l'égard des fonctionnaires cléricaus, tout contribuait à faire de Claudel une cible facile, et quand les deux inscpecteurs arrivèrent à Fuzhou, il avait quelques raisons d'avoir des craintes. Er schreibt an Henri Guillemin : "C'est Philippe Berthelot qui m'a tiré d'affaires. C'est pourquoi je lui ai dédié le Partage de midi." |
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32 | 1905 | Paul Claudel hält sich in Frankreich auf. |
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33 | 1906-1909 | Paul Claudel ist Konsul in Tianjin. Er reist nach seiner Heirat mit Elisabeth Sainte-Marie Perrin und zwei Monaten an der Gesandtschaft in Beijing per Schiff nach Shanghai, Yangzi, Hankou (Hubei) bis Tianjin. |
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34 | 1906 |
Brief von Paul Claudel an Francis Jammes. Er schreibt : « Cette vieille ville [Beijing] donne à tous les rêves un cadre vraiment grandiose. Le vent embrasé et sablonneux de Mongolie, qui parfois souffle des journées entières ; les murailles de l'enceinte carrée, lieu quotidien de ses promenades, et du haut desquelles on ne voit que des arbres, car les toits sont bas et chaque maison entretien l'arbre de sa cour qui la couvre comme une ombrelle ; les tourbillons d'oiseaux pareils à des nuées de moucherons, autour des vieilles portes abandonnées ; enfin, émergeant seule de la verdure, la Cité interdite : On ne voit au-dessus de la verdure que les toits merveilleux de la Cité impériale, les grands toits brillants de porcelaine jaune ; et, dominant l'horizon le temple du Ciel avec ses trois toits de tuiles bleues, au milieu de grandes enceintes désertes et d’une forêt de genévriers hauts comme des ormes. » |
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35 | 1907 |
Claudel, Paul. Art poétique [ID D21970]. Gilbert Gadoffre : Depuis l'époque de Fuzhou, Claudel n'a cessé de réfléchir aux versets du Dao de jing sur le Vide. Dans l'Art poétique il systématise : « L'être animé est creux. L'être est organisé autour d'un vide, comme le vase et le moyeu du Tao-tö king ; à l'imitation de l'être, l'image n'est point seulement le moulage inerte du vide que laissent entre eux des termes irréductibles... elle est adaptée. Ce ne sont pas les parois autour d'elle, mais des points de mise en marche. Elle est pareille à une clef, dont la figure est la forme de son ouvment. Pour le poète qui manie l'analogie en lui donnant la dignité d'une seconde logique, la connaissance est la constatation de mon contour. En fin de compte, tout est dessiné, aussi bien que du dedans par lui-même, du dehors par le vide qu'y tracerait absente sa forme. » |
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36 | 1908 |
Claudel, Paul. Voyage en Chansi, au Honan et au Tche-li Ouest : la question du charbon dans le nord de la Chine. [Shanxi, Henan, Zhili]. Er schreibt im Journal über das Bergwerk in Linzheng : "Je suis descendu dans le puits de la mine de Lin-Tcheng qui est encore exploitée à la chinoise. C'est un spectacle pitoyable de voir ces malheureux, en général des jeunes gens de 12 à 20 ans, entièrement nus, ployés en deux dans des galeries dont la hauteur varie de 1 m 20 à 65 cm, encore obstruées par un tuyau de pompe et qui ont juste la largeur nécessaire pour laisser passer de front deux corps humains. Le charbon est monté par de petits paniers, roulant sur quatre disques de bois, et traînés au moyen d'une bricole. Autrefois, l'allure de ces tristes bêtes était activée à coup de bâton... Les malheureux qui sont soumis à cet horrible travail sont de véritables esclaves, parqués dans des espèces de prisons par les entrepreneurs avec qui seule la Compagnie a affaire, et qui leur donnent juste la nourriture. Le travail est de douze heures par jour... Je suis revenu compètement épuisé de l'excursion que j'ai faite en rampant jusqu'au fond des galeries. Et cependant des enfants à peine nourris ont à faire près de trois cents fois par jour leva-et-vient, traînant derrière eux une lourde charge et passant sans aucune protection d'une atmosphère étouffante à un froid glacial." |
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37 | 1908 | Paul Claudel schreibt im Journal : « Cette nuit rencontré un Chinois, les deux pieds coupés, qui chantait à tue-tête en marchant à genoux sur des planchettes, la tête coiffée d'un casque colonial, le torse nu et s'éventant avec une feuille de palmier. » |
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38 | 1908 |
Stephen Pichon erhält einen Besuch von Maurice Berteaux, der ihm ein Mémoire des Sekretärs des Bürgermeisteramtes der Concession française (französische Konzession) in Tianjin über Paul Claudel bringt. "1. Claudel est incontestablement un clérical. Il est arrivé de Fou-tcheou précédé de la réputation, d'être très clérical, très entier dans ses idées religieuses et très dévoué aux intérêts des congrégations établies au Nord de la Chine. Au commencement de l'année 1907, M. Claudel froissa gravement les Français de Tientsin en recevant chez lui le P. [Léon-Gustave] Robert. De plus il a tenté de faire pression sur lui, secrétaire de mairie, en l'obligeant à recruter le personnel chinois de la mairie parmi les catéchumènes des missions catholiques – ce qu'il a refusé avec indignation. 2. Lors des querelles entre 'cléricaux' et 'républicains' sur le plan des élections municipales, il a toujours pris le parti des cléricaus. Lors des élections municiplaes de février 1908, il a soutenu la liste cléricale. 3. Dans sa rage d'être battu, le consul s'en est pris à son secrétaire de mairie et l'a fait révoquer, sous prétexte qu'un employé chinois de la municipalité, surpris en train de déchirer des bulletins de vote de la liste cléricale, avait déclaré pour sa défense qu'il avait agi sur l'instigation du secrétaire de mairie – lequel était d'ailleurs depuis deux mois en Europe." |
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39 | 1909 | Paul Claudel kehrt nach Europa zurück. |
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40 | 1909 |
Paul Claudel schreibt im Journal : « Deux carriers accroupis l'un en face de l'autre, l'un enlevant un éclat de pierre dans l'oeil de l'autre. » « Concert chinois sur l'eau. L'un chante en grattant une guitare et l'autre l'accompagne en tapant sur un bol de porcelaine avec un chopstick. » |
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41 | 1909 |
Brief von Paul Claudel an Henry Manceron. "Le caractère chinois ne m'est pas sympathique, ou du moins ce que j'en vois autour de moi. Je n'éprouve pour lui ni admiration, même méfiante, ni sentiment de grandeur ou de force. J'accepte l'aristocratie que je n'ai fait qu'entrevoir." |
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42 | 1922-1923 |
Paul Claudel und Zhuangzi. Gilbert Gadoffre : Claudel revient à Laozi avec plus d’attention, mais il va aussi entreprendre à Tokyo la lecture de Zhuangzi, dont la hardiesse métaphysique, les spéculations paradoxales et l'humour dévastateur étaient bien faits pour le séduire. A Tianjin il avait pu lire les quelques passages de Zhuangzi qui se trouvaient dans les Textes philosophiques de Léon Wieger, mais en 1923 il a entre les mains les Pères du système taoïste qui comprend une traduction intégrale du livre de Zhuangzi, ce livre 'admirable' et il ne ménage pas son admiration à l' 'Homme de génie' qui en est l'auteur. Bernard Hue : Paul Claudel ne s'est pas contenté de transposer des apologues de Zhuangzi. Ayant lu ce philosophe dès son arrivée au Japon, il lui emprunte deux thèmes qu'il développe à son tour dans les oeuvres : celui de l'Ombre et celui du Papillon. |
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43 | 1925 |
Claudel, Paul. Morceaux choisis [ID D21915]. Er schreibt über seine Sommerstation Kuliang (Fuzhou) im Vorwort : « Derrière moi la plaine, comme jadis en Chine quand je montais l'été vers Kou-liang, Le pays aplati par la distance et cette carte où l'on ne voit rient tant que l'on marche dedans, Le chemin qu'il a fallu faire avec tant de peine et de sueur de ce point jusqu'à un autre point, Tant de kilomètres et d'années qu l'on couvrirait maintenant avec la main ! Le soleil d'un brusque rayon çà et là fait revivre et reluire Un fleuve dont on ne sait plus le nom, telle ville comme une vieille blessure qui fait encore souffrir ! Là-bas la fumée d'un paquebot qui part et la clarté spéciale que fait la mer. |
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44 | 1926 |
Claudel, Paul. Idéogrammes occidentaux [ID D21947]. Er schreibt : « Il y a un livre délicieux qui est pour moi une source inépuisable d'intérêt et d'amusement, c'est l'ouvrage du savant jésuite, le P. Wieger, sur les caractères chinois et sur le passage à l'écriture et de l'image au signe, de l'être concret qu’ils ont commencé par représenter. Par exemple l’homme c'est une paire de jambes, un arbre, une espèce d’homme avec des racines et des branches. L'Est le soleil qui se lève derrière un arbre, un enfant une tête, des bras, un corps sans jambes. » |
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45 | 1929 |
Claudel, Paul. L'oiseau noir dans le soleil levant [ID D21969]. L'abîme solaire. [Geschrieben 1926]. Quelle : Schmetterlingstraum von Zhuangzi. « Le vent souffle et le ciel se nettoie, d'une force égale et continue, déplaçant un immense air, il souffle du même côté ! les portes du Nord se sont ouvertes, le Règne de l'Esprit commence ! et tous les tuyaux de l'orgue l'un après l'autre, depuis les groupes de colonnes, depuis les faisceaux de canons, depuis les guirlandes de cannes et de flageolets jusqu'aux plus minces chalumeaux, entrent en jeu sous les poumons de la mer ! Il n'y a pas moyen de résister au ronflement général, tout ce qui est flûte piaule, tout ce qui est corde se tend, le sang brûle, la grande symphonie passe en tempête, et tout ce qui avait commencé par le désir se termine par le son ! Ah, pour répondre à ce souffle inépuisable, et la graine une fois en sécurité, la nature n'avait pas trop de cette prodigieuse accumulation de combustible, et sous la réquisition de la Banque elle liquide d'un seul coup tout son papier, il n'est valeur que de l'or ! Impossible de résister plus longtemps à la nécessité de l'évidence et refuser cette lumière à moi dont j'étais débiteur ! Je suis interrogé avec le feu et je m'accuse dans la flamme ! sous l'insistance de l'Esprit tout ce qui était existence en moi est devenu couleur et tout ce qui était action est devenu intelligence. Je ne survivrai pas éternellement à un monde mangé par la gloire ! » Le poète et le vase d'encens. [Geschrieben 1923]. Quelle : Laozi. Dao de jing. « La multitude des hommes paraît heureuse et satisfaite, comme les convives à un grand festin, comme les gens qui du haut d'une tour regardent la terre fleurie. Moi seul je suis silencieux et disjoint, mes désirs ne m'ayant pas encore donné indication de leur présence. Je suis comme un enfant qui n'a pas encore souri. Je parais éperdu et accablé comme si je ne savais où aller. La multitude des hommes a assez et davantage. Moi seul j'ai l'air d'avoir tout perdu. Mon esprit est celui d'un homme stupide. Je suis dans un état de chaos. Les hommes ordinaires ont l'air déluré et intelligent, et moi j'ai l'air d'être dans les ténèbres. Ils sont pleins de raisonnements et de discriminations, et moi je suis pesant et embarrassé. Je suis emporté comme par la mer, je dérive comme s'il n'était pas de repos. Tous les hommes ont leur sphère d'action, moi seul je suis incapable. Et ainsi je suis différent des autres hommes, mais la chose que j'apprécie est la Mère. Qu'appelez-vous la Mère ? demande le poète. Le Tao, répond le vase d'encens, et le dialogue se poursuit alors sur la définition du Tao : Au-dessous de toutes les formes ce qui n'a pas de forme, ce qui voit sans yeux, ce qui guide sans savoir, l'ignorance qui est la suprême connaissance. Serait-il erooné d’appeler la Mère ce suc, cette saveur secrète des choses, ce goût de Cause, ce frisson d’authenticité, ce lait qui instruit de la source ? Ah, nous sommes au milieu de la nature comme une portée de marcassins qui sucent une truie morte ! Que nous dit Lao Tzeu sinon de fermer les yeux et de mettre la bouche à la source même de la création ?. » Jules ou l'homme-aux-deux-cravates. [Geschrieben 1926]. « C'est la même nature qui, dans un profond sommeil, a lâché ce papillon dont vous me parliez l'autre jour, cet instrument à tâter la nuit, cet expert en velours de lune, ce fils du brouillard et du phosphore !... Cela m'amuse... de vous égarer et de lâcher deux papillons à la fois qui se poursuivent et que l'oeil n'arrive plus à distinguer. Avec mon pinceau, je dispose de cette cause qui fait. Ce n'est qu'en faisant les choses qu'on en apprend le secret. Comme je participe à cet art poétique de la nature je suis admis au mystère de ses intentions. » Paola d'Angelo : Claudel cherche dans l'art et dans la sagesse d'Extrême-Orient tout d'abord l'Univers, le monde tout entier, et ce qui l'intrigue, c'est la possibilité de saisir ce qu'il appelle 'les intentions de la nature'. |
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46 | 1935 |
Claudel, Paul. Conversations dans le loir-et-cher [ID D21971]. Samedi Gilbert Gadoffre : Claudel reprend le thème du vide à l'occasion d'un vase chinois, et nous assistons alors à un nouvel avatar du Tao claudélien : il va s'identifier au vide ménagé en soi par l'âme pieuse qui fait place nette à son Dieu. Le « pur épanouissement qu'est un vase blanc de l'époque Song » devient ainsi « l'exhalation suprême du profond lotus, le globe sacré qui s'ouvre, le réceptacle de l'âme qui fleurit et offre son néant... une espèce de nonne céramique. |
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47 | 1935 |
Claudel, Paul. Petits poèmes d'après le chinois [ID D21972]. In : La revue de Paris ; 15 août (1935). Adapté du recueil de Tang de Zeng Zhongming. Rêve d'une nuit d'hiver (cent quatrains des Thang). [ID D21973]. Trad. en anglais par l'auteur. Li Taï Pé [Li Bo]. Parting = Départ. Li Pin. Return = Le retour I. Hoo Ti Chan. Unwelcome = Le retour II. Kio Tin. Sheltering from the moon = A l’abri de la lune. Tcho Lo. Mi do = Appel. Chang Hu. The morning star = Regard. Li Taï Pé [Li Bo]. Lying in moonshine = La gelée blanche. Lou Lan. The arrow = La flèche. Lieou Tchang King. Blue darkness = La uit bleue. Lieou Tcheng. Wrinkles = Le visage ridé. Lieou Fan Pin. The palace a-flame = Désespoir dans le soleil. Kia Tao. The gift of the sword = Don de l'épee. Kou Fong. A cruel autumn = Sur une montagne sauvage. Auteur inconnu. The cuckoo = Le coucou. Lou Lan. War song = Chant de guerre I. Lou Lan. Another war song = Chant de guerre II. Lieou Toung Yen. The frozen river = La rivière gelée. Li Ka Yo. The bell = Le son de la cloche. Auteur inconnu. Another pair of eyes = Double regard. Gilbert Gadoffre : Claudel n'a sur les écrivains chinois qu'il traduisait que des idées très vagues, il les différencie à peine et met sur le même plan des poètes majeurs tels que Li Bo, Du Fu, Su Shi des auteurs de troisième ordre. Dans les deux recueil, les textes ne sont pas groupés par auteurs mais par thèmes, et ce mode de sélection à lui seul pourrait nous faire comprendre les intentions du poète. Il soufflit de parcourir les poèmes pour s'apercevoir qu'ils fourmillent de thèmes claudéliens : à deux reprises le thème de la cloche et celui du retour du voyageur sonnent comme des échos de Connaissance de l'est et du Repos du septième jour. Si Claudel avait voulu faire une sélection objective, on aurait pu s'étonner de l’absence de quatorze des poèmes de Li Bo du recueil de Zeng Zhongming, de tous ceux de Wang Wei, ainsi que de la plus grand partie de Du Fu du Livre de jade. |
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48 | 1948.7 |
Claudel, Paul. Sous le signe du dragon [ID D3550]. (7) Sekundärliteratur Gilbert Gadoffre : Claudel voit dans la Chine au lendemain de la révolte des Boxers un état inadapté à l'économie mondiale, condamné par le déséquilibre chronique de la balance du commerce extérieur à être inéluctablement colorisée par les puissances européennes. Le tableau que Claudel nous propose de la religiosité chinoise est une sorte de négatif photographique de celui d'Eugène Simon. Ecrire trente-sept pages sur la religion des Chinois sans mentionner, ou presque, Confucius, sans accorder la moindre attention au culte ou aux livres confucéens peut sembler un tour de force aberrant. Il est vrai qu’un mode de présentation habile lui permet de se débarrasser du moule traditionnel des 'trois religions de la Chine' : il était légitime de montrer après Wieger, que l'homme du peuple n'a guère conscience de doctrines aux frontières tranchées, qu'il pratique une sorte de syncrétisme dans lequel Laozi, Confucius et Bouddha sont quelque peu confondus et jouent un moindre rôle que le culte des ancêtres, la croyance aux esprits et à la métempsychose. Claudel fait expier à Confucius le rôle de demi-dieu positiviste qu'on avait voulu lui conférer. La Chine redevenait ainsi le champ clos où l'Occident chrétien vidait ses querelles qu'il était si tentant de projeter sur l'image de Confucius. Le taoïsme par contre, est pour Claudel un objet de fascination. Non pas le taoïsme populaire, mais le Dao de jing, parcouru dès le premier séjour en Chine, et l'admirable livre de Zhuangzi qui sera une source d'inspiration à Tokyo. Tout plaît au poète chez les philosophes taoïstes : l'irrationalisme agressif, l'anti-confucéisme anarchisant, le goût du paradoxe, la cocasserie beroque, les préceptes de non-intervention, de non-action. Il interprète le taoïsme à travers un certain nombre d'images et de concepts symbolistes. C'est ainsi que le vide taoïste autour duquel s'organise l'être, le non-agir, oeil immobile au centre du cyclone qui gouverne le devenir, finit par se superposer aux notions mallarméennes de 'blanc' et de non-dit. Le taoïsme est ainsi digéré, assimilé par l'organisme claudélien qui en fait une synthèse complexe. Vers la fin de son séjour en Chine, Claudel a imaginé une explication rationnelle : l'existence de deux bouddhismes, un bon et un mauvais. Le mauvais, c'est le bouddhisme du Petit Véhicule, limité à quelques pays de l'Asie méridionale, et plus particulièrement Ceylan. Il n'est qu'une « méthode progressive d'anéantissement (ou simplement d'abrutissement) ». Il paraît avoir eu, ajoute Claudel, « une existence positive assez courte avant que quelques cranes anglais lui aient rendu un semblant d'existence ». Les philosophes à l'allemande et les cranks à l'anglaise ne connaissaient que ce bouddhisme-là, grâce auquel on pouvait se réclamer de l'assentiment de millions d'hommes pour fonder la croyance en un idéalisme philosophique de tendance nihiliste. Cette école, prétend Claudel, n'a plus guère qu'une existence livresque, alors que le bouddhisme bénéfique, celui du Grand Véhicule, est celui qu'on peut observer en Chine et au Japon. Celui-là est une vraie religion, au sens occidental du mot, il maintient l'idée de « puissances supérieures qui s'intéressent à notre sort », il fortifie « l'idée du mérite et du démérite », et même, dans une certaine mesure « l'idée de péché, d'une souillure entraînant le désir de purgation ». Yvan Daniel : Claudel ne retient pas les allusions historiques qui étaient rapidement évoquées dans le Livre sur la Chine, il laisse ainsi de côté les éléments historiques datant de l'Antiquité ou du XVIIe siècle, pour n'envisager le Japon qu'à partir de sa 'Restauration'. On ne peut que constater que les propos tenus dans le Livre sur la Chine sont pour le moins extrêmement hardis : ils remettent en cause toute la politique économique et commerciale des puissances occidentales en Chine, et n'hésitent pas à proposer de mettre en oeuvre des actions communes qui auraient bouleversé tout ce qui avait été accompli jusqu'alors et nui à bon nombre d'intérêts. Si les deux oeuvres d'éclairent indubitablement l'une l'autre, Sous le signe du dragon semble prudemment contourner ces propositions – presque révolutionnaires - : Claudel les jugea-t-il utopistes, estimant inutile alors de les reformuler ? Les différences importantes qui existent entre le Livre sur la Chine et Sous le signe du dragon sont souvent expliquées par la prudence de Claudel ou l'évolution de ses opinions ou façons de penser. Ces causes ne sont en effet nullement à négliger ; néanmoins, à considérer beaucoup plus simplement les textes on peut légitimement suggérer que l'auteur a souhaité faire le nécessaire, dans la dernière version, pour que le texte soit agréable à lire. Les premières versions, outre le caractère désordonné inhérent au plan incomplet et encore indécis, foisonnent en effet de développements particulièrement arides qui sont dans bien des cas issus de la réutilisation par Claudel des informations qui avaient servi à rédiger ses rapports consulaires. Même si Claudel a pu être amusé par les nombreuses anecdotes de Chinese characteristics, et a emprunté à Arthur Smith quelques idées piquantes pour décrire le Chinois dans sa vie quotidienne ou ses rapports à l'argent, l'approche quelque peu simpliste du religieux britannique a bien évidemment été volontairement 'oubliée'. Claudel s'emploie certes à rendre son texte plaisant, mais sans aller jusqu’à la plaisanterie moqueuse. Il ne pouvait d'ailleurs sans doute pas de satisfire de l'approche de Smith, en particulier dans le domaine spirituel et religieux, car celui-ci présente une analyse pour le moins malhabile et manquant de clairvoyance. Le chapitre 'Religion' sur confucianisme, taoïsme et bouddhisme, a été rédigé probablement en 1911. Il est marqué par l'influence de la lecture des ouvrages de Léon Wieger, mais il est aussi le résultat des livres de Smith, Edkins et Parker. L'auteur mets en valeurs dès le premier point, la religion archaïque chinoise du culte du Ciel. Le 'culte des morts' fait l'objet de la seconde partie. Il est directement lié au confucianisme qui est pour partie fondé sur la piété filiale. Claudel ne néglige nullement la doctrine de Confucius, même si le nom n'est pas explicitement cité. Le chapitre IV contient l'esposé de tous les points essentiels de la doctrine confucéenne : le culte des ancêtres, la piété filiale, l'intérêt majeur porté au 'nom' et à l'écriture, la question des rites. Les références et les explications confucéennes sont assez étrangement suivies d'une série de citations du Dao de jing de Laozi. La partie II se termine alors dans une certaine confusion : les allusions à Confucius ne sont pas clairement explicites, les extraits du Dao de jing ne sont pas commenté. Le chapitre contient une série de citations d'auteurs chinois qui établissent leur représentation du monde sur le principe yin-yang. Le commentaire claudélien commence par présenter ce système comme 'l'étroite conjonction des deux principes opposés' mais montre ensuite que l'alternance ne doit pas ici être uniquement comprise comme une succession d'influences contradictoires, car elle forme un tout complémentaire, et, surtout, lorsque l'un des influx domine, l'autre est présent, même sous sa form minimale ou latente. La philosophie chinoise est jugée 'matérialiste', mais non pas au sens occidental du terme. Il s'agit d’un matérialisme extrême-oriental, complexe et systématisé, envisagé 'sans logique' et de façon 'rustique'. L'insistance de l'auteur en ce sens est à peine nuancée : la langue, tout d'abord, 'n'est pas faite pour l'abstraction', la philosophie est fondée sur l'observation du monde matériel, et les vertus elles-mêmes 'ne sont que la conséquence de la conformation physique'. Claudel ait relégué le bouddhisme dans la dernière partie, mêlé aux superstitions et aux fantômes populaires. L'auteur se heurte violemment, dès 1899, à cette religion originaire d'Inde qu'est le Bouddhisme. La condamnation du bouddhisme qui apparaît en 1899 et s'affirme jusque dans les derniers écrits de Chine ne laisse pas la possibilité de suggérer une ambiguïté quelconque de l'opinion de Claudel. Il partage les thèses des milieux savans catholiques et très probablement est-ce là la même condamnation qu'il entendit prononcer par les Pères jésuites, souvent tolérants à l'égard du confucianisme, parfois à l'égard du taoïsme, mais fort rarement pour ce qui concerne le bouddhisme. Claudel reviendra avec constance sur l'anathème prononcé en 1899, sans jamais en changer le contenu ni l'argument théologique, sans jamais se pencher sur les nouvelles études concernant le bouddhisme. Bernard Hue : Claudel ne s'intéresse guère qu'aux aspects moraux et politiques du taoîsme. Il cite abondamment Laozi, mais il n'utilise à aucun moment les chapitres V, XI et XX qu'il connaît pourtant fort bien et d'òu émane, à ses yeux, l'essence même du taoïsme. Liang Pai-tchin : Claudel met en lumière le trait paticulier de la civilisation chinoise en disant que c'est la seule qui s'écoule de l'intérieur et se nourrit de ses propres sources. Car la terre chinoise vaste et riche est protégée par la nature, ayant des montagnes nombreuses et hautes au nord-ouest et l'océan au sud-est. Claudel consière comme un peule nourri des profondes ressources de l'instinct et de la tradition, peu cultivé et immobile. Mais les Chinois lui paraissaient spontanés, honnêtes, sachant rire ; et avec eux on se plairait à vivre. Ils sont des artisans-nés et ont le génie du signe. Dans les rapports humains, ils se montrent sensibles pour la moindre chose, polis pour ne pas humilier les autres, trop modestes pour être religieux, et prêts à tout faire et à tout accepter pour ne pas perdre la face. |
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49 | 1949 |
Claudel, Paul. Une promenade à travers la littérature japonaise. In : Revue de Paris (avril 1948). Er schreibt : « Je ne suis pas, malgré mes quinze ans de Chine et mes cinq ans de Japon, ce que les Anglais appellent un 'scholar', un spécialiste de l'Extrême-Orient, dont j'ignore les différents idiomes. Je n'ai poursuivi aucune étude méthodique et toute ma connaissance du pays résulte de l'atmosphère dont je me suis laissé imprégner, des circonstances, des entretiens, des excursions, des impressions recueillies au fil des jours et des nuits et des lectures plus ou moins incohérentes que j'ai picorées de tous côtés. » |
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50 | 1949 |
Claudel, Paul. Partage de midi [ID D21914]. Er schreibt über Fuzhou : "D'une part on aperçoit les deux bras d'un fleuve couvert de bateaux, et, derrière, entourée de sa muraille crénelée, une immense ville chinoise avec ses portes et ses pagodes. D'autre part, vers le couchant, la rizière et de belles montagnes bleues." Rosalie Vetch est l'inspiratrice du personnage d'Ysé de Partage de midi. Yvan Daniel : Partage de midi est sans doute le drame dans lequel la Chine peut le plus apparaître reléguée au rang de simple décor exotique. La langue de l'empire du Milieu est considérée par les personnages avec désinvolture ; on entend certes quelques mots chinois, parmi lesquels le fameux 'Yang koui tze' (Diables d'étrangers) désignant dans la bouche des Chinois les Européens, et que l'on retrouve dans tous les récits de ces années-là. Partage de midi contient un tableau de la vie des Occidentaux enfermés dans leur Concession, avec leurs habitudes et leurs travers : consommation d'alcool, affairisme plus ou moins licite, adultère et pour finir sans doute, au moins sous-entendue, une satire en demi-tente de ce milieu. Il est caractéristique de voir Claudel faire dans certains passages de ce drame une sorte de portrait satirique de l'Européen à la Chine : la pluspart de ses contemporains, à la même période, faisait en effet plutôt la caricature du Chinois et de l'Empire du Milieu. On pourra dire que les éléments issus de la vie en Chine dans ce drame sont de l'ordre de l'anecdote, ils permettent néanmoins d'attirer l'attention sur les préoccupations professionnelles de l'auteur et de comprendre un peu mieux ce que fut la vie quotidienne des Occidentaux dans ce pays. Partage de midi est tout entière composée des souvenirs des différentes missions diplomatiques du consul en Chine ; souvent anecdotiques, volontairement renvoyés en second plan, ils ont l'intérêt de dévoiler ce que fut l'atmosphère quotidienne de la vie du diplomate. Il montrent cette 'Chine' des Européen refermée sur elle-même, dans le petit milieu des concessions et des préoccupations occidentales. Un monde hermétique qui laisse en vérité bien peu de place à l'univers chinois qui l'entoure, en dehors des échanges commerciaux, des tractations intéressées de toute sorte, ou des affrontements. |
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51 | 1954 |
Claudel, Paul. Mémoires improvisés [ID D21855]. Er schreibt : " ... je passais des journées entières à lire les récits de voyage en Chine et dans l'Amérique du Sud : c'étaient les deux pays qui avaient ma préférence... " Er gesteht Jean Amrouche : "Il y avait cette pensée lancinante : qu'est-ce qui m'attend, qu'est-ce que je vais faire quand je rentrerai en France, vais-je essayer la vie monastique ? C'est le problème que j'ai essayé de résoudre à mon retour, en 1900." Gilbert Gadoffre : Claudel précise que même à Shanghai, où il avait moins de loisirs qu'à Fuzhou, il faisait « pas mal d'excursions, dans ce qu'on appelle des 'house-boats'. Tout autour de Changhaï il y a une série de canaux sur lesquels on peut voyager, dans ces petits bateaux spécialement aménagés. On reste trois ou quatre jours dans ces maisons flottantes qui vous permettent de voir pas mal de choses. » |
# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 1936 | Claudel, Paul. Choses de Chine. In : Les nouvelles littéraires ; 22 mars (1936). | Publication / Clau11 |
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2 | 1938 | Claudel, Paul. Parmis les bambous ; Sur la rivière ; La pleine lune : autres poèmes d'après le chinois. In : Nouvelles littéraires ; 7 mai (1938). [Nachdichtungen von Walter, Judith [Gautier, Judith]. Le livre de jade = Pih yuh she shoo. (Paris : Alphonse Lemerre, 1867)]. | Publication / Clau22 |
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3 | 1995 | Claudel, Paul. Livre sur la Chine. Volume réalisé par Andrée Hirschi sous la direction de Jacques Houriez. (Lausanne : L'âge d'homme, 1995). [2e version 1909 ; 3e version 1910-1911. Geschrieben 1904-1909]. | Publication / Clau12 |
# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 2000- | Asien-Orient-Institut Universität Zürich | Organisation / AOI |
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