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Chronology Entry

Year

1948.7

Text

Claudel, Paul. Sous le signe du dragon [ID D3550]. (7)
Sekundärliteratur
Gilbert Gadoffre : Claudel voit dans la Chine au lendemain de la révolte des Boxers un état inadapté à l'économie mondiale, condamné par le déséquilibre chronique de la balance du commerce extérieur à être inéluctablement colorisée par les puissances européennes. Le tableau que Claudel nous propose de la religiosité chinoise est une sorte de négatif photographique de celui d'Eugène Simon. Ecrire trente-sept pages sur la religion des Chinois sans mentionner, ou presque, Confucius, sans accorder la moindre attention au culte ou aux livres confucéens peut sembler un tour de force aberrant. Il est vrai qu’un mode de présentation habile lui permet de se débarrasser du moule traditionnel des 'trois religions de la Chine' : il était légitime de montrer après Wieger, que l'homme du peuple n'a guère conscience de doctrines aux frontières tranchées, qu'il pratique une sorte de syncrétisme dans lequel Laozi, Confucius et Bouddha sont quelque peu confondus et jouent un moindre rôle que le culte des ancêtres, la croyance aux esprits et à la métempsychose. Claudel fait expier à Confucius le rôle de demi-dieu positiviste qu'on avait voulu lui conférer. La Chine redevenait ainsi le champ clos où l'Occident chrétien vidait ses querelles qu'il était si tentant de projeter sur l'image de Confucius. Le taoïsme par contre, est pour Claudel un objet de fascination. Non pas le taoïsme populaire, mais le Dao de jing, parcouru dès le premier séjour en Chine, et l'admirable livre de Zhuangzi qui sera une source d'inspiration à Tokyo. Tout plaît au poète chez les philosophes taoïstes : l'irrationalisme agressif, l'anti-confucéisme anarchisant, le goût du paradoxe, la cocasserie beroque, les préceptes de non-intervention, de non-action. Il interprète le taoïsme à travers un certain nombre d'images et de concepts symbolistes. C'est ainsi que le vide taoïste autour duquel s'organise l'être, le non-agir, oeil immobile au centre du cyclone qui gouverne le devenir, finit par se superposer aux notions mallarméennes de 'blanc' et de non-dit. Le taoïsme est ainsi digéré, assimilé par l'organisme claudélien qui en fait une synthèse complexe.
Vers la fin de son séjour en Chine, Claudel a imaginé une explication rationnelle : l'existence de deux bouddhismes, un bon et un mauvais. Le mauvais, c'est le bouddhisme du Petit Véhicule, limité à quelques pays de l'Asie méridionale, et plus particulièrement Ceylan. Il n'est qu'une « méthode progressive d'anéantissement (ou simplement d'abrutissement) ». Il paraît avoir eu, ajoute Claudel, « une existence positive assez courte avant que quelques cranes anglais lui aient rendu un semblant d'existence ». Les philosophes à l'allemande et les cranks à l'anglaise ne connaissaient que ce bouddhisme-là, grâce auquel on pouvait se réclamer de l'assentiment de millions d'hommes pour fonder la croyance en un idéalisme philosophique de tendance nihiliste. Cette école, prétend Claudel, n'a plus guère qu'une existence livresque, alors que le bouddhisme bénéfique, celui du Grand Véhicule, est celui qu'on peut observer en Chine et au Japon. Celui-là est une vraie religion, au sens occidental du mot, il maintient l'idée de « puissances supérieures qui s'intéressent à notre sort », il fortifie « l'idée du mérite et du démérite », et même, dans une certaine mesure « l'idée de péché, d'une souillure entraînant le désir de purgation ».

Yvan Daniel : Claudel ne retient pas les allusions historiques qui étaient rapidement évoquées dans le Livre sur la Chine, il laisse ainsi de côté les éléments historiques datant de l'Antiquité ou du XVIIe siècle, pour n'envisager le Japon qu'à partir de sa 'Restauration'. On ne peut que constater que les propos tenus dans le Livre sur la Chine sont pour le moins extrêmement hardis : ils remettent en cause toute la politique économique et commerciale des puissances occidentales en Chine, et n'hésitent pas à proposer de mettre en oeuvre des actions communes qui auraient bouleversé tout ce qui avait été accompli jusqu'alors et nui à bon nombre d'intérêts. Si les deux oeuvres d'éclairent indubitablement l'une l'autre, Sous le signe du dragon semble prudemment contourner ces propositions – presque révolutionnaires - : Claudel les jugea-t-il utopistes, estimant inutile alors de les reformuler ?
Les différences importantes qui existent entre le Livre sur la Chine et Sous le signe du dragon sont souvent expliquées par la prudence de Claudel ou l'évolution de ses opinions ou façons de penser. Ces causes ne sont en effet nullement à négliger ; néanmoins, à considérer beaucoup plus simplement les textes on peut légitimement suggérer que l'auteur a souhaité faire le nécessaire, dans la dernière version, pour que le texte soit agréable à lire. Les premières versions, outre le caractère désordonné inhérent au plan incomplet et encore indécis, foisonnent en effet de développements particulièrement arides qui sont dans bien des cas issus de la réutilisation par Claudel des informations qui avaient servi à rédiger ses rapports consulaires.
Même si Claudel a pu être amusé par les nombreuses anecdotes de Chinese characteristics, et a emprunté à Arthur Smith quelques idées piquantes pour décrire le Chinois dans sa vie quotidienne ou ses rapports à l'argent, l'approche quelque peu simpliste du religieux britannique a bien évidemment été volontairement 'oubliée'. Claudel s'emploie certes à rendre son texte plaisant, mais sans aller jusqu’à la plaisanterie moqueuse. Il ne pouvait d'ailleurs sans doute pas de satisfire de l'approche de Smith, en particulier dans le domaine spirituel et religieux, car celui-ci présente une analyse pour le moins malhabile et manquant de clairvoyance.
Le chapitre 'Religion' sur confucianisme, taoïsme et bouddhisme, a été rédigé probablement en 1911. Il est marqué par l'influence de la lecture des ouvrages de Léon Wieger, mais il est aussi le résultat des livres de Smith, Edkins et Parker. L'auteur mets en valeurs dès le premier point, la religion archaïque chinoise du culte du Ciel. Le 'culte des morts' fait l'objet de la seconde partie. Il est directement lié au confucianisme qui est pour partie fondé sur la piété filiale. Claudel ne néglige nullement la doctrine de Confucius, même si le nom n'est pas explicitement cité. Le chapitre IV contient l'esposé de tous les points essentiels de la doctrine confucéenne : le culte des ancêtres, la piété filiale, l'intérêt majeur porté au 'nom' et à l'écriture, la question des rites. Les références et les explications confucéennes sont assez étrangement suivies d'une série de citations du Dao de jing de Laozi. La partie II se termine alors dans une certaine confusion : les allusions à Confucius ne sont pas clairement explicites, les extraits du Dao de jing ne sont pas commenté. Le chapitre contient une série de citations d'auteurs chinois qui établissent leur représentation du monde sur le principe yin-yang. Le commentaire claudélien commence par présenter ce système comme 'l'étroite conjonction des deux principes opposés' mais montre ensuite que l'alternance ne doit pas ici être uniquement comprise comme une succession d'influences contradictoires, car elle forme un tout complémentaire, et, surtout, lorsque l'un des influx domine, l'autre est présent, même sous sa form minimale ou latente.
La philosophie chinoise est jugée 'matérialiste', mais non pas au sens occidental du terme. Il s'agit d’un matérialisme extrême-oriental, complexe et systématisé, envisagé 'sans logique' et de façon 'rustique'. L'insistance de l'auteur en ce sens est à peine nuancée : la langue, tout d'abord, 'n'est pas faite pour l'abstraction', la philosophie est fondée sur l'observation du monde matériel, et les vertus elles-mêmes 'ne sont que la conséquence de la conformation physique'.
Claudel ait relégué le bouddhisme dans la dernière partie, mêlé aux superstitions et aux fantômes populaires. L'auteur se heurte violemment, dès 1899, à cette religion originaire d'Inde qu'est le Bouddhisme. La condamnation du bouddhisme qui apparaît en 1899 et s'affirme jusque dans les derniers écrits de Chine ne laisse pas la possibilité de suggérer une ambiguïté quelconque de l'opinion de Claudel. Il partage les thèses des milieux savans catholiques et très probablement est-ce là la même condamnation qu'il entendit prononcer par les Pères jésuites, souvent tolérants à l'égard du confucianisme, parfois à l'égard du taoïsme, mais fort rarement pour ce qui concerne le bouddhisme. Claudel reviendra avec constance sur l'anathème prononcé en 1899, sans jamais en changer le contenu ni l'argument théologique, sans jamais se pencher sur les nouvelles études concernant le bouddhisme.

Bernard Hue : Claudel ne s'intéresse guère qu'aux aspects moraux et politiques du taoîsme. Il cite abondamment Laozi, mais il n'utilise à aucun moment les chapitres V, XI et XX qu'il connaît pourtant fort bien et d'òu émane, à ses yeux, l'essence même du taoïsme.

Liang Pai-tchin : Claudel met en lumière le trait paticulier de la civilisation chinoise en disant que c'est la seule qui s'écoule de l'intérieur et se nourrit de ses propres sources. Car la terre chinoise vaste et riche est protégée par la nature, ayant des montagnes nombreuses et hautes au nord-ouest et l'océan au sud-est. Claudel consière comme un peule nourri des profondes ressources de l'instinct et de la tradition, peu cultivé et immobile. Mais les Chinois lui paraissaient spontanés, honnêtes, sachant rire ; et avec eux on se plairait à vivre. Ils sont des artisans-nés et ont le génie du signe. Dans les rapports humains, ils se montrent sensibles pour la moindre chose, polis pour ne pas humilier les autres, trop modestes pour être religieux, et prêts à tout faire et à tout accepter pour ne pas perdre la face.

Mentioned People (1)

Claudel, Paul  (Villeneuve-sur-Fère-en-Tardenois 1868-1955 Paris) : Dichter, Dramatiker, Schriftsteller, Diplomat

Subjects

History : China : General / Literature : Occident : France

Documents (5)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 1961 Liang, Pai-tchin. La Chine dans la poésie française du XXe siècle. In : Cahiers de l'Association internationale des études françaises ; vol. 13, no 1 (1961). Publication / Seg30
  • Source: Segalen, Victor. La terre jaune. In : Revue des arts asiatiques (1924). (Seg37, Publication)
  • Cited by: Asien-Orient-Institut Universität Zürich (AOI, Organisation)
2 1968 Gadoffre, Gilbert. Claudel et l'univers chinois. (Paris : Gallimard, 1969). Diss. Univ. de Paris, Faculté des lettres et sciences humaines, 1968. S. 301. Publication / Clau8
  • Source: Claudel, Paul. Choses de Chine. In : Les nouvelles littéraires ; 22 mars (1936). (Clau11, Publication)
  • Source: Claudel, Paul. Parmis les bambous ; Sur la rivière ; La pleine lune : autres poèmes d'après le chinois. In : Nouvelles littéraires ; 7 mai (1938). [Nachdichtungen von Walter, Judith [Gautier, Judith]. Le livre de jade = Pih yuh she shoo. (Paris : Alphonse Lemerre, 1867)]. (Clau22, Publication)
  • Source: Claudel, Paul. Livre sur la Chine. Volume réalisé par Andrée Hirschi sous la direction de Jacques Houriez. (Lausanne : L'âge d'homme, 1995). [2e version 1909 ; 3e version 1910-1911. Geschrieben 1904-1909]. (Clau12, Publication)
  • Cited by: Asien-Orient-Institut Universität Zürich (AOI, Organisation)
  • Person: Claudel, Paul
  • Person: Gadoffre, Gilbert
3 1978 Hue, Bernard. Littérature et arts de l'Orient dans l'oeuvre de Claudel. (Paris : C. Klincksieck, 1978). (Publications de l'Université de Haute-Bretagne ; 8). S. 119. Publication / Clau33
  • Cited by: Romanisches Seminar Universität Zürich (URose, Organisation)
  • Person: Claudel, Paul
  • Person: Hue, Bernard
4 1982 Gadoffre, Gilbert. Trois voyageurs français en Chine : Eugène Simon, Claudel et Segalen. In : Bulletin de la Société Paul Claudel ; no 86 (1982). Publication / Clau32
5 2003 Daniel, Yvan. Paul Claudel et l'Empire du Milieu. (Paris : Les Indes savantes, 2003). S. 59, 215, 223-224, 226, 228, 236, 240-241, 282-283, 312, 325-327, 329, 331, 333-334, 335. Publication / Clau24
  • Source: Temple, William. Upon the gardens of Epicurus. (1685). In : Temple, William. Miscellanea, the second part : in four essays. (London : Printed by J.R. for Ri. And Ra. Simpson, 1690). [Erste Erwähnung der Kunst des chinesischen Gartens].
    http://www.epicurus.info/etexts/gardening.html (Tem1, Publication)
  • Source: Claudel, Paul. Le repos du septième jour. (Paris : Mercure de France, 1901). [Theater Nadorow, Warschau 1928 ; Fulda 1954 ; Théâtre de l'Oeuvre, Paris 1965]. (Clau25, Publication)
  • Source: Claudel, Paul. Partage de midi. (Paris : Ed. de l'Occident, 1906). (Clau26, Publication)
  • Cited by: Asien-Orient-Institut Universität Zürich (AOI, Organisation)
  • Person: Claudel, Paul
  • Person: Daniel, Yvan