2008
Publication
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1 | 1924-1967 |
André Malraux : Quellen Kontakte mit China während seines Aufenthaltes in Indochina 1925. Le tour du monde. (Paris : Hachette, 1860-1914). Bulletin de l'Ecole française d'Extrême-Orient. Claudel, Paul. Connaissance de l'Est [ID D2653]. Granet, Marcel. La civilisation chinoise [ID D3234]. Grousset, René. Histoire de la philosophie orientale [ID D5451]. Leys, Simon. Loti, Pierre. Les derniers jours de Pékin [ID D2674]. Segalen, Victor. Stèles [ID D2937]. Segalen, Victor. Equipée [ID D9512]. Snow, Edgar. |
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2 | 1925 |
Larrat, Jean-Claude. André Malraux et la Chine des années 1920. On peut discerner dans l'oeuvre d'André Malraux, au cours des années 1920, deux façons bien distinctes d'aborder la question de la Chine. D'une part, il met l'accent sur les événements sociaux et politiques en montrant que la Chine entre pleinement dans l'Histoire du monde contemporain. Il demande alors à ses lecteurs d'abandonner l'image d'une Chine vouée à l'immobilisme par son ancrage dans des traditions millénaires, ainsi que de rejeter le mythe d'une Chine barbare prête à déferler sur l'Europe pour y anéantir la civilisation chrétienne. D'autre part, cependant, il reste fasciné par l'étrangeté de l'ancienne Chine et se montre soucieux de discerner le rôle que jouent encore les traditions - piété filiale, morale confucéenne, taoïsme, etc. - dans la Chine des années 1920. Mais surtout, comme d'autres intellectuels européens d'alors, il est encore plus intéressé par l'hypothèse que la pensée et la sagesse traditionnelles chinoises pourraient en quelque façon porter remède à la crise intellectuelle et morale que connaît l'Europe au début du XXe siècle, et plus particulièrement au désarroi auquel l'individualisme bourgeois a conduit la jeunesse européenne. Il est assez difficile de dresser un inventaire précis des sources dont Malraux a pu tirer sa connaissance de la Chine. Beaucoup de ses contemporains ont cru qu'il avait participé aux événements de Canton, en 1925. C'était faux, mais Malraux, lors de son deuxième séjour en Indochine (en 1925) avait néanmoins établi des liens étroits avec la communauté chinoise de Cho Lon et avec le Kuomintang, qui étaient la principale source de financement de son journal, L'Indochine. Il a certainement obtenu ainsi sur les événements de Canton et sur la situation, en général, des informations plus nombreuses et plus précises que celles dont la presse indochinoise et la presse européenne pouvaient se faire l'écho – notamment sur les problèmes que posait l'alliance tactique des communistes avec le Kuomintang nationaliste, avant et après la mort de Sun Yat-sen (en 1925). |
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3 | 1926 |
Malraux, André. La tentation de l'Occident [ID D23497]. Auszüge Et, dans le Nord, subtil et tout-puissant, seul au fond du plus solennel palais de la ville interdite, l'empereur étend ses doigts transparents sur la Chine du travail, la Chine de l'opium et la Chine du rêve, grand vieillard aveugle couronné de pavots noirs. Ombres plus anciennes, savantes et militaires, des Empereurs Tang ; tumulte des cours où se heurtaient toutes les religions et toutes les magies du monde, penseurs taoïstes, reines fixées au mur par les flèches rugueuses, cavaliers aux armes ornées de queues de cheval, généraux morts sous des tentes perdues au Nord après soixante victoires, sépultures que ne gardent plus, au milieu du désert, que leurs soldats et leurs chevaux gravés sur des dalles disjointes, chants désolés, lances parallèles et peaux de bêtes avançant à travers les vastes terres stériles dans la nuit glacée, que retrouverai-je de votre sourd élan de conquêtes, vestiges ?... Car le Chinois qui rêve devient un sage. Sa rêverie n'est point peuplée d'images. Il n'y voit ni villes conquises, ni gloire, ni puissance ; mais la possibilité de tout apprécier avec perfection, de ne point s'attacher aux éphémères, et, si son âme est un peu vulgaire, quelque considération. Rien ne l'incline à l'action. Même en rêve. Il 'est'. Sentir qu'il est respecté, ce n'est point imaginer qu'il entre dans une salle où les têtes s'inclinent. C'est savoir qu'aux choses qui lui sont particulières s'ajoute le respect qu'il inspire. Quelque singulier que cela puisse vous sembler, le Chinois imagine, si je puis dire, sans images. C'est cela qui le fait s'attacher à la qualité et non au personnage, à la sagesse et non à l'empereur. C'est pour cela que l'idée du monde, du monde qu'il ne saurait imaginer, correspond pour lui à une réalité... Vous trouverez dans cette lettre la photographie d'un masque de bronze antique. On me l'a envoyée de Chine, et je l'y renvoie pour vous. Il est antérieur aux Han : deux yeux, et une ligne gravée qui indique le nez. Il évoque la terreur. Il ne l'inspire pas : il l'évoque. La bouche, qui, dans toutes les sculptures primitives occidentales, exprime les sentiments, n'est pas même figurée. Vous connaissez comme moi-même, la beauté des images que le bouddhisme troublé par la Grèce vint sculpter au flanc de nos montagnes. Malgré la paix religieuse qui descend de leurs yeux fermés, la Chine profane et sacrée n'a cessé, pendant dix siècles, d'éfaccer ce qu'elles avaient d'humain, de les corrompre, de les transformer en objets de rêves et en signes divins, insensiblement, avec une force d'océan immobile. Les figures de vos cathédrales ont disparu comme elles. Ici et là, comme l'éclat atténueé du jour se disperse en étoiles, la vaste perfection d'un art royal se brise en mille objets précieux. Mais cette dispersion, en Chine, est l'épanouissement lucide et saugrenu du rêve ; en Europe, celui de l'homme, de la femme, et de leurs plaisirs. Sur le socle vide des statues des sages, vous vous trouvez vous-mêmes et nous trouvons, entouré de monstres familiers, le signe de la sagesse. Sans doute est-ce l'usage des caractères idéographiques qui nous a empêchés de séparer les idées, comme vou l'avez fait, de cette sensibilité plastique qui pour nous s'attache toujours à elles. Notre peinture, lorsqu'elle est belle, n'imite pas, ne représente pas : elle signifie. L'oiseau peint est un signe particulier de l'oiseau, propriété de ceux qui le comprennent et du peintre, comme le caractère : oiseau en est le signe public. Pénétré maintenant de votre art, le nôtre m'apparaît comme la lente, la précieuse conquête du rêve et du sentiment par le signe... La Chine vacille comme un édifice en ruine, et l'angoisse n'y vient ni de l'incertitude ni des combats, mais du poids de ce toit qui tremble. « Le confucianisme en miettes, tout ce pays sera détruit. Tous ces hommes sont appuyés sur lui. Il a fait leur sensibilité, leur pensée et leur volonté. Il leur a donné le sens de leur race. Il a fait le visage de leur bonheur. Je ne compris pas les mots qui suivirent. Je le lui dis « c'est ce qui s'oppose à ce que vous nommez l'individualisme ; la désagrégation ; ou, plutôt, le refus de toute construction de l'esprit, dominé par le désir de donner à chaque chose, par la conscience que l'on prend, sa qualité la plus haute. Une telle pensée port en elle-même sa maladie, qui est le mépris de la force. La Chine, qui en fit jadis un auxiliaire vulgaire, la recherche aujourd'hui, et lui apporte, comme une offrande aux dieux méchants. l'intelligence de toute sa jeunesse... Ceux d'entre nous qui sont dignes du passé de la Chine disparaissent un à un. Nul ne comprend plus. Notre tragédie, ce ne sont point ces comédiens sanglants qui le dirigent, ni même les constellations de mort que nous revoyons tous les soirs. Que l'Empire aux plaines rousses se torde comme un fauve blessé, qu'importent ces jeux de l'histoire ? »... Puis, faisant allusion à l'intérêt que beaucoup de jeunes Asiatiques portent au taoïsme, il dit, d'une voix plus grave : « La vieille pensée chinoise les pénère plus qu'ils ne le croient. L'ardeur qui les pousse vers le taoïsme ne tend qu'à justifier leurs désirs, à leur donner une force plus grande. L'incertitude des esprits dans le monde entier les ramène d'ailleurs à d'anciennes doctrines : modernisme bouddhiste en Birmanie et à Ceylan, gandhisme aux Indes, néo-catholicisme en Europe, taoïsme ici. Mais le taoïsme, en leur enseignant l'existece de rythmes, en les amenant à chercher dans les lignes de caractères du 'Tao-Te-King' les rythmes universels, a aidé à les détacher d'une culture puissante parce qu'elle ajoutait aux constantes créations de l'homme la possibilité du plairis. Et il ne reste en eux qu'un furieux désir de destruction. Il crois que la Chine va mourir. Je le crois aussi. La Chine qui entoura sa jeunesse, avec son art, sa distinction et sa civilisation dont tout l'intérêt se portait sur les sentiments, avec ses jardins et sa misère de fin de monde, est presque morte aujourd'hui. Retournée à des gestes de bronze vert, la Chine du Nord est un vaste musée sanglant. Le temps n'a plus même un sourire ironique pour tous ces chefs militaires occupés à faire courir leurs ombres sur les monts et les déserts couverts d'ossements habités de marmottes. Les provinces du Centre et du Sud attendent tout de cet étrange gouvernement de Canton qui tient en échec l'Angleterre, et vénère les Sages en organisant sa propagande par le cinématographe ; car ce que nous avons le plus rapidement pris à l'Occident, ce sont ses formes. Cinématographe, électricité, miroirs, phonographes, nous ont séduits comme de nouveaux animaux domestiques. Pour le peuple des villes, l'Europe ne sera jamais qu'une féerie mécaniques. Mais il n'y a pas de Chine. Il y a des élites chinoises. L'élite des lettrés n'est plus admirée qu'à la façon d'un monument ancien. La nouvelle élite, celle des hommes qui ont subi la culture occidentale, est si différente de la première que nous sommes obligés de penser que la véritable conquête de l'Empire par l'Occident commence. Ce ne sont plus les défaites, ce sont les victoires chinoises qui marquent la destruction de notre passé. Et cette destruction est irrémédiable, car une nouvelle aristocratie de l'esprit – la seule que nous ayons jamais acceptée – se forme : les étudiants des facultés ont aujourd'hui le prestige qui était autrefois celui des lettrés, et se sentent enveloppés du respect silencieux qui leur était porté. L'existence de cette nouvelle élite, la valeur qui lui est reconnue, témoignent d'un changement de la culture chinoise qui prépare une transformation totale. C'est à la vieillesse qu'allaient les préférences de notre civilisation, c'est par elle et pour elle qu'elle s'était faite : les candidats aux examens importants étaient âgés de quarante ans ; à peine, le sont-ils de vingt-cinq aujourd'hui. La Chine commence à considérer la valeur de la jeunesse, ou plus exactement sa puissance... L'âme de la Chine qui naît, sans doute faut-il la chercher dans les parties de ce vieux vaisseau magnifique encore assez vivantes pour tenter la jeunesse. Du moins, lorsque cette culture que nous voyons s'affaiblir sera presque éteinte, gardera-t-elle encore cette suprême beauté des cultures mortes qui appelle et pare les renaissances... Une Chine nouvelle se crée, qui nous échappe à nous-mêmes. Sera-t-elle secouée par l'une de ces grandes émotions collectives qui l'ont, à plusieurs reprises, bouleversée ? Plus puissante que le chant des prophètes, la voix basse de la destruction s'entend déjà aux plus lointains échos d'Asie... Sekundärliteratur Par le truchement d'un échange de lettres entre un Européen, A.D., séjournant en Extrême-Orient, et un Chinois voyageant en Europe, Ling, André Malraux compare la dynamique européenne à la pensée chinoise. Mirabile-Tucci, Nina Sarah. The Oriental-Occidental dialogue in the novels of André Malraux [ID D23495]. In La Tentation de l'Occident, written in 1926, the Chinaman Ling created a dividing line between the Orient and the Occident by saying that the Oriental wanted "to be" and that the Occidental wanted "to do". Ling's delineation of Orient and Occident, which can be defined as Yin Yang or "être et faire", will form the basis of Malraux's attempt to fuse these two antithetical parts of the human psyche in order to create a new mode of being for Western man in the Oriental and Occidental trilogies. The task will be taken up by men of heroic stance who undergo shamanic initiation, thereby earning the right, in Malraux's viewpoint, to guide others. The Oriental trilogy (La Voie Royale, Les Conquerants, La Condition Humaine) will be treated as a Yin experience (être) or a descent into the darkness of "time out of mind" in which Malraux freely experiments with various aspects of Oriental thought with the goal of creating a new balance between "être et faire" through various paths of endeavor that would be acceptable to Western mentality: through isolated action in the jungles of Cambodia (Claude, Perken), through political action (Garine), through an effort to reintegrate the individual into concerted group activity while yet retaining his individuality (Kyo, Hemmelrich, Katow). The ultimate message of the Oriental experience, as it is mirrored through the shaman Gisors, is that Malraux's answer to Oriental absorption into the divine, though still on an abstract level, is Fraternity, or absorption into the human family. The Occidental trilogy (Le Temps du Mepris, L'Espoir, Les Noyers de l'Altenburg), or the Yang experience (faire), represents a coming back to "time within mind." The return to the relative sphere of existence changes the face of "être et faire" from a purely metaphysical investigation which took place in the absolute freedom of cosmic timelessness in the Oriental trilogy, to an ethical investigation in which human action implies all the responsibilities involved in the encounter with one's fellowman in the immediate, existential, and historic moments of life. The practicality of the division of "être et faire," as it represents the ethics of two groups, is explored (the anarchists and the purists versus the Communists in L'Espoir). The balance between "être et faire," as it manifests itself in single individuals at different stages of life, is also reviewed (Manuel, Alvear). In its broadest terms, however, a detailed study of the characters of the Occidental trilogy shows that Malraux has arrived at a tentative solution for the West which treads a parallel path with the Orient. Although each man has an individual path, his doing is grounded in the Being of Fraternity. Kassner's intuition of Self, coupled with the intuition of a cosmic union with all men, is expanded in L'Espoir to take in individuals from the four corners of the globe, and culminates in the insight of the narrator of Les Noyers who is the shaman-writer Malraux, that although he is conscious of his own identity, he is also absorbed into the eternal flow of human history. On the individual level, this knowledge of self creates the desired balance between what a man "is" and what he "does" (Yin Yang). On a cultural level it will bring East and West together from which could arise a new value for modern man. Alain Meyer : Au cours de leurs voyages croisés, A.D. et Ling marquent d'abord les oppositions traditionnelles entre leurs deux civilisations. Selon Ling, l'Europe attire davantage par sa pensée que par ses formes raides, géométriques. C'est que l'âme de l'Europe est « la création, sans cesse renouvelée par l'action, d'un monde destiné à l'action ». Cette activité inlassable est liée à une intense souffrance, « toute l'intensité de l'amour se concentre sur un corps supplicié ». Les Occidentaux, toujours tendus vers un objectif, se confondent avec leurs actions. Aussi leur univers est-il chargé d'angoisse et la mort est pour eux le symbole de l'épouvante, ce qui fait contraste avec la tendresse grave de l'Orient pour ses morts. L'art oriental est un act de sérénité. Les Occidentaux ne peuvent concevoir de la vie que des fragments. Ils ont perdu la proximité avec les choses, ils les transforment sans cesse en objets modelés par leur volonté. A.D. nuance les affirmations de Ling : si les Occidentaux accordent à leur réalité une importance excessive, c'est pour eux un moyen de défense contre la puissance immense, en eux, du rêve. C'est pourquoi ils attachent tant d'importance à ce qu'ils appellent la psychologie : c'est un moyen pour eux de se rassurer. A.D. vient de définir la vie occidentale « le mouvement dans le rêve ». Ling lui répond : pour l'Oriental, c'est « le calme dans le rêve ». Il ne cherche pas à prendre conscience de lui-même en tant qu'individu, mais à adhérer, par la sensibilité, à un esprit qui les dépasse de toute part. Alors que l'Occidental veut apporter le monde à l'Homme, l'Oriental propose l'Homme en offrande au monde. Dans la perte de toute conscience, il recherche la communion avec le principe. La tentation de l'Occident ne prétend pas établir de classement entre les deux civilisations, valoriser l'une aux dépens de l'autre. L'élément original de la réflexion de Malraux, d'est le retournement, le coup de théâtre qui s'opère à la fin de son essai : Ling constate que, pour les Occidentaux, l'Homme est mort après Dieu et « Vous cherchez avec angoisse celui à qui vous pourriez confier son étrange héritage ». Au contact de l'Orient, l'Occident a perdu sa foi en un Homme distinct, personnel, origine et gardien de toutes les valeurs. Les deux civilisations se contaminent et se détruisent au contact l'une de l'autre : l'Occident emprunte à l'Orient sa passivité et l'Orient emprunte à l'Occident son activisme. Walter G. Langlois : On October 4, 1925, while Malraux was still in Saigon, he wrote his editor Grasset that he was hard at work on a new book, noting that it was made up of « letters exchanged between a young Westerner and a young Chinese about the mind, art and passions as East and West conceive them. » The first letter of the Frenchman A.D., suggests that his purpose in going to Asia was essentially romantic, but Ling, the Chinese youth, states clearly that on the contrary he has come to the West in search of its 'thought', particularly that thught which has given Occidentals such great strength for their conquest of the material world. Initially, he sees Europe as little more than a place where 'the submission to the will of man' dominates everything ; it extends even to the plantings of formal gardens, wheretheorems' have imposed order and conquest on Nature herself. In the West, order and civilization seem to be almost synonymous, but in traditional China such an ideal was unacceptable because it meant the substituion of an exterior intellectual abstraction for a living and felt Reality. To a Chinese, civilization was primarily emotional or aesthetic, and the most civilized individual was he who was most refined. But Ling quickly becomes aware that the contemporary European world he sees about him includes other elements as well, most of which are the fruit of a long tradition extending back through Christianity to ancient Rome and Greece, and he undertakes a pilgrimage to these classical lands. When he returns to France, the comments that he exchanges with A.D. about a number of topics – including the nature of death, time, art, love, women and the Self – reveal that his meditations in Athens and Rome have deepened but no changed his ideas about the basic differences between European and Chinese civilizations. A.D. has a comparable revelation (culminating in a long conversation with a Confucian sage) about the traditional culture of China, and he is able to make some provocative observations about its basic character. He comes to understand the answer that it proposes to the dilemmas of the human condition faced by everyone, irrespective of the civilization into which he is born. In their concluding letters, the two youths agree that the culture of East and West are in a state of crisis in the 20th century, and that their generation is painfully aware of the basic vanity of thought and of 'the arbitrariness of all human existence'. Qin, Haiying. Malraux : un regard comparatiste sur l'art. Le Chinois Ling à A.D. : « Par les formes de l'art que vous appeliez autrefois sublimes, vous exprimez une action et non un état. » « Notre peinture, lorsqu'elle est belle, n'imite pas, ne représente pas : elle signifie. » En posant deux interlocuteurs français et chinois en regards croisés, Malraux nous offre deux profils très contrastés de l'Homme occidental et de l'Homme oriental : l'un est actif, l'autre passif ; l'un agit, l'autre est ; l'un est cartésien, l'autre rêveur ; l'un est solitaire, l'autre sociable ; l'un s'éprouve séparé du monde, l'autre lié au monde ; l'un a une vision fragmentaire de la vie et croit que la mort individuelle met un terme ultime à la vie, l'autre veut une vision d'ensemble et comprend la vie dans un sens beaucoup plus large. Selon Malraux, les maîtres spirituels chinois, les Sages, ignorant le sentiment chrétien du péché et du sacrifice, échappant à la notion grecque de l'homme comme individu, ne cherchent pas à agir pour de pauvres victoires, de vaines gloires. Ils ne cherchent qu'à « être selon le mode le plus beau ». Pour préciser ce mode d'être, cet état de l'art chinois et de l'homme chinois, Malraux utilise des mots comme 'pureté', 'détachement', 'sérénité'. Il voit la sérénité comme 'seule expression sublime de l'art et de l'home' en Orient. Si l'art occidental exprime une action, c'est l'Occidental, enraciné dans sa tradition chrétienne et grecque, se trouve dans un rapport de rivalité avec le monde. Si l'art chinois exprime un état, état de sérénité, de détachement, c'est que l'homme chinois, héritier de la très ancienne pensée de la Mutation, se conçoit comme fondamentalement lié au monde, il cherche moins à agir contre le monde qu'à être en accord avec le monde ; cela explique dans une certaine mesure pourquoi l'expression du tragique est moins visible dans la plupart des peintures chinoises. Chez Malraux, la réflexion sur l'art en tant que lutte de l'homme contre le destin, c'est logiquement une réflexion sur le temps, puisque la notion même de destin est liée au temps. Et lorsqu'il s'agit de comparer l'art oriental et l'art occidental en ce qui concerne le temps, il souligne aussi und grande différence. En gros, il constate que l'art oriental a fait très tôt la conquête du temps sous la forme éphémère de l'instant. Quand Malraux dit que l'Occidental 'fait le temps' et que le Chinois est fait par le temps, on voit aussi qu'il ne s'agit plus d'une même conception du temps : le temps occidental est englobé par l'homme, il est le 'temps des hommes', chrétien ou hégélien, biblique ou historique, tandis que le temps chinois n'est pas un temps fait par l'homme, mais un temps cosmique et vial qui englobe aussi bien l'homme que le monde. Quand Malraux dit que « l'art extrême-oriental fait tout entrer dans l'instant », on peu comprendre le mot 'instant' comme une autre façon de dire le rythme ; et c'est peut-être de cette façon que l'instant oriental est éternel. Il s'agit de discerner un art de la signification comme mode d'expression propre à l'art chinois et différent de l'art occidental traditionnel basé sur le princeipe de la représentation. C'est une idée que Malraux n'a pas beaucoup développé, mais qui est essentielle pour comprendre l'art extrême-oriental. Dans La tentation de l'Occident, cette idée a été évoquée de façon très rapide à propos d'un masque de bronze antérieur à l'époque des Han. Ce masque fortement stylisé est donné comme illustration d'un art qui consiste à évoquer, suggérer, signifier au lieu de figurer ou d'imiter. Sun, Weihong. La Chine chez Malraux : de 'La tentation de l'Occident' aux 'Antimémoires'. De La Tentation de l'Occident aux Antimémoires, en passant par Les Conquérants et La Condition humaine, Malraux se trouve sans aucun doute parmi les écrivains occidentaux les plus liés à la Chine. Cependant, malgré l'augmentation incessante des traductions de ses oeuvres en Chine ces dernières années, Malraux reste toujours un auteur étranger et distant aux yeux du grand public chinois ; sous sa plume, la Chine ne semble pas être un lieu pour lequel les Chinois ressentent de la familiarité et qu'ils reconnaissent immédiatement. La Tentation de l'Occident, où la Chine devient un élément indispensable. Ce n'est pas étonnant : quelle culture constituerait un meilleur exemple pour illustrer le thème de la confrontation entre l'Occident et l'Orient, sinon celle de la Chine, toujours considérée comme le pôle inverse de la culture occidentale, et que Malraux a certainement commencé à connaître un peu mieux durant ses séjours en Indochine ? La Tentation de l'Occident se compose de lettres échangées entre un jeune Français en Chine et un jeune Chinois en Europe. Tous deux véhiculent, au travers de ces lettres, leurs points de vue sur leur propre culture et celle de l'autre. Le livre s'ouvre sur une suite d'évocations lyriques de l'Orient, et surtout d'une Chine mystérieuse, confiées à la voix du jeune Européen A.D. Mais le problème est qu'on ne comprend pas ce que signifient vraiment ces images, car une telle description ne sert nullement à mieux faire connaître la Chine. C'est probablement pour flatter le goût du public : pour beaucoup de lecteurs occidentaux de l'époque, la Chine, dans leur imagination, est avant tout une suite d'images lointaines, mythiques et fabuleuses, une contrée dont la civilisation est très ancienne et immobile, où le temps, une fois qu'il y est entré, s'évapore sans même qu'on s'en aperçoive. On peut voir que ces images relèvent exactement de ce type d'imaginaire. En effet, dans La tentation de l'Occident, on ne trouve rien de particulier et de profond en ce qui concerne la culture chinoise. Les propos sont bien souvent très ordinaires. C'est vrai que les Chinois cherchent toujours une harmonie entre l'homme, la nature et le cosmos, qu'ils font peu de cas de l'individualisme, et qu'une femme chinoise, selon son rôle et son statut social, est chargée de différents devoirs envers l'homme - mais il ne s'agit là que de connaissances fondamentales et générales sur la Chine, pas difficiles à acquérir alors, même en Europe. En un mot, bien que le thème de la Chine constitue une part très importante du livre, rien ne montre que l'auteur ait étudié le pays de manière approfondie et systématique. Quelques jours à Hongkong, des contacts limités avec des Chinois d'outre-mer, et la lecture de quelques livres sur la Chine ne suffisent évidemment pas pour décrire de manière vivante un voyage en Chine et pour bien interpréter la culture chinoise. En fait, l'originalité du livre se mesure non seulement à sa forme, mais aussi à son contenu. Un point particulièrement important est que Malraux, au travers de cette oeuvre, fait remarquer l'existence d'une crise des valeurs dans les années 20 du siècle dernier, une crise qui existe non seulement pour l'Occident mais aussi pour l'Orient. En Occident, c'est l'égarement mental d'après-guerre, c'est le déclin de la civilisation chrétienne - « Dieu est mort »; en Orient, c'est la constatation d'une culture traditionnelle en miettes, c'est le sentiment mêlé d'envie et de haine à l'égard de la culture occidentale qui est à l'origine de cette destruction. Pour Malraux, chacune des deux cultures, dans un état d'angoisse, est facilement fascinée par l'autre, mais aucune ne peut trouver la voie du salut par le recours à l'autre. « Rien de ce qui fut détruit n'a été remplacé », comme le constate Wang-Loh. Le résultat ne débouche alors que sur une meilleure connaissance de soi-même. En tant que l'un des premiers écrivains qui ait avancé le thème du sentiment de l'absurde, Malraux nous fait voir que ce sentiment n'est pas un problème uniquement occidental, mais un problème universel que tous les êtres humains sont désormais obligés d'affronter. La première traduction intégrale chinoise de La Tentation a, en réalité, vu le jour en 2002, mais déjà en 1925, avant même la publication en volume du livre de 1926 en France, Malraux prétendait à Louis Brun des éditions Grasset que « la moitié a déjà été traduite en chinois et publiée dans différents périodiques et journaux de Shanghai et de Pékin ». |
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4 | 1928 |
Malraux, André. Les conquérants [ID D13268]. Zusammenfassung Récit de la grève générale de Canton. L'histoire des Conquérants, qui commence en juin 1925, s'articule autour des révoltes à Canton et Hongkong et des actions du jeune Pierre Garine, de Suisse, qui a choisi le camp des Chinois révolutionnaires. Si le livre fit tant impression, cela est dû principalement à la manière dont Malraux a campé le personnage principal : un homme qui n'était ni un nationaliste, ni emporté par des sentiments religieux ou par quoi que ce soit, quelqu'un qui prétendait être totalement apolitique. Sa seule motivation était peut-être une vague peur de vivre. Bien que la vie, d'après Garine, l'alter ego de Malraux, soit complètement absurde et dépourvue de sens, il lutte aux côtés des Chinois opprimés. A l'opposé de ce personnage il y a Borodine, le bonze russe du parti qui désire imposer aux Chinois le modèle communiste soviétique, le terroriste Hong et le pacifiste Tcheng Dai, une sorte de personnage à la Gandhi dont le suicide est l'ultime protestation. http://www.kb.nl/bc/koopman/1940-1950/c46-fr.html. Sekundärliteratur Hülsenbeck, Richard. André Malraux : Eroberer. In : Die literarische Welt ; Jg. 5, Nr. 16 (19.4.1929). Die Übersetzung ins Deutsche des Buches von André Malraux Les conquérants = Die Eroberer [ID D13268] findet neben Anerkennung auch Kritik. Richard Huelsenbeck ist in keiner Weise mit dem Standpunkt des Buches zu China einverstanden. In seiner Rezension beanstandet er, dass Malraux China nicht bloss nicht verstanden hat, sondern seine sämtlichen europäischen Vorurteile an das Land und die Menschen herangetragen hat. Er schreibt : China hat es nicht nötig, sich von ausländischen Journalisten und Politikern helfen zu lassen, um so weniger, als diese das chinesische Problem fast immer missverstehen und mit weniger Ausnahmen nicht für China, sondern für sich erarbeiten. Diese Ausländer drängen sich in die chinesischen Verhältnisse… Sie arbeiten für sich, und somit gegen das chinesische Volk, das sie nicht nötig hat. Ich möchte als Kenner der Verhältnisse einmal energisch darauf hinweisen, dass die chinesische Republik nur eine chinesische sein kann. Ihre Motive und Absichten sind durch Himmel und Erde von den Zielen der hilfsbereiten Europäer entfernt. Geschäfte sind da nicht zu machen. Menschheitskämpfer im europäischen Sinne sind unerwünscht und müssen in China früher oder später lächerliche Figuren werden. Watanabe Hiroshi : Les conquérants consistent en trois parties : 'Les approches', 'Puissances' et 'L'homme'. Les personnages sont tous des symboles. Le héros Garine occupe une positition particulière parmi eux. On n'exagère rien en disant que Les conquérants sont une histoire de Garine raconté par le narrateur 'Je'. Il est entouré de dix hommes divers : Rebecci, Meunier, Gérard, Gallen, Myroff, Nicolaiev, Borodine, Hong, Klein et Tcheng Dai. Il est naturel que la nationalité, le tempérament et le rôle des dix personnes sont très variés, car la scène du roman est en Chine et par surcroît, son cadre la Révolution. Le héros Garine est un homme d'action s'exposant à la mort, sans demander aucune récompense. Tcheng Dai nommé un « Gandhi chinois ». Malraux dépense cinq pages and le text pour décrire un remarquable portrait de Tchen Dai. Premièrement, il voulait dépeindre une idée révolutionnaire oriental à travers cette personne asiatique. Deuxièmement, il formait le dessin de faire ressortir l'image vivante de Garine en confrontant avec Tchen Dai. Garine et Tchen Dai sont tout deux atteints de la même maladie : la « conscience individuell » à des degrès différents. Malgré cette ressemblance, pour Garine, Tcheng Dai est un obstacle, le seul adversaire et le plus fort. Jean Carduner écrit : « La révolution, pour Tcheng Dai, c'est l'occasion de prêcher un certain nombre de valeurs morales qu'il excelle à pratiquer, ce qui lui fournit l'occasion de manifester avec éclat sa propre supériorité. La Révolution pour Garine, c'est une activité de fuite, c'est un paravent factice destiné à lui cacher pour un temps l'absurdité de la vie ; c'est aussi un outil qui lui permet de conquérir cette puissance sans laquelle il n'est pas. » A la fin du livre, la maladie de Garine s'aggrave de jour en jour et il est obligé de finir par quitter Canton. Cela signifie sa mort. Ainsi, ce héros est un homme d'action, mais d'un autre point de vue, il est un confrontation avec l'absurdité. Malraux est réputé comme écrivain qui dépeint le portrait du personnage en entrant dans le détail : les traits physiques à chaque personnage, les attitudes, le ton de la voix et le travers de prononciation. Nous n'extrayons pas ces exemples, mais cette technique sert beaucoup à comprendre un changement de coeur d'une personne, c'est-à-dire, Malraux décrit le portrait non plus pour suggérer le relief, la densité extérieure du personnage, mais sa psychologie. Walter G. Langlois : Les conquérants, a novel centering on the strike and the ideological values that it embodies. This book makes it clear that Malraux saw a number of very positive elements, not so much in Asia's culture and philosophy, but rather in the 'group action' by which profound social, political and even ethical changes were being brought to the ancient continent. In a sense, Les conquérants is his first truly affirmative work because it suggests that he had found a way to bring meaning back into the life and world of modern Western man, on what one might call an ethical level. As he wrote in a letter to a friend at the time, the characters of his literary creation grew out of his deeply felt 'need to translate, throught fictional creations, a certain order of ethical values'. It was this demension of the novel – and of Malraux's concern in general – that becomes most noteworthy upon careful re-reading of the text. Although the story of Les conquérants centers on a revolution in China, on a broader level it was clearly an effort to formulate the terms of the anguished reality in which all modern men were strugging, and to suggest the direction in which solace might be discovered. Hasty critics immediately denounced the book as blatantly pro-Communist propaganda, but Malraux was actually in opposition to Marxist theory on a number of basic points. However, like the Marxists, he was strongly opposed to everything that the bourgeoisie represented, and he believed that only a collective action would bring about the needed changes. Since the bourgeois would was based on 'order', in the two meaning of stability and hierarchy, it is not surprising that Malraux put great emphasis on something he called metamorphosis. Garine, the central figure, did not blieve in metamorphosis except as it was linked to those for whom he was fighting. As a revolutionary, he was seeking to obtain as much as possible for his comrades in arms, the suffering masses of China. As a hero, he was 'postive' and non-individidualist because he engaged his life for the other men, utterly apart from any consideration of personal gain. As a man, he defined himself not as an isolated Nietzschean will-to-power, but rather as an integral part of a collectivity in action. Evidently for Garine – as for Malraux – the commitment to revolution stemmed from a deeply felt human obligation, rather than from the shallow personal motivation of a Romantic adventurer. Garine was not working towards an absolute end ; he was involved in a living, changing reality. In the midst of action he was little concerned with colaborating the political structure of some future ideal state. True, he was engaged in a general direction, and his individual decisions were made as a function of that direction, but again it was 'human' and not ideological. Convinced that the highest values were all collective ones, he wanted to destroy individuality on their behalf. To do so, he allied himself with Borodine and the Communists, but this certainly did not mean that he was a Communist, or even that he felt that Communism was necessarily the best political credo. It was simply better than the bourgeois system which it attacked : better potentially, because it promised dignity and social justice for the mass of mankind ; better actually, because by predicating social change as a positive value it afforded the possibility of doing something about the whole situation. Malraux passe brusquement du surréel au réel avec Les Conquérants, le premier roman français important à se donner pour sujet une lutte révolutionnaire au XXe siècle. Ouvrage métaphysique, le livre tire sa substance romanesque d'un épisode de la révolution chinoise: l'insurrection ouvrière qui secoue Canton en 1925. A travers le personnage de Garine, un conquistador dans l'absolu, ce roman reportage annonce une structure multilinéaire, stratifiée, découpée en séquences autonomes, ponctuée de phrases collage, de blancs, de retraits, etc. — et se révèle tel que le voulait son auteur: „une accusation de la condition humaine". En effet, conçu comme „un type de héros en qui s'unissent la culture, la lucidité et l'aptitude à l'action", Garine entend se forger, à travers une action héroïque, une vie comme „fatalité personnelle", et cela contre le monde où il ne compte pas, d'où la "vraie vie" est absente: „Pas de force, même pas de vraie vie sans la certitude, sans la hantise de la vanité du monde...". L'insignifiance du monde fonde ainsi la signification de la vie : „si le monde n'est pas absurde, c'est toute sa vie qui se disperse en gestes vains...", fait remarquer le narrateur témoin. forum.portal.edu.ro/index.php?act=Attach&type=post&id=1173485. Alain Meyer : Les conquérants représentaient, dans leur facture, la perfection du roman d'aventures. Les éléments traditionnels de la construction romanesque y sont portés à leur plus extrême rigueur. Tout y est « fonctionnel » parce que tout concourt à tracer une ligne romanesque simple : une seule histoire est racontée d'un seul point de vue autour d'un seul personnage central et suivant un seul mode de conduite du récit. Les digressions sont systématiquement éliminées. Le narrateur, au même titre que ses personnages, recherche, avant tout, l'efficacité. Liu Chengfu : Dans Les conquérants, ce que Malraux a décrit, c'est la fameuse grève qi a éclaté à Guangzhou dans les années vingt. Ce mouvement est en effet la première confrontation de grande envergure entre la force révolutionnaire et la puissance réactionnaire en Chine. Malraux nous a remarquablement montré tout le processus de ce mouvement : éclatement de la grève, boycottages des marchandises anglaises, sabotage des machines par les ouvriers, rôle de la troisième Internationale et des communistes dans le gouvernement de Guangzhou, difficultés rencontrées dans la révolte, empêchement de la force droite du Parti National, répression sanglante par Tchen Jiongming sous le soutien puissant des impérialistes occidentaux. Sun, Weihong. La Chine chez Malraux : de 'La tentation de l'Occident' aux 'Antimémoires'. Les Conquérants ont pour cadre la grève qui a eu lieu à Canton en 1925, La Condition humaine décrit l'insurrection communiste à Shanghai en 1927, ainsi que la scession du parti communiste et du Kuomintang. Tous sont de grands événements révolutionnaires dans l'histoire de la Chine. Mais pour un lecteur chinois, l'impression la plus forte laissée par la lecture de ces deux romans, est qu'on n'y ressent vraiment pas une atmosphère chinoise. Non qu'il y manque des détails authentiques : en tant qu'auteur n'ayant jamais vraiment vécu en Chine, Malraux a sans nul doute fourni de grands efforts à cet égard. Il est en réalité bien documenté sur ces événements, et certaines descriptions sont aussi leçon d'exactitude à l'évrivain, mais à montrer le caractère littéraire de Malraux. |
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5 | 1933.2 |
Malraux, André. La condition humaine [ID D13269]. (2) Sekundärliteratur 1991 Alain Meyer : Le texte de La condition humaine s'inscrit dans un triple contexte : crise générale des valeurs au tournant des années vingt et des années trente quand à l'Absolu se substitue l'intensité ; crise de l'art romanesque qui, après s'être donné la griserie souvent heureuse du jeu, de l'aventure et de l'exaltation de l'individu, va vers le sérieux, le témoignage, l'insertion dramatique et tendue dans une époque à travers des romans d'apprentissage politique à sujet collectif ; mutation de Malraux lui-même qui élargit le territoire de sa fiction, multiplie les personnages et l'entrecroisement de leurs points de vue, parle peu à peu à la troisième personne et passe de ce « livre d'adolescent » que fu, selon lui, Les conquérants à un roman juvénile. Quant à Shanghai, Malraux ne découvrira le cadre de La condition humaine qu'en septembre 1931. Ce bref séjour de quelques jours n'est qu'une étape d'un tour du monde de sept mois. Il prendra de Shanghai un rapide aperçu, écrivant quelques rares notes ; ses pas ne semblent guère s'écarter des concessions européennes et de cette avenue des Deux-Républiques qui est le seul nom de lieu shanghaien prudemment cité dans La condition humaine. Bref, sa connaissance de la Chine est, à l'époque, extrêmement ténue et son expérience de ce pays se limite à quelques sensations de voyage d'un « homme pressé ». Les Chinois de Malraux ne sont pas plus chinois que ne sont romains les Romains de Corneille ; la révolution chinoise de Malraux est élevée à la tragédie comme la Révolution française l'est à la grandeur épique de Hugo. La Chine a été choisie comme « théâtre des opérations » parce que c'est, à la fin des années vingt, l'un des pays où se manifestent avec le plus d'intensité l'effervescence et le trouble de la planète, et c'est en même temps un lieu abstrait. Malraux qui refuse, à l'époque, toute réponse religieuse à ses questions, laisse, sans probablement en avoir conscience, une fenêtre ouverte sur une transcendance, c'est-à-dire sur une réalité supérieure irréductible à l'expérience et absolue. Gisors, à travers l'opium, ne cherche pas seulement à fuir l'angloisse, il prend de lui-même une conscience qui ne doit rien aux sens. Il se fond avec les objets et les lieux qui l'entourent et qui cessent d'être distincts de lui « au fond d'un monde plus vrai que l'autre parce que plus constant, plus semblable à lui-même formes, souvenirs, idées, tout plongeait lentement vers un univers délibré ». L'histoire des interprétations du roman est inséparable de l'histoire des époques où ces interprétations ont été proposées. L'ombre portée des années trente jusqu'à nos jours recouvre largement cette oeuvre. Cette histoire est indissociable aussi de l'évolution de Malraux lui-même. Gisors et Clappique ont ceci de commun qu'ils ont abaissé les digues élevées avec tant de constance par l'Occident entre le conscient et l'inconscient, entre le songe et la veille. En cinq boulettes d'opium, la dose à laquelle il se tient depuis des années, Gisors ne cherche pas une fuite, mais une délivrance. Tout l'effort obstiné de sa civilisation tendait à la destruction, à la séparation. Les personnages sont ainsi dispersés plus que confrontés. Comment construire un roman à partir de personnages solitaires, murés dans leur nihilisme comme Tchen, leur volonté de puissance et leur érotisme comme Ferral, leur mythomanie comme Clappique, leurs songes comme Gisors, leur humilation comme Hemmelrich ou König ? Malraux a réussi à unifier une oeuvre qui, de prime abord, menaçait de s'éparpiller. Entre les scènes ou les séquences de son roman, il a tissé des liens multiples et nous avons vu toute l'attention qu'il portait aux procédé de liaison. Mais surtout dex avancées dans sa technique romanesque témoignent d'une maturité artistique conquise : l'emploi des temps et le passage au récit à la troisième personne. Malraux relate aussi des événements qui, dans leur perpétuel surgissement, ne laissent aux personnages comme au lecteur presque aucun répit. Pour ce faire, il emploie désormais ces temps par excellence de la distance et du recul que sont l'imparfait et le passé simple. C'est un paradoxe apparent : ils supposent l'évolution d'un passé classé, révolu, alors que tout le propos de Malraux consite à nous plonger et à nous entraîner dans un mouvement qui se déroule, inéluctable. Malraux affirme encore avoir assisté à la répression à Shanghai en 1927. Mais il se fabrique moins systématiquement une biographie fictive. La mythomanie qui est en lui, il la projette maintenant sur Clappique, comme pour la tenir à distance, à un moment où, pour sa part, il est plus impliqué dans la vie de la cité et se sent plus de prise sur les événements. Ce qui l'amène à passer de la mythomanie à l'élaboration d'un mythe qui lui serait personnel et qui intégrerait à la fois son expérience propre et sa création. Les révolutionnaires de La condition humaine consacrent leur vie et courent le risque de mort pour réaliser des valeurs absolues. Dans le contexte de la situation chinoise de 1927, dans celui, plus largement, de la stratégie d'ensemble de l'Internationale Communiste élaborée à Moscou et imposée par l'URSS, leurs aspirations malheureusement se révèlent irréalisables. Ils ne peuvent y renoncer et se rendent bien compte de leur échec. Telle est leur tragédie. Ce n'est qu'un des éléments, du tragique, mais c'est celui qui accable et écrase Kyo et ses compagnons. Aspirations à des valeurs absolues qui ne peuvent prendre forme dans une réalité historique donnée et souffrance indépassable de cette impossibilité, c'est ainsi que, dans ses écrits de jeunesse. Les relations entre les hommes sont insatisfaisantes, fondées sur le malentendu, l'oppression, la violence, parce que les circonstances ne sont pas mûres, parce qu'elles ne permettent pas de dépasser cette situation. Les conditions, de leur côté, sont défavorables, parce que les rapports sociaux sont gelés. Pour sortir de ce cercle, pour que l'Homme réalisé, il faut à la fois une appréciation lucide des rapports de forces et l'énergie d'en tirer parti. Le grand art en politique est de savoir tirer parti des circonstances. Il faut faire l'apprentissage de la révolution comme l'apprentissage de la vie. Lorsque Kyo refuse l'idée de participer aux côtés de l'armée à une répression contre les paysans qui prennent leurs terres, Possoz, pour sa part, se contente d'affirmer qu'il tirerait en l'air et qu'il aime mieux que cela n'arrive pas. Déja dans leur débat, se préfigure la divergence fondamentale qui opposera plus tard le parti communist chinois de Mao Zedong au parti soviétique : celle qui porte sur le rôle des masses paysannes. Dans l'épilogue du roman, l'espoir d'une transformation de la condition humaine allait de pair avec la constatation tragique que rien ne vaut une vie que toute mort est insoutenable et injustifiable. Les deux affirmations se répondaient et s'enchevêtraient. Ce qui caractérise Ferral, c'est qu'il considère l'Extrême-Orient non seulement comme un empire à conquérir, mais encore comme un terrain vague à aménager. De même les habitants de la Chine, qu'ils soient du reste européens aussi bien qu'asiatiques, représentent pour lui une matière première à pétrir et à recréer. Presque tous les événements importants à Shanghai, du meurtre commis par Tchen à la mort de Kyo et de Katow, en passant par les préparatifs de l'insurrection, le grand échange d'idées entre Gisors et Ferral, l'attentat manqué contre Chang-kaï-Shek et la mort de Tchen, le jeu de Clappique à la roulette, la dernière marche commune de Kyo et de May le long des rues désertes, l'attestation de Kyo, l'attente, le lendemain, du supplice par les militants voués au massacre, se situent entre six heures du soir et six heures du matin. Il sagit des faits les plus intenses, les plus dramatiques et les plus tragiques. La nuit est le lieu de la solitude, de l'échec et de la mort. En revanche, le jour est plus propice aux événements épiques et positifs. Le pessimisme de l'oeuvre - l'accent mis sur la séparation, la solitude, la souffrance – est loin aussi de l'optimisme marxiste, dans la mesure où celui-ci prolonge l'esprit de la Renaissance et celui des Lumières. Malraux voit dans la Révolution une remise en question du monde plutôt que son accomplissement. En fait, « la résistance au communisme dans Malraux, c'est un fond de religiosité ». Il se pose avec intensité le problème du Mal. Les personnages sont confrontés à des situations limites, c'est-à-dire des situations que chaque homme rencontre un jour ou l'autre sans pouvoir les éluder – la solitude, la souffrance et la mort. En 1932, un an avant sa publication, il presentait déjà comment il allait y parvenir : « Mes voeux sont de pousser très loin le tragique. La sérénité deviendra alors plus poignante que la tragédie elle-même ». 1999 Michel Dye : When he was awarded the Prix Goncourt for La condition humaine in 1933, Malraux said that he had written it « pour soutenir la lutte des communistes chinois [qui avaient] toute sa sympathie ». Malraux had absorbed Oriental culture due to his many trips to the Far East, and he does indeed use this work to make an indictment of the bourgeois society which had humiliated him in Indochina. La Condition humaine clearly indicates the author's convictions. It also presents Oriental culture, which he must have got to know better thanks to the world trip he made in 1931 as a representative of the Gallimard publishing house. It was during this trip that he discovered China, especially Shanghai, and Japan, where the story is set. In La Condition humaine, Malraux focuses on an episode of the Chinese revolution, the 1927 uprising in Shanghai which was organized by the communists and repressed by the nationalist General Tchang-Kai-Shek. He called his book a report, but it is in fact largely a work of fiction. Newspaper cuttings, and pieces of information taken from his friend Georges Manue, a reporter who had covered the communist militant uprising in China, form the basis of a storyline which goes far beyond the scope of a chronicle. Malraux's objectives in La Condition humaine are the following: to reflect the tribulations of a developing world, to shape people who express the aspirations of a tormented time and to depict man's combat with Destiny. Indeed, in the title itself La Condition humaine makes reference to Pascal and to metaphysics. Malraux rejects pleasant picturesque images, because he aims to put the emphasis on the relationship between the individual and collective action, and he portrays in his novel the conflict between man and fatality. The author plunges us straight away into the midst of revolutionary violence, by relating the terrorist action carried out by Tchen at the beginning of the novel. The presentation of the environment is reduced to its simplest description, the protagonist's field of vision. Thus we as readers discover with Tchen, who is about to murder his victim, the city lights in the shadows, but the novelist does not dwell on the description of the city. Like Tchen's, our eyes focus on the mosquito net covering the sleeping man whose life is to be sacrificed to the revolution. The Asian city is not really described afterwards. In the sketchy description Malraux makes of it a few pages later, the writer's talent lies in the ability to indicate that the uprising is imminent. Taking care to avoid writing a long-winded novel, Malraux eliminates superfluous description. The atmosphere of Shanghai is essentially conveyed through the consciousness of Kyo, the main organizer of the uprising against the 'governmentals', who are supported by the West: « Les concessions, les quartiers riches, avec leurs grilles lavees par la pluie a rextremite des rues, n'existaient plus que comme des menaces, des barrieres, de longs murs de prison sans fenêtres: ces quartiers atroces, au contraire - ceux ou les troupes de choc etaient les plus nombreuses - palpitaient du fremissement d'une multitude a l'affût. » The scene at Han-Keou, a former communist stronghold, is presented at the beginning of the third part in a similar way, through Kyo's critical perspective. It has become a ghost town, and the port now houses only torpedo boats and junk. In this 'chronicle' of the Chinese revolution, the working class in fact only has an insignificant role. Malraux only gives limited attention to the plight of the exploited Chinese. Moreover, he sheds little light on the motives of the Shangai workers. The revolution he shows us is largely the action of intellectuals, from various walks of life, whom he apprehends for their ideology more than their social background. He avoids writing a report on China, and instead makes his novel the arena for a political and metaphysical debate. This debate was unavoidable for a Westerner between the wars, but because he was fascinated by the Far East, his account has a strong Oriental colouring. Malraux depicts the triumphant revolt organized by the militant communists in Shanghai, and instigated by Chou-En-Lai, in order to beat the nationalist General Tchang-Kai-Shek. This historical figure is represented by Kyo Gisors in the novel, but the latter is very different from the real-life politician, and is not a literary transposition of him. As the son of a Frenchman and an Asian woman, Kyo represents the fusion of two cultures. His son is influenced by Western civilization, and suffers from a kind of existential solitude. He is aware of his own vulnerability in the face of destiny, and feels that the revolution gives meaning to his life. From his Japanese upbringing Kyo has retained enthusiasm for action, which is also a Western trait, and he is shown to be a practical man who aims for efficiency. His commitment to the Chinese working class, far from being merely intellectual, is concrete and is shown to be indissociable from his altruism. Influenced by Japan, where he spent his youth, Kyo believes that it is important to act on ideas, and therefore he deliberately risks his life. Just as Mao-Zedong will do later, he concerns himself with China's national interests. In his strategy for the cause of rural populations, he expresses the individual character of the Chinese revolutionary movement. He is opposed to Vologuine, a Komintern bureaucrat and supporter of Stalin's theory which states that it is necessary to first establish the basis of communism in the USSR before extending it to other countries, especially China. Kyo represents the individual initiative which Chou-En-Lai embodied in real life. Through these two characters, Malraux raises the question of the conflict between Marxist orthodoxy and Trotskyist ideology, but he gives it an Asian dimension by emphasizing the close relationship between Kyo's ideas and those of Ho-Chi-Minh or Mao Zedong. The Shanghai revolutionaries like Kyo and Tchen are against the cold Vologuine, who wishes to maintain the alliance with Tchang-Kai-Shek's conservative forces. Refusing to make any compromises with the nationalist general, they intend to continue the revolution. In the Komintern directives ordering the halt of the farmers' action, Kuo sees a betrayal of the Chinese revolutionary movement, and he would like Vologuine to acknowledge the particular nature of the Chinese revolution. By planning the farmers' action and organizing a march from town to town, Kyo expresses ideas which are similar to those of Ho-Chi-Minh, which Malraux must have been aware of, being the chief editor of L'lndochine in Pnom-Penh. The character of Ferral is a big businessman inspired by the brother of the diplomat Philippe Berthelot, who was the director of the Franco-Chinese bank in the Twenties. He clearly understands the danger that the Chinese rural movement represents for the current banking system. Hence, he fully commits himself in favour of Tchang-Kai-Shek, against the communists, by contributing to his break from them and to his alliance with Shanghai's bourgeois business people. Ferral is, of course, condemned to failure at the end of the novel, because he represents imperialism as opposed to the movement for the liberation of the working classes. However, through Kyo and Tchen, Malraux also denounces the policy of co-operation with the Kuomintang imposed on the communist party by Stalin, because it refuses to take into account China's individual economic and social characteristics. Malraux puts the emphasis on the problems inevitably caused by cooperation with the communist Internationale which, refusing to go along with Chinese socialism, intends to maintain a policy of cooperation with the bourgeoisie. In this way, he goes beyond the specific debate on the internal ideology of the revolutionary community. He presents a new perspective based on his personal experience of the Far East. The Internationale's release of Shanghai revolutionaries, who decide to maintain their campaign in spite of everything, results in the repression of which Kyo and his friends are victims. By highlighting this abandonment and dwelling on the cruel fate which befalls these Chinese revolutionaries all at once, Malraux reveals his support for Trotskyist doctrine, and underlines the specific conditions of the Chinese revolution. Kyo's tragic death gives the author of La Condition humaine the opportunity to praise commitment which gives man the feeling of participating in the evolution of humanity. Through this death, Malraux also extols the unusual strength of character that he had probably observed among the Asian people and which he had also seen in his father, who commited suicide just before Malraux wrote La Condition humaine. Stoically, Kyo kills himself in order to escape torture and takes the poison 'comme s'il eût commandé. Kyo's fierce determination can also be found in the character of Tchen, who is inspired by Hin. He was an Annamese who had also worked for L'Indochine, and Malraux was well aware of his violence. In addition, both Tchen and Kyo have a mixture of Western and Oriental influences. Although Tchen is Chinese, he is initially influenced by a Lutheran pastor, and has been taught to detach himself from the world 'au lieu de se soumettre a lui' as the Orientals do. Dominated by his ideas, he shows extreme individualism which also links him to the Western mentality. He is much more of an ally of the Shanghai revolutionaries than a real fighter for revolution. He finds that action is a way of relieving the metaphysical anxiety that his first tutor has passed on to him. For this kind of Nietzschean hero, the suicide bombing attack carried out against General Tchang-Kai-Shek is a moment of supreme joy, because Tchen believes that it enables him to regain the unity of his divided persona and gain total control of himself. Indeed, in death, he hopes to overcome his loneliness and find total peace. At the supreme moment, Tchen communes with his death; in this way, he converges with Kama, a painter, for whom communion with death also seems to be a way of giving meaning to his life. At this point Tchen, who illustrates the mysticism of terrorism as killing has become a source of fascination for him, approaches Oriental mysticism. This seems to have fascinated Malraux just as much as revolutionary conviction, as can be seen by Gisors's development at the end of the novel. Gisors is a French philosopher who teaches Marxism. He has elements of Andre Gide as well as Bernard Groethuysen, a half-German, half-Dutch Marxist thinker who worked for the N.R.F. Gisors has a strong influence on his followers, be they his own son, Tchen of whom he was the second tutor, or Pei. The young Pei shows unshakeable faith in the heroic action of the Shanghai revolutionaries, and he writes a letter to May at the end of the novel, quoting Gisors's lyrical words from the past. However, unlike the terrorist in Tchen's group, Gisors has lost this great optimism, since the death of his son Kyo. He who used to interpret the world according to the laws of Marxist philosophy, breaks away from this doctrine and goes back to his first job, teaching Western art. Deeply shaken by his death, Gisors refuses to follow Kyo's lady friend to the USSR, and to take up the post to which he has been appointed, as she urges him to do when she visits him at the painter Kama's home, in Japan. A complete change takes place in the mind of this man who, having lived an Oriental lifestyle for a long time, now tends towards traditional Chinese wisdom. Gisors is a heavy opium smoker, and has always found it to be a form of escapism which allows him to free himself from the absurd and unbearable human condition. For him, opium has the same function as the woman in the Western world. It gives him an artificial but effective sensation of calm, and an form of peacefulness which, although short-lived, is nonetheless deep, since for the opium addict in a drug-induced illusion, death itself is glorified. In front of his dead son's body, Gisors suddenly realizes how much Kyo admired him. Although at this point he refuses to take refuge in the safety that the drug affords him, he does go back to it some time later in Kobe, convinced that it is better to think with opium than with the mind. Gisors also finds the peace he longs for in art. He is a great connoisseur of Chinese art, and unusually perceptive to Oriental paintings. He also looks to music for solace. By taking refuge in music, which allows communion with death, Gisors agrees with Kama's theory that communion with death gives meaning to life. Far from aiming for action, now he longs only to live in harmony with the universe, in accordance with traditional Chinese culture. Indifferent to the transformation of the world, Gisors says that he is in some way 'delivré de la mort et de la vie' and all he wants now is to live in harmony with the rhythm of the universe. Joining Chinese humanism, which Malraux mentions in La tentation de l'Occident, Gisors now believes that it is not necessary to act in order to exist; the former Marxist philosopher now thinks only of surrendering himself to the forces of the universe, and offers his compatriots an ideal of contemplation. Whereas May finds a reason to live in the fight that she now plans to carry out in the USSR within rebel groups, the elderly Gisors finds stability in communion with nature. Gazing through Kama's window at the port of Kobe, in 'l'éblouissement du printemps japonais', he in a sense blends in with the universe, and is thus able to transcend the human condition. Gisors is the opposite of May, who is indifferent to the beauty of the world. Of her environment, she sees only people's activity and thinks of its transformation. Gisors, however, takes the path of traditional Chinese humanism. In 1933 Malraux was strongly influenced by Bernard Groethuysen, and went back to the Marxist theory of the transformation of society. However, he is fascinated by the Far East which he had discovered during his successive trips, and in La condition humaine contrasts this theory with a conception of man and of the universe taken from ancient Chinese wisdom. He depicts individual human fortunes which are an integral part of the convulsions of history. The characters working for the transformation of Chinese society, which he shows us in this work, are mostly apostles of a religion based on a blind belief in work, in which God has no place. At this point Malraux shows himself to be unequivocally anti-colonial. In La Condition humaine he reveals his leftism, which indicates a Trotskyist tendency allowing for the characteristics of the Chinese revolutionary movement, particulary concerning land ownership. However, using China's historical situation in 1927 Malraux expresses the tragedy of the human condition. He develops a theory about man versus destiny which reveals the indecision of a system of thought which is attracted by both Marxist philosophy and Oriental mysticism. In the Western conception of man put forward by Pei at the end of the novel, man is deified, in accordance with Marxist theory, being the basis for the control of the universe. The Oriental philosophy that Gisors believes in after Kyo's death, however, attaches little importance to man per se. By dispersing human consciousness in the Great Whole of the universe, Chinese mysticism allows Gisors to reach the calm and serenity he longs for. Torn between the Western philosophy of success achieved through action on one hand, and the Oriental perspective which surrenders man to the will of the universe on the other, Malraux seeks direction. May's thoughts expressed at the end of the novel betray a certain departure from official Marxist theory. Malraux's Marxism is tainted with anxiety because he remains haunted by death which destroys everything in its path. This can be seen by the attitude that Malraux ascribes to Gisors, who is attracted to the comfort offered by Oriental wisdom. The author of La Condition humaine is curious about the Other. In the last pages of the novel, he puts in literary form some elements of traditional Chinese philosophy, having already drawn the reader's atttention to it in 1926 through the letters exchanged by Ling and A.D. 2001 Christian Morzewski : En ce qui concerne les personnages historiques, et à la différence très remarqualbe là aussi des Conquérants dont le texte est saturé de patronymes politiques et miliaries chinois plus ou moins illustres, Malraux se révèle particulièrement parcimonieux dans La condition humaine. Tchang Kaï-chek, dont la menace est omniprésent, n'apparaît explicitement nommé qu'en quelques occasions dans le roman ; d'autres « seigneurs de la guerre » n'ont droit quant à eux qu'à une seule nomination, comme Tchang Tso-lin, chef militaire du Nord, ou Feng Yu-shiang, autre 'toukioun'. Et Sun Yat-sen lui-même n'est qu'un 'hapax' tardif dans ce roman où Malraux ne force décidément pas plus la couleur historique que l'exotisme anthroponymique chinois. La même édulcoration va se retrouver dans les toponymes chinois, quxquels le romancier sacrifie le moins possible semble-t-il. En dehors de Shanghaï, la ville de Han-k'eou, berceau de l'insurrection communiste, sera la seule à être régulièrement citée ; Canton, Tient-sin, Chant'eou ou Pékin n'aparaissent qu'une fois, tout comme Hong Kong ou Nankin, pour ne citer que les villes les plus importantes. Le fleuve Yang-tseu n'est qu'une fois nommé, malgré son importance symbolique dans les méditations des personnages et dans le « climat » du roman. Une seule allusion enfin à une province du centre de la Chine, le Hou-pei. Les seules facilités que Malraux s'accorde avec l'exotisme linguistique de ses personnages, les rendant ainsi encore plus chinois à des oreilles françaises. On ajoutera seulement que ces particularités linguistiques ou phonétiques, si elles contribuent assez efficacement à cet effet de « chinoiserie », relèvent aussi chez Malraux d'une concetpion plus intéressante de l'idiolexie, liée à sa poétique des personnages. Dans son évocation du cadre de l'action, des personnages et des « moeurs et coutumes » chinoises, il va arriver aussi à Malraux de sacrifier ici ou là à queulques chromos – concessions du romancier au « folklore » imposé par l'horizon d'attente du lecteur français, en droit d'espérer qu'un roman censé de passer dans un pays aussi étranger pour lui que la Chine lui apporte la dose convenue d'exotisme. Le décor fournit quelques inévitables cartes postales, spectacles des rues grouillantes de Dhanghaï ou intimité d'un intérieur chinois « plus vrai que vrai » décrits par Malraux sans grande originalité. Ainsi de la foule de Shanghaï qui se prépare à l'exode juste avant le déclenchement de la grève générale. Si l'on s'intéresse aux personnages de Chinois présents dans La condition humaine, on sera contraint de constater là aussi la pauvreté et le caractère ultra-conventionnel de leur représentation. Du petit peuple de la rue évoqué dans ses mille occupations, Malraux ne nous restitue que des inventaires très faiblement descriptifs. Portraitiste très conventionnel, Malraux ne manifeste pas vraiment plus d'originalité en qualité d'éthologue, et sacrifie trop volontiers là aussi aux clichés occidentaux sur les « moeurs et coutumes » chinoises. A défaut d'une connaissance directe et approfondie de la Chine, il faut rappeler que Malraux était depuis longtemps en relation de familiarité intime et de fascination profonde avec l'Asie. La Chine de La condition humaine est largement allégorique et une analogie très éclairante, Shanghaï n'y jouera pas un rôle plus important que Saint-Pétersbourg dans Crime et châtiment. D'où cette impression curieuse, pour le lecteur français, d'une Chine à la fois très proche, très semblable, très familière – et en même temps très lointaine, très différente, très étrangères (bien que conforme aux représentations stéréotypées et fantasmatiques qui forment et saturent l'imaginaire occidental sur la Chine et les Chinois. La Condition humaine a peu à faire d'une reconstitution réaliste de la Chine de 1927. Les quelques images fortes que le jeune Malraux avait glanées lors de ses deux passages en Chine lui suffisaient largement, avec quelques souvenirs de lectures : Loti, Segalen, Claudel, et au besoin de renfort de différents matériaux importés d'Indochine. 2001 Liu Chengfu : Malraux nous a montré tous le processus d'une autre insurrection que dans Les conquérants, celle des ouvriers de Shanghaï : les communistes ont mobilisé une grève générale, en profitant de la situation favorable à l'Armée d'Expédition du Nord. Mais celle-ci n'a pas pu s'emparer immédiatement de la ville, et Jiang Jieshi s'allie avec de grands capitalistes et des impérialistes européens. Il veut obliger les groupes de combat communistes à livrer leurs armes, mais ceux-ci, surtout le noyau directeur du Parti, mènent courageusement une lutte acharnée contre la politique de réconciliation de la troisième Internationale. Leur résistence est cruellement réprimée par Jiang Jieshi. Dans la deuxième partie du roman, l'auteur nous a montré de manière très réussie la scène extrêmement touchante de la mort héroïque des communistes et des insurgés dans ce mouvement révolutionnaire. La révolution chinoise qu'il a décrite, ou le cadre de la Chine qu'il a emprunté, neu peuvent pas être considérés, à nos yeux, comme le but principal ou final de sa création littéraire. Nous pouvons bien sentir l'atmosphère de l'époque. D'un côté, dans les années vingt, tout est noir en Chine, mais beaucoup d'intellectuels chinois se lèvent, cherchent à réveiller le « lion » dormant depuis cent ans. Avec une volonté ferme et opiniâtre, ils organisent des mouvements révolutionnaires de grande envergure qui bouleversent le monde entier. Les années vingt constitutent une page-clé de l'histoire de la Chine. D'un autre côté, à travers sa description de tous les personnages de différentes nationalités, nous pouvons percevoir aussi l'humanité : la Chine est plutôt le présage de l'Europe. Les valeurs humaines manifestées chez ces héros sont étroitement liées aux valeurs européennes d'alors, et dans une perspective plus large, elles sont transculturelles ou universelles. Pour chercher la dignité de l'homme et la valeur de l'homme, ces héros livrent un défi violent à leur destin, à travers leurs activité conscientes et à travers leurs actes héroïques dans une collectivité très unie. C'est avec une sorte d'héroïsme et d'audace qu'ils engagent leur vie. Ils représentent en quelque sorte la sagesse, la volonté, le refus et l'opposition à l'arrangement du destin et à la mort absurde. Sous la plume de Malraux, l'existence de l'homme s'est transformée en recherche de l'origine et du sens de la vie. Pour lui, la Chine est un décor, un cadre ou une référence pour sa création. La révolution chinoise a provoqué voire approfondi les réflexions philosophiques sur la vie. A ses yeux, la révolution chinoise est un mythe, elle permet à ceux qui refusent l'arrangement du destin de créer sans grande difficulté la meilleure atmosphère de communication, de propager ou de chanter une sorte de volonté ferme, persistante et active, ce qui n'est issu que d'une vie très malheureuse et d'une réalité horrible. Face à ce qui est incompréhensible, Garine trouve tout absurde, surtout quand il est gravement malade, il sent que l'absurdité a retrouvé ses droits. Aux yeux de Gisors, puisque Dieu est mort, et que le superpuissant Dieu qui décide du sort de l'humanité n'existe plus, comment va-t-on traiter l'âme de l'homme ? Le monde est absurde. C'est pourquoi, il cherche toujours par la violence à chasser la tristesse, la solitude et la mélancolie qui l'obsèdent terriblement durant toute sa vie. On dit souvent que Malraux a beaucoup été influencé par la pensée pessimiste de Pascal, de Nietzsche, ou de Schopenhauer, mais en réalité, il a accepté en même temps l'humanisme traditionnel. Malraux a bien lié la vie à la mort, le destin à la révolte, ainsi que la dignité de l'homme à l'humiliation de l'homme. C'est en prenant l'homme pour le centre ou le noyau de ses réflextions qu'il a fondé sa philosophie de vie dans ses deux romans. Aux yeux de Malraux, le destin de l'homme est cruel, absurde et tragique, mais absolument pas invincible. Dans les années vingt, la révolution chinoise manifeste exactement la philosophie que Malraux voulait exploiter d'une manière très approfondie : donner de la lumière et de l'espoire à ceux qui vivent désespérés en Europe. La révolution chinoise est devenue un instrument pour atteindre son but artistique, qui est de chercher à faire connaître à tous les hommes de bonne volonté le sublime de sa propre activité. Il espère, par sa création littéraire, changer la tragique condition humaine et le destin malheureux de l'homme. Pour Malraux, l'histoire cherche à transformer le destin en conscience alors que l'art permet en effet de transformer le destin en liberté ; la révolution n'est pas le but de la vie, mais un moyen pour se débarrasser de l'absurdité surtout de la mort. 2005 Che, Jinshan. La condition humaine : quel intérêt particulier pour un lecteur chinois ? Dans la lecture de La condition humaine, ce qui attire d'abord l'attention du lecteur chinois, c'est l'aspect chronologique du roman : l'histoire est composée de courtes séquences non seulement datées, mais aussi marquées d'une heure précise, et le roman s'apparente ainsi à une sorte de reportage minutieusement rédigé. Cela produi un efficace effet de réel. Le drame se joue en quelques jours, l'action y gagne en densité et en intensité. Le style d'écriture du roman, avec les référents chinois semés ça et là dans la fiction, invite quand même, naturellement, immanquablement et presque légitimement, un lecteur chinois à prendre le jeu au sérieux, en essayant de reconstruire les événements et les sentiments vécus ou connus. D'autant plus que cette forme romanesque lui est assez familière, car elle s'accorde parfaitement avec la longue et riche tradition chinoise de la chronique, officiellement établi dans toutes les anciennes dynasties, qui a abouti finalement à un résultat monumental qu'on appelle 'Les 25 histoires', y compirs celle de la dynastie des Qing. De plus, le roman chinois, sous sa forme développée, provient précisément de ce genre de la chronique, à la différence du roman occidental qui trouve son origine plutôt dans l'épopée : s'est ainsi fondée dans la littérature chinoise une importante tradition romanesque nommée Shizhuan, soit une tradition d'histoire et de biographie. Elle est à la fois une conception du roman, une norme esthétique et une valeur idéologique. Mais elle exige avant tout, avec une nostalgie de sa naissance, une reconstruction de la vérité historique. Un lecteur chinois, consciemment ou inconsciemment formé dans cette culture, lors de sa lecture d'un roman ayant pour thème la révolution chinoise, ne peut éviter de référer les événements narratifs à l'Histoire, avec 'sa grande hache', et de prononcer un jugement de valeur principalement en fonction d'une fidélité présupposée. En Chine, on peut saisir et comprendre la dimension métaphysique qui se trouve à l'intérieur de La condition humaine, mais devant une exigence plus primordiale et plus urgente de la tradition romanesque chinoise, la réflexion sur le destin de l'homme, où l'on voit souvent en Chine une sorte d'existentialisme sartrien avant la lettre, est négligeable et négligée. A cause de cela, le roman traduit en chinois n'a eu aucun succèes et le nom de l'auteur n'a jamais atteint le grand public chinois. 2005 Loehr, Joël. La Chine ou la révélation du signe. Le roman de La condition humaine est orienté par la question qui se pose à Tchen au point de départ : « Que faire d'une âme s'il n'y a ni Dieu ni Christ ? » Cette question relance en fait un débat inquiet que Malraux avait d'abord exposé dans La tentation de l'Occident, où se signait la fin d'un théotropisme du sens. Il en expose les termes dans la formule d'un échange épistolaire. La valeur et la fonction du signe est reprise à l'épicentre de La condition humaine, dans la formule d'un échange dialogué. Il exige la médiation d'un interprète (Gisors), et se produit non plus autour d'un masque antique, mais au milieu de lavis épars. Deux personnages y sont confrontés. On a d'un côté un Polichinelle occidental et borgne : Clappique porte sur son oeil droit 'un carré de soie noire'. De l'autre, c'est Kama, un artiste japonais, qui déclare que, sans l'antenne sensible de son pinceau, il serait parfaitement aveugle. A travers ces deux personnages, Malraux oppose précisément deux points de vue. En Occident, l'oeuvre d'art serait un reflet quasi narcissique de l'identité de l'artiste. En Orient, en effet, la création artistique établit une relation fusionnelle entre l'homme et le monde, une communion par laquelle s'approfondit l'approche de son énigme. Selon Kama : « Le monde st comme les caractères de notre écriture. Ce que le signe est à la fleur, la fleur elle-même, cell-ci l'est à quelque chose. Tout est signe. Aller du signe à la chose signifiée, c'est approfondir le monde, c'est aller vers Dieu. » On a là une occurrence du mot 'Dieu' qui donne à entendre cette sentence d'ascète oriental comme une réponse différée à la question angoissée posée à Tchen, et qui est en réalité celle de tout l'Occident déchristianisé. Mais c'est une réponse que Tchen ne peut entendre. L'échange avec Kama est implanté au centre d'une partie qui s'ouvre avec le terroriste, mis en marche vers son destin, et se referme sur une séquence où cette marche s'accélère en un course suicidaire. Dans sa traversée nocturne de Shanghai, Tchen suit pour sa part la voie d'une mystique sacrificielle, où il pense trouver la réponse à la question initiale. L'attentat terroriste par lequel il accomplit sa vocation débouche cependant non sur une épiphanie, mais sur le vide du non-sens. 2005 Moraud, Yves. La Chine dans La condition humaine : une esthétique du mystère. De ce mystère, Malraux a fait une catégorie non moins esthétique que métaphysique, dont sa conception du roman et sa conception de l'homme sont profondément révélatrices, comme en témoigne la fréquence de mots tels que 'secret', 'inconnaissable', 'inconnu', 'insaisissable', 'enigme', 'mystérieux', 'infini', 'silence', 'nuit', 'brume' etc. Qui nous conduisent à penser que Malraux n'écrit qu'aux abords de cette zone mystérieuse dans l'homme et dans ses rapports avec le monde où le dire n'est jamais que défi à l'indicible qui est langue silencieuse du sacré. Mais ce mystère qui tient aux paysages, aux personnages, à la nature du discours romanesque, et plus largement à ce que Malraux appelle 'l'optique du roman' fait de La condition humaine, comme roman, non seulement 'une dépendance de la poésie', mais aussi l'expression de l'exotisme au sens où l'entendait Victor Segalen. A parcourir toute son oeuvre, nous constations que le mystère qui l'obsède et qu'il ne cesse d'interroger, comme s'il voulait élargir l'espace propre de la réflexion à l'infini de l'indicible et de l'impensé, le mystère donc, André Malraux, tout au long de sa vie le voit sous diverses occurrences surgir partout : au coeur de la civilisation occidentale en crise, 'première civilisation consciente d'ignorer, dit-il, la signification de l'homme', et qui ne connaît pas sa raison d'être, bref une civilisation inquiète où le sens s'est perdu ; au coeur de l'homme dont les fondements métaphysiques et religieux se sont effondrés et qui se demande, à l'instar de Tchen 'que faire dûne âme, s'il n'y a ni Dieu ni Christ'. Malraux, fasciné par la peinture et défenseur de l'esthétique cubiste, fait de l'univers de ses romans un univers plastique où les sons et les lumières ont une valeur dramatique, psychologique, symbolique, et contribuent à transformer la réalité. Dans La condition humaine, le décor sonore et les éclairages sont sans doute moins accordées à la Chine révolutionnaire, même si elle en a été l'incomparable occasion, qu'à une voix dont Malraux est obsédé comme poète. Sans doute cette atmosphère nocturne qu'il a inventée et dans laquelle il plonge Shanghai, cette atmosphère mystérieuse est bien celle de la vie souterraine de ces hommes à l'afflût, pris entre l'angoisse et l'espoir, qui se préparent d'abord à combattre pour l'insurrection, puis un peu plus tard à disparaître, vaincus, traqués, assassinés ou exécutés par les troupes de Tchang Kaï-chek. Chine ancienne et traditionnelle dont le confucianisme et le taoïsme ont sculpté l'image du bonheur en supprimant l'individualisme et en inscrivant les Chinois dans des rythmes fondamentaux et universels d'un côté, Chine nouvelle fascinée par les valeurs européennes de l'autre côté. C'est peut-être moins aux contenus respectifs de ces cultures contradictoires que Malraux est sensible qu'à ce vide identitaire d'une Chine où « rien de ce qui fut détruit n'a été remplacé ». Si, dans La condition humaine, le mystère, comme on l'a suggéré, est au fond moins une caractéristique du paysage urbain, nocturne et silencieux, de la Chine, que le paysage lui-même, qui se trouve ainsi placé sous le signe de l'indéterminé et de l'insaisissable d'une mise à l'épreuve de la raison, d'une interrogation inquiète de l'être sur lui-même. A l'instar des grandes oeuvres de son Musée imaginaire, La condition humaine confirme que, pour Malraux, le salut de l'homme, s'il dépend du combat au'il mène contre l'histoire au nom de sa dignité et de son sens de la fraternité, rpose davantage encore sur le mystère de la création poétique en laquelle il voit un exorcisme hallucinatoire du réel et de la mort. Zhang, Yinde. La tentation de Shanghai : espace malrucien et hétérotopie chinoise. La topographie de Shanghai, dans La condition humaine, revêt un caractère imprécis et fragmentaire, que l'on attribue souvent à la volonté de l'auteur de gommer les marques d'un exotisme xomplaisant et de la concevoir selon son projet pascalien, révélateur de la condition universelle de l'homme. Le renoncement au plan d'ensemble chez Malraux se traduit d'abord par l'imprécision topographique, attestée par l'absence d'esquisses en marge de ses manuscrits. Elle est confirmée par les rues sans nom excepté l'avenue de Nankin et celle des Deux-Républiques et par un balisage inexistant dans les itinéraires de personnages hormis celui de Ferral et de Kyo, qui par l'avenue des Deux-Républiques, quittent la Concession pour entrer dans la cité chinoise, où la première rue est celle des marchands d'animaux. Cette parcimonie est compensée plus ou moins par des notations toponymiques sur des lieux concrets, que l'on découvre cependant de loin. La Condition humaine se construit sur une structure « alvéolaire » de la géographie shanghaienne : cité cosmopolite par son histoire et par l'imaginaire collectif, Shanghai se divise en une ville chinoise et en concessions internationales et française. La juxtaposition référentielle de ces deux domaines chinois et extraterritorial, sources de confrontations politiques, économiques et culturelles reçoit sa transfiguration textuelle pour devenir « le lieu géométrique d'un système binaire d'oppositions symboliques ». L'antagonisme, au niveau narratif, entre l'Europe du Consortium symbolisée par Ferrai et celle de la décadence incarnée par Clappique d'une part, et l'Asie des révolutionnaires et celle de la multitude chinoise aliénée, d'autre part, s'appuie sur une configuration spatiale dichotomique, nettement dessinée par la démarcation géographique et sociale. L'opposition des deux mondes est clairement signalée par une frontière matérialisée par cette avenue des Deux-Républiques. Sans qu'il s'agisse d'étanchéité, le passage ville chinoise-concession ne fait que souligner davantage les obstacles, dressés avec les barrières, grilles et barbelés, qui portent les stigmates concrets de la division. Ces dispositifs de protection, dont témoignent Tchen après l'assassinat, Kyo dans ses activités clandestines ou encore Ferrai, se répercutent dans les espaces de socialité. « Les concessions, les quartiers riches, avec leurs grilles lavées par la pluie à l'extrémité des rues, n'existaient plus que comme des menaces, des barrières, de longs murs de prison sans fenêtres : ces quartiers atroces, au contraire ... palpitaient du frémissement d'une multitude à l'affût. » La perception et l'analyse antinomique de Kyo, qui justifie son action militante, renvoient à ces deux réalités en effet diamétralement opposées. Les intérêts économiques des Occidentaux se cachent, dans les concessions, dans ces résidences patriciennes dont l'intérieur, épuré et stylisé, s'organise autour d'oeuvres d'art, comme chez Ferrai. Ils s'exhibent surtout dans les lieux publics fréquentés par les Européens, tel le Black Cat, éclairé à deux heures du matin par 1' « enseigne lumineuse », où le «jazz était à bout de nerfs », où la musique maintenait les invités dans une « ivresse sauvage ». Le cercle français offre à Ferrai un havre où il vient se dégriser des nuits erotiques et cauchemardesques, pour, dans une conversation éveillée, « rétablir des rapports avec un être » ou pour collecter au bar les « rumeurs de la journée ». Au casino, le jardin dégage le « parfum amer » des « buis et des fusains mouillés » qui rappelle l'Europe ; au grand salon « dans une brume de tabac où brillaient confusément les rocailles du mur, des taches alternées - noir des smokings, blanc des épaules - se penchaient sur la table verte. » Les concessions n'abritent pas seulement cette exterritorialité luxurieuse et étrange. Elles dressent en leur sein des barrières sociales entre les financiers et les « petits Européens » comme Hemmelrich. Les magasins chinois, avec leurs arrière-boutiques encombrées et obscures, lieux de complot et de préparation de l'insurrection, se rapprochent déjà de l'atmosphère de la ville chinoise. La représentation de la cité chinoise, comme les concessions, emprunte sans doute au reportage d'André Viollis sur la bataille sino-japonaise de 1932, en dégageant des notes conformes aux chromos de l'époque : l'immense et bourdonnante cité chinoise étale ses hôtels et ses parfums capiteux, ses trottoirs luisants et ses boîtes de nuit, mais aussi son fleuve et ses coolies vêtus de toile bleue, Arsenal et filature, pousses, marchands à balance, bars et bordels. Rien d'exceptionnel quand on voit Clappique parcourir « une rue de petits bars, bordels minuscules aux enseignes rédigées dans les langues de toutes les nations maritimes », dans cette ville portuaire de marins et de prostituées. Malraux remotive pourtant le lieu en le transformant en topos révolutionnaire. Au balcon de son hôtel, Tchen observe cette ville en bas où sommeillent « des millions de vies ». Si « les lumières de minuit reflétées à travers une brume jaune par le macadam mouillé » lui renvoient une ville des opprimés, artisans « imbéciles » de leur propre aliénation, en revanche, Kyo et Katow voient dans ces lieux un « bon quartier » pour préparer des insurrections. Ils observent le même prolétariat besogneux : « un demi-million d'hommes : ceux des filatures, ceux qui travaillent seize heures par jour depuis l'enfance, le peuple de l'ulcère, de la scoliose, de la famine ». Ils perçoivent aussi les mêmes lumières « misérables allumées au fond de l'impasse et de ruelles ». Mais un orage à tout moment peut éclater pour percer ces « nuages très bas lourdement massés » au-dessus de ce sommeil apparent : « Les verres qui protégeaient les ampoules se brouillèrent et, en quelques minutes, la grande pluie de Chine, furieuse, précipitée, prit possession de la ville. » La ville de Shanghai se confine ainsi chez Malraux dans l'image matricielle du cachot, de la prison, qui hante toutes les représentations spatiales du texte, intérieures et extérieures. Les barreaux de fenêtre de la chambre d'hôtel, les maison chinoises sans fenêtre, la succession des champs clos de la ville s'associent à la métaphore obsédante de la cage pour dessiner une géographie carcérale générale. Si la ville de Shanghai est enveloppée des ténèbres de la solitude et de l'angoisse devant la mort, elle porte aussi une lumière révélatrice qui la transfigure en un lieu initiatique conduisant à l'Absolu. La célébration malrucienne de cette ville contraste avec sa condamnation, par les romancier chinois qui, révoltés contre les tares de la société, en font un lieu diabolique et apocalyptique. |
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6 | 1934 | Etiemble apprend à Dai Wanshu qu'André Malraux, en collaboration avec Paul Vaillant-Couturier, s'active pour mettre sur pied l'Association Amis du peuple chinois et qu'un comité déjà réuni envisage d'envoyer en Chine, une mission, sous l'égide du Komintern, afin d'enquêter sur les excès perpétrés par le Guomindang. | |
7 | 1934 |
Brief von André Malraux an Gaétan Picon über La condition humaine. « Le cadre n'est naturellement pas fondamental. L'essentiel est évidemment ce que vous appelez l'élément pascalien. Mais ce cadre n'est pas non plus occidental. Je crois qu'il y a dans une époque donné assez peu de lieux où la condition d'un héroïsme possible se trouvent réunies. » |
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8 | 1938 |
Malraux, André. De la représentation en Occident et en Extrême-Orient. In : Verve ; no 3 (1938). Er schreibt : « Jusqu'à la fin du XIXème siècle, l'art occidental ignore à peu près la durée. Alors que la signification de l'art de l'Extrême-Orient, c'est la soumission de l'univers à la coulée des heures. Au sens où l'art gothique fait entrer toutes choses dans le drame chrétien, l'art de l'Extrême-Orient fait tout entrer dans l'instant. » |
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9 | 1947-1950 |
Malraux, André. Psychologie de l'art [ID D23479]. Arrouye, Jean. André Malraux intercesseur de l'art chinois. L'importance qu'André Malraux accorde à l'art chinois se mesure à la place qu'il lui fait dans Le musée imaginaire de la sculpture mondiale [ID D23479]. Dans le premier tome se trouvent reproduites trois oeuvres dans une section intitulée 'La Chine archaïque', toutes de la dynastie Chang-Yin, entre le XIVe et le XIe siècle av. J-C, puis vingt-neuf oeuvres, dans la section 'Chine', classées dans l'ordre chronologique, allant du Ve-VIe siècle au XIVe-XVIe ; mais l'avant-dernière oeuvres présentée est du Xe-XIIIe Siècle, ce qui montre que ce choix est clairsemé. Le style nerveux et lyrique de Malraux, émaillé de formules vigoureuses et éclatantes, rend parfaitement clair cet exposé convaincu qui se veut convaincant, et qui l'est tant, en fait, que l'on n'ose s'éloigner de ce que dit Malraux, de sorte que ce bref rappel de sa pensée prendra par moments l'apparence d'un montagne de ses dires. A l'entreprise de réconfort moral et de restauration métaphysique de l'homme qu'est le Musée imaginaire de la sculpture mondiale toutes les civilisations étaient appelées à contribuer et la participation de la Chine est sans doute une des plus cohérentes et des plus démonstratives de la métamorphose des dieux. Dans le tome II intitulé 'Des bas-reliefs aux grottes sacrées' Malraux rappelle en une formulation très simple, la nature de son projet : « J'ai tenté de rassembler les formes les plus agissantes de la création artistique : témoins d'une aventure de l'âme et de l'esprit qui en Egypte, en Grèce, en Chine et dans la chrétienté accompagnent les témoins de l'histoire. » L'on voit que la Chine occupe une place importante dans la pensée de Malraux puisque seule à être mentionnée avec l'Egypte et la Grèce qui le sont en tant que sources de la culture occidentale, c'est-à-dire ici de la 'chrétienté'. C'est sans doute que Malraux la consière comme l'une des plus riches cultures du monde. De fait, sur trois cent quatre reproductions d'oeuvres contenues dans ce volume, vingt-cinq sont consacrées à la Chine, et huit autres reproductions d'oeuvres chinoises sont insérées dans le texte d'introduction. Malraux confesse son ignorance relative des oeuvres chinoises : « Les problèmes que nous pose le Musée imaginaire de l'art chinois sont d'ailleurs d'une autre nature. Qu'on le veuille ou non, le bouddhisme l'emplit. Il domine sa peinture, dont nous ne traiterons pas ici ; il joue dans sa sculpture un rôle capital, malgré les découvertes récentes, malgré la tension donnée aux formes par les bronziers des plus anciennes dynasties. Les bronzes sont des objets, alors que les grottes bouddhiques sont des cathédrales ; nous connaissons l'art chinois comme les Américains connaissent l'art gothique. Le grand masque de la dynastie Chang-Yin est un chef-d'oeuvre, mais Long-men est un monde. Or, la Chine antérieure au bouddhisme a produit de nombreux reliefs, dont nous possédons seulement quelques échantillons ; cet art tient une plus grande place dans nos connaissances que dans notre sensibilité, parce que ses oeuvres, difficilement accessibles, nous sont connues surtout par des photos anciennes, d'assez petit format, qui n'en transmettent pas l'accent. Il nous suffit de comparer les photos modernes qui reproduisent des oeuvres secondaires conservées dans nos musées, ou celle de 'l'Oiseau rouge' qui nous permet de connaître réellement le célèbre pilier de Chen, avec celles que l'on trouve dans les histoires de l'art (celle du bas-relief de Wou Leang Ts'eu par exemple) qui reproduisent pourtant des oeuvres capitales, pour être assurés que cet art est encore pour nous un art voilé. » Le musée imaginaire confirme la légèreté du savoir d'André Maurois sur l'art chinois. Mais, dans ce volume où il expose longuement les bénéfices pour la connaissance de l'art du recours à des reproductions photographiques, il va faire la démonstration du bon usage éditorial que l'on peut faire de celles-ci. Si, parmi les près de quatre-vingt dix reproductions d'oeuvres on n'en trouve que cinq chinoises, celles-ci sont mises en page avec un souci tout particulier des effets qu'on peut obtenir d'une bonne coordination du texte et des images. Les deux premières, reproduites pleine page, sur deux pages qui se font face, représentent une statue de la dynastie Wei et une peinture de Bodhisattva, du Ville siècle. Elles sont accompagnées d'une légende commune : « A l'intrusion de la grande sculpture chinoise... va succéder celle des grandes écoles de peinture ». Le texte n'apprend rien de plus, qui dit : « Enfin, à l'intrusion des grandes sculptures indo-hellénistiques, indienne et chinoise, va peut-être succéder celle de quelques fresques de l'Inde et des grandes écoles de peinture de la Chine et du Japon. La fidélité de la reproduction du lavis chinois nous a fait, bien à tort, préjuger de celle des peintures... » « La sensibilité présente est loin d'être favorable à la peinture des Soung. Sa subtilité n'apportera ni la révélation du grand classicisme intérieur de la sculpture Tang, ni celle du monolithisme aigu des nègres. Elle ne répond à rien qui nous harcèle ; et demeure compromise par le japonisme de la fin du XIXe siècle. Elle implique pourtant une nouvelle attitude du peintre, une autre fonction de la peinture. Je serai surpris que l'oeuvre de Ma Yuan, après les meilleures fresques de Nara, n'entrât bien avant la fin du siècle dans notre musée imaginaire. Nous sommes avides de tout ce qui étend le pouvoire de l'homme. » « Les oeuvres sont dispersées. Il n'existe aucun musée sérieux de peinture en Chine. Nombre de collectionneurs, de trésors des temples, refusent le droit de photographier les rouleaux qu'ils possèdent. Enfin le matériel de reproduction en couleur y est assez primitif. » Ces plaintes sont un appel à ce que les usages évoluent. En peu de lignes Malraux a ainsi affirmé que l'art chinois était de la plus haute qualité, en a procuré quelques échantillons qui donnent envie d'en voir et savoir plus et appelé à une plus grande diffusion de ces oeuvres. C'est un plaidoyer. Soixante-dix pages plus loin Malraux revient à la charge : « L'Extrême-Orient et la Perse ont connu de longues périodes d'un raffinement qui s'accorde à l'idée que nous avons d'un raffinement humaniste » Ce n'est pas pour rien, dit-il, que le XVIIIe siècle s'est intéressé à l'art chinois, « reconnaissant un cousinage qu'il refusait à l'Inde et même à l'Islam ». Mais, regrette-t-il, cet art est mal connu, « les siècles de raffinement de la Chine n'appartiennent qu'aux spécialistes». Et de nouveau de parler de la peinture des Soung, et aussi des fresques de Nara. Cet appel - cet encouragement, plutôt - à la curiosité se renforce d'un très habile argument visuel. Sur la page de gauche est reproduite une oeuvre tibétaine montrant Yi-Dam et Sa Çakti, aux visages grimaçants, d'une expressivité outrée ; sur la page de droite, insérée dans le texte qui parle de « raffinement humaniste » une sculpture harmonieuse et sereine de Bodhisattva : le contraste est démonstratif. Enfin à l'avant-dernière page du livre l'ultime photographie d'un Bodhisattva de la dynastie Tang, illustrant l'affirmation que : « Toutes nos résurrections... sont religieuses », une note précise que « la Chine entre d'abord dans le Musée imaginaire à travers le bouddhisme ». Ainsi la dernière image du volume est celle d'une oeuvre chinoise, afin que l'intérêt suscité pour l'art chinois soit ultimement reconduit et que le lecteur-spectateur reste sur sa faim. Il semblerait donc que le peu de place fait à l'art chinois dans ce livre est moins dû aux causes dénoncées par Malraux, du peu de divulgation de ses œuvres et du manque de documentation, qu'a une stratégie de l'éveil du désir. Dans le volume II, La création artistique, tout entier consacré à l'art occidental, on trouve cependant deux représentations d'oeuvres chinoises. D'abord celle d'un Bodhisattva Wei qui est commenté sur la page d'en face : « Les yeux de la dynastie Wei sont sans précédent. Le schématisme de l'instinct s'y unit au dépouillement d'une humble et péremptoire maîtrise - ce ne sont plus les boucles de la calligraphie indienne, mais le trait du pinceau décisif. Cet art rencontre dans la sûreté de son écriture une spiritualité qu'on ne retrouvera que dans le modelé complexe des têtes khmères (dont les yeux sont parfois traités de la même façon) ; mais il rencontre aussi la volonté d'architecture. Et du lien entre son génie de l'ellipse et le sens monumental naissent à Yun-Kang quelques-unes des plus hautes figures que les hommes aient sculptées. Peut-on mieux servir une oeuvre que par un tel commentaire, alerte, précis, comparatiste, enthousiaste ? » La seconde reproduction est celle d'un paysage de Mi Fei, du XIIe siècle, reproduit pleine page. Il vient en contrepoint d'une réflexion exposant une nouvelle conception du rapport de la représentation et du style, qui permet de voir dans la représentation un mode d'accès à l'intemporel, et non pas seulement de connaissance du monde réel. Depuis que la représentation ne nous aveugle plus, depuis que les millénaires ont remplacé les quelques siècles méditerranéens pendant lesquels sa poursuite joua un si grand rôle, nous commençons à deviner que la représentation est un moyen du style, non le style un moyen de la représentation. Que l'impressionnisme japonais et chinois vise, par le choix subtil de l'éphémère, à la suggestion de l'éternité dans laquelle l'homme se perd comme dans le brouillard qu'il contemple. Ce commentaire eût pu être celui de l'oeuvre de Ma Yuan, représentant un pêcheur, dans le volume I. |
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10 | 1951 |
Malraux, André. Les voix du silence [ID D23496]. Er schreibt : « Tout grand art chinois veut aboutir à des idéogrammes chargés d'une sensibilité intense. Dans les plus pures images de Yun-Kang, l'allusion prend la place de l'affirmation ; l'essentiel, la place de tout ce qui n'est pas lui. Les yeux de la dynastie Weï sont sans précédent. Ce ne sont plus les boucles de la calligraphie indienne, mais le trait de pinceau décisif, qui tire de la sûreté de son écriture une spiritualié qu'on retrouvera seulement dans le modelé complexe des têtes khmères, dont les yeus sont parfoix traités de la même façon ; mais cette spiritualité est au service de la volonté d'architecture. Et du lien entre le génie de l'ellipse et le sens monumental, naissant, aux flancs des jaunes falaises du Chan-Si, quelques-unes des plus hautes figures que les hommes aient sculptées. » « Le musée est une confrontation de métamorphoses. Si l'Asie ne l'a connu que récemment, sous l'influence et la direction des Européens, c'est que pour l'Asiatique, pour l'Extrême-oriental surtout, contemplation artistique et musée sont inconciliables. La jouissance des oeuvres d'art était d'abord liée en Chine à leur possession, sauf lorsqu'il s'agissait d'art religieux. Elle l'était surtout à leur isolement. La peinture n'était pas exposée, mais déroulée devant un amateur en état de grâce, dont elle avait pour fonction d'approfondir et de parer la communion avec le monde. Confronter des peintures, opération intellectuelle, s'oppose foncièrement à l'abandon qui permet seul la contemplation. Aux yeux de l'Asie, le musée, s'il n'est un lieu d'enseignement, ne peut être qu'un concert absurde où se succèdent et se mêlent, sans entracte et sans fin, des morceaux contradictoires. » « Il n'existe aucun vrai musée de peinture en Chine ; nombre de collectionneurs, de trésors de temples, y refusent le droit de photographier les rouleaux qu'ils possèdent ; enfin le matériel de reproduction y est assez primitif, et les chefs-d'oeuvre de la peinture chinoise ne pourraient être reproduits en couleurs, avec quelque fidélité, que par la photo directe ou les procédés japonais. La plupart des oeuvres connues appartiennent donc aux collections du Japon ou aux musées d'Occident. Qu'on imagine ce que serait la connaissance de la peinture européenne limitée à celle des musées d'Amérique – et notre peinture est beaucoup mieux représentée en Amérique, que la peinture chinoise dans tout l'Occident. Serri, Jérôme. La place de la Chine dans les Ecrits sur l'art d'André Malraux. Dès le début des Voix du silence, dans son analyse du rôle déterminant que joue le musée dans notre reltation aux oeuvres d'art, Malraux présente la Chine comme l'autre pôle. Le pôle en quelque sorte du Musée impossible. Les choses sont certes plus nuancées, mais Malraux semble tout de même aux prises avec une difficulté : celle d'un univers artistique qui nous demeurerait encore étranger. |
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11 | 1957 |
Malraux, André. La métamorphose des dieux [ID D23480]. Godard, Henri. Les arts d'Extrême-Orient dans La métamorphose des dieux. Malraux avait été initié au monde de l'art autant par des visites au Musée des arts asiatiques [Musée Guimet]. Ces visites ne font pas de lui un spécialiste des arts d'Extrême-Orient, pas plus d'ailleurs que des religions de cette partie du monde. Guidé par sa convicton fondatrice que tout art plastique est la traduction dans le domaine des formes d'une vision du monde, il trouve dans le parallèle des arts orientaux et occidentaux des confirmations et des illustrations spectaculaires de cette conception. Sans négliger pour autant aucun des autres arts du monde, il perçoit dans chacun de ces deux arts-là une révélation réciproque des fondements de l'autre et trouve dans leur confrontation une possibilité privilégiée de poser les questions de la nature et de la finalité de l'art lui-même. De la sculpture, Malraux cinsidère surtout les effigies bouddhiques datant des époques antérieures à l'inflexion du bouddhisme vers une religion de la compassion. Selon une démarche qui lui est familière, il oppose à deux reprises des photographies de têtes de Boddhisattva, l'une de l'époque Wei, l'autre plus tardive, et deux têtes gothiques provenant l'une de la cathédrale de Chartres, l'autre celle de Beauvais. Le commentaire qu'il en fait : « Il y a dans l'oeuvre chrétienne un bosselage des plans qui semble vouloir faire éclater le visage, alors que ceux de la tête bouddhique se conjuguent en idéogramme. La bouche chinoise, ce sont des lèvres ; la chrétienne, une blessure. Dans les deux, l'oeil est figuré par un cerne continu des paupières. L'inférieure est presque la même : la supérieure devient à Chartres un arc tendu vers la puissante arcade sourcilière, qui rejoint le nez en cernant une joue dévastée ; alors que la même courbe atteint la commissure des lèvres du Boddhisattva par une succession de plans adoucis. » Pour la peinture, l'attention de Malraux se concentre sur les lavis de paysages ou de fleurs, oiseaux et autres êtres animés. Le fait majeur dans ce domaine est que, alors que d'innombrables régions du monde nous ont légué des chefs-d'oeuvres sculptés, l'Extrême-Orient est le seul à posséder, avec l'Occident, « ce que nous appelons 'une peinture' » séculaire qui forme tradition, c'est-à-dire qu'à toute époque chaque peintre nouveau se situe par rapport à ses devanciers, tantôt immédiats, tantôt lointains. Par la longueur et la continuité de cette tradition, les deux peintures, occidentale et extrême-orientale, sont déjà en situation de face à face. Dans l'une et dans l'autre, la tradition des oeuvres elles-mêmes se double qui plus est et s'enrichit d'une tradition de commentaires, souvent dus aux peintres eux-mêmes. Cette ressemblance n'a pas échappé à Malraux, qui, de même qu'il cite très souvent les propos de peintres européens, se réfère par deux fois dans ces chapitres à une phase de Tche-Tao (Shi-tao) dans laquelle il voit à juste titre une quintessence de l'esprit de la peinture chinoise. Il s'y ajoute enfin un très remarquable sentiment de l'unité de toute la peinture chinoise. Il est attiré par tout ce qui s'écarte des peintres de l'Académie des Song et de son raffinement, il ne manque jamais, quand il parle de ce sujet, de souligner tout ce que cette peinture dite 'excentrique' a en commun avec les maîtres par rapport auxquels elle prend une distance. Par deux fois, il reproduit en vis-à-vis, sur le même sujet, une peinture Song et un lavis de Tchou-Ta, moins pour mettre en évidence les différences qui les séparent aux yeux d'un Occidental que pour finalement les minimiser. « La peinture chinoise – et même extrême-orientale - n'est pas l'équivalent de celle d'une école d'Europe, mais de la peinture européenne. » Parmi les questions de technique et de représentation, Malraux met l'accent sur deux points d'opposition : le traitement de l'espace et le refus par l'une des deux peintures, l'extrême-orientale, de ce dont l'autre tire ses effets décisifs : la couleur. La peinture extrême-orientale s'est édifiée sur un choix opposé de la peinture d'Europe : le refus d'une perspective focalisée, unifiée et cohérente qui situerait les divers éléments représentés dans un même espace, et donc, puisque les deux formes a priori de notre sensibilité sont inséparables, également hors du temps. Dans cette peinture, même lorsque, à la différence des lavis, elle représente des êtres animés, et même en mouvement, 'rien ne se passe'. Ce traitement de l'espace est rendu plus sensible encore lorsque le lavis se présente sous cette forme inconnue de la peinture occidentale : le rouleau horizontal portatif, dans lequel le spectateur ne vois jamais, grâce à un déroulement progressif, qu'une partie du paysage représenté. La peinture extrême-orientale ne l'ignore pas, comme en témoignent les pages d'album et les rouleaux verticaux quand ils sont complètement déroulés, mais, au contraire de la peinture occidentale, elle ne lui a pas accordé de monopole. Comme pour la sculpture, l'analyse des formes et des techniques va de pair chez Malraux avec une attention toujours en éveil au fond de spiritualité dont elles lui paraissent procéder. Il s'agit ici non plus de bouddhisme mais du taoisme. Les commentateurs occidentaux n'entrent guère, en général, dans l'interprétation des lavis en fonction de la cosmologie taoïste et du rôle qu'elle attribue au Vide, aux Souffles vitaux, à la Voie de la transformation, ou à la complémentarité du ying et du yang. Malraux va au contraire aussi loin que possible dans ce sens, toujours en prolongeant par l'intuition les connaissances qu'il possède dans ce domaine. Il est révélateur de la démarche essentiellement comparative de Malraux qu'il oppose semblablement la sculpture d'inspiration bouddhique et la peintrue d'inspiration taoïste à leurs correspondants occidentaux. Les spiritualité bouddhist et taoïste diffèrent entre elles sur des point importants, la pemière plaçant la vérité ultime du monde dans une notion de Néant, alors que la seconde conçoit ce même monde comme un processus sans fin de transformation auquel il ne tien qu'à l'homme de participer, par sa sagesse, pour son grand bonheur. Dans la peinture extrême-orientale, Malraux trouve à la fois une confirmation de l'intuition qui lui fait voir dans tout grand art la figuration plastique d'un sentiment existentiel, et un sentiment existentiel qui est l'exact opposé de celui que traduit l'art occidenta. C'est l'une de ses plus belles idées, formulée dans l’Introduction, que les civilisations, si étrangères qu'elles puissent paraître les unes aux autres, sont autant de 'possibles' de l'humanité. |
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12 | 1967.4 |
Malraux, André. Antimémoires [ID D23466]. (4) Sekundärliteratur Jeannelle, Jean-Louis. André Malraux au pays de l'avenir radieux. Dès la parution des Antimémoires et surtout depuis la lecture qu'en fit Jean Lacoutre dans sa biographie de Malraux en 1973, on a souvent mis en doute la crédibilité de l'entretien avec Mao Zedong. En 1996, Jacques Andrieu publia un article intitulé « Mais que se sont donc dit Mao et Malraux ? » [Perspectives chinoises ; no 37, 1996], première analyse détaillée de ce passage qu'il confrontait à ses sources : la sténographie chinoise publiée dans 'Mao Zedong si xiang wan sui' et la sténographie française, réécrite par Manac’h à Paris. Le Figaro littéraire ; no 1119, 25 sept.-1 oct., 1967 a publié des extraits des Antimémoires : « André Malraux : ma rencontre avec Mao ». On peut lire au début de l'article : « C'est d'ores et déjà une certitude : les Antimémoires d'André Malraux constitueront le très grand événement littéraire de la saison. » « Août 1965, André Malraux vient d'arriver en Chine, chargé par le général de Gaulle d'une mission officielle auprès du gouvernement chinois. Des souvenirs de quarante ans resurgissent dans sa mémoire. Ils contribueront à donner les Antimémoires En route, Malraux s'est d'abord arrêté à Hong-Kong où, sur le Grand Magasin communiste, règnent les images mythologiques de la Longue Marche. Puis il a fait escale à Canton où il a visité le Musée de la Révolution aux photographies étrangement censurées de tout ce qui peut rappeler la participation russe à des combats que Malraux lui-même connaît bien. A Pékin, le maréchal Chen-Yi, ministre des Affaires étrangères, 'visage lisse, rure large et coupant. L'expression se fendre la gueule lui convient à merveille', le reçoit en premier. C'est ensuite au tour de Chou En-lai, 'ni truculent ni jovial, parfaitement distingué. Et réservé comme un chat'. Enfin, après un bref séjour à Yenan, berceau de la Longue Marche, Sparte de la Chine nouvelle, c'est l'entrevue avec Mao Tsé-toung. Ce récit commence au moment précis où André Malraux rentre de Yenan et se retrouve à Pékin. » 7 oct. 1967 Paris-Match titra : « Les Antimémoires, mieux qu'un Prix Goncourt : 10'000 exemplaires par jour. » La plupart des journaux rapportèrent la lutte engagée entre les maisons d'éditions ango-saxonnes pour l'achat des droits de traduction. 25 sept. 1967, le Figaro annonçait : « Les Antimémoires achetés 250'000 dollars par les Américains. » En France, 2000'000 exemplaires furent vendus en trois semaines et la critique est le plus souvent rès élogieuse. Le 30 sept. 1967, Paris-Match publie : on peut lire au début de l'article « Les grandes pages du livre de Malraux » le dialogue avec Mao Zedong en fait partie. Le Figaro littéraire ; no 1120, 2-8 oct. 1967 publie « Un entretien exclusif avec Michel Droit ». Malraux déclare : « Mao, c'est le genre visité. Il est visité par la Chine. Pas de question. Quel que soit l'objet de la conversation, il est cordial, la conversation est cordiale, mais il y a quelque chose d'autre. Un peu comme chez le général de Gaulle. J'avais déjà rencontré cette présence intense que possède le général de Gaulle et que les paroles d'expriment pas. Je l'avais rencontré chez de grands religieux... Après tout, je n'aurais guère pu parler avec Mao des problèmes du taoïsme, parce qu'il s'en fiche. Mais supposons que ce ne soit pas le cas. Supposons, par exemple, que j'aie revu Mao à un certain moment et que nous ayons parlé poésie. J'aurais tout de suite atteint une dimension supplémentaire. » On sait que l'entretien avec Mao manqua manifestement d'entrain et que Malraux s'employa par la suite à introduire dans le récit qu'il en fit beaucoup plus de cordialité qu'il n'y en eut en réalité. Il n'y a aucune raison de considérer que les sténographies de l'entretien sont plus représentatives de ce que fut l'entretien avec Mao que les autres documents dont nous disposons : tous les textes traitant de cet épisode jouent exactement le même rôle, puisqu'ils sont autant de reconstitutions factuelles du même événement, aucun d'entre eux ne disposant de ce fait d'un privilège sur les autres. Il resterait à comparer la composition de l'entretien avec Mao avec celle des autres grands entretiens, notamment avec Nehru et avec le général de Gaulle, dans les Antimémoires et surtout dans Les Chênes qu'on abat... La question est donc moins celle de la mythomanie de Malraux que celle de la vision politique qui sous-tend Le Miroir des limbes. À travers ses dialogues avec quelques grands chefs d'État, l'écrivain livre une analyse du monde marquée par les illusions de son temps et par les ambitions contradictoires qu'il nourrit. Dans le cas du régime maoïste, une telle analyse soulignerait la singularité de ce texte, écartelé entre la volonté de peindre la figure d'un grand homme de l'Histoire et celle de faire la critique du régime communiste — deux ambitions en grande partie contradictoires, l'apologie du grand homme masquant d'une certaine manière la dénonciation du régime qu'il cautionne. Jean Lacouture : La renommée a accrédité sa version. Pendant l'été 1965, André Malraux est dépêché à Pékin par le général de Gaulle en tant que vieux compagnon des révolutionnaires chinois, pour consolider, ennoblir et personnaliser des liens établis l'année précédente entre la France et la Chine, au niveau des États par la reconnaissance de la République populaire. Il revoit le président Mao et, après une série d'entretiens avec les dirigeants chinois, transfigure des rapports officiels entre deux républiques en amitié entre deux grands hommes. La réalité est différente, sans être médiocre. Un homme malade, écoutant les conseils de ses médecins, et rêvant d'une de ces longues traversées qui l'incitent à écrire, part pour une croisière maritime. Il choisit d'aller à Singapour, ville par trois fois liée à son passé, et sur le Cambodge, un nom qui parle à sa mémoire. Au début de juillet, à Singapour, il reçoit une lettre du général de Gaulle — averti du désir de son ami de prolonger le voyage jusqu'à Pékin — lui donnant mission de se rendre en Chine au nom du gouvernement français. Cette lettre est accompagnée d'un message qu'il est chargé de remettre au président de la République Liou Shao-chi, tandis que le Quai d'Orsay prépare, avec les autorités chinoises, l'accueil du ministre français des Affaires culturelles. C'est à Hong-Kong, vers le 17 juillet, que le ministre reçoit l'invitation des autorités chinoises. Il part pour Canton le 20 juillet, et de là pour Pékin, porteur du message du général de Gaulle à Liou Shao-chi. Deux ans plus tard, les Antimémoires rendent compte de ce voyage, nourri de longs retours en arrière — d'ont l'un, magnifique, évoque la « Longue Marche ». On ne procédera pas à un « démontage » systématique de ce récit, opération qui serait fastidieuse. Mais on s'efforcera de mettre ça et là en parallèle à l'évocation poétique du romancier les propos et démarches du ministre, et de compléter tant bien que mal les souvenirs d'un mémorialiste dont il est clair que la mémoire est celle d'un « conquérant », avide de reconnaître pour sien ce qui ne lui appartient qu'en vertu du droit de conquête de l'imagination, du rêve et d'une catégorie qui pour lui transcende le débat entre le vrai et le faux et qu'il appelle admirablement « le vécu ». Le 15 juillet 1965, quand il quitte Singapour pour Pékin, André Malraux ne connaît de la Chine que ce qu'il a retenu de son court passage à Hong Kong en août 1925, puis de son rapide voyage touristique de 1931 en Chine continentale et naturellement ce qu'il en a lu (d'Edgar Snow, surtout). Enfin ce qu'il en a écrit, qui est parfois génial. Il y a aussi sa légende, née de ses propos, ou de ses textes, ou aussi de l'imagination des autres, indépendante de lui mais authentifiée par lui : elle dit qu'il a été l'un des protagonistes des combats révolutionnaires de Canton et de Shanghaï — et maintenant c'est la légende d'un ministre, messager de la République et du général de Gaulle. Et si ce n'était pas une légende ? Et si, à force d'être « vécue », la légende devenait vérité ? Quand il parle des paysages, des rues, des photos de visages qu'il a si souvent et si bien scrutés pour les décrire, et dont il a fait ce par quoi les hommes d'Occident se font une idée de ce qui fut là-bas, comment sa « mémoire » ne jouerait-elle pas ? Il est clair que quand il dit « reconnaître » Gallen, sur une photo de musée de la révolution de Canton, il retrouve un visage contemplé sur cent documents. Et qui pourrait douter que, face à Mao lui-même, il « reconnaisse » ce visage illustre ? Un an plus tôt, la France a bien « reconnu » la République populaire de Chine. Tous ceux qui ont été témoins de ce voyage et ont, en telle ou telle étape, été mêlés aux démarches d'André Malraux, ont noté qu'il n'avait guère tenté de jouer les anciens combattants et les vieux spécialistes. Comme avec Sneevliet quarante ans plus tôt, il écoutait beaucoup plus qu'il ne parlait, épargnant à ses guides et ses interprètes les « de mon temps » ou les « Mao était là, moi ici... ». Savait-il qu'il ne pourrait tromper la science impeccable des sinologues de l'ambassade de France, celle d'un Guillermaz ou d'un Yacovlevitch ? Ce serait lui attribuer illes mobiles mesquins. Au surplus, les Antimémoires sont rédigés sur un ton évasif pour ce qui est du passé. Hormis une petite phrase sur « les histoires que j'entendais à Shanghaï avant 1930 » qui témoigne de plus de confusion mémorielle que de volonté de tromperie (à ce niveau...), Malraux n'abuse le lecteur que par une sorte de drapé artistique, de toile de fond historico-romanesque vaguement tendue au fond de la scène, parce que cela va de soi, et que l'attitude du « retour » est plus belle que l'étonnenent du touriste. N'est-ce pas son ami Groethuysen qui disait qu'il faudrait ne jamais arriver quelque part que pour la deuxième fois...? Là où une lecture critique s'impose davantage, c'est pour ce qui touche aux entretiens qu'eut Malraux à Pékin, d'abord avec le maréchal Chen-Yi, alors ministre des Affaires étrangères, puis avec le Premier ministre Chou En-lai et enfin avec Mao Tsé-toung — discrètement flanqué du président Liou Shao-chi. Si on oppose à la version de ces entretiens que donnent les Antimémoires des comptes rendus tant bien que mal reconstitués par le truchement de témoins, ce n'est pas pour donner une dérisoire leçon d'exactitude à l'écrivain — ni même au ministre. C'est d'abord parce qu'il est passionnant d'observer le remodelage qu'opéré, à partir de la vérité (approximative) une haute et illustre imagination; c'est aussi parce qu'il se trouve que l'imagination du plus grand artiste peut être par instants moins riche ou moins savoureuse que la vérité elle-même. Témoin le premier entretien d'André Malraux à Pékin, celui qu'il eut avec Chen-Yi. De son récit, il ressort que « chez le maréchal, tout est convention » et qu'en lui on n'entend qu'un « disque ». Jugement étrange, parce qu'il se rapporte à un entretien d'un grand intérêt (sur l'intervention chinoise au Vietnam, sur les rapports entre Ayoub Khan (Chef de l’Etat pakistanais) et les Américains, sur la Sibérie et l'URSS ; mais il n'en relate pas, il est vrai, le plus drôle. Il parle au début d'un échange de « salamalecs ». Ce qui est moins savoureux que leur premier dialogue... Pour ce qui est de la rencontre avec Mao Tsé-toung, les choses se compliquent. Quatre version en existent : celle dont dispose le Quai d'Orsay, celle du ministère des Affaires étrangères chinois, celle que Malraux a donnée, en rentrant, au Conseil des ministres, le 18 août 1965, dotée de quelques trouvailles originales, et celle des Antimémoires, la plus décorative. C'est par elle qu'on débutera, sans crainte de déception ultérieure. Là encore, la vérité vaut bien son poids d'artifice... Ayant défini d'abord sa « mission » - échange d'informations au niveau le plus élevé, évaluation de ce que la France représente pour les maîtres de la Chine, tentative de sondage de ce qu'ils attendent du reste du monde, Malraux entreprit de tracer le portrait de Mao, de faire le récit de sa carrière, de définir son pourvoir et celui du Parti. Et il évoqua ses trois entretiens qu'il résuma ainsi : Chen-Yi, l'essai du disque ; Chou En-lai, le disque ; Mao, l'histoire... Il mit l'accent sur la crainte du « révisionnisme », sur l'idée de progrès matériels, sur l'aspect très « chinois » et indépendant de la pensée de son hôte ; enfin sur sa sérénité. Il fit observer aussi que Liou Shao-chi avait été, à diverses reprises pendant la conversation, consulté par Mao Tsé-toung – notation qui disparait naturellement de la version des Antimémoires, postérieure à la chute de Liou. Mais ce qui fut dit réellement ? Pour autant qu'on en puisse recouper les échos, l'entretien fut un peu moins épique, un peu plus terre à terre. Lorsqu'un fonctionnaire de l'Ambassade de France à Pékin lui présenta le lendemain la sténographie officielle du « Département », qui ne devient pièce d'archives diplomatiques qu'après approbation du principal intéressé, Malraux dit simplement : « Je compléterai ». Il compléta. On peut regretter qu'il n'ait pas publié le texte. Essayons, à partir des documents français et chinois – qui signalent, par une intervention, la présence de Chen-Yi, non celle de Liou Shao-chi - d'en rétablir la substance... Dans l'ensemble, le texte chinois, plus fourni, donne davantage de place aux interventions de Malraux. Le président Mao fournit une indication historique intéressante : « Si nous n'avions pas été attaqués par Tchang Kaï-shek, jamais nous ne l'aurions attaqué »... Sur le décalage entre la version des Antimémoires et ce qu'ont pu recueillir de l'entretien les témoins professionnels, Malraux s'est d'ailleurs expliqué dans une interview avec Henri Tanner, correspondant du New York Times à Paris, en octobre 1968. Il faut lui donner la parole : « J'allais voir Mao pour des raisons d'Etat. Il y avait donc notre délégation... Ce qui s'est passé est que nous étions seuls au moment le plus personnel, le plus humain... Il avait voulu reprendre sur le passé... alors il a laissé partir tous les officiels... et comme il marche comme... un empereur de bronze... les jambes raides... il y avait un espace et j'étais avec sa traductrice et avec lui... Dans la conversation il ne parle pas chinois, il parle en dialecte hounanais, la traductrice peut traduire aussi bien le hounanais que le mandarin ; alors quand il ne voulait être compris que de moi et pas de l'interprète français, il parlait hounanais... » Malraux ajoute : « Quand on étudiera la sténographie des ministères des Affaires étrangères français et chinois, on s'apercevra que (mon texte) est excessivement près de la sténographie... Naturellement, il y a toujours la mise en oeuvre. » Ce beau voyage, il n'en reste guère. Pour Malraux tout au moins – hormis une gloire qui parvint jusqu'aux oreilles de M. Nixon, l'homme du monde le plus inapte à déchiffrer tout seul une ligne de Malraux, et quatre-vingt-cinq pages des Antimémoires. Les dirigeants de Pékin les ont peu gouûtées, ces pages, ce qui explique en partie le silence fait depuis lors sur ce voyage, alors qu'on parle si volontiers en Chine de ceux de MM. Couve de Murville, Bettencourt ou Chaban-Delmas. Déjà, les maîtres de la pensée officielle chinoise jugeaient assez sévèrement les Conquérants et la Condition humaine, épopée du défi métaphysique, hymne à la mort aussi éloigné que possible de l'attitude chinoise (tant confucéenne que marxiste) et description d'une révolution qui aurait été faite par des étrangers. Peut-être les dirigeants de Pékin n'appréciaient-ils pas non plus que Malraux laissât courir la légende de sa participation à telle ou telle phase de leur révolution. Cette Chine où il a situé ses romans, urbaine, cosmopolite, métaphysicienne, pathétique, quêteuse d'aide étrangère, où les révolutionnaires autochtones sont tous des terroristes, quelle image plus déconcertante Malraux pouvait-il suggérer aux dirigeants chinois qui ont voulu leur révolution rurale, intensément chinoise, optimiste, mue par « les masses » ? Mais quoi de plus injuste que cette incompréhension, quand on pense aux innombrables non-Chinois qui auront appris dans Malraux à respecter la Chine et sa révolution ? C'est pourquoi il faut citer ce mot d'un diplomate chinois à qui je demandais en 1972 comment, en fin de compte, était jugé Malraux dans son pays. Il rit un peu, de ce rire qui signifie que le sujet est délicat. Puis : « Pour nous, c'est un ami de la Chine. Il était de notre côté dans les moments les plus difficiles... » Moura, Jean-Marc. Dialogues chinois, légendes du Tiers Monde. L'étude de l'image de la Chine dans les Antimémoires consistera d'abord à replacer le récit malrucien dans son contexte, avant de montrer comment se construit une légende chinoise incluant 'l'empire du milieu' dans l'espace imaginaire plus vaste de l'Asie pour enfin déceler les éléments d'une Chine devenant, selon le voeu de Mao, figure du tiers monde. L'image des pays asiatiques dans les Antimémoires revêt une triple dimension : elle éclaire le destin de l'Occident, elle permet d'engager une méditation sur l'Histoire, elle apporte les éléments nécessaires à une interrogation métaphysique. Au centre du voyage de Malraux se trouve l'entretien avec Mao. La critique confronte les trois comptes rendus de la rencontre, l'un issue de la sténographie chinoise, le second de la sténographie française et la version des Antimémoires. Les deux sténographies sont concordantes, mais la chinoise semble plus complète. Selon Jacques Andrieu : Selon les Chinois, Malraux aurait déclaré à Mao : « je suis très ému de pourvoir être assis, aujourd'hui, à côté du plus grand révolutionnaire de notre époque après Lénine ». Ce propos n'apparît pas dans la version française, comme si le rédacteur avait jugé indécente une telle flatterie dans la bouche d'un ministre français. Mao semble peu intéressé par la conversation et reste froid durant tout l'entretien, d'autant plus que Malraux commet certains impairs diplomatiques. Il évoque ainsi le parti communiste français qui chercherait à maintenir la balance égale entre Moscou et Pékin, idée incongrue qui déclenche l'hilarité de Mao, ou bien il parle des « communes populaires » alors qu'en 1965, il y a plus de trois ans que, à la suite de la famine du Grand Bond en avant, celles-ci, invention maoïste, ont été démantelées. Malraux paraît inventer par ailleurs des répliques : celle d'un Mao lui confiant « Je suis seul avec les masses » et le monologue de Mao qui suit et qui ne figure pas dans les sténos. Ces déformations et inventions littéraires peuvent s'expliquer : la réalité de l'entretien avec Mao ne correspond nullement à la situation d'énonciation souhaitée par Malraux, celle d'une reconnaissance provenant d'un acteur historique révolutionnaire de premier plan. La grandiloquence parfois et la sollicitation des paroles de Mao pour servir des idées malruciennes s'expliqueraient alors par la difficulté de Malraux à reconnaître son échec. On doit replacer la présentation malrucienne de la Chine non seulement dans son contexte imaginaire mais aussi dans l'économie générale des Antimémoires et des représentations des autres civilisations. La figure historique cardinale et omniprésente dans Le miroir des limbes est le général de Gaulle. Pour ce qui concerne les Asiatiques, deux êtres atteignent à la grandeur historique : Nehru et Mao. Chefs d'Etat, ils ne sont pas de simples politiciens qui ont réussi, Mao « est la Chine ». Aux yeux de Malraux, ils sont moins personnes que présences symboliques. La Longue Marche subit un élargissement épique manifesté par l'évocation. Le dépouillement descriptif qui accompagne ensuite les propos de Mao, le climat de grandeur instauré par un lexique de l'éternel et de l'universel lui confèrent la présence monumentale de la statue. L'Asie du Miroir des limbes est caractérisée par un syncrétisme où s'échangent les divers temps de la vie de Malraux et d'autres existences. Pour l'image de la Chine, il intègre le pays et sa figure révolutionnaire, Mao, à une vision légendaire de l'Orient. Cette métamorphosene s'accomplit pas sans de profondes distorsions de la réalité. On peut en ce sens parler avec Andrieu de mystification condamnable à plusieurs titres : parce que le texte malrucien est peut-être la source de la 'mao-manie' française, parce que l'auteur « utilise la position d'autorité que lui confère son statut de témoin et de chroniqueur impartial pour en fait faire oeuvre de littérateur, et parce qu'enfin, il trahit la solidarité qu'il devrait avoir avec les écrivains persécutés ». Sun, Weihong. La Chine chez Malraux : de 'La tentation de l'Occident' aux 'Antimémoires'. Ce que les lecteurs, et surtout les lecteurs chinois, veulent vraiment savoir, c'est si, durant cet été 1965, et donc à la veille de la fameuse Révolution culturelle, Malraux en a perçu quelques prémices. En tant qu'écrivain, dont la célébrité première provient surtout de ses livres traitant largement de la Chine, pouvait-il se rendre compte, en ce moment historique bien particulier, de la situation dans laquelle se trouvaient la culture, l'intelligentsia et la population chinoises ? Beaucoup de restrictions, bien sûr, ont dû l'empêcher d'observer la Chine de plus près, mais un fait qu'on ne peut tout de même pas nier, est qu'on ne ressent pas les préoccupations de Malraux sur ces questions-là dans le livre. D'abord, la description lyrique de La Longue Marche, une sorte d'introduction resplendissante, puis, les entretiens avec Chen-Yi et Chou Enlai, préparations d'un ton modéré. Parmi les anciens dirigeants du parti communiste chinois, Chen et Chou sont tous deux dotés d'une personnalité très forte, surtout Chou qui a vécu des moments extrêmement complexes et périlleux dans sa vie politique. Presque aucun visiteur étranger qui ait conversé avec lui n'a eu cette impression de sécheresse ; seul Malraux l'a trouvé ennuyeux et délicatement distant. Finalement, le plus excitant arrive enfin, avec la présence si attendue de Mao Tsé-toung. Si on compare la version de cet entretien de 26 pages imprimées que donnent les Antimémoires, aux comptes-rendus de huit feuillets dactylographiés du sommet Malraux-Mao, on voit bien que ce passage du livre relève en grande partie du fantasme de l'auteur ; en effet, on remarquera une ressemblance frappante entre la façon de parler de Mao et celle de Malraux, et une intimité étonnante entre les deux, comme s'il s'agissait de vieilles connaissances qui puissent facilement aborder n'importe quel sujet et en changer n'importe quand, ce qui ne correspond évidemment pas aux rapports réels des deux personnages. Certes, le titre choisi Antimémoires signifie que chronologie ou exactitude, telles que peuvent les concevoir les historiens, ne comptent pas pour l'écrivain, mais du point de vue littéraire, au moins, on peut indiquer que cette structure n'est pas tout à fait gratuite : dans ces antimémoires romanesques, Malraux nous conduit pas à pas devant un grand autel dressé à Mao Tsé-toung, sur lequel les deux personnages, Mao, maître d'un continent mystérieux, et Malraux, sont en train de converser sur le destin humain. Si on fait un bilan de la vie de Malraux, on peut voir que ce dernier aime toujours avoir pour compagnie les grands hommes, les grands événements et les grands sujets ; en voilà donc un très bon témoignage. Dans cette partie des Antimémoires, certains détails méritent aussi d'être indiqués. D'abord, Liou Shao-shi, alors président de la République, devient ici une ombre à peine entrevue. Ce n'est peut-être pas sans rapport avec le fait que Liou avait été destitué pendant la Révolution Culturelle au moment où Malraux rédigeait ses Antimémoires. Malraux ne sait probablement pas comment dépeindre cet ancien président dans une scène où Mao, le grand personnage accentué, occupe la place centrale. Malraux ne montre d'ailleurs pas beaucoup de sympathie pour Liou. Un autre point important, c'est que, dans son entretien avec Malraux, Mao a lancé un message très significatif sur ce qui se passerait après : il parle des intellectuels, en les considérant comme une partie importante de l'opposition, des révisionnistes ( il n'y a là pas grande différence entre l'oeuvre de Malraux et le compte rendu brut du dialogue chinois). Mais Malraux, qui connaît bien les purges staliniennes et le mouvement antidroitiste de la Chine, a été insensible aux rares messages émis durant cet entretien, insensible au danger de cette allusion de Mao à de possibles persécutions des intellectuels. Pourquoi ce manque de perspicacité d'un homme si intelligent ? Parce que là n'est pas son intérêt. Pour le Malraux de 1965, la période communisante est déjà un passé lointain. On remarque que, dans les Antimémoires, Mao est décrit comme un « empereur de bronze », comme « le Vieux de la montagne », qui se plaint de sa solitude. Allusion possible à l'esprit démodé et au caractère tragique de Mao. Mais tout cela compte peu pour Malraux. Le plus important à ses yeux, c'est la puissance et les exploits d'un homme ; un homme qui, quand il a réussi à triompher de sa destinée avec une forte volonté de dominer, mérite d'être proclamé héros. On revient alors à notre sujet : malgré cette part considérable de la Chine dans son oeuvre, Malraux n'est pas un écrivain qui s'intéresse vraiment à l'histoire et la culture chinoises, qui s'intéresse vraiment à la vie, au destin des Chinois sur cette terre appelée la Chine. En d'autres termes, la Chine n'est pas objet de son émotion et de ses sentiments. Ce dont Malraux se préoccupe le plus, ce sont les grandes lois sur l'existence de l'Homme au sens le plus large, et les révoltes antidestin des Grands et des puissants, car seules ces choses-là sont étroitement liées à sa propre vie et leur description incarne sa propre volonté d'existence. |
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13 | 2005 |
Tsai, Shilling Stéphanie. La construction d'un mythe moderne : André Malraux et Maurice Blanchot. L'oeuvre d'André Malraux n'a pas rencontré à Taiwan un accueil aussi chaleureux que celui qu'on avait réservé à J.P. Sartre, son contemporain. Dans une enquête sur la réception de la littérature française à Taiwan durant les cinquante dernières années (de 1950 à 200l)1, nous n'avons compté que dix articles consacrés à Malraux, y compris un mémoire de maîtrise. Cette occultation masque peut-être un déni politique et idéologique, mais ce n'est pas notre intention d'en analyser la cause. Ce qui nous intéresse dans les articles publiés à Taiwan, c'est la révélation de deux images plutôt opposées de Malraux: d'un côté, un f humaniste qui a réussi à esquisser la description d'une condition humaine mettant en valeur la grandeur universelle de l'homme ; de l'autre, un révolutionnaire qui tente, par sa conception de l'art, de mettre toutes les civilisations humaines dans le même cadre sans prendre en considération les contextes socio-historiques. Dans son article intitulé «Révolutionnaire et romancier amateur : le grand écrivain du XXème siècle André Malraux»2, Henh-Jei Chin explique pourquoi Malraux a été mal reçu à Taiwan. D'abord, Malraux serait difficile à traduire en chinois en raison de la complexité de ses phrases et des émotions enchevêtrées qu'elles recèlent. Ensuite, la réflexion métaphysique (notamment sur la mort) s'éloignerait trop de la pensée chinoise. Enfin, l'on entendrait la voix de Malraux derrière tous ses héros romanesques; les réactions, les perspectives et même la manière d'éprouver l'horreur seraient toutes d'un mode « occidental,» ou plus précisément, « malrucien ». D'après Chin, Malraux regarderait en réalité l'archétype de l'Homme, selon une tradition européenne ancrée dans la civilisation gréco-romaine et le christianisme, ce qui rendrait difficile pour les lecteurs chinois l'appréhension de son oeuvre. Le problème de la réception de Malraux à Taiwan ne résie pas dans la compréhension exacte du message transmis par Malraux. Ce qu'il s'agit de voir, c'est la manière dont le discours de Malraux construit le 'mythe' de la vie à partir de la mort et la manière dont le mythe aide à formuler l'idée de 'communauté', avec tous les codes de signification qui s'y rattachent. Il nous semble que la notion de la mort propre est la clé permettant d'entrer au coeur de ses discours. |
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# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 2007- | Worldcat/OCLC | Web / WC |
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