# | Year | Text | Linked Data |
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1 | 1974 |
Reise von Roland Barthes mit François Wahl, der Delegation von Tel Quel mit Philippe Sollers, Julia Kristeva und Marcelin Pleynet von Beijing nach Shanghai und von Nanjing nach Xian auf Einladung der chinesischen Botschaft. Rachel Pollack : Les historiens ont débattu de l'impact que ce voyage a eu sur la position de Tel Quel face à la Révolution culturelle. Alors que Tel Quel ne désavoue la Révolution culturelle qu'après la mort de Mao, il y a certaines indications, même dans les premières oeuvres, des désillusions politiques de ses rédacteurs. A l'exception notable de François Wahl, toutefois, les voyageurs sont tous revenus avec des récits admiratifs de ce qu'ils ont vu en Chine. Roland Barthes décrit même la Chine comme un pays « sans hystérie ». Les mémoires des voyageurs, y compris les notes de Roland Barthes révèlent le désarroi frappant que les Telqueliens ont expérimenté dans leurs tentatives d'interpréter leur voyage. Maoïstes en France, ils sont confrontés en Chine à une campagne qu'ils ne peuvent comprendre et à un peuple qui les traite comme des étrangers. En outre, ils sont conscients des limites de leur visite et tentent de surmonter leur propre subjectivité. Leur étonnement, leur frustration et leur conscience de soi, qui sont tous exprimés dans leurs écrits, les amènent à affirmer que la Chine est impénétrable à l'analyse de l'Ouest, toujours méconnaissable pour les étrangers. Roland Barthes et Marcelin Pleynet, en particulier, sont plus intéressés par la civilisation chinoise et la culture chinoise que par la situation politique. Ils ne cherchent pas seulement une utopie politique, mais également une utopie artistique. Pour les Telqueliens, la Chine offre « une sorte de référence nouvelle dans le savoir »; sa découverte est comparable à la découverte, pendant la Renaissance, de la Grèce antique. Lors des événements de Mai 68, Tel Quel a soutenu le PCF contre les militants étudiants, et plusieurs chercheurs ont suggéré que leur tournant maoïste était un moyen de recadrer leur position à l Lors des événements de Mai 68, Tel Quel a soutenu le PCF contre les militants étudiants, et plusieurs chercheurs ont suggéré que leur tournant maoïste était un moyen de recadrer leur position à l'égard de 68. Une des attractions de la Révolution culturelle pour les Telqueliens est sa combinaison apparente du langage et de l'action comme outils de la révolution. Malgré l'enthousiasme du groupe pour la Révolution culturelle de Mao, leurs journaux intimes révèlent qu’ils sont conscients que l'agence de voyage tente de les manipuler. « Il est clair que les Chinois souhaitent nous prouver que la politique commande tous les aspects de la vie chinoise. C’est sur ce fond que se déroulent nos visites » écrit Pleynet après que le groupe ait visité un immeuble d'habitation à Shanghai et ait été accueilli par le représentant local du Parti.12 Il ajoute quelques jours plus tard que ce que la délégation avait vu était fondé sur un « grand écart des expériences » et que le tour était « coupé de toute expérience concrète ». Sa déception est claire après que le groupe se soit vu refuser la visite d’un temple antique à Xi'an, sous prétexte qu'il était fermé : « Bref tout ce qui ne relève pas de la plus stéréotypée des fictions (de culture ou d’histoire) est ou caché ou interdit », déplore-t-il. La plainte n'est pas entièrement exagérée; les deux guides sont des représentants des Luxingshe, le service touristique officiel de l'État chinois, et agissent comme agents du gouvernement ainsi que comme traducteurs13. La délégation a suivi l'itinéraire officiel de l'agence et s'est vu refuser plusieurs demandes pour visiter une « École du 7 Mai », camp de rééducation pour les intellectuels et les cadres du Parti dénoncés. Beaucoup d'éléments de la réalité chinoise sont passés sous silence, leur sont cachés, comme le révèle le fait que lors d'une rencontre avec des étudiants de l'Université de Pékin, Pleynet se soit plaint en disant : « Nous n'avons rien appris et rien vu ». A l'opéra à Xi'an, il se demande alors s'il est « vraiment possible de tirer quelque conclusion que ce soit des fictions qu'on nous propose ». Sollers dit que ces spectacles « n'ont à l'évidence rien à voir avec ce qui se joue aujourd'hui en Chine » et Barthes compare les figures de danse aux postures des mannequins de cire dans les vitrines des grands magasins. Les stéréotypes dont on les bombarde de toutes les directions ne sont « rien de fondamentalement différent de la guimauve morale de certains dessins animés, ou des bandes dessinées américaines », observe cyniquement Pleynet. De nombreux textes de Telqueliens expriment le sentiment d'aliénation en Chine. 'Des chinoises' commence avec une description de la marche à travers le village provincial de Huxian, à quarante kilomètres de l'ancienne capital de Xi'an. Kristeva décrit une distance incommensurable entre elle et les paysans chinois. Kristeva et les autres Telqueliens expriment le désir de se perdre en Chine, de 'devenir' chinois. Les notions de sexualité – et de frustration avec sa suppression en Chine – apparaissent plusieurs fois dans les écrits du groupe. Dans un entretien 1981, Sollers rappelle son ancien intérêt pour la Chine, à travers le taoïsme, et en parle comme d' « une expérience érotique ». Le groupe tient, tout au long du voyage, des discussions sur la sexualité chinoise et sa séparation de la vie sociale. Pendant le voyage, le groupe passe plusieurs soirées à discuter le rôle des intellectuels dans la révolution. Croyant que les intellectuels pourraient transformer la situation en France, ils se sont abstenus de critique la nature du tour ou de rejeter la Révolution culturelle. Ils font plutôt l'éloge du progrès qu'on leur a présenté en Chine et attribuent leur perplexité à des barrières épistémologiques plus larges. Dans le cas de Tel Quel, les voyageurs arrivent sans aucun doute en Chine avec des idées préconçues, mais ils ne sont pas aveuglés par elles. Le prisme à travers lequel ils voient la Chine est façonné par des questions épistémologiques, pratiques et politiques, ainsi que par des engagements politiques. En Chine, ce prisme vole en éclats parce que les voyageurs se rendent compte qu'ils ne sont pas capables de saisir entièrement ce qui se joue dans la Révolution culturelle. Leur vision est troublée par les contrôles de l'agence touristique et les barrières culturelles qui les mettent à l'écart comme étrangers. En fin de compte, les voyageurs de Tel Quel n'ont pas pu réellement voir la Révolution culturelle, mais ils n'ont pas « suspendu » l'analyse de cet événement, ils ont continué à le questionner et à l'interpréter minutieusement. La complexité de leur approche montre qu’ils sont allés bien au-delà de la simple acceptation de l'idéologie maoïste. |
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2 | 1974-1975 |
Barthes, Roland. Alors la Chine ? [ID D24144]. Dans la pénombre calme des salons d'accueil, nos interlocuteurs (des ouvriers, des professeurs, des paysans) sont patients, appliqués (tout le monde prend des notes : nul ennui, un sentiment paisible de travail commun), et surtout attentifs, singulièrement attentifs, non à notre identité mais à notre écoute : comme si, en face de quelques intellectuels inconnus, il importait encore à ce peuple immense d'être reconnu et compris, comme s'il était demandé ici aux amis étrangers, non la réponse d'un accord militant, mais celle d'un assentiment. On part pour la Chine, muni de mille questions pressantes et, semble-t-il, naturelles: qu'en est-il, là-bas, de la sexualité, de la femme, de la famille, de la moralité ? Qu'en est-il des sciences humaines, de la linguistique, de la psychiatrie ? Nous agitons l'arbre du savoir pour que la réponse tombe et que nous puissions revenir pourvus de ce qui est notre principale nourriture intellectuelle : un secret déchiffré. Mais rien ne tombe. En un sens, nous revenons (hors la réponse politique) avec : rien. On s'interroge alors soi-même : et si ces objets, dont nous voulons à tout prix faire des questions (le sexe, le sujet, le langage, la science) n'étaient que des particularités historiques et géographiques, des idiotismes de civilisation ? Nous voulons qu'il y ait des choses impénétrables pour que nous puissions les pénétrer : par atavisme idéologique, nous sommes des êtres du déchiffrement, des sujets herméneutiques ; nous croyons que notre tâche intellectuelle est toujours de découvrir un sens. La Chine semble résister à livrer ce sens, non parce qu'elle le cache mais, plus subversivement, parce que (en cela bien peu confucéenne) elle défait la constitution des concepts, des thèmes, des noms ; elle ne partage pas les cibles du savoir comme nous ; le champ sémantique est désorganisé ; la question posée indiscrètement au sens est retournée en question du sens, notre savoir en fantasmagorie : les objets idéologiques que notre société construit sont silencieusement déclarés im-pertients. C'est la fin de l'herméneutique. Nous laissons alors derrière nous la turbulence des symboles, nous abordons un pays très vaste, très vieux et très neuf, où la signifiance est discrète jusqu'à la rareté. Dès ce moment, un champ nouveau se découvre : celui de la délicatesse, ou mieux encore (je risque le mot, quitte à le reprendre plus tard) : de la fadeur. Hormis ses palais anciens, ses affiches, ses ballets d'enfants et son Premier Mai, la Chine n'est pas coloriée. La campagne (du moins celle que nous avons vue, qui n'est pas celle de l'ancienne peinture) est plate ; aucun objet historique ne la rompt (ni clochers., ni manoirs) ; au loin, deux buffles gris, un tracteur, des champs réguliers mais asymétriques, un groupe de travailleurs en bleu, c'est tout. Le reste, à l'infini, est beige (teinté de rosé) ou vert tendre (le blé, le riz) ; parfois, mais toujours pâles, des nappes de colza jaune ou de cette fleur mauve qui sert, parait-il, d'engrais. Nul dépaysement. Le thé vert est fade ; servi en toute occasion, renouvelé régulièrement dans votre tasse à couvercle, on dirait qu'il n'existe que pour ponctuer d'un rituel ténu et doux les réunions, les discussions, les voyages : de temps en temps quelques gorgées de thé, une cigarette légère, la parole prend ainsi quelque chose de silencieux, de pacifié (comme il nous a semblé que l'était le travail dans les ateliers que nous avons visités). Le thé est courtois, amical même ; distant aussi ; il rend excessifs le copinage, l'effusion, tout le théâtre de la relation sociale. Quant au corps, la disparition apparente de toute coquetterie (ni mode, ni fards), l'uniformité des vêtements, la prose des gestes, toutes ces absences, multipliées le long de foules très denses, invitent à ce sentiment inouï — peut être déchirant : que le corps n'est plus à comprendre, qu'il s'entête, là-bas, à ne pas signifier, à ne pas se laisser prendre dans une lecture erotique ou dramatique (sauf sur la scène). Ai-je parlé de fadeur ? Un autre mot me vient, plus juste : la Chine est paisible. La paix (à quoi l'onomastique chinoise fait si souvent référence) n'est-elle pas cette région, pour nous utopique, où la guerre des sens est abolie ? Là-bas, le sens est annulé, exempté, dans tous les lieux où nous, Occidentaux, le traquons ; mais il reste debout, armé, articulé, offensif, là où nous répugnons à le mettre : dans la politique. Les signifiants (ce qui excède le sens et le fait déborder, s'en aller plus loin, vers le désir), les signifiants sont rares. En voici trois, cependant, sans ordre : d'abord, la cuisine, qui est, on le sait, la plus complexe du monde ; ensuite, parce qu'ils sont là en quantité énorme, débordante, les enfants, qu'on ne se lasse pas de regarder avidement, tant leurs expressions (qui ne sont jamais des mines) sont diverses, toujours incongrues ; enfin, l'écriture ; c'est, sans doute, le signifiant majeur ; à travers les manuscrits muraux (il y en a partout), le pinceau du graphiste anonyme (un ouvrier, un paysan), incroyablement pulsif (nous l'avons constaté dans un atelier d'écriture), jette dans un seul acte la pression du corps et la tension de la lutte ; et les calligraphies de Mao, reproduites à toutes les échelles, signent l'espace chinois (un hall d'usine, un parc, un pont) d'un grand jeté lyrique, élégant, herbeux : art admirable, présent partout, plus convaincant (pour nous) que l'hagiographie héroïque venue d'ailleurs. En somme, à peu de choses près, la Chine ne donne à lire que son Texte politique. Ce Texte est partout : aucun domaine ne lui est soustrait ; dans tous les discours que nous avons entendus, la Nature (le naturel, l'étemel) ne parle plus (sauf sur un point, curieusement résistant : la famille, épargnée, semble-t-il, par la critique menée actuellement contre Confucius). Et cependant, là encore, pour trouver le Texte (ce que nous appelons aujourd'hui le Texte), il faut traverser une vaste étendue de répétitions. Tout discours semble en effet progresser par un cheminement de lieux communs (" topoi " et clichés), analogues à ces sous-programmes que la cybernétique appelle des " briques ". Quoi, nulle liberté ? Si. Sous la croûte rhétorique, le Texte fuse (le désir, l'intelligence, la lutte, le travail, tout ce qui divise, déborde, passe). D'abord, ces clichés, chacun les combine différemment, non selon un projet esthétique d'originalité, mais sous la pression, plus ou moins vive, de sa conscience politique (à travers le même code, quelle différence entre le discours figé de ce responsable d'une Commune populaire et l'analyse vive, précise, topique, de cet ouvrier d'un chantier naval de Shanghai !). Ensuite, le discours représente toujours, à la façon d'un récit épique, la lutte de deux " lignes " ; sans doute, nous, étrangers, n'entendons-nous jamais que la voix de la ligne triomphante ; mais ce triomphe n'est jamais triomphaliste ; c'est une alerte, un mouvement par lequel on empêche continûment la révolution de s'épaissir, de s'engorger, de se figer. Enfin, ce discours apparemment très codé, n'exclut nullement l'invention, et j'irai presque jusqu'à dire : un certain ludisme ; prenez la campagne actuelle contre Confucius et Lin Piao ; elle va partout, et sous mille formes ; son nom même (en chinois : Pilin-Pikong) tinte comme un grelot joyeux, et la campagne se divise en jeux inventés : une caricature, un poème, un sketch d'enfants, au cours duquel, tout d'un coup, une petite fille fardée pourfend, entre deux ballets, le fantôme de Lin Piao : le Texte politique (mais lui seul) engendre ces menus " happenings ". Michelet assimilait la France dont il rêvait à une grande Prose, état neutre, lisse, transparent, du langage et de la socialité. Par l'exténuation des figures, par le brassage des couches sociales (c'est sans doute la même chose), la Chine est éminemment prosaïque. Dans ce pays, lieu d'une grande expérience historique, l'héroïsme n'encombre pas. On le dirait fixé, tel un abcès, sur la scène de l'opéra, du ballet, de l'affiche, où c'est toujours (honneur ou malice ?) la Femme qui reçoit la charge de hausser le corps sur ses ergots politiques, cependant que dans la rue, dans les ateliers, les écoles, sur les routes de campagne, un peuple (qui, en vingt-cinq ans, a déjà construit une nation considérable) circule, travaille, boit son thé ou fait sa gymnastique solitaire, sans théâtre, sans bruit, sans pose, bref sans hystérie. 1975 Par les quelques réactions (négatives) qu'il a suscitées, ce texte circonstanciel pose à mes yeux une question de principe : non pas : qu'est-il permis, mais qu'est-il possible de dire ou de ne pas dire ? Tout idiome comporte des rubriques obligatoires : non seulement la langue, par sa structure, empêche de dire certaines choses, puisque, pour ces choses, il n'y a aucune expression grammaticale qui permette de les dire, mais encore elle oblige, positivement, à en dire d'autres. Ainsi, pour combien de mots dont nous souhaiterions en nous-mêmes respecter l'indifférenciation, sommes-nous obligés de choisir entre le masculin et le féminin, puisque notre langue comporte ces deux rubriques et ces deux-là seulement ? Nous, Français, sommes astreints à parler masculin/féminin. Parce qu'il résulte d'une combinatoire de phrases, le discours est en principe tout à fait libre : il n'y a pas de structure obligée du discours, sinon rhétorique. Et pourtant, par l'effet d'une contrainte mentale — de civilisation, d'idéologie — notre discours a, lui aussi, ses rubriques obligatoires. Nous rie pouvons parler, et surtout écrire, sans être assujetis à l'un de ces modes : ou affirmer, ou nier, ou douter, ou interroger. Le sujet humain ne peut-il cependant avoir un autre désir : celui de suspendre son énonciation, sans, pour autant, l'abolir ? Sur la Chine, immense objet et, pour beaucoup, objet brûlant, j'ai essayé de produire — c'était là ma vérité — un discours qui ne fut ni assertif, ni négateur, ni neutre : un commentaire dont le ton serait : no comment : un assentiment (mode de langage qui relève d'une éthique et peut-être d'une esthétique), et non forcément une adhésion ou un refus (modes qui, eux, relèvent d'une raison ou d'une foi). En hallucinant doucement la Chine comme un objet situé hors de la couleur vive, de la saveur forte et du sens brutal (tout ceci n'étant pas sans rapport avec la sempiternelle parade du Phallus), je voulais lier dans un seul mouvement l'infini féminin (maternel ?) de l'objet lui-même, cette manière inouïe que la Chine a eue à mes yeux de déborder le sens, paisiblement et puissamment, et le droit à un discours spécial : celui d'une dérive légère, ou encore d'une envie de silence — de " sagesse ", peut-être, ce mot étant compris dans un sens plus taoïste que stoïcien (" Le Tao parfait n'offre pas de difficulté, sauf qu'il évite de choisir... .Ne vous opposez pas au monde sensoriel... Le sage ne lutte pas "). Cette hallucination négative n'est pas gratuite : elle veut répondre à la façon dont beaucoup d'Occidentaux hallucinent de leur côté la Chine populaire : selon un mode dogmatique, violemment affirmatiflnégatif ou faussement libéral. N'est-ce pas finalement une piètre idée du politique, que de penser qu'il ne peut advenir au langage que sous la forme d'un discours directement politique ? L'intellectuel (ou l'écrivain) n'a pas de lieu -ou ce lieu n'est autre que l'Indirect : c'est à cette utopie que j'ai essayé de donner un discours juste (musicalement). Il faut aimer la musique, la chinoise aussi. Sekundärliteratur Lisa Lowe : Barthes invents a writing posture that dramatizes the critic's subjective encounter with an oriental system that refuses western paradigms and ideologies. Paradoxically, Barthes's corpus commences with a pliticized criticism of exoticism, yet ends with a greatly elaborated practice of this very posture. Barthes's attempt to resolve the dilemma of criticizing western ideology while escaping the tyranny of binary logic takes a form not unlike that of traditional orientalism : through an invocation of the Orient as a utopian space, Barthes constitutes an imaginary third position. The imagined Orient – as critique of the Occident – becomes an emblem of his 'poetics of escape', a desire to transcend semiology and the ideology of signifier and signified, to invent a place that exeeds binary structure itself. The book on Japan and the piece of China both represent the desire to invent 'atopia', to devise new writing practices in order to escape the reactive formation of ideology and counterideology. Alors la Chine ? is a narrative about an invented Orient. China is constructed as a refutation of European hermeneutic and political traditions ; the China evoked in this piece, however, elides the French writer's interpretive acts in a very different manner than does his Japan. China is a text that completely lacks a symbolic function, is nothing but bland surfaces, contains no meanings to eluciadte, no bodies to eroticize. It is constructed as offering only a single political Text, a set of coded clichés combined in various ways. The Chine described by Barthes is radically boring. Alors thematizes the project of writing about un absolute site of difference as the central topos of a writing stragegy. Divided into two sections, which represent two writing situations, the text contains a first part written in a descriptive present made and a second part in a retrospective imperfect tense. The beginning section simulates the voice of an occidental traveler who experiences China ; the final section consists of reflective remarks and assessments about having written about China. In the first section, China is hallucinated as a culture whose impossible homogeneity refuses to signify in western terms. Throughout the piece the traveler-narrator implies an antithesis between the cultural systems of France and China : French culture is a society structured on difference, differences being the source of occidental desire, meaning, and eroticism. Chinese society, he argues, is neutral, smooth, and prosaic, profoundly lacking conflict or difference. Barthes asserts, from the point of view of the separate and different Chine, western hermeneutic desires are simply irrelevant. Barthes, the traveler-narrator, figures China as that long-imagined nonreactive atopia, confronted by which occidental systems of meaning totter and fail. First, a characterization of the western paradigm precedes each definition of China, rhetorically rendering each perception of China's difference dependent on an aspect of western ideology. Second, in contrast to the active subjectivity of 'nous' in the syntactical constructions that describe western desires - 'nous voulons', 'nous sommes', 'nous croyons' - 'la Chine' occurs persistently as the subject of negations, of dependent clauses and qualifiers. Logically and syntactically, China is subversive if considered exclusively in terms of occidental cultural systems ; the narrator does not offer an explanation of how China is subversive within its own autonomous cultural system. Barthes snatches Confucian doctrine from China by equating it with western hermeneutics – stripping Chinese Confucianism of its lenghty history, condensing its myriad and diverse tenets into a single dimension – and assimilated it to an occidental characterization of itself. Barthes constructs a China that has successfully achieved Mao's Cultural Revolution by placing professors, officers, and administraors in the fields and factories. He asserts that whereas western ideology 'depoliticizes' social practice, the political text is absolutely explicit in China. If the first section of Alors emphasized China's otherness as a pure politiical text outside the logic and process of western signification, the remarks in the afterword figure China's otherness in psychoanalytic terms, and within a psychoanalytic paradigm. Barthes juxtaposes China - in cultural, semiotic, and psychoanalytic terms - to the overstructured, signifying West. He constitutes China as a feminine, maternal space that disrupts the 'phallocentric' occidental social sytem. By associating China with the maternal, Barthes suggests that the Orient is opposed to the representational Symbolic system of the West ; for him, China opens up the possibility of a preverbal imaginary space, before 'castration', socialization, and the intervention of the Father. In the sense that China is conflated with the significance of the maternal in Barthes's critical project, orientalism becomes a means of figuring this critical poetics of escape, a topos through which one writes oneself outside western ideology. |
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3 | 1974 |
Barthes, Roland. Carnets du voyage en Chine [ID D21803]. [Kleine Auszüge]. Samedi 14 avril (Pékin). Beige vernissé des tuiles de la Cité. Que restera-t-il de Pékin ? Une brise, une lumière voilée, une tiédeur, ciel bleu léger, quelques flocons... Jardin. Pruniers japonais, magnolias en fleurs. Rocaille. Petites filles jouant à danser autour d'une double corde – variant les pas – au lieu de sauter mécaniquement. Petit pique-niques d'enfants en groupe. Pain, esquimau blanc, pomme. Désert de la Coquetterie... Dimanche (Pékin) : Imprimerie (Xinhua). Affiches manuscrites avec caricatures. Confucius et l'absurdité. Caricature du crâne de Confucius, hideux. A côté, une bulle avec très jolie mère et bébé (Lin Piao a dit que son père et sa mère lui avaient donné une tête bien faite). Autre image : l'avion de Lin Piao s'écrase. Doxa ressassée : Lin Piao et Confucius avaient le même point de vue... Maintenant : Oeuvres choisies Mao 40 millions, Drapeau rouge 100 millions. Mouvement d'études Marx Mao dans les larges masses des ouvriers de notre usine ; 80 groupes détudes en dehors des heures de travail. Contre Lin Piao. Rectification du style de travail. Tout le personnel se lance dans la Campagne. Au cours de la transition socialiste, la ligne politique est primordiale. On est en train de liquider les crimes de la clique Lin Piao. Vrai discours-sermon. Autre brique : « Il y a plus de 2000 ans, Confucius voulait revenir aux rites. Revenir aux rites, c'est restaurer le paradis perdu de la dynastie... » Tableau. Les avantages de la Révolution Culturelle. Petits objets (bicyclette, radio, vêtement, porc) avec la chute des prix. [Cette Imprimerie est très Révolution Culturelle]. Mais cela aussi par le biais anti Lin Piao, qui avait dit que c'était mieux avant... Lin Piao voulait séparer Mao du Marxisme parce que non chinois. Les ouvriers ont réagi : ils peuvent comprendre très facilement Marx-Lénine... Mao : la lutte de classes continue chaque jour en période socialiste. Lin Piao disait au contraire que la Révolution culturelle avait liquidé d'un seul coup les réactionnaires. Avion Pékin-Shanghai (13 h 15). 14 h 55. Shanghai. 14 degrés : gris et pas chaud, quelques gouttes de pluie. Plus chaud. Palmiers. Mimosas. Parfums. Lundi 15 avril : Shanghai. Vers le Chantier naval. Traversée d'un large quartier populaire. Charbonniers à tricycle, boulets fumants. Halte en auto avant de prendre le bac... Tonifiante traversée du Wang Pu. Odeur de Poisson. Grand radeau de bois. Immense voile brune gaufrée... Visite du Navire Fenguang... L'appartement du Capitaine. Photo de Mao à une tribune, fume-cigarette à la main. Toujours de belles calligraphies de Mao (Poèmes) au mur. Or sur rouge... Visite d'un cartier neuf résidentiel. San Qua Lung. Ruelle de la Libération. Soir : Cirque. 12 000 places. C'est le cirque de Pékin que j'ai vu à Paris avec je ne sais plus quel gigolo. Mardi 16 avril : (Shanghai). Hopital no 2. Jardins délicieux... Principes Mao : 1) d'abord prophylaxie. 2) Service aux Paysans, Soldats, Ouvriers. 3) Mouvement de masse dans l'hôpital. 4) Médecine européenne + médecine chinoise. 1) Prophylaxie, Maladies courantes et épidémiques. Equipes itinérantes. 2) Europe + Chine. 30 % des opérations sous acupuncture. 3) Recherche scientifique : surtout sur les maladies courantes. Exemples : bronchite chronique sénile, arthrose coronaire, cancer, cataracte. 4) Enseignement (niveau Faculté)... Conversation avec les médecins... Après-midi : En haut d'un building de dix-sept étages (Hôtel de Shanghai). Terrasse. Vue panoramique (très belle). Tout Shanghai, comme Cicago. Ville brune – et les klaxons en bas, ininterrompus. Maison du PCCC (14 h 30)... Visite d'une librairie... Mercredi 17 avril : Shanghai. Exposition industrielle permanente. Galliera... Après-midi. En bateau (sur le Wang Pu)... Soir 19 h Discussion. Présentation de l'Ecrivain. 1) Revues françaises traitant de 'philosophie' ? 2) Objet de la Recherche dans le domaine de la théorie philosophique ? 3) Influence de l'URSS et Révisionnisme sur la théorie philosophique ? 4) Controvers entre marxisme-léninisme et révisionnisme. 5) Travail de Tel Quel. 6) Seuil. 7) Lin Piao Confucius en France ?... Intervention de l'Ecrivain sur Confucianisme et Ecoles matérialistes et problème du Juste Milieu et Ultra Droitisme... Jeudi 18 avril : (Shanghai). Séance avec les Professeurs de Philosophie de Shanghai. 1) Controverse sur Confucius. 2) Lin Piao, et le parallèle avec Confucius ? 3) Questions sur l'enseignement. 4) Sciences Politiques, Histoire Révolution Chinoise, etc. 14 h 12 En train pour Nankin... Lentement, interminablement à travers les champs, les jardins tout proches. Le paysage est très monotone. 20 h. Arrivée à Nankin. Vendredi 19 avril : (Nankin). On nous amène au départ du Grand Pont... Visite du Zoo... Visite d'une exposition (dans le Parc) de dessins et écritures d'enfants... Après-midi Ecole Normale Supérieure de Nankin... Concert... Samedi 20 avil 74 : (Nankin). En auto au Mausolée de Sun Yat Sen... Tombeau de Ming... Au grand magasin populaire... Après-midi : Ecole primaire... Cinéma. Dimanche 21 avril : (Nankin). Nous partons pour la Commune Populaire (1 h 20 d'auto). Campagne plate, belle, très cultivée, très verte. Buffles, fleurs mauves pour féconder la terre (engrais), colza. Très peuplée... Avant la Libération, terres désertes ; conditions naturelles mauvaises : inondations et sécheresses. Rendement limité. Vie très misérable. Après la Libération, larges masses engagée dans voie organisationnelle et collective. 1950 : Réforme agraire. Groupes d'entraide. Coopératives. 1958 : Commune populaire. Forces productives libérées, niveau de vie du Peuple élevé. Révolution Culturelle : paysans pauvres, esprit d'entrain, mobilisés, mouvement de masse, prendre exemple sur brigade de production de Tatchai... Atelier à machines pour réparations. Une quinzaine d'ouvriers... Hôpital de la Commune (sorte de dispensaire très horrible)... Visite d'une maison... Lundi 22 avril (de Nankin à Luo Yang). Bonne nuit dans le wagon-lit... Petites gares très occidentales, pauvres et paisiblel... Le paysage n'est pas culturalisé (sauf la culture elle-même de la terre) : rien qui dise l'histoire. Luo Yang : 15 h. Exposition de Pivoines, fleur de l'endroit... Au fond du Parc à Pivoines, tombeaux des Han Ouest (2000 ans). Ville, lumière très paisible. Mardi 23 avril : (Luo Yang). 8 h. Nous partons en microbus pour les grottes de Long Men... Après la Libération, grottes sérieusement protégées... Nous marchons le long de la berge, toujours abondamment accompagnés. Tapissée de mille bouddhas incrustés dans le mur comme du papier à motifs... Après-midi : Usine de tracteurs... Questions (groupées) et discussion... Soir : Opéra local. Troupe du Henan... Les gens, visiblement, ne demandent qu'à rire ; grande réserve en eux de sensibilité, d'attention, de fraîcheur : ils attendent intensément le talen, la bonne Comédie ; il leur arrive un navet qui, visiblement, les laisse inemployés. Quel gâchis, quelle perte ! Le manque de talent est un crime contre la Révolution. Les actrices : gestes très codés (surtout en chantant)... Mercredi 24 avril (Luo-Yang). Visite d'une usine pour les travaux de mine... En train de Luo Yang à Sian... Jeudi 25 avril (Sian). Pagode de la grande Oie (Tang) 652 après J.C. ... Musée préhistorique... Sian est bien le centre exact de la Chine. Le Musée est bien fait, clair et didactique... Après-midi : Quarante-cinq minutes d'auto vers les Peintres Paysans. Ville interminable. Chez les Peintres Paysans... Avant Libération, vie misérable sous les Propriétaires fonciers. Après la Libération : s'activent à la voie collective... 12 000 peintures d'amateurs sur l'histoire de la commune, etc., 106 collections (recueils). Révolution Culturelle : 8 700 peintures pour critiquer ligne révisionniste Liu Shao Shi et Lin Piao, Pilin Pikong : le peintres paysans ont bien étudié le marxisme-Léninisme... Visite de l'Exposition... 1) réaliste, banal, scène instant prégnang. 2) Panoramiques plus naïfs, plus Douanier Rousseau, ou délires multiplicatifs... Vendredi 26 avril (Sian). Usine de textiles... Jardin d'enfants...Visite de familles (modèles)... Les parents doivent raconter et apprendre à leurs enfants les misères du passé... Après-midi : Source Thermale de Hua Tchin Tchen... Dehors : Petites pagodes kosques... Jardins... Dans la montagne, on voit le pavillon où Chang Kai Tchek a été arrêté... Au Tumulus de Qin Shi Huang Di, Empereur des Légalistes... Le premier empereur qui a unifié la Chine... Soir : Ballet 'La fille aux cheveux blancs' par troupe de la Province. Samedi 27 avril (Sian). Au Musée de la Province. Parapluies. Jardins. Pavillons. Kiosques, portiques genre Pagode. Histoire des cinq Dynasties. Grésil. Esclavagisme et Société féodale... Enfin dernières salles : Forêt de stèles. Grande collection de calligraphies sur pierre. Stèle portant mention de l'entrée des Nostoriens (VIe siècle, début des Tang). Eloges d'empereurs, histoires, biographies : la plupart confucianistes... Ce musée m'est d'un ennui mortel... Après-midi : Bureau administratif des Affaires de la VIIIe armée... Salon. Entrevue entre Responsables et Kuomintang. Photo de Chou En Lai moustache et barbichette (1935). A côté, Chambre à coucher de Chou En Lai. (Ses livres marxistes). Portrait de Sun Yat Sen. Autre salle : Bureau de l'Office et salle de réunion. Articles de Mao. Vieux téléphone. Portrait de Mao jeune, vareuse et casquette à étoile rouge... Halte à la Muraille... Pagode de la Petite Oie Sauvage... Arrivée à l'Opéra. On joue 'La montagne aux Azalées' : sorte d'opéra comique héroïque avec dialogues emphatiques, airs chantés et figures acrobatiques... Dimanche 28 avril (Sian-Pékin). Nous atterrissons à Pékin à 11 H 30... Shopping au Magasin Populaire... Soir : Match de Volley-Ball... Lundi 29 avril (Pékin). 9 h. Départ en microbus pour la Grande Muraille et les tombeaux des Ming... Premiers travaux : sous les Royaumes combattants, il y a 2500 ans ; d'abord : murs les uns contre les autres. Unification par Qin Shi Huang Di – 5000 km. Efficace à l'époque (contre les cavaliers). Forme actuelle : Ming... Treize tombeaux disséminés. Campagne plate et verte. Montagne au fond. Pommiers en fleurs... Visite du Tombeau du treizième Empereur, fin XVIe-début XVIIe siècle. Pins, Portiques, Kiosques-pagodes, Toits de pagode. Petits escaliers... Petit voyage dans la campagne en microbus. Autre tomeau (du troisième Empereur), celui-là non fouillé. Mais c'est très beau, peut-être l'espace le plus beau que nous ayons vu : Pagode, Pins, Palmiers, Courettes, portiques, etc. Bleu, rouge, vert... Mardi 30 avril (Pékin). A l'Institut des Minorités Nationales... Après-midi Shopping... Mercredi 1er mai (Pékin). Au Parc Sun Yat Sen... Au Parc des Travailleurs... Après-midi Au Parc des Nationalités... Au Palais d'été... Soir Spectacle de Sport... Jeudi 2 mai (Pékin). 9 h Séance d'information avec des représentants de Luxingshe... apprendre de nous, sur la France. I. Elections présidentielles ?... II. Mouvement populaire en France ?... III. Crise au sein du PCF... Après-midi Au Temple du Ciel. Dans un grand parc, plein de monde, de banderoles, de gens : c'est encore fête. Différents bâtiments, assez clinquants : remarquable par la marqueterie bleu-beige des toits... Shopping. Magasin de l'Amitié... Vendredi 3 mai Pékin. ...Université de Pékin... La professeur de lettres, Doyen de philosophie matérialiste et dialectique + Professeur de lettres + étudiant de philosophie + cadre Bureau Affaires administratives + id. Aperçu Université : 1898. Trois disciplines : sciences humaines + nature + langues étrangères... Après la Libération : grand développement... – Admission, recrutement des étudiants... – Changement de la structure de l'Enseignement... 11 h questions de fond (envoyée à l'avance)... Promenade en groupe dans le parc solitaire. Lac. Radar devant Pagode. Tombeau des Cendres (une partie) d'Edgar Snow « un American friend of the Chinese people, 1905-72 »... La Bibliothèque... Questions... Repas final offert par Luxingshe. Samedi 4 mai (Pékin). Réveillé à cinq heures pour le départ... Dans l'Avion... Bilan : trois admirations, deux résistances, une question. I 1. Satisfaction des besoins. 2. Brassage des couches. 3. Style, Ethique. II 1. Stéréotypes. 2. Moralité. III Lieu du Pouvoir. Sekundärliteratur Anne Herschberg : Les Français arrivent en Chine en pleine campagne contre Confucius et Lin Piao, qui entraîne à chaque étape du voyage des 'aperçus' idéologiques sur la situation politique, nourris d'une pharaséologie ritualisée. Les carnet de Barthes offrent une vision distanciée de ce parcours, attentive aux détails, aux couleurs, aux paysages, aux corps, aux menus événements du quotidien, qu'il commente avec humour. Les notations de choses vues, senties, entendues, alternent avec des remarques insérées entre crochets : réflexions, méditations, critiques ou phrases de sympathie, qui sont comme des apartés sur le monde alentour. |
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4 | 1985-1995 |
Wei, Aoyu. L'influence de Derrida, Foucault et Barthes en Chine sur la communauté intellectuelle entre 1985 et 1995 [ID D24740]. Aujourd'hui, au moment où nous sommes en train de réfléchir sur le parcours au XXe siècle des idées occidentales en Chine, nous pouvons constater que depuis 1985, des penseurs français contemporains de première importance tels que Jacques Derrida, Michel Foucault et Roland Barthes, présentés à la communauté intellectuelle chinoise par l'intermédiaire des chercheurs et professeurs américains, ont exercé une forte influence. Car l'interprétation, l'assimilation et l'intégration de ces penseurs avant-gardistes en Chine, ainsi que le débat et la controverse suscités autour de leurs réflexions théoriques ont marqué une rupture dans l'histoire et l'évolution en Chine de la réception des idées occidentales et européennes en particulier, idées auxquelles la communauté intellectuelle avait toujours recouru comme de grandes références depuis 1840 pour mettre en place la stratégie de modernisation de l'Empire du Milieu dans tous les domaines, à commencer par celui des concepts. Après que les remières revendications de démocratic affichées sur le Mur de la Démocratie de Xidan à Pékin furent étouffées par Deng Xiaoping, la communauté intellectuelle chinoise trouva que l'art et la littérature étaient le meilleur vecteur d'une idéologie libératrice pour un peuple longtemps enfermé et isolé du monde extérieur. C'est justement à ce moment-là et dans ce domaine-là que la communauté intellectuelle attendait la rencontre d'un certain Derrida, Foucault et Barthes, qui recouraient eux aussi à l'art, à la littérature et à l'histoire modernistes et post-modernistes pour 'déconstruire' tout discours totalitaire. Peu habituée au style obscur et plein de néologismes, perplexe en face de ce que certains intellectuels français qualifiaient de terrorisme intellectuel, la communauté intellectuelle chinoise, qui a toujours tenté de raisonner dans une tradition carésienne ou hégélienne, essaya quand même avec la plus grande bonne volonté d'accéder à l'essentiel de ces penseurs extraordinaires. Mais peu de temps après, des critiques littéraires ou artistiques, qui apprenaient vite, se mirent à imiter, pasticher et reproduire le style de ces maîtres en termes chinois fraîchement inventés, qui ne relevaient souvent d'aucune correspondance exacte. Un débat au niveau national s'engageait sur le choix entre la stratégie de l'occidentalisation dont le fond philosophique était dénoncé et condamné même par les grands penseurs européens, et le retour à la grande tradition chinoise dont les valeurs essentielles, dites asiatiques, semblaient trouver le moment propice pour s'y substituer. Ceux qui ont choisi de rester dans la tradition de la métaphysique européenne continuaient à rechercher la liberté absolue en élaborant une image de la Chine du future selon le modèle offert par les rationalistes, l'image de l'Etat de droit, de la démocratie, de la liberté et des droits de l'homme. Alors que ceux qui ont choisi de 'déconstruire' la tradition métaphysique occidentale avec les armes théoriques fournies par Jacques Derrida, transférées par ses représentants américains et reformulées par des critiques avant-gardistes chinois, ont fourni de nouvelles ressources ailmentant les pensées du conservatisme culture. Nous découvrons qu'à cette époque, une déduction libre et une interprétation fallacieuse de la pensée de Derrida se répandirent rapidement dans la communauté intellectuelle et surtout chez les jeunes étudiants des universités et dans la grande presse littéraire ou artistique, avec des termes comme 'post-modernisme', 'post-histoire', 'post-littérature', 'post-peinture', 'post-poésie', 'post-narration', etc. Sur le terrin de la pensée, à l'universalisme des principes chers aux philosophes des Lumières, les post-modernistes et déconstructionnistes chinois opposèrent une différence, une différenciation radicale pour défendre l'identité culturelle, nationale et nationaliste qui, irréductible et incommensurable, ne saurait selon eux être mondialisée, assimilée par les valeurs universelles de l'idéologie dominante capitaliste. La théorie de la déconstruction de Derrida a recouru aux langues 'hiéroglyphiques' pour les mettre en opposition avec les langues occidentales phonétiques qui, grosses d'une longue histoire d'abstraction logique et supérieures, selon Hegel, à toutes les autres langues 'naturelles', constituent la base de la métaphysique occidentale, dont le noyau est le 'logos'. La thèse de la métaphysique avancée par Derrida a été renforcée par la thèse de la 'fin de l'histoire' de Michel Foucault. Ce qui encourageait beaucoup de militants déconstructionnistes chinois dans leurs effort acharnés pour déraciner les traditions culturelles et historique européennes. Selon eux, les valeurs occidentales véhiculées dans les 'grand récis' d'histoire sont désormais démystifiés par rapport à leur ancienne image historique de grande tradition continue, linéaire, qui s'étend jusqu'à nos jours et qui aurait toutes raisons de continuer à s'étendre dans le futur. Roland Barthes est, en Chine, consacré comme le plus grand théoricien et avocat du modernisme littéraire et l'incontestable représentant du post-modernisme. Sa passion pour la nouveauté absolue et la révolution du langage, sa faiblesse pour le vide, le néant. 'L'empire des signes' dont le sens est reporté à l'infini et donc déporté, avec le concours de l'enchantement provenant de Derrida et de Foucault, avaient fini par persuader un certain nombre d'intellectuels chinois de la fin de la ittérature au sens traditionnel. Toutes ces 'fins' anticipées et annoncées par Derrida, Foucault et Barthes ont profondément bouleversé la communauté intellectuelle chinoise et ont rendu absurde sa poursuite d'un idéal issu de la foi en la Raison, le Progrès et la Science. Elles ont justifié, par ailleurs, la légitimité que se donnaient les autorités chinoises pour refuser les valeurs universelles occidentales et leur résister, ainsi que la revendication d'une réforme politique basée sur ces valeurs. Jacques Derrida lui-même s'est montré surpris du sort fait en Chine à sa théorie de la déconstruction, lorsque je lui ai expliqué, dans la Maison des Sciences de l'Homme, l'évolution de la communauté intellectuelle chinoise au cours de ces quinze dernières années. Pourtant personne ne pourrait faire de reproches à un philosophe français qui a lutté avec sincérité contre le totalitarisme sous toutes ses formes, s'est rendu à Prague en 1968 pour exmprimer sa solidarité avec les intellectuels tchèques libéraux et y a été fait prisonnier. Si nous réfléchissons à la raison des effets pervers de l'influence qu'ont exercée Derrida, Foucault et Barthes sur la communauté intellectuelle chinoise entre 1985 et 1995, ce n'est pas seulement le fait du pouvoir quasi magique de la langue chinoise d'assimiler et de transformer les concepts étrangers, c'est aussi le fait de la capacité hautement performante des pouvoirs impériaux ou communistes chinois de récupérer et de détourner les ressources de pensée subversives. |
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5 | 2009 |
Philippe Sollers : "La voix de Barthes me manque". In : Magasin littéraire ; janvier 2009 : http://www.magazine-litteraire.com/content/inedits/article.html?id=12435. Propos recueillis par Aliocha Wald Lasowski. Aliocha Wald Lasowski : Le regard que Roland Barthes porte sur la Chine témoigne-t-il d'un intérêt identique, partagé et croisé, entre la Chine et le Japon ? Eprouve-t-il, comme vous, au contact de la Chine « cette passion pour tout ce qui touchait à la pensée, à la poésie, à la peinture et à l’histoire de cette civilisation», pour reprendre votre expression dans Passion fixe ? Philippe Sollers : Bizarrement, je ne crois pas. Barthes s'est intéressé au Japon. L'Empire des signes contient des ouvertures éventuelles vers la Chine, mais je ne pense que sa civilisation, sa pensée, sa poésie, sa peinture l'aient beaucoup intéressé. Quand nous y étions en 1974, je me souviens très bien, lorsque nous croisions un car de Japonais (il y avait alors très peu de touristes étrangers), nos guides nous demandaient immédiatement si nous voyions bien la différence entre les Japonais et eux, ce qui, pour moi, sautait aux yeux ! Mais peut-être que pour un occidental classique, tout cela est vite noyé dans la notion d'Asie. La Chine, c'est trois mille ans d'histoire, le Japon, beaucoup moins, c'est moins profond, moins intéressant. La passion de la Chine, c'est vraiment moi. [...] Revenons sur ce voyage en Chine : quel souvenir en gardez-vous ? Ce voyage a été pour Barthes une épreuve. Il s'ennuyait, il n'avait pas tellement envie de voyager à l'époque. Ses notes et ses carnets le disent bien. Pour moi, au contraire, c'était exaltant, ce périple déclenchait une émotion très vive, moins sur le plan de la ritournelle politique, comme on l'a trop dit, que pour la découverte intense des paysages, du lieu même chinois. Les corps chinois m'ont tout de suite interpellé avec une grande force. Je me demandais tout le temps, à Pékin ou à Shanghai, ce que serait la Chine dans vingt, trente ans. Nous y sommes, pratiquement ! Moi, j'allais faire du vélo dans Pékin. A Shanghai, je descendais voir les gens extrêmement silencieux, des milliers, qui à six heures du matin faisaient du Tai Shi suan (la gymnastique traditionnelle). L'avenir m'a paru être tout à fait chinois, notamment en observant les chinoises. Avec Barthes, nous avons assisté dans un stade bourré de monde à un match de volley-ball entre l'Iran et la Chine. L'équipe masculine iranienne a vaincu l'équipe chinoise, puis ce fut au tour des sportives iraniennes. Elles sont arrivées bruyantes et agitées, et les chinoises, restées muettes et concentrées, les ont écrasées. La disproportion du match hommes-femmes était intéressante, la Chine a beaucoup à nous dire sur ce plan-là, et sur plein d'autres. C’est l’époque où j'apprenais le chinois. J'en ai fais deux ans, pour comprendre un peu. Au-delà ce qu’on a appelé le maoïsme, il s'agissait bien plus de comprendre comment fonctionne cette merveilleuse civilisation. [...] Vous évoquez mai 68. Qu'est-ce que ça a représenté pour Barthes ? Ca l'a bousculé, il n’a pas été hostile. Avec Tel Quel, on s'est beaucoup agité à ce moment-là. Si 68 l'a dérangé dans ses habitudes, Barthes a considéré que ce n’était pas une si mauvaise chose. 68, c'est surtout une transmission de générations. Je crois même que Barthes a repris un slogan du Quotidien du Peuple à l'époque de Pékin : « Nous avons besoin de têtes brûlées et pas de moutons. » Pour le qualifier, je reprendrais volontiers la formule d'Orwell, parlant de lui-même : « C'était un anarchiste conservateur.» Avec décence, avec ce qu'Orwell appelle magnifiquement la décence ordinaire. Barthes est un esprit antitotalitaire, très sensible à tout ce qui pouvait donner des signes de fascisme. |
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6 | 2009 |
Sollers, Philippe. Le supplice chinois de Barthes. Retour sur un voyage chez Mao. In : BiblioObs 2009. http://bibliobs.nouvelobs.com/20090129/10272/le-supplice-chinois-de-barthes-par-philippe-sollers. Lorsque notre petite délégation arrive à Pékin, le 11 avril 1974, la campagne maoïste de masse contre Lin Piao et Confucius bat son plein, et, pour la propagande, les Chinois sont des virtuoses. Pauvre Barthes! Il a 59 ans, je lui ai un peu forcé la main pour ce voyage, il est dans une phase épicurienne et gidienne, il a aimé sa liberté au Japon, et il tombe en plein tohu-bohu, aux antipodes de toute nuance. Le rusé Lacan, lui, vexé d'être traité par les Chinois de Paris de «vétéran de "Tel Quel"» (c'était pourtant un hommage, cela voulait dire que Lacan avait fait une Longue Marche, et c'était vrai aussi pour Barthes, constamment critiqué dans son propre pays), s'était récusé à la dernière minute, sous prétexte que sa maîtresse du moment n'avait pas obtenu de visa. Figurez-vous qu'obtenir un visa pour la Chine était toute une affaire. Mais enfin, je m'étais débrouillé pour ça. Le vétéran Barthes l'avait mauvaise, mais, ses «Carnets» le prouvent, il a été héroïque de bout en bout, s'ennuyant à mort, prenant des notes studieuses et interminables sur les visites fastidieuses d'usines qu'on lui faisait subir, assommé par le «cimentage en blocs de stéréotypes», ce qu'il appelle des «briques» de discours répétées jusqu'à la nausée. Il a des migraines, il dort mal, il en a marre, il est éreinté, il refuse parfois de descendre de voiture pour voir de splendides sculptures. Il va d'ailleurs me trouver de plus en plus fatigant parce que, moi, je ne demande pas mieux que de jouer aux échecs chinois, de faire du ping-pong avec des lycéens, de conduire n'importe comment un tracteur local, ou d'avoir des discussions véhémentes avec des professeurs de philosophie recyclés. Ce voyage m'a beaucoup été reproché, et c'est normal. En réalité, tout en essayant sans cesse d'imaginer comment serait la Chine dans quarante ans, j'avais une obsession simple: soutenir les Chinois, coûte que coûte, dans leur rupture avec les Russes de l'ex-URSS. La Chine devait-elle rester une colonie soviétique? Hé non. Régime totalitaire et encore stalinien? Bien sûr, mais cet énorme pays pouvait-il en sortir? C'était l'enjeu, c'est toujours l'enjeu. A l'époque avait lieu le grand renversement des alliances, Nixon à Pékin, Lin Piao s'écrasant en avion quelque part vers la Mongolie, et toujours le vieux Mao sanglant flottant au-dessus du chaos comme une feuille, le vieux Mao de Malraux, après tout, dix ans auparavant. Barthes trouvait que j'exagérais, et il n'avait pas tort, sans avoir pour autant raison. Que lisait-il dans le train sans regarder le paysage souvent admirable? «Bouvard et Pécuchet». Moi, c'était les classiques taoïstes. A aucun moment, sauf pour les calligraphies, il ne semble préoccupé par une langue et une culture millénaires en péril. La propagande l'assomme, il trouve le peuple «adorable», mais l'absence de tout contact personnel le jette en plein désarroi. Des contacts? Impossible, face à des foules qui vous regardent comme des animaux exotiques, des «longs nez» tombés d'une autre planète (au moins 800 personnes nous suivaient le soir, sur les quais de Shanghai). Ces «Carnets» le montrent: la Chine est pour Barthes «un désert sexuel». Et l'angoisse monte: «Mais où mettent-ils donc leur sexualité?» Pas la moindre chance de trouver un partenaire : «Qui est ce garçon à côté de moi ? Que fait-il dans la journée? Comment est sa chambre? Que pense-t-il? Quelle est sa vie sexuelle?» Devant les magnifiques grottes bouddhistes de Longmen, il boude et note d'une façon extravagante: «Et avec tout ça je n'aurai pas vu le kiki d'un seul Chinois. Or que connaître d'un peuple si on ne connaît pas son sexe?» Je doute que, se relisant plus tard, Barthes aurait laissé subsister cette phrase, consternante de vulgarité. Passer trois semaines sans voir le moindre «kiki» (mot bizarrement infantile) était donc un supplice? C'est vrai qu'à l'opéra (ennuyeux, sauf les acrobaties féminines) on pouvait craindre l'incident diplomatique, en voyant Barthes regarder intensément un de ses jeunes voisins chinois impassible. Le passage à l'acte aurait peut-être été révolutionnaire, mais peu souhaitable, à moins de désirer confusément une reconduite rapide à l'aéroport. Autre perle, ce cri d'effroi: «Décidément, il y a trop de filles dans ce pays. Elles sont partout.» La Chinoise, pour Barthes, n'est pas au programme, or c'est précisément cet afflux du féminin, «moitié du ciel», qui était l'événement le plus impressionnant. Barthes était-il agacé de voir Julia Kristeva mener son enquête sur l'émancipation féminine en Chine? C'est probable, et le livre qu'elle a écrit, «Des Chinoises», n'a pas manqué à son retour de provoquer des polémiques, avant d'être publié en Chine ces jours-ci. Mais Barthes ne perçoit, dans cette montée en puissance, que «matriarcat», «infantilisation», «civilisation d'enfants infantilisés». On comprend son brusque soulagement, en repassant par Pékin: «Le shopping me fait revivre.» En réalité, l'auteur de «Mythologies» qui a été très longtemps considéré par l'Université comme un penseur terroriste était avant tout fragile, comme le dévoile son émouvant «Journal de deuil», consacré à la mort de sa mère. Cependant, le vrai, le grand Barthes n'est pas dans ces brouillons et ces fiches, mais dans ses merveilleux livres composés avec soin, «l'Empire des signes» ou «la Chambre claire». Dire qu'on ne s'est pas brouillés après cette virée improbable en Chine! Lisez donc «Sollers écrivain». |
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7 | 2010 |
Leys, Simon. Barthes et la Chine. In : La croix ; 17. Sept. 2010 http://www.la-croix.com/livres/article.jsp?docId=2364309&rubId=43500 En avril-mai 1974, Roland Barthes a effectué un voyage en Chine avec un petit groupe de ses amis de Tel Quel. Cette visite avait coïncidé avec une purge colossale et sanglante, déclenchée à l'échelle du pays entier par le régime maoïste – la sinistrement fameuse «campagne de dénonciation de Lin Biao et Confucius» (pi Lin pi Kong). À son retour, Barthes publia dans Le Monde un article qui donnait une vision curieusement joviale de cette violence totalitaire : «Son nom même, en chinois Pilin-Pikong, tinte comme un grelot joyeux, et la campagne se divise en jeux inventés : une caricature, un poème, un sketch d'enfants au cours duquel, tout à coup, une petite fille fardée pourfend entre deux ballets le fantôme de Lin Biao : le Texte politique (mais lui seul) engendre ces mêmes happenings.» À l'époque cette lecture me remit aussitôt en mémoire un passage de Lu Xun – le plus génial pamphlétaire chinois du XXe siècle : «Notre civilisation chinoise tant vantée n'est qu’un festin de chair humaine apprêté pour les riches et les puissants, et ce qu'on appelle la Chine n'est que la cuisine où se concocte ce ragoût. Ceux qui nous louent ne sont excusables que dans la mesure où ils ne savent pas de quoi ils parlent, ainsi ces étrangers que leur haute position et leur existence douillette ont rendus complètement aveugles et obtus.» Deux ans plus tard, l'article de Barthes fut réédité en plaquette de luxe à l'usage des bibliophiles – augmenté d'une Postface, qui m'inspira la note suivante : «(…) M. Barthes nous y explique en quoi résidait la contribution originale de son témoignage (que de grossiers fanatiques avaient si mal compris à l'époque ) : il s'agissait, nous dit-il, d'explorer un nouveau mode de commentaire, “le commentaire sur le ton no comment” qui soit une façon de “suspendre son énonciation sans pour autant l'abolir”. M. Barthes, qui avait déjà de nombreux titres à la considération des lettrés, vient peut-être de s'en acquérir un qui lui vaudra l'immortalité, en se faisant l'inventeur de cette catégorie inouïe : le “discours ni assertif, ni négateur, ni neutre”, “l'envie de silence en forme de discours spécial”. Par cette découverte dont toute la portée ne se révèle pas d'emblée, il vient en fait – vous en rendez-vous compte ? – d'investir d'une dignité entièrement neuve, la vieille activité, si injustement décriée, du parler-pour-ne-rien-dire. Au nom des légions de vieilles dames qui, tous les jours de cinq à six, papotent dans les salons de thé, on veut lui dire un vibrant merci. Enfin, ce dont beaucoup sans doute devront lui être le plus reconnaissants, dans cette même postface, M. Barthes définit avec audace ce que devrait être la vraie place de l'intellectuel dans le monde contemporain, sa vraie fonction, son honneur et sa dignité : il s'agit, paraît-il, de maintenir bravement, envers et contre “la sempiternelle parade du Phallus” de gens engagés et autres vilains tenants du “sens brutal”, ce suintement exquis d'un tout petit robinet d'eau tiède.» Voici maintenant que ce même éditeur nous livre le texte des carnets dans lesquels Barthes avait consigné au jour le jour les divers événements et expériences de ce fameux voyage. Cette lecture pourrait-elle nous amener à réviser notre opinion ? Dans ces carnets, Barthes note à la queue-leu-leu, très scrupuleusement, tous les interminables laïus de propagande qu'on lui sert lors de ses visites de communes agricoles, d'usines, d'écoles, de jardins zoologiques, d'hôpitaux, etc. : «Légumes : année dernière, 230 millions livres + pommes, poires, raisin, riz, maïs, blé; 22 000 porcs + canards. (…) Travaux d'irrigation. 550 pompages électriques; mécanisation : tracteurs + 140 monoculteurs. (...) Transports : 110 camions, 770 attelages; 11 000 familles = 47 000 personnes (...) = 21 brigades de production, 146 équipes de production»… Ces précieuses informations remplissent 200 pages. Elles sont entrecoupées de brèves notations personnelles, très elliptiques : «Déjeuner : tiens, des frites ! – Oublié de me laver les oreilles – Pissotières – Ce qui me manque : pas de café, pas de salade, pas de flirt – Migraines – Nausées.» La fatigue, la grisaille, l'ennui de plus en plus accablant ne sont traversés que par de trop rares rayons de soleil – ainsi une tendre et longue pression de main que lui accorde un «joli ouvrier». Le spectacle de cet immense pays terrorisé et crétinisé par la rhinocérite maoïste a-t-il entièrement anesthésié sa capacité d'indignation ? Non, mais il réserve celle-ci à la dénonciation de la détestable cuisine qu'Air France lui sert dans l'avion du retour : «Le déjeuner Air France est si infect (petits pains comme des poires, poulet avachi en sauce graillon, salade colorée, chou à la fécule chocolatée – et plus de champagne !) que je suis sur le point d'écrire une lettre de réclamation.» (C'est moi qui souligne.) [...] |
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# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 1974 | Barthes, Roland. Alors la Chine ? In : Le monde ; 24 mai (1974). = (Paris : C. Bourgois, 1975). | Publication / Bart3 |
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2 | 1987 |
[Barthes, Roland]. Fu hao xue mei xue. Luolan Bate zhu ; Dong Xuewen, Wang Kui yi. (Shenyang : Liaoning ren min chu ban she, 1987). (Mei xue yi wen cong shu). Übersetzung von Barthes, Roland. Eléments de sémiologie. (Paris : Communications, 1964). 符号学美学 |
Publication / Bart6 | |
3 | 1988 |
[Barthes, Roland]. Fu hao xue yuan li : jie gou zhu yi wen xue li lun wen xuan. Luolan Ba'erte zhu ; Li Youzheng yi. (Beijing : San lian shu dian, 1988). (Wen hua, Zhongguo yu shi jie xi lie cong shu. Xian dai xi fang xue shu wen ku). Übersetzung von Barthes, Roland. Le degrée zéro de l'écriture. (Paris : Le Seuil, 1953). 符號學原理 結構主義文學理論文選 |
Publication / Bart9 | |
4 | 1988 |
[Barthes, Roland]. Lian ren xu yu : yi ben jie gou zhu yi de wen ben. Luolan Bate zuo zhe ; Wang Yaojin, Wu Peirong yi zhe. (Shanghai : Shanghai ren min chu ban she, 1988). (Gui guan xin zhi cong shu ; 4). Übersetzung von Barthes, Roland. Fragments d'un discours amoureux. (Paris : Ed. du Seuil, 1977). 戀人絮語 : 一本解構主義的文本 |
Publication / Bart11 | |
5 | 1991 |
[Barthes, Roland]. Xie zuo de ling du : jie gou zhu yi wen xue li lun wen xuan. Luolan Bate zhu ; Li Youzheng yi. (Taibei : Gui guan tu shu gu fen you xian gong si, 1991). (Dang dai si chao xi lie cong shu ; 25). Übersetzung von Barthes, Roland. Le degrée zéro de l'écriture. (Paris : Le Seuil, 1953). 写作的零度 : 结构主义文学理论文选 |
Publication / Bart16 | |
6 | 1992 |
[Barthes, Roland]. Fu hao chan yi dong yang feng : Bate'er bi xia de Riben. Luolan Bate'er zhu ; Sun Naixiu yi. (Xianggang : Shang wu yin shu guan you xian gong si, 1992). (Ba dao cong shu). Übersetzung von Barthes, Roland. L'empire des signes. (Genève : A. Skira, 1970). 符號禪意東洋風 : 巴爾特筆下的日本 |
Publication / Bart5 | |
7 | 1992 |
[Barthes, Roland]. Fu hao xue yuan li. Bate ; Huang Tianyuan yi. (Nanning : Guang xi min zu chu ban she, 1992). Übersetzung von Barthes, Roland. Eléments de sémiologie. (Paris : Communications, 1964). 符号学原理 |
Publication / Bart7 | |
8 | 1992 |
[Culler, Jonathan D.]. Ba'erte. Qiaonasen Kale zhu ; Sun Naixiu yi. (Beijing : Zhongguo she hui ke xue chu ban she, 1992). (Wai guo zhu ming si xiang jia yi cong). Übersetzung von Culler, Jonathan D. Roland Barthes. (New York, N.Y. : Oxford University Press, 1983). 巴尔特 |
Publication / Bart19 | |
9 | 1995 |
[Barthes, Roland]. Ming shi : she ying zha ji. Luolan Bate zhu ; [Xu Qiling yi]. (Taibei : Taiwan she ying Ji kan, 1995). Übersetzung von Barthes, Roland. La chambre claire : note sur la photographie. (Paris : Gallimard, 1980). 明室 : 攝影札記 |
Publication / Bart13 | |
10 | 1997 |
[Barthes, Roland]. Pi ping yu zhen shi. Luolan Bate zhu ; Wen Jinyi yi. (Taibei : Gui guan tu shu gong si, 1997). (Xin zhi cong shu ; 82). Übersetzung von Barthes, Roland. Critique et vérité. (Paris : Ed. du Seuil, 1966). 批评与真实 |
Publication / Bart14 | |
11 | 1997 |
[Barthes, Roland]. Shen hua xue. Luolan Bate zhu ; Xu Qiangqiang, Xu Qiling yi. (Taibei : Gui guan tu shu gong si, 1997). (Xin zhi cong shu ; 84). Übersetzung von Barthes, Roland. Mythologies. (Paris : Editions du Seuil, 1953). 神话学 |
Publication / Bart15 | |
12 | 1998 |
[Barthes, Roland]. Liu xing ti xi. Luolan Bate zhu ; Ao Jun yi ; Yu Fan bian shen. Vol. 1-2. (Taibei : Gui guan tu shu gu fen you xian gong si, 1998). (Xin zhi cong shu ; 37). Übersetzung von Barthes, Roland. Système de la mode. (Paris : Ed. du Seuil, 1967). 流行體系 |
Publication / Bart12 | |
13 | 1999 |
[Barthes, Roland]. Fu hao xue yuan li. Luolan Ba'erte zhu ; Wang Dongliang deng yi. (Beijing : San lian shu dian, 1999). (Falanxi si xiang wen hua cong shu). Übersetzung von Barthes, Roland. Eléments de sémiologie. (Paris : Communications, 1964). 符号学原理 |
Publication / Bart8 | |
14 | 2000 |
[Barthes, Roland]. S/Z. Luolan Bate zhu ; Tu Youxiang yi. (Shanghai : Shanghai ren min chu ban she, 2000). (Dong fang shu lin ju le bu wen ku). Übersetzung von Barthes, Roland. S/Z. (Paris : Ed. du Seuil, 1970). [Enthält : Balzac, Honoré de. Sarrasine]. 屠友祥 |
Publication / BalH81 | |
15 | 2004 |
[Wartenberg, Thomas E.]. Lun yi shu de ben zhi : ming jia jing xuan ji. Tangmasi Huatengboge bian zhu ; Zhang Shujun, Liu Lanyu, Wu Peien yi zhe. Vol. 1-29. (Taibei : Wu guan yi shu guan li you xian gong si, 2004). Übersetzung von Wartenberg, Thomas E. The nature of art : an anthology. (Fort Worth : Harcourt College, 2002). 論藝術的本質 : 名家精選集 [Enthält] : Vol. 1. Yi shu ji mo fang : Bolatu = Art as imitation : Plato. Vol. 2. Yi shu ji ren zhi : Yalisiduode. = Art as cognition : Aristotle. Vol. 3. Yi shu ji zai xian zi ran : Aboti. = Art as representing nature : Leon Battista Alberti Vol. 4. Yi shu ji pin wei de dui xiang : Xiumo. = Art as object of taste : David Hume. Vol. 5. Yi shu ji ke gou tong de yu yue : Kangde. = Art as Communicable pleasure : Immanuel Kant. Vol. 6. Yi shu ji qi shi : Shubenhua. = Art as revelation : Arthur Schopenhauer. Vol. 7. Yi shu ji li xiang de dian xing : Heige’er. = Art as the ideal : G.W.F. Hegel. Vol. 8. Yi shu ji jiu shu : Nicai. = Art as redemption : Friedrich Nietzsche. Vol. 9. Yi shu ji qing gan jiao liu : Tuoersitai. = Art as communication of feeling : Leo N. Tolstoy. Vol. 10. Yi shu ji zheng zhuang : Fuluoyide. = Art as symptom : Sigmund Freud. Vol. 11. Yi shu ji you yi han de xing shi : Beier. = Art as significant form : Clive Bell. Vol. 12. Yi shu ji biao da : Kelinwu. = Art as expression : R.G. Collingwood. Vol. 13. Yi shu ji jing yan : Duwei. = Art as experience : John Dewey. Vol. 14. Yi shu ji zhen li : Haidege. = Art as truth : Martin Heidegger. Vol. 15. Yi shu ji qi yun : Banyaming. = Art as auratic : Walter Benjamin. Vol. 16. Yi shu ji zi you : Aduonuo. = Art as liberatory : Theodor Adorno. Vol. 17. Yi shu ji wu ding yi : Weizi. = Art as indefinable : Morris Weitz. Vol. 18. Yi shu ji qi shi : Gudeman. = Art as exemplification : Nelson Goodman. Vol. 19. Yi shu ji li lun : Dantuo. = Art as theory : Arthur Danto. Vol. 20. Yi shu ji ji gou : Diqi. = Art as institution : George Dickie. Vol. 21. Yi shu ji mei xue chan wu : Biersili. = Art as aesthetic production : Monroe C. Beardsley. Vol. 22. Yi shu ji wen ben : Bate. = Art as text : Roland Barthes. Vol. 23. Yi shu ji lian wu : Paibo. = Art as fetish : Adrian Piper. Vol. 24. Yi shu ji jie gou : Dexida. = Art as deconstructable : Jacques Derrida. Vol. 25. Yi shu ji nü xing zhu yi : Han'en. = Art as feminism : Hilde Hein. Vol. 26. Yi shu ji mai luo : Jiegede. = Art as contextual : Dele Jegede. Vol. 27. Yi shu ji hou zhi min : Aipiya. = Art as postcolonial : Kwame Anthony Appiah. Vol. 28. Yi shu ji xu ni : Daiweisi. = Art as virtual : Douglas Davis. Vol. 29. Dao lun. = About the authors. |
Publication / Schop20 |
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16 | 2009 | Barthes, Roland. Carnets du voyage en Chine. Ed. établie, présentée et annotée par Anne Herschberg Pierrot. (Paris : C. Bourgois, 2009). [Bericht seiner Reise 1974]. | Publication / Bart2 |
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# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 1991 | Lowe, Lisa. Critical terrains : French and British orientalisms. (Ithaca, N.Y. : Cornell University Press, 1991). | Publication / Lowe1 | |
2 | 1991 |
[Culler, Jonathan D.]. Luolan Ba'erte. Qiaonasen Kale'er zhu ; Fang Qian, Li Youzheng yi. (Taibei : Shi bao wen hua chu ban qi ye you xian gong si, 1991). (Li shi yu xian chang ; 16). Übersetzung von Culler, Jonathan D. Roland Barthes. (New York, N.Y. : Oxford University Press, 1983). 羅蘭巴爾特 |
Publication / Bart18 | |
3 | 1997 |
[Calvet, Louis-Jean]. Jie gou yu fu hao : Luolan Ba'erte zhuan. Luyi Rang Ka'erwei zhu ; Che Jinshan yi. (Beijing : Beijing da xue chu ban she, 1997). (Er shi shi ji Faguo si xiang jia ping zhuan cong shu ; 7). Übersetzung von Calvet, Louis-Jean. Roland Barthes; un regard politique sur le signe. (Paris : Payot, 1973). 结构与符号 : 罗兰巴尓特传 |
Publication / Bart17 | |
4 | 1999 |
Wang, Min'an. Luolan Bate. (Changsha : Hunan jiao yu chu ban she, 1999). (Xi fang si xiang jia yan jiu cong shu). [Abhandlung über Roland Barthes]. 罗兰巴特 |
Publication / Bart20 | |
5 | 2000 | Bush, Christopher Paul. Ideographies : figures of Chinese writing in modern Western aesthetics. (Los Angeles, Calif. : University of California, 2000). Diss. Univ. of California, 2000). | Publication / Pley3 | |
6 | 2001 | Wei, Aoyu. L'influence de Derrida, Foucault et Barthes en Chine sur la communauté intellectuelle entre 1985 et 1995 : une pensée detournée et un effet pervers. In : Ruptures ou mutations au tournant du XXIe siècle : changements de géographie mentale ? Textes rassemblés par Rita H. Régnier. (Paris : L'Harmattan, 2001). (Sciences humaines Asie Europe). | Publication / Derr24 | |
7 | 2004 |
Zhang, Guanghe. Zhu zai Bate, Sangtage, Benyaming de zhao pian li. (Guilin : Guangxi shi fan da xue chu ban she, 2004). [Abhandlung über Roland Barthes, Susan Sontag, Walter Benjamin]. 住在巴特桑塔格本雅明的照片里 |
Publication / Ben23 | |
8 | 2009 |
Pollack, Rachel. La Chine en rose ? : Tel Quel face à la Révolution culturelle. http://www.dissidences.net/compl_vol8/Pollack.pdf |
Web / Bart4 |