1932
Publication
# | Year | Text | Linked Data |
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1 | 1641 |
La Mothe le Vayer, François de. La vertu des payens [ID D1684]. Virgile Pinot : La Mothe le Vayer examine le problème du salut des infidèles dans un esprit tout nouveau, qui est le résultat de la découverte de l'Amérique et de la Chine. Si l'on doit accorder, dit-il, que les philosophes païens qui ont bien vécu, conformément à la loi naturelle, avant la loi de Moïse ont pu être sauvés, on doit accorder aussi que les sages des nations chez qui les apôtres n'ont pas prêché le christianisme peuvent être sauvés eux aussi. Mais le christianisme a-t-il été prêché à toute la terre dès le temps des Apôtres, comme le prétendent certains Pères de l'Église, et comme le dit Saint-Paul dans l'Épitre aux Romains, où il adapte à la parole de Dieu ce que David a dit de la parole des Cieux, qui a été entendue de toute la terre ? S'il en était ainsi, tous les Américains, tous les Chinois vertueux seraient damnés. Mais que veulent dire les Pères par cette expression : toute la terre ? Ils parlent du monde entier, mais tel qu'il était connu de leur temps. Or ils n'avaient jamais entendu parler de l'Amérique, de la Chine et des terres Australes. D'ailleurs les Japonais se sont plaint à Saint François-Xavier d'avoir été les derniers à recevoir la prédication de l'évangile. La Mothe le Vayer constate que la religion chinoise est plus pure que celle des Grecs, des Romains ou des Égyptiens, puisqu'elle n'est pas remplie de prodiges, et que 'les Chinois n'ont reconnu de temps immémorial qu'un seul Dieu qu'ils nomment le Roy du Ciel'. Or, parmi tous les Chinois de tous les temps, l'homme le plus célèbre est sans contredit Confucius, que l'on peut appeler le Socrate de la Chine. Comme Socrate en Grèce, et à peu près à la même époque, il a fait descendre la philosophie du ciel sur la terre. Alors que les Chinois s'adonnaient aux arts libéraux et à toutes les sciences 'qui ont eu cours à la Chine aussi bien que parmi nous, il leur montra la valeur de l’Éthique, si bien qu'on escrit que depuis luy il ne s'est plus fait de Bacheliers ny de Docteurs à la Chine qu'en les examinant sur la morale'. Et comme tous ces gradués qui ont été nourris dans la doctrine de Confucius occupent toutes les situations de l'État, on peut dire que c'est la doctrine même de Confucius qui gouverne la Chine : 'Certes ce n'est pas une petite gloire à Confucius d’avoir mis le sceptre entre les mains de la Philosophie et d’avoir fait que la force obéisse paisiblement à la raison'. Quant au principe de la morale de Confucius, c'est le principe même de la morale naturelle qui est 'de ne faire jamais à autruy ce que nous ne voudrions pas qui nous fût fait'. Donc Confucius, qui, d'une part, a cru à l'existence d'un Dieu unique, créateur de toutes choses, et qui a pris comme centre de son éthique le précepte essentiel de la loi de nature, peut être sauvé, 'Dieu luy conférant ceste grâce spéciale qu'il ne refuse jamais à ceus qui contribuent par son moyen tout ce qui est de leur possible pour l'obtenir'. |
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2 | 1658 |
Martini, Martino. Sinicae historiae decas prima... [ID D1703]. Martini schreibt über Laozi : Er behauptete, dass die Seele mit dem Körper stürbe und dass die Wollust das höchste Gut des Menschen sei. Seine Anhänger bemühten sich nur darum, ihr Leben zu verlängern, um das Glück der Wollust so lange wie möglich zu geniessen ; dabei wendeten sie abscheuliche Mittel an, um dieses Ziel zu erreichen... Über das Dao de jing schreibt er : Tao, die grosse Ratio, hat keinen Namen. Den Himmel erschuf sie und die Erde ; gestaltlos. Die Gestirne bewegt (sie), selbst unbewegt. Weil ich ihren Namen nicht kenne, heiss ich sie Tao oder höchste Ratio ohne Gestalt. Claudia von Collani : Martini ist der erste Jesuit, der unvoreingenommen über den Taoismus berichtet und vermutlich der erste, der das Dao de jing in der westlichen Literatur erwähnt. Er gibt eine kurze Beschreibung des Taoismus und der Taoisten, die danach trachten, ihr Leben möglichst zu verlängern. Liu Weijian : Diese Charakterisierung Laozis als Begründer einer chinesischen epikureischen Sekte, als Anwalt der Wollust war für die Rezeption des Taoismus in der Folgezeit massgebend. Die dogmatischen Missionare sahen in ihm eine unsittliche, mit dem Teufel vergleichbare Gegenfigur zu Gott. Virgile Pinot : Martini marque les époques de l'ancienne histoire chinoise selon le cycle sexagénaire et il fait remonter le cyle à la première année du règne de Huangdi, ce qui correspond à l'an 2697 av. J.-C. Il laisse de côté les temps antérieurs de l'an 2952 av. J.-C. Le P. Martini qui le premier fournit des documents précis, et que l'on croyait pouvoir tenir pour assurés, sur les cultes chinois, avoue dans la préface de son Historiæ Sinicæ Decas Prima que la plupart des philosophes chinois croient que tout a été produit par le hasard, ou que le monde est éternel ; et d'autre part, qu'il n'y a pas dans la langue chinoise de terme pour désigner Dieu. Mais, ajoute le P. Martini, comme leurs livres sont remplis d'une doctrine qui établit des peines et des récompenses, et qu'il est invraisemblable que les espaces immenses remplis de corps lumineux dont ils parlent soient capables d'exercer cette justice distributive, il faut croire que les Chinois sous-entendent l'existence d'un Souverain Être qui prend soin de toutes les choses créées : c'est le Xang-ti qui gouverne souverainement le Ciel et la Terre. Si l'on ajoute que la Chine a dû avoir la connaissance de Dieu dès le temps du patriarche Noé, ou peu après, il sera possible de trouver dans les annales primitives de l'empire chinois, des faits qui pourront s'interpréter facilement à la lumière de la religion chrétienne. Ainsi le livre du P. Martini pourra servir, et aux libertins qui y chercheront des arguments en faveur de l'éternité du monde, et à ceux qui voudront trouver dans les idées religieuses d'un peuple très ancien des analogies avec les idées bibliques. |
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3 | 1666 |
Beurrier, Paul. Speculum christianae religionis [ID D19954]. Virgile Pinot : Beurrier e premier théologien qui, à notre connaissance, se soit servi de l'exemple de la Chine pour prouver l'universalité, et par suite la vérité des traditions judéo-chrétiennes. Les différentes religions du monde sont le miroir de la religion chrétienne, pense le P. Beurrier, et il s'efforce de prouver que la religion primitive des Chinois comporte la croyance à tous les dogmes fondamentaux du christianisme : 'Il est très certain, dit-il, que les Chinois ont possédé les mêmes vérités sur la création du monde, sur la naissance du premier homme, sur sa chute, sur le Déluge, la Trinité, la Rédemption, les Anges et les démons, le Purgatoire, la récompense éternelle des justes et le châtiment des coupables qu’avaient aussi les Patriarches'. Et cela, malgré les apparences, n'a rien d'étonnant, puisque Fou-hi est l'un des fils ou des petits-fils de Sem, qui, suivant la Genèse, habitèrent en Orient après la dispersion des peuples. Ou même Fou-hi n'est-il pas Sem en personne, Sem qui a vécu cinq cents ans après le Déluge et a pu fonder ce royaume de la Chine comme beaucoup d'autres ? Comme il a été pendant cinq cents ans le grand pontife de la loi de nature, il a pu aller jusqu’aux bornes de l'Orient comme pieux zélateur du culte divin pour prêcher la religion du vrai Dieu. Nous avons déjà vu Fou-hi identifié avec Adam ou avec Noé pour les besoins de la chronologie. Le P. Beurrier qui ne se préoccupe pas des difficultés de chronologie peut ne faire de Fou-hi qu'un descendant de Noé. Mais, ajoute le P. Beurrier, l'ancienne religion des Chinois ne contient pas seulement des dogmes identiques à ceux de l'Ancien Testament, elle a, elle aussi, son prophète qui annonce la loi nouvelle, ce prophète, c'est Confucius. Le philosophe Confucius a pratiqué une morale pure, il a posé comme principe essentiel de la morale qu'il fallait se rendre parfait soi-même avant de vouloir rectifier les autres ; il a dit souvent : Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu'on te fît à toi-même. Mais s'il a enseigné une morale aussi pure et dont les principes se rapprochent étrangement des principes de la morale chrétienne, c'est parce qu'il a été un véritable prophète. Il a annoncé, en effet, qu'il fallait chercher le Saint en Occident, ce qui veut dire : à Jérusalem et à Rome, pense le P. Beurrier. Il a prévu que le Verbe se ferait chair et il a prévu cet événement pour l'année même où il se produisit. Enfin avant de mourir, Confucius 'versa des larmes amères, soit de joie (sic) à cause de la venue future du Messie, soit de pitié pour sa passion'. Le P. Beurrier croit donc, comme le feront plus tard les Jésuites symbolistes que les anciens Chinois ont été en possession des prophéties ce qui explique l'accord singulier que l'on découvre entre leurs croyances et les croyances judéo-chrétiennes. Ce n'est donc pas la religion naturelle, c'est la religion judéo-chrétienne que le P. Beurrier croit découvrir chez les Chinois, mais toute son interprétation repose sur cette hypothèse fragile que Fou-hi est un descendant de Noé. Si l'hypothèse s'écroule ou même si elle ne peut être vérifiée, toutes les concordances que l'on trouvera, loin de servir à la défense du christianisme, ne feront que profiter au déisme. |
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4 | 1669 |
Riccioli, Giovanni Battista. Chronologiae reformatae [ID D19936]. Virgile Pinot : Riccioli ne se contente pas de se référer aux auteurs chinois pour prouver l’antiquité de la Chine. Il rapporte que le Sabatino de Ursis, un des Jésuites missionnaires à Pékin, a trouvé dans les observations faites du temps de Yao, l'indication de la position de deux étoiles fixes avec leurs lieux qui se trouvaient près des points solsticiaux et équinoxiaux. Or, en examinant le lieu où se trouvaient ces étoiles en 1612 et en tenant compte du mouvement annuel des fixes, le Jésuite s'aperçut qu'il s'était passé depuis ce temps 3.970 années solaires, ce qui lui permettait de reporter cette date de Yao à l'année 2.358 avant Jésus-Christ. Le P. de Ursis ne donne cependant cette date qu'avec hésitation et avec crainte à cause de son respect pour l'Écriture et parce que dans les annales chinoises on trouve un certain nombre de faits fabuleux, notamment celui-ci, à savoir que sous Yao le soleil s'arrêta dix jours. Cependant, le P. Riccioli n'hésite pas à inscrire cette date dans la liste chronologique, parce qu'il constate que 'ni ce Père [de Ursis] ni les autres n'ont osé infirmer la chronologie chinoise qu'ils voyoient être tenue pour indubitable par les Chinois, d'autant plus que Julius Africanus fait remonter l'origine du royaume de Chaldée à 2401 avant Jésus-Christ'. Cette rapide esquisse de la chronologie chinoise que donne le P. Riccioli est intéressante, non pour les dates qu'il admet, car il n'en donne que quelques-unes, et il les emprunte au P. Martini, sans même leur adjoindre les indications cycliques, mais parce qu'il montre que certaines dates très anciennes de la chronologie chinoise ont pu être vérifiées par les astronomes modernes, les annales chinoises rapportant des observations astronomiques d'époques très lointaines, ce qui garantit l'exactitude de la chronologie chinoise et en même temps renforce le respect des Européens pour l'habilité des Chinois en astronomie. |
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5 | 1686 |
Couplet, Philippe. Tabula chronologica monarchiae sinicae [ID D1757]. Virgile Pinot : Le P. Couplet dans la préface de sa chronologie distingue d'abord deux périodes dans l'histoire chinoise : l'histoire antérieure à Fou-hi, qui est regardée par les historiens chinois comme fabuleuse, et la période qui commence avec cet empereur et qui est considérée comme historique. Puisque la première partie est fabuleuse, de l'aveu même des historiens chinois, nous serions en droit d'attendre que le P. Couplet cesse de s'en occuper. Mais il n'en est rien. Il se plaît à rapporter quelques-unes des fables de cette époque préhistorique et notamment les idées que les Anciens Chinois avaient sur la création du monde : le monde fut créé entre la onzième et la douzième heure de la nuit ; la terre, entre la première et la deuxième heure de la nuit ; l’homme, entre trois et quatre heures du matin, la femme, entre trois et quatre heures de l'après-midi. Rêveries sans doute, mais qui ne sont pas sans importance, car elles prouvent à tout le moins que les Chinois n'ont pas cru, comme tant d'anciens philosophes, que les libertins se plaisent à rappeler, que le monde est éternel. En outre, au milieu de ces légendes on trouve quelques traces des vérités premières. Ne dit-on pas par exemple, que le premier homme des Chinois, Puon-cu, est né d'une terre stérile, mais qu'il était pourvu dès l'origine d'une admirable connaissance des choses ? Sans doute, pense le P. Couplet, les premiers Chinois ont reçu des descendants de Noé quelques connaissances des vérités essentielles qui se sont affaiblies ensuite en se transmettant de génération en génération ou qui ont été obnubilées par l'idolâtrie qui s'est établie postérieurement. D.E. Mungello : Tabula chronologica was the first complete summary of Chinese history to be published in Europa and it concluded with a table of the twenty-two imperial families (dynasties) which includes their names, the number of emperors who reigned in each dynasty, and the total numer of years that each dynasty reigned. Couplet dated the beginnin of Chinese history from the reign of Fu Xi in 1952 B.C. to the time of Fu Xi were regarded as unauthentic and began the dating of the sixty-year cycles from the reign of Huangdi in 2697 B.C. |
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6 | 1687 |
Couplet, Philippe. Confucius sinarum philosophus [ID D1758]. Darin enthalten sind die ersten lateinischen Übersetzungen der drei konfuzianischen Klassiker : Intorcetta, Prospero. Lun yu und Zhong yong ; Costa, Inácio da. Da xue ; Couplet, Philippe. Tabula chronologica von 1686. Einleitung : Couplet schreibt über die chinesische Kosmologie, die konfuzianische Philosophie, die Religion und die Gottesidee der Chinesen. Er macht sich Gedanken über den Ursprung des I-king [Yi jing]. Das I-king ist das älteste der fünf klassisch-kanonischen Bücher der Chinesen. Sein Verfasser war Fohi [Fuxi]. Zuerst beschäftigte sich Fohi mit Himmel, Erde und den Menschen, dann entdeckte er die acht Triagramme. Im Denken Fohis waren alle Phänomene der Natur aus dem Religiösen abgeleitet, aus seinem Glauben an die Beziehung zwischen Menschen, Himmel und Erde. Vor allem hat Fohi das Grundprinzip des I-king gefunden. Die beiden Prinzipien des Kosmos Yin und Yang stammen aus dem Taiji und alle gingen aus dem Chaos, aus dem Nichts hervor. Das Zeichen für Yang ist eine einfache Linie, das Zeichen für Yin eine unterbrochene. Die einfache Linie bedeutet das Vollkommene, die andere das Unvollkommene. Das Vollkommene schliesst in sich ein grösseres Vollkommenes ein ein geringeres Unvollkommenes. Das Taiji ist schon vor der Welt entstanden, in ihm liegt das Urbild der Dinge. Dieses Urprinzip ist auch im Himmel, in der Erde, den Menschen und in den fünf Elementen Metall, Holz, Wasser, Feuer und Erde, verteilt. Wenn es sich bewegt, bringt es das Yang und wenn es ruht, das Yin. Diese Theorie hat Couplet von Zhou Dunyi übernommen. Couplet befasst sich mit der Ordnung und dem Aufbau der Trigramme und beschreibt seine Theorien mit Tafeln. Nach der Interpretation Couplets glaubten die alten Chinesen an die Existenz Gottes und an die Unsterblichkeit der Seele. Er beschreibt den Glauben der Chinesen an den Berggeist und den Wassergeist. In ihnen sieht er Seelen, die in den Bergen oder im Wasser leben. Coplets Auslegung des Konfuzianismus : Zur Zeit von Konfuzius sind die alten Sitten und Sozialordnungen völlig zerrüttet. Die chinesische traditionelle Tugend sowie der Gehorsam gegenüber den Eltern und die Treue zum Staat besitzen keine Kraft mehr. China verliert seine politische Einheit und spaltet sich in kleine Staaten auf. Konfuzius sucht deshalb die ideale Gesellschaft in Chinas Altertum und darin besteht der zentral Gedanke des Konfuzianismus, die Verwirklichung der idealen Wahrheit in der Gesellschaft. Die Einleitung enthält auch die ersten Worte aus dem Dao de jing von Laozi : Das Tao oder die höchste Vernunft hat keinen Namen, die ihm entsprechen würde. Es hat den Himmel und die Erde erschaffen, obwohl es keinen Körper hat. Es ist unbeweglich und setzt doch alle Sterne in Bewegung. Ich nenne es Tao, das heisst die höchste gestaltlose Vernunft, weil ich keinen andern Namen weiss. Das Gesetz oder die Ratio (Tao) bringt Eins hervor, Eins bringt Zwei hervor, Drei bringt alle Dinge hervor. Couplet schliesst daraus, dass Laozi von einem ersten und höchsten, doch körperlichen Wesen wusste, das anderen Numina gleichsam wie ein König vorstand. Virgile Pinot : Le P. Couplet écrit en effet sa préface à la traduction de Confucius à l'usage des jeunes missionnaires qui vont en Chine pour catéchiser les infidèles, mais surtout pour tâcher de convertir les Lettrés, les mandarins, et, s'il est possible, l'Empereur. Or, les Chinois cultivés ne veulent se rendre qu'à la raison, ce qui ne veut pas dire qu'ils soient rationalistes, c'est-à-dire prêts à renoncer aux principes de leurs raisonnements, si on leur démontre qu'ils sont faux ; mais ils veulent que les vérités qu'on leur apporte cadrent avec leurs principes immuables. Le P. Couplet essaie donc de montrer aux jeunes missionnaires qu'ils peuvent prêcher sans crainte le christianisme aux Lettrés de la Chine, et même avec des chances de succès, s'ils sont assez habiles pour faire apercevoir aux Chinois la concordance entre les témoignages des annales chinoises et les témoignages de la Bible sur les origines du monde et la religion des premiers hommes. Les concordances de temps, prouvées par le P. Couplet dans sa Chronologie mènent à des concordances de principes philosophiques et d'idées religieuses que le P. Couplet dégage et que le reviseur accentue, dans la préface du Confucius Sinarum philosophus. Par sa Chronologie, le P. Couplet s'efforçait de prouver qu'il y a dans l’histoire de la Chine deux périodes distinctes, une période fabuleuse et une période historique, mais que les Chinois ont souvent confondues, parce qu'ils ont perdu le souvenir du Déluge universel. Établis en Chine peu de temps après le Déluge, deux seuls ans à peine, sous la conduite de Noé ou de l'un de ses descendants. ils ont pu conserver dans leurs traditions des idées saines sur la formation du monde et la création du premier homme. Mais comme l'origine de ces idées leur a bien vite échappé, ils ont placé au début de leur histoire une période fabuleuse à laquelle ils ont rapporte ces traditions anté-diluviennes dont ils ne trouvaient pas l'explication. D'où nécessité de ramener le début de la période historique à une époque où suivant les données de la Genèse, Noé et ses descendants ont pu se trouver en Chine. Et c'est la raison pour laquelle le P. Couplet exclut de la période historique les deux premiers empereurs. Mais une fois l'origine de cette période historique fixée à une époque légèrement postérieure au Déluge, tout se suit dans l'histoire chinoise, et les Chinois, sans aucun commerce avec les autres peuples du monde, ont pu conserver inaltérées les idées philosophiques et religieuses qu'ils ont reçues de Noé ou de ses descendants. Si Fou-hi, premier empereur de la Chine a reçu des descendants de Noé la connaissance du vrai Dieu, Hoam-ti [Huangdi], troisième empereur, éleva un temple au Souverain Empereur du ciel, qui fut, probablement le premier temple du monde. Il régla les sacrifices que ses successeurs maintinrent inchangés pendant de nombreux siècles, persuadés que le Souverain Empereur du ciel ne les accepterait pas s'il n'y avait outre 'le culte pur de l’âme' l'exactitude des pratiques traditionnelles. Mais ce culte ne s'adressait pas à des idoles, car un auteur dont le livre a échappé à l'incendie de Ym Hoam Ti déclare qu'avant l'entrée en Chine de l'Idole Fo il n'y avait pas d'images de faux dieux, il n'y avait pas de statues en Chine. De cette affirmation on ne peut conclure que deux choses : ou que les Chinois étaient athées, ou qu'ils reconnaissaient le vrai Dieu. Athées, ils ne l'étaient pas, témoin ces sacrifices que les empereurs faisaient à des dates fixes, car 'si l'on avait vu Aristote ou un autre philosophe fléchir les genoux à des époques déterminées, adresser des prières en levant les yeux et les mains vers le ciel, ne penserait-on pas que ce philosophe a reconnu l'existence d'un dieu, même s'il n'en a jamais fait mention dans ses ouvrages ?. Or ce Dieu ne peut être que le vrai Dieu, comme le prouve l'antiquité de l'empire chinois et de sa religion, preuve que viennent corroborer encore toute sorte d’autres arguments : les Chinois en effet n'ont jamais eu dans leur religion de sacrifices sanglants tels que les Priapées et les Saturnales des Romains. Ils sont toujours restés étrangers aux superstitions ridicules que l'on trouve par exemple chez Homère et Hésiode, que pourtant on considère comme des sages. Ils ont toujours eu une morale très pure, où l'on retrouve même certains préceptes du christianisme, tel le précepte de Confucius : 'Ne fais pas aux autres ce que tu ne voudrais pas qu’on te fît à toi-même'. Donc les Chinois qui ne sont ni athées ni superstitieux et qui ont une morale pure ont certainement adressé leurs sacrifices au vrai Dieu, et l'on peut admirer la Providence 'qui a favorisé la nation chinoise plus que presque toutes les autres, qu'ils n'ont pas voulu désigner par elles autre chose que le vrai Dieu'. Le P. Couplet voulait en somme démontrer que les Chinois avaient participé à la révélation primitive, qu'ils avaient dès l'origine connu le vrai Dieu, qu'ils lui avaient élevé un temple et rendu un culte, que ce culte était demeuré inaltéré pendant une longue suite de siècles, qu'il exigeait non seulement la pureté du cœur, mais encore la modestie et l'humilité - la vertu essentielle du chrétien suivant Arnauld -, toutes conditions qui prouvent que les Chinois ont connu la véritable religion. Si l'on ajoute qu'ils ont eu de tout temps une morale très pure dont le principe est la charité et l'amour du prochain, ne peut-on proposer aux Chinois la religion et la morale chrétiennes, et les Chinois risquent-ils de trouver une contradiction entre leurs principes religieux et les principes du christianisme ? Claudia von Collani : Couplet was convinced that to succeed in China the missionaries had to go back to the original Chinese religion, as described in the canonical and classical books of China. The problem was to find the ancient pure teaching behind the falsified comments of later times. It was widely thought that religion hidden in the old books of China should be identical with the first belief of mankind, with the first monotheism. Already according to the ancient mythology there was a Golden Age at the beginning of mankind during which the human beings were virtuous and innocent. Repeatedly Couplet refers to this age, as there are many hints at it in the ancient Chinese books. In particular the figures of the wise rulers of ancient China described in the Shu jing or Shi jing. The Chinese people succeeded for nearly three thousand years to be free from idolatry andf atheism, this changed according to Couplet after the arrival of Buddhism in China and consequently the religious situation in China of the 17th century was not any more high. Couplet notes that in a petition to Ying Huangdi there was stated, that only after the arrival of Buddhism in the year 65 A.D. there are idolatry and pictures of idols in China. Buddhism, however, is the religion of the uneducated people. There is another fatal religion, Taoism. Taoism is full of superstitition and the Taoist teach immortality on Earth. Couplet refuses to describe other terrifying things like divination and magic there. The worst in the eyes of him are the Neo-Confucianists of the Song-dynasty. They are the true culprits of the deterioration and adulteration of the old and pure teachings. Accodring to Couplet the Chinese language was developed from the first original language independently of other languages. This happened after the confusion of tongues and dispersion of nations on the plain of Shinear. Because of the Chinese isolation, their language remained unadulterated. This is proved by the Great Age of the Chinese books. |
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7 | 1687 |
Fénelon, François. Confucius et Socrate [ID D16836]. Fénelon schreibt : Confucius J'apprends que vos Européans vont souvent chez nos Orientaux, et qu'ils me nomment le Socrate de la Chine. Je me tiens honoré de ce nom. Socrate Laissons les compliments, dans un pays où ils ne sont plus de saison. Sur quoi fonde-t-on cette ressemblance entre nous ? Confucius Sur ce que nous avons vécu à peu près dans les mêmes temps, et que nous avons été tous deux pauvres, modérés, pleins de zèle pour rendre les hommes vertueux. Socrate Pour moi je n'ai point formé, comme vous, des hommes excellents, pour aller dans toutes les provinces semer la vertu, combattre le vice, et instruire les hommes. Confucius Vous avez formé une école de philosophes qui ont beaucoup éclairé le monde. Socrate Ma pensée n'a jamais été de rendre le peuple philosophe ; je, n'ai pas osé l'espérer. J'ai abandonné à toutes ses erreurs le vulgaire grossier et corrompu : je me suis borné à l'instruction d'un petit nombre de disciples d'un esprit cultivé, et qui cherchaient les principes des bonnes moeurs. Je n'ai jamais voulu rien écrire, et j'ai trouvé que la parole était meilleure pour enseigner. Un livre est une chose morte qui ne répond point aux difficultés imprévues et diverses de chaque lecteur ; un livre passe dans les mains des hommes incapables d'en faire un bon usage ; un livre est susceptible de plusieurs sens contraires à celui de l'auteur. J'ai mieux aimé choisir certains hommes, et leur confier une doctrine que je leur fisse bien comprendre de vive voix. Confucius Ce plan est beau ; il marque des pensées bien simples, bien solides, bien exemptes de vanité. Mais avez-vous évité par là toutes les diversités d'opinions parmi vos disciples ? Pour moi, j'ai évité les subtilités de raisonnement, et je me suis borné à des maximes sensées pour la pratique des vertus dans la société. Socrate Pour moi, j'ai cru qu'on ne peut établir les vraies maximes qu'en remontant aux premiers principes qui peuvent les prouver, et en réfutant tous les autres préjugés des hommes. Confucius Mais enfin, par vos premiers principes, avez-vous évité les combats d'opinions entre vos disciples ? Socrate Nullement ; Platon et Xénophon, mes principaux disciples, ont eu des vues toutes différentes. Les Académiciens formés par Platon se sont divisés entre eux ; cette expérience m'a désabusé de mes espérances sur les hommes. Un homme ne peut presque rien sur les autres hommes. Les hommes ne peuvent rien sur eux-mêmes, par l'impuissance où l'orgueil et les passions les tiennent ; à plus forte raison les hommes ne peuvent-ils rien les uns sur les autres : l'exemple, et la raison insinuée avec beaucoup d'art, font seulement quelque effet sur un fort petit nombre d'hommes mieux nés que les autres. Une réforme générale d'une république me paraît enfin impossible, tant je suis désabusé du genre humain. Confucius Pour moi, j'ai écrit, et j'ai envoyé mes disciples pour tâcher de réduire aux bonnes moeurs toutes les provinces de notre empire. Socrate Vous avez écrit des choses courtes et simples, si toutefois ce qu'on a publié sous votre nom est effectivement de vous. Ce ne sont que des maximes, qu'on a peut-être recueillies de vos conversations, comme Platon, dans ses dialogues, a rapporté les miennes. Des maximes coupées de cette façon ont une sécheresse qui n'était pas, je m'imagine, dans vos entretiens. D'ailleurs vous étiez d'une maison royale et en grande autorité dans toute votre nation : vous pouviez faire bien des choses qui ne m'étaient pas permises à moi, fils d'un artisan. Pour moi, je n'avais garde d'écrire, et je n'ai que trop parlé : je me suis même éloigné de tous les emplois de ma république pour apaiser l'envie ; et je n'ai pu y réussir, tant il est impossible de faire quelque chose de bon des hommes. Confucius J'ai été plus heureux parmi les Chinois : je les ai laissés avec des lois sages, et assez bien policés. Socrate De la manière que j'en entends parler sur les relations de nos Européans, il faut en effet que la Chine ait eu de bonnes lois et une exalte police. Il y a grande apparence que les Chinois ont été meilleurs qu'ils ne sont. Je ne veux pas désavouer qu'un peuple, quand il a une bonne et constante forme de gouvernement, ne puisse devenir fort supérieur aux autres peuples moins bien policés. Par exemple, nous autres Grecs, qui avons eu de sages législateurs et certains citoyens désintéressés qui n'ont songé qu'au bien de la république, nous avons été bien plus polis et plus vertueux que les peuples que nous avons nommés Barbares. Les Egyptiens, avant nous, ont eu aussi des sages qui les ont policés, et c'est d'eux que nous sont venues les bonnes lois. Parmi les républiques de la Grèce, la nôtre a excellé dans les arts libéraux, dans les sciences, dans les armes, mais celle qui a montré plus longtemps une discipline pure et austère, c'est celle de Lacédémone. Je conviens donc qu'un peuple gouverné par de bons législateurs qui se sont succédé les uns aux autres, et qui ont soutenu les coutumes vertueuses, peut être mieux policé que les autres qui n'ont pas eu la même culture. Un peuple bien conduit sera plus sensible à l'honneur, plus ferme contre les périls, moins sensible à la volupté, plus accoutumé à se passer de peu, plus juste pour empêcher les usurpations et les fraudes de citoyen à citoyen. C'est ainsi que les Lacédémoniens ont été disciplinés ; c'est ainsi que les Chinois ont pu l'être dans les siècles reculés. Mais je persiste à croire que tout un peuple n'est point capable de remonter aux principes de la vraie sagesse : ils peuvent garder certaines règles utiles et louables ; mais c'est plutôt par l'autorité de l'éducation, par le respect des lois, par le zèle de la patrie, par l'émulation qui vient des exemples, par la force de la coutume, souvent même par la crainte du déshonneur et par l'espérance d'être récompensé. Mais être philosophe, suivre le beau et le bon en lui-même par la simple persuasion, et par le vrai et libre amour du beau et du bon, c'est ce qui ne peut jamais être répandu dans tout un peuple ; c'est ce qui et réservé à certaines âmes choisies que le Ciel a voulu séparer des autres. Le peuple n'est capable que de certaines vertus d'habitude et d'opinion, sur l'autorité de ceux qui ont gagné sa confiance. Encore une fois, je crois que telle fut la vertu de vos anciens Chinois. De telles gens sont justes dans les choses où on les a accoutumés à mettre une règle de justice, et point en d'autres plus importantes où l'habitude de juger de même leur manque. On sera juste pour son concitoyen, et inhumain contre son esclave ; zélé pour sa patrie, et conquérant injuste contre un peuple voisin, sans songer que la terre entière n'est qu'une seule patrie commune, où tous les hommes des divers peuples devraient vivre comme une seule famille. Ces vertus, fondées sur la coutume et sur les préjugés d'un peuple, sont toujours des vertus estropiées, faute de remonter jusqu'aux premiers principes qui donnent dans toute son étendue la véritable idée de la justice et de la vertu. Ces mêmes peuples, qui paraissaient si vertueux dans certains sentiments et dans certaines aftions détachées, avaient une religion aussi remplie de fraude, d'injustice et d'impureté, que leurs lois étaient justes et austères. Quel mélange ! Quelle contradiction ! Voilà pourtant ce qu'il y a eu de meilleur dans ces peuples tant vantés : voilà l'humanité regardée par sa plus belle face. Confucius Peut-être avons-nous été plus heureux que vous : car la vertu a été grande dans la Chine. Socrate On le dit ; mais, pour en être assuré par une voie non suspecte, il faudrait que les Européans connussent de près votre histoire, comme ils connaissent la leur propre. Quand le commerce sera entièrement libre et fréquent, quand les critiques européens auront passé dans la Chine pour examiner en rigueur tous les anciens manuscrits de votre histoire, quand ils auront séparé les fables et les choses douteuses d'avec les certaines, quand ils auront vu le fort et le faible du détail des moeurs antiques, peut-être trouvera-t-on que la multitude des hommes a été toujours faible, vaine et corrompue chez vous comme partout ailleurs, et que les hommes ont été hommes dans tous les pays et dans tous les temps. Confucius Mais pourquoi n'en croyez-vous pas nos historiens et vos relateurs ? Socrate Vos historiens nous sont inconnus ; on n'en a que des morceaux extraits et rapportés par des relateurs peu critiques. Il faudrait savoir à fond votre langue, lire tous vos livres, voir surtout les originaux, et attendre qu'un grand nombre de savants eût fait cette étude à fond, afin que, par le grand nombre d'examinateurs, la chose pût être pleinement éclaircie. Jusque-là, votre nation me paraît un spectacle beau et grand de loin, mais très douteux et équivoque. Confucius Voulez-vous ne rien croire, parce que Fernand Mendez Pinto a beaucoup exagéré ? Douterez-vous que la Chine ne soit un vaste et puissant empire, très peuplé et bien policé, que les arts n'y fleurissent, qu'on n'y cultive les hautes sciences, que le respect des lois n'y soit admirable ? Socrate Par où voulez-vous que je me convainque de toutes ces choses ? Confucius Par vos propres relateurs. Socrate Il faut donc que je les croie, ces relateurs ? Confucius Pourquoi non ? Socrate Et que je les croie dans le mal comme dans le bien ? Répondez, de grâce. Confucius Je le veux. Socrate Selon ces relateurs, le peuple de la terre le plus vain, le plus superstitieux, le plus intéressé, le plus injuste, le plus menteur, c'est le Chinois. Confucius Il y a partout des hommes vains et menteurs. Socrate Je l'avoue ; mais à la Chine les principes de toute la nation, auxquels on n'attache aucun déshonneur, sont de mentir et de se prévaloir du mensonge. Que peut-on attendre d'un tel peuple pour les vérités éloignées et difficiles à éclaircir ? Ils sont fastueux dans toutes leurs histoires : comment ne le seraient-ils pas, puisqu'ils sont même si vains et si exagérants pour les choses présentes qu'on peut examiner de ses propres yeux, et où l'on peut les convaincre d'avoir voulu imposer aux étrangers ? Les Chinois, sur le portrait que j'en ai ouï faire, me paraissent assez semblables aux Egyptiens. C'est un peuple tranquille et paisible, dans un beau et riche pays, un peuple vain qui méprise tous les autres peuples de l'univers, un peuple qui se pique d'une antiquité extraordinaire, et qui met sa gloire dans le nombre des siècles de sa durée ; c'est un peuple superstitieux jusqu'à la superstition la plus grossière et la plus ridicule, malgré sa politesse ; c'est un peuple qui a mis toute sa sagesse à garder ses lois, sans oser examiner ce qu'elles ont de bon ; c'est un peuple grave, mystérieux, composé, et rigide observateur de toutes ses anciennes coutumes pour l'extérieur, sans y chercher la justice, la sincérité et les autres vertus intérieures ; c'est un peuple qui a fait de grands mystères de plusieurs choses très superficielles, et dont la simple explication diminue beaucoup le prix. Les arts y sont fort médiocres, et les sciences n'y étaient presque rien de solide quand nos Européans ont commencé à les connaître. Confucius N'avions-nous pas l'imprimerie, la poudre à canon, la géométrie, la peinture, l'architecture, l'art de faire la porcelaine, enfin une manière de lire et d'écrire bien meilleure que celle de vos Occidentaux ? Pour l'antiquité de nos histoires, elle est constante par nos observations astronomiques. Vos Occidentaux prétendent que nos calculs sont fautifs ; mais les observations ne leur sont pas suspectes, et ils avouent qu'elles cadrent juste avec les révolutions du ciel. Socrate Voilà bien des choses que vous mettez ensemble, pour réunir tout ce que la Chine a de plus estimable ; mais examinons-les de près l'une après l'autre. Confucius Volontiers. Socrate L'imprimerie n'est qu'une commodité pour les gens de lettres, et elle ne mérite pas une grande gloire. Un artisan avec des qualités peu estimables, peut être l'auteur d'une telle invention ; elle est même imparfaite chez vous, car vous n'avez que l'usage des planches ; au lieu que les Occidentaux ont avec l'usage des planches celui des caractères, dont ils font telle composition qu'il leur plaît en fort peu de temps. De plus il n'est pas tant question d'avoir un art pour faciliter les études, que de l'usage qu'on en fait. Les Athéniens de mon temps n'avaient pas l'imprimerie, et néanmoins on voyait fleurir chez eux les beaux-arts et les hautes sciences ; au contraire, les Occidentaux, qui ont trouvé l'imprimerie mieux que les Chinois, étaient des hommes grossiers, ignorants et barbares. La poudre à canon est une invention pernicieuse pour détruire le genre humain ; elle nuit à tous les hommes, et ne sert véritablement à aucun peuple : les uns imitent bientôt ce que les autres font contre eux. Chez les Occidentaux, où les armes à feu ont été bien plus perfectionnées qu'à la Chine, de telles armes ne décident rien de part ni d'autre : on a proportionné les moyens de défensive aux armes de ceux qui attaquent ; tout cela revient à une espèce de compensation, après laquelle chacun n'est pas plus avancé que quand on n'avait que des tours et de simples murailles, avec des piques, des javelots, des épées, des arcs, des tortues et des béliers. Si on convenait de part et d'autre de renoncer aux armes à feu, on se débarrasserait mutuellement d'une infinité de choses superflues et incommodes : la valeur, la discipline, la vigilance et le génie auraient plus de part à la décision de toutes les guerres. Voilà donc une invention qu'il n'est guère permis d'estimer. Confucius Mépriserez-vous aussi nos mathématiciens ? Socrate Ne m'avez-vous pas donné pour règle de croire les faits rapportés par nos relateurs ? Confucius Il est vrai ; mais ils avouent que nos mathématiciens sont habiles. Socrate Ils disent qu'ils ont fait certains progrès, et qu'ils savent bien faire plusieurs opérations ; mais ils ajoutent qu'ils manquent de méthode, qu'ils font mal certaines démonstrations, qu'ils se trompent sur des calculs, qu'il y a plusieurs choses très importantes dont ils n'ont rien découvert. Voilà ce que j'entends dire. Ces hommes si entêtés de la connaissance des astres, et qui y bornent leur principale étude, se sont trouvés dans cette étude même très inférieurs aux Occidentaux qui ont voyagé dans la Chine, et qui, selon les apparences, ne sont pas les plus parfaits astronomes de l'Occident. Tout cela ne répond point à cette idée merveilleuse d'un peuple supérieur à toutes les autres nations. Je ne dis rien de votre porcelaine ; c'est plutôt le mérite de votre terre que de votre peuple ; ou du moins si c'est un mérite pour les hommes, ce n'est qu'un mérite de vil artisan. Votre architecture n'a point de belles proportions ; tout y est bas et écrasé ; tout y est confus, et chargé de petits ornements qui ne sont ni nobles ni naturels. Votre peinture a quelque vie et une grâce je ne sais quelle, mais elle n'a ni correction de dessin, ni ordonnance, ni noblesse dans les figures, ni vérité dans les représentations ; on n'y voit ni paysages naturels, ni histoires, ni pensées raisonnables et suivies ; on n'est ébloui que par la beauté des couleurs et du vernis. Confucius Ce vernis même est une merveille inimitable dans tout l'Occident. Socrate Il est vrai : mais vous avez cela de commun avec les peuples les plus barbares, qui ont quelquefois le secret de faire en leur pays, par le secours de la nature, des choses que les nations les plus industrieuses ne sauraient exécuter chez elles. Confucius Venons à l'écriture. Socrate Je conviens que vous avez dans votre écriture un grand avantage pour la mettre en commerce chez tous les peuples voisins qui parlent des langues différentes de la chinoise. Chaque caractère signifiant un objet, de même que nos mots entiers, un étranger peut lire vos écrits sans savoir votre langue, et il peut vous répondre par les mêmes caractères, quoique sa langue vous soit entièrement inconnue. De tels caractères, s'ils étaient partout en usage, seraient comme une langue commune pour tout le genre humain, et la commodité en serait infinie pour le commerce d'un bout du monde à l'autre. Si toutes les nations pouvaient convenir entre elles d'enseigner à tous leurs enfants ces caractères, la diversité des langues n'arrêterait plus les voyageurs, il y aurait un lien universel de société. Mais rien n'est plus impraticable que cet usage universel de vos caractères ; il y en a un si prodigieux nombre pour signifier tous les objets qu'on désigne dans le langage humain, que vos savants mettent un grand nombre d'années à apprendre à écrire. Quelle nation s'assujettira à une étude si pénible ? Il n'y a aucune science épineuse qu'on n'apprît plus promptement. Que sait-on, en vérité, quand on ne sait encore que lire et écrire ? D'ailleurs, peut-on espérer que tant de nations s'accordent à enseigner cette écriture à leurs enfants ? Dès que vous renfermerez cet art dans un seul pays, ce n'est plus rien que de très incommode : dès lors vous n'avez plus l'avantage de vous faire entendre aux nations d'une langue inconnue, et vous avez l'extrême désavantage de passer misérablement la meilleure partie de votre vie à apprendre à écrire ; ce qui vous jette dans deux inconvénients, l'un d'admirer vainement un art pénible et infructueux, l'autre de consumer toute votre jeunesse dans cette étude sèche, qui vous exclut de tout progrès pour les connaissances les plus solides. Confucius Mais notre antiquité, de bonne foi, n'en êtes-vous pas convaincu ? Socrate Nullement : les raisons qui persuadent aux astronomes occidentaux que vos observations doivent être véritables, peuvent avoir frappé de même vos astronomes, et leur avoir fourni une vraisemblance pour autoriser vos vaines fictions sur les antiquités de la Chine. Vos astronomes auront vu que telles choses ont dû arriver en tels et en tels temps, par les mêmes règles qui en persuadent nos astronomes d'Occident ; ils n'auront pas manqué de faire leurs prétendues observations sur ces règles pour leur donner une apparence de vérité. Un peuple fort vain et fort jaloux de la gloire de son antiquité, si peu qu'il soit intelligent dans l'astronomie, ne manque pas de colorer ainsi ses fictions ; le hasard même peut les avoir un peu aidés. Enfin il faudrait que les plus savants astronomes d'Occident eussent la commodité d'examiner dans les originaux toute cette suite d'observations. Les Egyptiens étaient grands observateurs des astres, et en même temps amoureux de leurs fables pour remonter à des milliers de siècles. Il ne faut pas douter qu'ils n'aient travaillé à accorder ces deux passions. Confucius Que concluriez-vous donc sur notre empire ? Il était hors de tout commerce avec vos nations où les sciences ont régné ; il était environné de tous côtés par des nations grossières ; il a certainement, depuis plusieurs siècles au-dessus de mon temps, des lois, une police et des arts que les autres peuples orientaux n'ont point eus. L'origine de notre nation est inconnue ; elle se cache dans l'obscurité des siècles les plus reculés. Vous voyez bien que je n'ai ni entêtement ni vanité là-dessus. De bonne foi, que pensez-vous sur l'origine d'un tel peuple ? Socrate Il est difficile de décider juste ce qui est arrivé, parmi tant de choses qui ont pu se faire et ne se faire pas dans la manière dont les terres ont été peuplées. Mais voici ce qui me paraît assez naturel. Les peuples les plus anciens de nos histoires, les peuples les plus puissants et les plus polis, sont ceux de l'Asie et de l'Egypte : c'est là comme la source des colonies. Nous voyons que les Egyptiens ont fait des colonies dans la Grèce, et en ont formé les moeurs. Quelques Asiatiques, comme les Phéniciens et les Phrygiens, ont fait de même sur toutes les côtes de la mer Méditerranée. D'autres Asiatiques de ces royaumes qui étaient sur les bords du Tigre et de l'Euphrate ont pu pénétrer jusque dans les Indes pour les peupler. Les peuples, en se multipliant, auront passé les fleuves et les montagnes, et insensiblement auront répandu leurs colonies jusque dans la Chine : rien ne les aura arrêtés dans ce vaste continent qui est presque tout uni. Il n'y a guère d'apparence que les hommes soient parvenus à la Chine par l'extrémité du Nord qu'on nomme à présent la Tartane ; car les Chinois paraissent avoir été, dès la plus grande antiquité, des peuples doux, paisibles, policés, et cultivant la sagesse, ce qui est le contraire des nations violentes et farouches qui ont été nourries dans les pays sauvages du Nord. Il n'y a guère d'apparence non plus que les hommes soient arrivés à la Chine par la mer : les grandes navigations n'étaient alors ni usitées, ni possibles. De plus, les moeurs, les arts, les sciences et la religion des Chinois se rapportent très bien aux moeurs, aux arts, aux sciences, à la religion des Babyloniens et de ces autres peuples que nos histoises nous dépeignent. Je croirais donc que quelques siècles avant le vôtre ces peuples asiatiques ont pénétré jusqu'à la Chine ; qu'ils y ont fondé votre empire ; que vous avez eu des rois habiles et de vertueux législateurs ; que la Chine a été plus estimable qu'elle ne l'est pour les arts et pour les moeurs ; que vos historiens ont flatté l'orgueil de la nation ; qu'on a exagéré des choses qui méritaient quelque louange ; qu'on a mêlé la fable avec la vérité, et qu'on a voulu dérober à la postérité l'origine de la nation, pour la rendre plus merveilleuse à tous les autres peuples. Confucius Vos Grecs n'en ont-ils pas fait autant ? Socrate Encore pis : ils ont leurs temps fabuleux, qui approchent beaucoup du vôtre. J'ai vécu, suivant la supputation commune, environ trois cents ans après vous. Cependant, quand on veut en rigueur remonter au-dessus de mon temps, on ne trouve aucun historien qu'Hérodote, qui a écrit immédiatement après la guerre des Perses, c'est-à-dire environ soixante ans avant ma mort : cet historien n'établit rien de suivi, et ne pose aucune date précise par des auteurs contemporains, pour tout ce qui est beaucoup plus ancien que cette guerre. Les temps de la guerre de Troie, qui n'ont qu'environ six cents ans au-dessus de moi, sont encore des temps reconnus pour fabuleux. Jugez s'il faut s'étonner que la Chine ne soit pas bien assurée de ce grand nombre de siècles que ses histoires lui donnent avant votre temps. Confucius Mais pourquoi auriez-vous inclination de croire que nous sommes sortis des Babyloniens ? Socrate Le voici. Il y a beaucoup d'apparence que vous venez de quelque peuple de la haute Asie qui s'est répandu de proche en proche jusqu'à la Chine, et peut-être même dans les temps de quelque conquête des Indes, qui a mené le peuple conquérant jusque dans les pays qui composent aujourd'hui votre empire. Votre antiquité est grande ; il faut donc que votre espèce de colonie se soit faite par quelqu'un de ces anciens peuples, comme ceux de Ninive ou de Babylone. Il faut que vous veniez de quelque peuple puissant et fastueux, car c'est encore le caractère de votre nation. Vous êtes seul de cette espèce dans tous vos pays ; et les peuples voisins, qui n'ont rien de semblable, n'ont pu vous donner les moeurs. Vous avez, comme les anciens Babyloniens, l'astronomie, et même l'astrologie judiciaire, la superstition, l'art de deviner, une architefture plus somptueuse que proportionnée, une vie de délices et de faste, de grandes villes, un empire où le prince a une autorité absolue, des lois fort révérées, des temples en abondance, et une multitude de dieux de toutes les figures. Tout ceci n'est qu'une conjecture, mais elle pourrait être vraie. Confucius Je vais en demander des nouvelles au roi Yao, qui se promène, dit-on, avec vos anciens rois d'Argos et d'Athènes dans ce petit bois de myrte. Socrate Pour moi, je ne me fie ni à Cécrops, ni à Inachus, ni à Pélops, pas même aux héros d'Homère, sur nos antiquités. Virgile Pinot : Ce n'est pas que Fénelon ait fait appel à la Chine pour réformer le gouvernement français : il a cherché ailleurs ses modèles, et il les a trouvés en Occident. Mais il a connu l'exemple chinois, et, l'ayant connu, il l'a repoussé. Il a en effet composé un Dialogue des Morts, où les deux interlocuteurs sont Socrate et Confucius, ces deux philosophes dont on se plut à rapprocher les noms, dès qu'on connut quelque chose de l'ancienne morale chinoise, non seulement, parce qu'ils vécurent tous les deux à la même époque, mais parce qu'ils essayèrent tous les deux de "ramener la philosophie du ciel sur la terre" et d'en faire uniquement l'étude de l'âme humaine. Or dans ce Dialogue, qui ne parut d'ailleurs qu'en 1787, Fénelon nous révèle ses idées sur la Chine, sur son antiquité, sur les origines du peuple chinois, sur la morale et la politique de la Chine, et il est curieux de constater qu'il ne partage pas l'admiration de ses contemporains pour ce pays, et encore moins la fureur dithyrambique de ses amis, les Jésuites. Cependant tout au long de la Querelle des Cérémonies chinoises, il a été tenu au courant des tribulations des Jésuites à Rome ; il a même pris parti pour eux en 1702, dans une lettre adressée au P. de la Chaize non certes sur le fait des cultes chinois qu'il ne juge pas, mais sur la légitimité de l'attitude des missionnaires jésuites en Chine. Or malgré ces affinités avec les Jésuites, et malgré les sympathies qu'il a pour eux, il ne partage aucunement leur admiration pour la Chine, pour Confucius et pour sa morale. Fénelon ne croit pas à l'antiquité fabuleuse de la Chine, pas plus d’ailleurs qu'à celle des Égyptiens, et il résout très facilement le problème des origines chinoises : "Quelques siècles avant le vôtre (dit Socrate à Confucius) des Asiatiques, peut-être des Babyloniens, peuplant l'Asie de proche en proche out poussé une colonie jusqu'à la Chine et y ont fondé un empire". Mais rétorque Confucius, les observations anciennes de nos astronomes ne prouvent-elles pas notre antiquité ? Nullement, répond Fénelon, les raisons qui persuadent aux astronomes occidentaux que vos observations doivent être véritables peuvent avoir frappé de même vos astronomes et leur avoir fourni une vraisemblance pour autoriser vos vaines fictions sur les antiquités de la Chine". Il n'est donc pas prouvé que la Chine soit supérieure à l'Occident par son antiquité. Il n'est pas prouvé davantage que l'ancienneté des arts dont elle se vante soit une raison de supériorité, car l'imprimerie "n'est qu'une commodité pour les gens de lettres, la poudre à canon est une invention pernicieuse, quant à la porcelaine … ". Fénelon fait une distinction entre la morale qui remonte aux principes du bien et du vrai, mais qui est seulement le partage de quelques âmes privilégiées et certaines vertus "d'habitude et d'opinion", dont le peuple peut être capable, "sur l'autorité de ceux qui ont gagné sa confiance". Ceux qui ont gagné sa confiance, ce sont les sages comme Confucius, ce sont aussi les empereurs qui ont toujours eu en vue le bien du peuple et qui lui ont imposé des règles capables d'assurer la tranquillité publique. Fénelon a compris le caractère social de la morale chinoise qui n'est en réalité qu'une sage politique. Mais il repousse cette morale parce qu'elle manque de caractère dogmatique. Et c'était la raison même pour laquelle l'admiraient tant les autres compilateurs de la morale de Confucius.Le roi est le père de ses peuples ; le principe qui lie le souverain et les sujets, ce n'est pas de se faire craindre et d’être craint, c'est d’aimer et d'être aimé. A part le principe physiocratique du gouvernement, Fénelon n'aurait pu trouver en Chine son rêve de république idéale. Socrate reproche en effet à la Chine d'être restée repliée sur elle-même, dans l'ignorance du reste du monde, ce qui a provoqué dans le peuple chinois un excès d'orgueil, une croyance injustifiée en ses mérites incomparables, et, avec le mépris des étrangers, un manque d'honnêteté dans les relations commerciales. La Chine n'est donc pas un exemple pour Fénelon, ni quant à la morale, ni quant à la politique. Nous savons par le Dialogue entre Socrate et Confucius qu'il repoussait la morale formaliste de la Chine qui se contente d'une conformité entre les actes et les usages établis sans chercher à rapporter les actes individuels aux principes éternels du vrai et du bien. Willy Richard Berger : Fénelons Dialog ist alles andere als eine Apologie des Konfuzius. Nicht er ist der Wortführer der Wahrheit, sondern Sokrates trägt als Sprachrohr des Autors den Sieg davon. Auch kann von einem Dialog kaum die Rede sein ; zu ungleich sind die Rollen verteilt. Sokrates erhält die Gelegenheit zu langatmigem Perrorieren, Konfuzius muss sich mit eher bescheidenen Einwürfen und Entgegnungen begnügen, Stichwortgeber und von vornherein zur Niederlage verurteilter Kombattant in einem. Fénelon, ein Freund der Jesuiten, nahm Partei für sie, nicht in der Ritenfrage, über die er sich kein Urteil erlaubte, doch aber in der Anerkennung ihrer missionarischen Methoden. Trotzdem stimmt er nicht ein in die jesuitische Bewunderung Chinas, und gerade bei der Hochschätzung der konfuzianischen Moral verweigert er die Zustimmung. Dabei gab es eigentlich Gründe genug, sich der Sympathie der Jesuiten für China anzuschliessen. War der chinesische Staat mit seiner weisen Regierung, seiner Friedensliebe, Toleranz und allgemeinen nicht die reale Verwirklichung der musterhaften Reiche von Salente oder Kreta, die Fénelon im Télémaque beschrieben hat ? Fénelons Abneigung gegen den so vorzüglich geregelten Staat der Chinesen wurzelt in der durch und durch quietistischen Prägung seiner Religosität. Sie war es, die ihn zum unversöhnlichen Widersacher Bossuets machte, dieses Genie weltläufiger Orthodoxie, und diese mystisch-quietistische Sehnsucht nach der 'reinen Liebe'. Wie hätte sie sich vertragen sollen mit der Hochschätzung der ganz aufs Irdische gerichteten Philosophie des Konfuzius, den die Jesuiten darstellten 'comme un sage terre à terre, comme le champion du rituel' ? Auch konnte ein so sehr durch die Bildungsmacht der Antike gepräger Geist wie Fénelon am Beispiel eines fernöstlich-exotischen Landes letztlich kein Genüge finden, und so verwirft denn dieser mit dem Antike-Syndrom der europäischen Klassizisten und der besonderen Zugabe quietistischer Frömmigkeit ausgestattete Sokrates-Fénelon so ziemlich alles, was von chinesischer Kultur und Moral durch die Propagande der Jesuiten in Europa zu Ruhm gelangt war. Das sind zuerst die Errungenschaften der materiellen Kultur : die Erfindung des Buchdrucks, Schiesspulver, Astronomie und schliesslich die Formen des künstlerischen Ausdrucks : die Architektur, die Malerei und die Erfindung des Porzellans. Fénelon lässt seinen Sokrates auch in der Frage der 'antiquité' mit unbeirrbarer Voreingenommenheit über Konfuzius triumphieren. Er verweigert den Chinesen sogar das Recht, die Eigenständigkeit ihrer Kultur zu behaupten, indem er sie zu Abkömmlingen voreinst aus Babylon ausgewanderter Kolonisten erklärt. Sokrates schliesst sich umstandslos den China-feindlichen Berichten der Kaufleute an. Die China-Kritik des Dialogs steht ganz im Zeichen der aristokratischen Gesinnung seines Autors. Nicht das neue Evangelium vom noch nicht durch Kultur und Zivilisation marodierten Naturzustand wird hier gegen die chinesische Kultur mobilisiert, Sokrates erscheint vielmehr selbst als Vertreter einer aristokratischen, in altersstarrem Skeptizismus und Agnostizismus verharrenden Gesellschaft. Seine Zweifel an der gerühmten Tugendhafitgkeit der Chinesen und seine zynischen Auslassungen darüber, was man überall und zu allen Zeiten vom Volk und der gemeinen Masse zu gewärtigen habe, sind Ausdruck des rigorosen moralischen Skeptizismus der französischen Salonphilosophie ganz allgemein, sie spiegeln aber mehr noch die perönliche Resignation und Verbitterung des alternden Fénelon und der ihm widerfahrenen politischen Depravierungen wider. Lee Eun-jeung : Fénelon bringt durch Sokrates seine Skepsis gegenüber der Bewunderung seiner Zeitgenossen für Konfuzius zum Ausdruck. Mit seiner Sympathie für die Antike verwirft er ziemlich alles, was von chinesischer Kultur und Moral durch die Schriften der Jesuiten in Europa zu Ruhm gelangt ist : Die Erfindung des Buchdrucks sei kein ruhmwürdiges Verdienst, noch weniger die des Schiesspulvers, das nur Menschen vernichte. Der Mathematik mangle die Methode, das Porzellan sei eher das Verdienst der Erde, die Architektur habe kein Mass und die Malerei keine Ordnung. Er erklärt die Chinesen seien aus Babylon ausgewanderte Kolonisten, ihre Heimat sei eines der westasiatischen Kulturreiche gewesen und die chinesische Geschichtsschreibung habe, um diesen Ursprung zu verwischen, Fabel und Wahrheit vermischt. Er bezweifelt die von den Jesuiten gepriesene Vorbildlichkeit und Überlegenheit der chinesischen Moral. Jacques Pereira : Fénelon n'éprouvait aucune animosité particulière à l'endroit des Jésuites, au contraire, puisqu'il les outient dans leurs premiers affrontements avec les Jansénistes. Mais il faut convenir également que son penchant mystique ne favorisait pas chez lui une attention particulière au confucianisme qui, dans le tableau qu'en brossaient les missionnaires, et sur lesquels surenchérissaient les libertins, paraissait manquer singulièrement d'Idéal pour ne pas dire d'âme tout court. Une morale essentiellement pratique, terre à terre, aussi pertinente pût-elle être, ne pouvait satisfaire sa soif de spiritualité, et il était tenté d'en trouver un peu plus chez un Socrate revisité par l'érudition classique de l'honnête homme de cette fin de XVIIe siècle. Chaque phrase d'un Socrate qui a décidément le premier rôle et parle d'abondance, est un coup porté à la Chine, et une mine qui vient saper son prestige. Rien de ce qui est chinois ne trouve décidément grâce à ses yeus. La grandeur de la Chine, si elle n'est pas surfaite, est désormais derrière elle, dans un passé révolu. C'ewst très sommairement que Fénelon évoque la religion des Chinois, elle est à la mesure de ce peuple qui paraît rigoureusement incapable d'accéder à la vertu évangélique. Il est clair que dans le grand débat sur l'origine et la valeur de la civilisation et de la religion chinoises, Fénelon se prononce de manière for tranchée, jusqu'à donner l'impression de congédier le problème, s'en tenant à une seule source réputée douteuse, Ferdinand Mendez Pinto, et pour le reste se prévalant de sa propre igonorance, qui n'est tout de même pas celle de tous ses contemporains, pour légitimer son doute de bon sens. Il convient d'observer que Fénelon traite le personnage de Confucius en philosophe-législateur ; il prend soin, par exemple, d'insister sur son origine princière sans prendre en considération la dimension religieuse de cette philosophie qui s'adjoint un culte qui mériterait au moins qu'on l'examine. Mais, fait beaucoup plus intéressant, nous trouvons dans ce réquisitoire contre une certaine représentation de la Chine, un ensemble de considérations qui seront reprises, sinon mot pour mot par Montesquieu, du moins en esprit. La fourberie du peuple chinois, son orgueil méprisant à l'égard de tous les autres peuples, son ritualisme sclérosant avec son attachement à des subtilités de détails et de manières, dont l'écriture prodigieusement compliquée fait 'qu'ils ont l'extrême désavantage de passer misérablement la meilleure partie de leur vie à apprendre à écrire. Fénelon semble donner dans le figurisme en faisant de la Chine une4 colonie babylonienne égarée parmi des nations. |
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8 | 1696-1698 |
Le Comte, Louis. Nouveaux mémoires sur l'état présent de la Chine... [ID D1771] Le Comte wiederholt die Worte aus dem Dao de jing von Laozi : Das Dao bringt Eins hervor, Eins bringt Zwei hervor, Drei bringt alle Dinge hervor und interpretiert, dass es einiges Wissen um die göttliche Dreieinigkeit bei Laozi anzudeuten scheine. Le Comte schreibt drei Seiten über die Taoisten, die ganz im Einklang stehen mit der konfuziusfreundlichen Lehre der Scoietas Jesu. Zusammen mit den Buddhisten sollen die Taoisten am Niedergang der wahren Religion in China schuld sein. Immerhin habe Laozi, ein 'monstre' mit einer verderblichen Lehre, mehrere nützliche Bücher geschrieben über Tugend und die Flucht und Verachtung von Ehre und Reichtum. Virgile Pinot : La théorie du P. Le Comte sur l'ancienne religion des Chinois, empruntée en grande partie au P. Couplet, se résume en quelques formules : le peuple de la Chine a conservé près de deux mille ans la connaissance du vrai Dieu, il l'a honoré d'une manière qui peut servir d'exemple et d'instruction même aux chrétiens. Il lui a sacrifié dans le plus ancien Temple de l'univers. Il a pratiqué le culte intérieur et extérieur. Il a eu des prêtres, des Saints, des Hommes inspirés de Dieu, pleins de son esprit, et des miracles. Sa morale a été aussi pure que sa religion. Et non seulement l'esprit de la religion s'est conservé parmi ce peuple, mais encore les maximes de la plus pure charité, ce qui en fait la perfection et le caractère. La première conséquence que l'on tire de ces faits est que dans la sage distribution des grâces que la Providence divine a faite parmi les nations de la terre, la Chine n'a pas sujet de se plaindre puisqu'il n'y en a aucune qui ait été plus constamment favorisée. Et la seconde, que l'ancienne religion chinoise est la même que la religion chrétienne, dans ses principes et dans ses points fondamentaux, puisque les Chinois adorent le même Dieu que les Chrétiens, et le reconnaissent aussi bien qu'eux pour le Seigneur du Ciel et de la terre. |
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9 | 1697 |
Bayle, Pierre. Dictionnaire historique et critique [ID D1772]. Virgile Pinot : Bayle semble avoir été attiré à l'étude de la Chine, moins par l'intérêt que présentait la chronologie chinoise que par le souci qu'il avait aux environs de 1685, soit immédiatement avant, soit aussitôt après la Révocation de l'Édit de Nantes, de combattre l'intolérance de Louis XIV. Or, la Chine vint lui offrir tout à point un exemple de tolérance, puisque selon la lettre du P. Verbiest, l'empereur de Chine se déclarait prêt à accepter les missionnaires dans son empire. Il écrivait dans ses Nouvelles de la République des Lettres [ID D20148] : "Je ne sçai pourquoi, les Chrétiens font si peu de réflexions sur l'esprit de tolérance qui règne dans ces Rois païens que nous traitons hautement de barbares et de féroces. Voilà un empereur chinois très persuadé que la Religion des Jésuites est fausse et tout à fait opposée à celle dont lui et tous ses sujets font profession, qui ne laisse pas de souffrir des missionnaires et de les traiter fort humainement". Le ton même de cette observation marque l'étonnement de Bayle, à constater que la tolérance est possible, puisqu'elle existe. Les mois qui suivent lui fournissent des faits qui vont lui permettre d'observer le contraire de la tolérance, à savoir l'intolérance : d'abord et surtout, c'est la Révocation de l'Édit de Nantes, avec les persécutions qu'elle provoque, conversions de force et Dragonnades, ensuite l'envoi de missionnaires jésuites en Chine. Ainsi Louis XIV semble se contredire, puisqu'il réclame de l'empereur de Chine pour ses missionnaires cette tolérance qu'il refuse à ses sujets. Louis XIV en obligeant par la force ses sujets à se convertir, et en introduisant ses missionnaires en Chine, ne fait qu'obéir au même principe qui est de conquérir les âmes. Faut-il donc conseiller à l'empereur de Chine d'accepter le papisme au nom de la tolérance ? Que non pas. Ce serait le meilleur moyen de la détruire. Un souverain tolérant, et précisément parce qu'il l'est, doit examiner les religions qui veulent pénétrer dans ses États, et se montrer intolérant des religions intolérantes, c'est le premier principe et la condition d'existence de la tolérance. Bayle part de ceci que le principe essentiel du papisme est une fausse interprétation du précepte chrétien Contrain-les d'entrer. Si la mission consistait à prouver rationnellement la supériorité de la religion que l'on apporte sur les religions existantes, rien n'empêcherait les Chinois de recevoir les missionnaires chrétiens. Au cours de cette longue argumentation, où Bayle considère la tolérance non comme une résultante de l'indifférence en matière de religion, mais comme une conséquence nécessaire du christianisme, il s'élève parfois à des généralités et il s'efforce de montrer que l'intolérance de l'intolérance, c’est-à-dire la nécessité de chasser les Chrétiens de son empire, est imposée à l'empereur de Chine par un principe de conscience "loi éternelle et antérieure à toutes les religions de droit positif". L'empereur ne doit donc pas hésiter à chasser ces missionnaires, pour éviter à ses peuples la tentation presque insurmontable de commettre le plus grand de tous les crimes", l'apostasie d'une religion qu'ils croient vraie. Mais, pense Bayle, cette croyance des Siamois ne provoque qu'une vertu mercenaire, puisque la notion pure de l'honnêteté n'en est pas le principe, de même d'ailleurs que la croyance en la Providence, sur laquelle elle a seulement l'avantage de n'être pas une duperie. Il est donc à croire que ce dogme de la rétribution des actes humains a été inventé seulement par les Lettrés siamois, qui, du moment qu'ils niaient la Providence, ont voulu la remplacer par autre chose, par utilité sociale, et pour contenir le peuple. Ils ont donc dû avoir - tout comme en Chine les sectateurs du dieu Fo - une double doctrine, l'une réservée aux philosophes et à leurs adeptes, mais qui reste secrète, l'autre faite pour le peuple, et qui se contente d'exposer quelques principes utiles à la société. Quant à la doctrine métaphysique des Lettrés chinois - Bayle ne dit pas siamois, bien que La Loubère soit toujours sa source - cette doctrine qui met un grand nombre d'âmes dans l'univers, distinctes les unes des autres, dont chacune existe par elle-même et agit par un principe intérieur et essentiel, il la croit plus acceptable que la théorie de l'éternité de la matière, qui doit nécessairement conduire à l'atomisme, car s'il peut y avoir deux êtres coéternels et indé pendans quant à l'existence, il y en peut avoir cent mille millions et à l'infini. En somme en 1697, avant le moment critique de la Querelle des Cérémonies chinoises, Bayle a peu connu la philosophie des Chinois : il ne connaît que la doctrine des Siamois d'après La Loubère, les hypothèses des disciples de Fo en Chine d'après un extrait de la préface du P. Couplet. Mais ces faits si peu nombreux et si fragmentaires qu'ils soient, l'avertissent qu'en Extrême-Orient il y a des doctrines matérialistes, donc des doctrines athées. Cependant Bayle s'intéressait aux rivalités entre Jésuites et Missionnaires, bien qu'il ne prît pas encore définitivement parti pour les uns ou pour les autres sur le fait des cultes chinois. En 1699, il écrit à Minutoli qu'il a lu le VIe volume de la Morale pratique, qui lui semble "plus curieux que les deux précédents ; car il traite du culte qu'on rend à Confucius à la Chine et des démélez que les Dominicains ont suscitez aux Jésuites, prétendans et soutenans par leurs subtilitez que ce culte n'est point de Religion mais civil, et en quelle manière on y peut participer sans idolâtrie". Cependant en 1701, son opinion semble se modifier, à cause de l'ouvrage de Hyde, où il trouve une confirmation des idées du P. Le Comte. Le Comte qui apportaient un argument si fort en faveur du consentement universel. Or Bayle, bien qu'il connaisse dès lors les principaux écrits des Jésuites, notamment ceux du P. Le Comte et du P. Le Gobien va se séparer de son correspondant et conclure à l'athéisme des Chinois, pour ruiner l'argument du consentement universel. Bayle qui a déjà signalé dans son Dictionnaire (1e édition, 1697) l'athéisme des Siamois et l'athéisme de la secte des Lettrés de la Chine (2e éd. du Dictionnaire, 1702) veut montrer en 1705 que l'athéisme en Chine n'est pas seulement une doctrine particulière à un petit groupe de philosophes, mais la théorie philosophique dominante. Sans doute parce qu'il ne se sent pas assez sûr de lui, n'ayant pas lu la préface du P. Couplet, qui d'ailleurs eût infirmé sa thèse au lieu de la vérifier, il jette allègrement par-dessus bord la question de l’athéisme ou du spiritualisme des disciples de Confucius : "Je ne vous dirai pas que Confucius qui a laissé d'excellens préceptes de morale était athée. Ceux qui l'affirment trouvent des contredisans ; je passe donc à des faits non contestés". Bayle trouve que la découverte de l'athéisme de ces peuples primitifs n'a qu'une importance secondaire, car ce sont des 'athées négatifs', tandis que l'exemple chinois a une importance capitale, car les Lettrés de la Chine sont des philosophes, qui ont comparé ensemble le système de l'existence de Dieu et le système opposé. Ce sont des 'athées positifs'. La Querelle des Cérémonies chinoises apporte donc à Bayle en 1706 un criterium qui lui permet de conclure à l'athéisme des Chinois. Bayle n'a fait une étude particulière de la philosophie ou de la religion des Chinois. Il n'a même pas lu le P. Couplet, et il s'est contenté d’un creterium tout extérieur pour conclure à l'athéisme. La Chine pour lui n'a été qu'un exemple, un argument dans le débat sur la valeur du consentement universel. Mais en établissant même de cette manière détournée l'athéisme des Chinois, alors que personne ne doutait d'autre part de leur grande valeur morale, il a montré qu'il n'y avait pas antinomie entre l'athéisme et la morale, d’où il résultait, par une conséquence toute naturelle, que la morale est indépendante de la religion. Willy Richard Berger : Einer der ersten, der in die theologische Diskussion über die chinesische Kultur eingriff war Bayle. Äusserer Anlass waren Hugenotten-Verfolgung und der Widerruf des Ediktes von Nantes. Die Freiheit, von welcher Louis XIV. wie selbstverständlich voraussetzte, dass sie in China seinen Missionaren gewährt werde, verweigerte er im eingenen Land seinen Untertanen, und jenes 'Compelle intrare', das Wort, das dazu dienen musste, die Verfolgungen, Zwangsbekehrungen und Dragonnaden zur rechtfertigen, denen sich die Hugenotten ausgesetzt sahen, war für Bayle das Losungswort der Intoleranz schlechthin, das Synonym für den inhumanen Absolutheitsanspruch des Katholizismus, dem er die chinesische Duldsamkeit als leuchtendes Gegenbeispiel entgegenhielt. Zum ersten Mal ist China nicht mehr bloss das Land, das zwar über eine staunenswerte materielle und geistige Kultur verfügt, das aber – da leider heidnisch geblieben – bekehrt werden muss ; es ist vielmehr ein Land, das den Europäern als Tugendexempel dienen kann und aus welchem sogar, da die religiöse Toleranz alles, nur nicht die Intoleranz dulden darf, das Christentum eigentlich ausgewiesen werden müsste. Bayles utopische 'Republik der Ideen', in der Wahrheit und Vernunft, Gerechtigkeit und gesunder Menschenverstand, Toleranz und natürliche Moral zu Hause sein sollten, hat gewiss von dem hypostasierten chinesischen Idealreich einiges an bekräftigender Kontur übernommen. Es handelt sich auch beim China der religiösen Toleranz um ein typisch europäisches Gedankenkonstrukt. Man hat die Missionierungsarbeit geduldet, und das 1692 von Kaiser Kangxi verkündete Toleranzedikt stellt einen bemerkenswerten Kontrapunkt zum Edikt von Fontainebleau dar und bestätigt Bayles Argumentation nachdrücklich. Nach dieser durch die aktuelle religionspolitische Situation in Frankreich motivierten Inanspruchnahme des Topos vom 'Chinois philosophe' als einer Waffe im geistigen Kampf spielt der Ferne Osten für viele Jahre in Bayles Schriften keine Rolle mehr. Im Dictionnaire historique et critique geht es wieder um ein ursprünglich theologisches Problem, um die Frage, ob es eine überall auf der Welt gültige Übereinkunft (consentement universel) im Hinblick auf die Existenz eines göttlichen Wesens gebe oder nicht. Wie die Idee der Toleranz, so hat Bayle auch dieses zentrale Thema seines Werks, den Atheismus, mit der Figur des chinesischen Philosophen verbunden. Song Shun-ching : L'athéisme attribué à Bayle s'explique par son apologie de la tolérance et son exigence de la liberté du pensée. Voltaire et Bayle ne partagent pas la même conception au sujet de la religion. Pour Bayle, Confucius enseigne un athéisme supérieur à la croyance du peuple idolâtrique et superstitieux qui observe les préceptes religieux de bonzes débauchés et corrompus, et Bayle conclut que la civilisation chinoise est supérieure parce que le pays est gouverné par une classe de lettrés athées. Jacques Pereira : Bayle ne s'est intéressé à la Chine, après 1685, que parce que sur le rapport de Verbiest, Kangxi ouvrait son territoire à l'évangélisation des missionnaires. Cet élément lui semblait constituter un excellent exemple de tolérance religieuse dont il entendait se servir dans sa lutte contre la politique religieuse de Louis XIV. Avant 1700, Bayle est d'ailleurs moins préoccupé des Chinois que des Siamois dont il tire des informations de Tachard et da La Loubère. Sa perspective est plus axée sur la question du rapport entre la croyance en und Providence et la vie morale. C'est par la lecture de l'ouvrage Historia religionis de Thomas Hyde [ID D20205] que Bayle est amené à se recentrer sur la querelle chinoise. Il choisit de conclure à l'athéisme des lettrés chinois. En effet, l'exemple d'une société qui ignore l'existence de Dieu et qui, pourtant, a su se donner des préceptes d'une haute moralité était tout trouvé pour venir conforter sa double hypothèse : et que l'athéisme n'est pas incompatible avec la moralité et la sociabilité, et que la foi n'est pas une donnée innée que viendraient contrarier la perversité ou la corruption. Bayle va s'attacher à montrer, dès 1705, que ce ne sont pas quelques Lettrés qui sont athées mais que cette philosophie occupe une position dominante dans l'ensemble de la société chinoise. Pour cela il s'appuie sur Histoire de l'édit de l'empereur de la Chine de Le Gobien [ID D1780], qui affirme l'athéisme des Chinois, et qui ne saurait être soupçonné de complaisance pour son ordre puisque la Compagnie avait été condamnée pour avoir nié l'athéisme en Chine. Prudent sur le cas de Confucius, Bayle est plus affirmatif sur celui des néo-confucéen. Bayle qui ne se sera qu'incidemment intéressé à la question chinoise aura cependant, par le rayonnement de son oeuvre, influencé toute une génération intellectuelle sur ce problème sensible. |
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10 | 1700 |
Le Comte, Louis. Eclaircissement sur la dénonciation [ID D19963]. Virgile Pinot : Le Comte ne cherchait pas à se défendre par des raisons théologiques, mais il invoquait l'autorité de l’histoire dont il avait été, disait-il, le fidèle porte-parole : "Quand j'ay parlé de l'ancienne Religion des Chinois, je l'ay toujours fait en Historien qui rapporte ce que les anciens Livres de ces peuples nous ont laissé. Et je n'ay jamais prétendu que le public donnât à mon Livre plus de croyance que n'en mérite l'Histoire même de la Chine". Mais invoquer l'histoire contre des arguments théologiques, c'est faire de l'histoire le juge de la théologie, c'est mettre les faits au-dessus de la doctrine. Ainsi l’histoire d'une nation profane devenait un critérium de vérité, supérieur même à la révélation. Enfin le P. Le Comte se défendait en invoquant un argument d'occasion, la nécessité d'enlever une arme aux libertins : "Ne serait-il pas bien plus dangereux de condamner ce qu'on reprend icy dans mon Livre, en disant que les anciens Chinois, comme ceux d'à présent, étoient athées. Car les Libertins ne tireroient-ils pas avantage de l'aveu qu'on leur feroit, que dans un empire si vaste, si éclairé, établi si solidement, et si florissant, soit par la multitude de ses habitants, soit par l'invention de presque tous les arts, ou n'auroit jamais reconnu de Divinité. Que deviendroient donc les raisonnements que les Saints-Pères, en prouvant l'existence de Dieu ont tiré du consentement de tous les peuples, auxquels ils prétendent que la Nature en a imprimé l'idée si profondément que rien ne la peut effacer". |
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11 | 1702-1776 |
Lettres édifiantes et curieuses [ID D1793]. Virgile Pinot : Les Jésuites ont représenté les Chinois comme un peuple rationaliste, spiritualiste et déiste. Sans doute les nécessités de leur mission les y ont d'abord poussés. Puis la Querelle des Cérémonies chinoises, jointe au besoin de maintenir la mission coûte que coûte les a obligés à soutenir, sans en rien retrancher, les idées qu'ils avaient d'abord proposées. Mais il y a sans doute autre chose. La méthode d'évangélisation des Jésuites, si flexible, si souple, au point qu'elle fut capable de s'adapter avec succès aux mœurs étrangères les plus différentes des mœurs européennes, rappelle l'attitude qu'ils ont prise en France dans les grands débats théologiques. Ils ont cédé à l'esprit du temps. Ils ont biaisé avec la morale et la religion des mondains. C'est qu'il fallait sauver la religion chrétienne, même en faisant quelques sacrifices, des coups qui lui portaient les libertins. Et ainsi il nous faut chercher, en laissant de côté désormais les rivalités entre Jésuites et Missionnaires, comment les libertins pouvaient être tentés d'exploiter la découverte de la Chine pour nier l'histoire des origines du monde, telle que la rapportait la Bible ou pour invoquer l’exemple chinois en faveur de l'athéisme, ou pour essayer de trouver dans la morale primitive des Chinois les traces d'une morale indépendante de la religion. Éternité du monde, athéisme primitif, morale indépendante, sont les conclusions radicales que les libertins tireront de la découverte de la Chine. Contre ces conclusions tous les partisans de la Bible et tous les défenseurs du dogme chrétien vont engager la bataille, les uns sans faire aucune concession à leurs adversaires, les autres - et ce sont les Jésuites - en interprétant les faits nouveaux, en les adaptant au mouvement des esprits pour sauver malgré tout ce qui doit être sauvé, l'esprit chrétien et le christianisme, mais un christianisme atténué, adapté aux connaissances nouvelles. |
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12 | 1708.3 |
Malebranche, Nicolas. Entretien d'un philosophe chrétien et d'un philosophe chinois [ID D1799]. Sekundärliteratur Quellen : Artus de Lionne. Longobardo, Niccolò. Responsio brevis super controversias de Xamti [ID D1659]. Sainte-Marie, Antoine de. Traité sur quelques points importans de la mission de la Chine [ID D16444]. [Eventuelle Quelle]. Erwähnte Quellen : Testimony of several jesuits concerning the atheism of the Chinese. In : Note on the Conversation. Ricci, Matteo ; Trigault, Nicolas. De christiana expeditione apud sinas suscepta ab Societate Jesu [ID D1652]. Martini, Martino. De bello Tartarico historia [ID D1699]. Semedo, Alvaro. Relaçao da propagaçao da fé no regno da China [ID D1685]. Le Favre, Jacques. De sinensium ritibus politicis [ID D4595]. Le Comte, Louis. Nouveaux mémoires sur l'état de la Chine [ID D1771]. Virgile Pinot : Dans les Entretiens le philosophe chinois n'a pas le beau rôle et c'est lui qui doit être convaincu par les raisons du philosophe chrétien. Son Entretien est donc une sorte d'aide-mémoire métaphysique à l'égard des futurs Missionnaires en Chine, mais sous forme de dialogue pour qu'ils aient plus rapidement présentes à l'esprit les réponses à faire aux arguments ou aux objections des philosophes chinois. C'est en principe un traité d'apolégétique du christianisme d'après les idées métaphysiques de Malebranche. Malebranche fait exposer par le philosophe chinois certains principes de sa doctrine, pour avoir l'occasion de les réfuter, mais l'exposé de la philosophie chinoise n'est pas l'essentiel de son ouvrage ; ce qui lui importe avant tout c'est la démonstration de sa propre métaphysique. Sur la philosophie chinoise, il est peu renseigné ; il en connaît seulement certains principes qui lui ont été exposés par [Artus de Lionne] évêque de Rosalie ; il n'y a que deux genres d'êtres, le Ly, qui est la souveraine Raison, et la matière. Le Ly et la matière sont éternels. Le Ly ne subsiste point en lui-même et indépendamment de la matière, (les Chinois le considèrent sans doute comme une forme ou comme une qualité répandue dans la matière) le Ly n'est ni sage ni intelligent, quoiqu'il soit la sagesse et l'intelligence souveraines. Le Ly n'est point libre et n'agit que par la nécessité de sa nature. Il rend intelligentes, sages, justes, les portions de matière disposées à recevoir l'intelligence, la sagesse, la justice, car l'esprit de l'homme n'est que de la matière épurée ou disposée à être informée par le Ly et par là rendue intelligente ou capable de penser : "C’est apparemment pour cela qu'ils accordent que le Ly est la lumière qui éclaire tous les hommes et que c'est en lui que nous voyons toutes choses". Voilà un certain nombre d'erreurs et de paradoxes que Malebranche va essayer de réfuter dans son écrit. Malebranche l'estime être un athéisme ayant de grands rapports avec celui de Spinoza. Les Jésuites lui ayant en effet reproché de mettre l'athéisme au compte d'un philosophe chinois, il leur répond : "Ainsi puisqu'il n'y a pas un seul Chinois qui donne dans l'athéisme et qui sans blesser la vraisemblance puisse me servir d'interlocuteur pour réfuter l'impiété, il n'y a pour contenter la délicatesse de l'Auteur qu'à changer Chinois en Japonois ou Siamois ou plutôt en François ; car il convient que le Système de l'impie Spinoza fait icy de grands ravages ; et il me paroît qu'il y a beaucoup de rapport entre les impiétés de Spinoza et celles de notre philosophe chinois. Le changement de nom ne changeroit rien dans ce qui est essentiel à mon écrit." David E. Mungello : Malebranche did not have a compelling interest in China. Nevertheless, his concern with metaphysical demonstration of his faith drew him into the Chinese Rites Controversy, and he responded by composing, late in life, a hypothetical conversation between a Chinese philosopher and a Christian philosopher. He had little interest in China or Chinese philosophy until late in life. Artus de Lionne was not only the prime motivator of Malebranche's composition of the Conversation, he was also Malebranche's primary source of information on Chinese philosophy. The six points in Malebranche's summary are: 1st. That there are only two types of being to know-li (or supreme Reason, Order, Wisdom, Justice) and matter [ch'i]. 2nd. That li and matter are eternal beings. 3rd. That li does not subsist by itself and independently of matter. Apparently, they regard it as form or as a quality distributed in matter. 4th. That li is neither wise nor intelligent although it is supreme wisdom and intelligence. 5th. That li is not free and that it acts only by means of the necessity of its nature without knowing or wishing anything of what it makes. 6th. That it renders intelligent, wise, and just the portions of matter disposed to receive intelligence, wisdom, and justice. For according to the literati of whom I speak, the mind of man is only purified matter, or disposed to be informed by means of i/, and by it rendered intelligent or capable of thinking. This is apparently why they agree that the li is the light which illuminates all men and that it is in it that we see all things. Malebranche's reference in the first point to supreme Reason, Order, Wisdom, and Justice as synonyms for ii implies a possible allusion to the four cardinal virtues of Confucianism. They are jen (Benevolence or Goodness), ii (Propriety or Ritual Order), chih (Wis-dom) and i (Righteousness or Justice). The four cardinal virtues were very prominent in the school of Chinese philosophy transmitted to Malebranche. While he consistently transliterates ii, Malebranche refers to ch'i only in translated form as "matter." But speaking more precisely, ch'i means "matter-energy" or "material force." As used by the School of li, li means principle in the sense of an organizing element. Li is sometimes referred to as "infrastructure," in contrast to "superstructure" in order to highlight the contrast between inner organization versus surface manifestation. There are very strong organic connotations in li, as there are in many elements in Neo-Confucianism. With reference to Malebranche's second point, it is misleading to say that ch'i (material force) is eternal. Ch'i is permanently present in the world but is in constant flux. On the third point, it is oversimplified to say that li cannot exist independently of matter. In one sense this is true, but there are two aspects to the relationship between li and ch'i. In the chronological dimension li is co-temporal with ch'i and cannot exist apart from ch'i, but in a second dimension li has a logical priority over ch'i. The fourth point presents a superficial conception of li. While it is true that li is not regarded as wise or intelligent, the philosophy of Chu Hsi regards li as but one of three manifestations of Heaven. Chu Hsi states that in the Chinese classics, Heaven (t'ien) "... sometimes designates the blue sky (ts'angts'ang), sometimes it signifies the sovereign lord (chu-tsai) and sometimes it denotes principle (li) alone." Chu Hsi also states "Heaven is principle (li) but the blue sky is also Heaven, and the sovereign lord (chu-tsai) above is also Heaven." The criticism applied to the fourth point also applies to the fifth point. To say that ii is neither conscious nor wills anything of its creation is, in one sense, accurate. Chu Hsi himself says something similar. However, to refer to li as neither conscious nor willful in the way that Malebranche does is meaningless if one realizes that Chu Hsi used li to designate specifically that part of Heaven which is neither conscious nor willful. Malebranche overextends this one as-pect because he fails to realize that there is another dimension of Heaven which Chu Hsi designated as chu-tsai (sovereign worker) and which is conscious and wills things. In the sixth point, to say that the mind consists only of purified matter is to overemphasize the material aspect in the School of li Neo-Confucianism. In the context of insular Eurocentrism, Malebranche may have been motivated to write the Conversation more because he recog-nized signs of the Spinozistic enemy in Chinese philosophy than be-cause of any great interest in China. In his letter of June 1713 to Fenelon, Malebranche complains that his composition of the Conversation was not based on any desire to participate in the Chinese Rites Controversy and in the debate between the Jesuits and the Society of Foreign Missions, but simply to satisfy the repeated requests of De Lionne. Malebranche states that he had permitted the Conversation to be published because he believed he could use it to make clear that he had written not against the Jesuits but against Spinozists in disguise. For the defenders of the faith, the Chinese Rites Controversy was important only as it related to their battles with Benedict Spinoz and certain followers of Descartes who carried Cartesian principles in freethinking directions. Spinoza, in particular, was regarded as a deadly enemy of the Christian faith. Malebranche probably wrote the Conversation in 1707 and con-sented, with some reluctance, to its publication in February, 1708. He is said to have been shocked and completely unprepared for the intensity of the response. The first published reaction came in a critical review in the July 1708 issue of the prominent Jesuit journal, Memoires de Trevoux pour servir a l'histoire des sciences et des beaux-arts. The review was unsigned but later identified as the work of Louis Marquet, S.J. (ca. 1650-1725), a professor of theology at Paris. Malebranche responded with a point-by-point rebuttal published in August 1708 as Avis touchant l'Entretien d'un Philosophe chretien avec un philosophe chinois (referred to herein as Note on the Conversation). The second response from the Memoires de Trevoux (December 1708) was less critical of Malebranche than the first response and, in fact, criticized the unnamed author of the first response (i.e. Marquet). There were further countercharges of Spinozism and atheism against Malebranche by the Jesuits Jean Hardouin (1646-1729) and Joseph Rene Tournemine, both of whom were closely associated with the Memoires de Trevoux. Nevertheless, the Christian responds to the Chinese's skepticism about the existence of infinity with the first of his proofs for the existence of God. It consists of a variation of the ontological argument, which happens to be the principal argument in Malebranche's philosophy for the proof of God's existence. The ontological argument originated with Anselm of Canterbury and was used by Descartes whose version of it was adapted by Malebranche. In Malebranche's formulation of this argument, the idea of a mere finite thing does not imply its exis-tence because finite things have ideas to represent them, i.e., the thing is separate from the idea. Malebranche adopts Descartes' separation of mind and extension. There is no interaction between thought and extension, except through God who contains the idea of extension which our minds perceive. Malebranche's philosophy, we can better understand the Christian philosopher of the Conversation when he says ". .. one cannot perceive all things in ii if it does not eminently contain all beings. If the ii is not the infinitely perfect Being, who is the God whom we adore?" Malebranche makes it quite clear that to be regarded as the equivalent of the Christian God, ii must be infinite in the extent of its being. After the Chinese philosopher has accepted the notion of infinity, he still expresses considerable difficulty with the abstractness of the Christian philosopher's argument. In response to the former's request for a demonstration of God's existence as a particular being, the Christian philosopher responds that a particular God is too limited and would contradict God's infinite nature. After the Chinese philosopher has accepted the notion of infinity, he still expresses considerable difficulty with the abstractness of the Christian philosopher's argument. In response to the former's request for a demonstration of God's existence as a particular being, the Christian philosopher responds that a particular God is too limited and would contradict God's infinite nature this interpretive extension. In Malebranchian philosophy, truth consists of the correspondences between our ideas and the truth. understanding of such correspondences by himself, but needs God as the source of his illumination. We see eternal truths in God indirectly by means of ideas which correspond to these truths. Malebranche concludes that ii can be supreme truth only because, being infinitely perfect, it contains in the simplicity of its essence, the ideas of all the things that it has created and that it can create. This, of course, represents a projection of Malebranche's def-inition of God onto the Chinese ii. We should not be surprised to find that ii fails to satisfy some of these criteria. Malebranche resolves the deficiency of ii being unable to subsist without matter when he claims that while the arrangements of matter may change and perish, ii itself is eternal and immutable; thus, the Chinese philosopher is able to conclude that ii really would subsist by itself. Malebranche resolves the deficiency of ii being unable to subsist without matter when he claims that while the arrangements of matter may change and perish, ii itself is eternal and immutable; thus, the Chinese philosopher is able to conclude that ii really would subsist by itself. The second deficiency proves to be more difficult to resolve, and an interesting debate ensues over whether ii manifests Wisdom and Justice as abstract qualities or whether ii is consciously wise and just. The Christian argues that ii should manifest both, whereas the Chinese, perhaps reflecting less of a tendency toward anthropomorphizing divine forces, argues that ii is Wisdom and Justice but not wise and just because the abstract qualities of Wisdom and Justice are greater than their human manifestation. Put somewhat differently, the Chinese argues that forms and qualities are different from subjects. This debate draws out further differences between the Christian and the Chinese on the power of their conceptions of deity. The Christian stresses that God as infinitely perfect being acts of his own volition and draws consequences from himself alone, that is, his power is unlimited. In contrast, the Chinese philosopher tends to see certain limitations on the power of li. It is interesting to note that Leibniz saw similarities between the Chinese limits on the power ofli and his own monadically-based limitations on God's power to intervene actively in the world. The remainder of the Conversation attempts to bring God and ii closer together. Malebranche has the Christian distinguish between material (i.e., finite) space and infinite space. To be equivalent to God, ii would have to contain infinite space. More specifically, ii would have to contain-Malebranche implies that the Chinese concedes it does-all the objects of our understanding as infinitely perfect and maintain a correspondence between the perfect simplicity of its essence and the reality of all finite beings. John Ho : Malebranche war nie in China und äussert sich von seiner christlichen Philosophie aus. Seine Abhandlung ist eine christliche Apologie gegen die chinesische Metaphysik. Das Prinzip li kann niemals dem Gott der christlichen Offenbarung verwandt sein, weil Gott ein absolutes Wesen ohne Anfang und Ende ist. Aber das li der Chinesen ist aus dem Nichts hervorgegangen und ist niemals die Vollkommenheit und Unendlichkeit selber. Li ist Materie und kann nicht aus sich selber existieren. Vielmehr erhält sie im Licht unserer Erkenntnis erst ihr Sein. Die Materie existiert, weil unsere Erkenntniskraft sie in Dienst nimmt. Lee Eun-jeung : Malebranche nimmt im Ritenstreit Partei gegen die Jesuiten und stellt seine Auseinandersetzung mit dem Konfuzianismus in Form eines Dialogs dar. Anstelle von Sokrates lässt er einen christlichen Philosophen als Gesprächspartner auftreten, der die theologische Waffe seiner Religion gegen den heidnischen Widerpart kraftvoll ins Felde führt. Am Schluss muss sich die chinesischen Philosophie gegenüber der europäischen geschlagen geben. Jacques Pereira : La forme dialoguée s'explique par une visée didactique qui rend peut-être comte du fait qu'il ne brille pas par son équité intellectuelle à l'endroit de la pensée chinoise. Peu renseigné, et de manière tendancieuse, par l'évêque de Rosalie qui avait eu à se plaindre de l'accueil des missionnaires jésuites là-bas, Malebranche, à la vérité, se soucie assez peu de l'exactitude de la pensée chinoise et la conception qu'il s'en fait est en réalité asservie à ses propres finalités polémiques ; comme il a plus en tête de combattre les systèmes métaphysiques européens déviants tels que l'athéisme ou le spinozisme, sa lecture de la philosophie chinoise va très nettement être tirée vers ceux-ci. C'est ainsi que par un réflexe philosophique strictement européen il va spontanément en comprendre les principes comme ceux d'un dualisme : deux principes éternels structurent la réalité, le 'Ly' et la matière ('K'y') ; cette dualité ne saurait cependant se ramener à l'antithèse Esprit / matière, dans la mesure où le 'Ly' n'est pas à proprement parler une substance. En d'autres termes, nous avons affaire à un dualisme bancal, hétérogène aux catégories logiques et métaphysiques élaborées par la philosophie antique reprises par la métaphysique chrétienne et, dans les aléas de la transposition, ce principe spirituel va devenir un être matériel d'une nature épurée qui vient se superposer exactement au schéma de la cosmologie matérialiste de l'Antiquité gréco-romaine. Ayant ravalé à son palier extrême le système métaphysique des lettrés chinois néo-confucéens, il a toute latitude pour en faire, au choix, un athéisme ou un spinozisme, ce qui dans son esprit, et celui de nombre de ses contemporains, n'est pas loin d'être la même chose. Malebranche se dégage de l'impasse dans laquelle s'enlisait la polémique du 'T'ien' ; mais ce faisant, lui qui n'est déjà guère versé dans la philologique et la philosophie chinoises, lorsqu'il finit, au terme de son parcours, par interroger le 'Ly' comme un synonyme recevable de ce dernier et l'examine en tant que représentation de Dieu, il ne fait que perpétuer un grossier abus de méthode, aux yeux de la philosophie occidentale elle-même, en rabattant und problématique métaphysique sur une problématique théologique. Malebranche trouva dans le traité de Longobardi une confirmation des opinions d'Artus de Lionne, et ne chercha pas plus loin. C'est que, comme le dit Etiemble avec une sévérité que nous ne pouvons qu'approuver, il ne tient pas pour essentiel de rendre justice à la pensée chinoise : sa première préoccupation étant de se disculper de l'accusation de spinozisme en le combattant, il n'aura pas fait autre chose que substituer dans son dialogue un spinozist au malheureux philosophe chinois. Willy Richard Berger : Malebranches christlicher Philosoph führt massiv die theologischen Waffen seiner Religion gegen den heidnischen Widerpart. Sein Dialog ist eine tehologisch tendenziöse, dezidiert antijesuitische Kampfschrift, in Form eines scholastischen Traktats über die wahre Gottesnatur, aber doch deutlich als vorbehaltlose Parteinahme im Ritenstreit erkennbar. Der Dialog verdankt sein Entstehen der freundschaftlichen Verbundenheit Malebranches mit Artus de Lionne, einem erklärten Jesuitenfeind. Dieser überzeugte Malebranche, dass allein seine Philosophie imstande wären, den Chinesen und ihren jesuitischen Fürsprechern die singulare Wahrheit und Überlegenheit der einen katholischen Lehre begreiflich zu machen. In der aufgeladenen Athmosphäre der Ritendiskussion fand die Schrift starke und unmittelbare Resonanz. Gleich nach dem Erscheinen erschien eine projesuitische Erwiderung : Mémoires de Trévoux (1708), die wiederum Malebranche zu einer unmittelbaren Entgegnung veranlasste : Avis touchant l'entretien (1708). Malebranche versucht sich am Vergleich zwischen der Idee des Li bei Zhu Xi und dem christlichen Gottesbegriff. Doch beschränkt sich die Parallele auf ganz äusserliche Gemeinsamkeit. Malebranches Schrift ist nicht nur eine Apologie orthodoxer katholischer Glaubensfrömmigkeit im Gewand eines cartesianischen Traktats, sondern zugleich eine Refutation des Spinozismus in der Verkleidung einer vergleichenden Auslegung eines chinesischen Philosophen. André Robinet : On peut dire que l'Entretien est une pièce de combat adaptée à une quadruple finalité : 1. prendre parti dans la lutte qui oppose la quasi-totalité du monde chrétien des Jésuites et qui se manifeste ici très particulièrement par le refus d'abaisser la vérité de la religion au profit d'un opportunisme de conquête : mission, oui, mais sans démission ; 2. reprendre une nouvelle fois, en les précisant, les points philosophiques élaborés aux dépens d'Arnauld, en réponse aux oeuvres publiées après la mort de cet adversaire et en annonce du Recueil massif qui se prépare ; 3. profiter de l'aspect métaphqsique de la dispute pour recenser les griefs contre Spinoza : dans cet Entretien, le tacite est peut-être 'l'essentiel', et le tacite, c'est l'ombre des Spizoza ; d'ailleurs les lettres au spinoziste Mairan s'appuieront sur cet Entretien ; 4. donner au malebranchisme missionnaire et militant sa chance dans le contact des idées qui s'instaure entre l'Orient et l'Occident. |
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13 | 1729 |
Foucquet, Jean-François. Tabula chronologica historiae Sinicae [ID D19807]. Virgile Pinot : Foucquet montre dans sa traduction que l'histoire authentique de la Chine ne pouvait remonter plus haut que le Ve siècle av. J.-C. S'il niait en effet l'authenticité de la chronologie et de l'histoire chinoises, il ne niait pas l'existence en Extrême-Orient d'un puple qui dès les temps préhistoriques avait recueilli les traditions des premiers hommes. Hermann Harder : Foucquet nie l'ancienneté des Chinois et conteste l'authenticité de la tradition historique chinoise au-delà du Ve siècle av. J.-C., pour les besoins de ses théories. Cette thèse hardie, aussi bien que son désaccord avec les Jésuites, ont contribué à mittre fin à sa mission en Chine, devenue inopportune, voire dangereuse. |
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14 | 1735 |
Du Halde, Jean-Baptiste. Description géographique... de la Chine [ID D1819]. Quellen : Bouvet, Joachim. Portrait historique de l'Empereur de la Chine [ID D1774]. Chavagnac, Emeric de. Contancin, Cyr. Couplet, Philippe. Tabula chronologica monarchiae sinicae [ID D1757]. Dentrecolles, François-Xavier. Gaubil, Antoine. Gerbillon, Jean-François. Gollet, Jean-Alexis. Goville, Pierre de. Fontaney, Jean de. Foucquet, Jean-François. Tabula chronologica historiae Sinicae [ID D19807]. Hervieu, Julien-Placide. Jacquemin, Claude. Jacques, Jean-Baptiste. Jartoux, Pierre. Le Comte, Louis. Lettres édifiantes et curieuses [ID D1793]. Magalhaens, Gabriel. Mailla, Joseph-Anne-Marie de. Martini, Martino. Sinicae historiae decas prima [ID D1703]. Noël, François. Nyel, Jean-Armand. Parrenin, Dominique. Version litterale du commencement de l'histoire Chinoise depuis Fou hy jusques a Yao. Brief vom 12. Aug. 1730 an Jean Jacques Dortous de Mairan. Parrenin, Dominique. Brief vom 11. Aug. 1730 über die chinesische Geschichte von Fu Xi bis Yao. Porguet, Louis. Prémare, Joseph-Henry. Régis, Jean-Baptiste. Nouvelle géographie de la Chine et de la Tartarie orientale. Tartre, Vincent de. Verbiest, Ferdinand. Visdelou, Claude. Du Halde schreibt im Vorwort : "C'est Tchu hi [Zhu Xi], écrivain de réputation, qui est auteur de l'histoire, nommée Cang mou [Tong jian gang mu], & il a suivi pour la chronologie Se ma ouen kong [Sima Qian] autre auteur très-célèbre." Du Halde schreibt über über seine Geschichte : "Quoiqu'il en soit des differentes opinions de ces Critiques, la Chronologie de l'Histoire Chinoise ne se conduit pas moins sûrement depuis Yao, jusqu'au temps présent, en ce qui regarde la suite des Empereurs, & les faits les plus importans de leurs régnes. C'est ce qui se développera encore mieux, lorsqu'on entendra parler dans la suite de cet Ouvrage les Empereurs, & tout ce qu'il y a eu de plus illustres Chinois dans chaque dynastie, dont les discours auparavant dispersez, ont eté rafmassez & revüillis par le feu Empereur Cang hi... C'est l'opinion commune de ceux qui ont tâché d'approfondir l'origine de cet Empire ; que les fils de Noë se répandirent dans l'Asie Orientale, que leurs descendans pénétrerent dans la Chine, environ deux cens ans après le Déluge ; & que ce fut dans la Province de Chen si que les premiers Peuples sortis du Couchant vinrent d'abord s'établir." Du Halde schreibt über chinesische Dramen : "Les Tragédies Chinoises sont entremêlées de chansons dans lesquelles interrompt assez souvent le chant, pour réciter une ou deux phrases du ton de la déclamation ordinaire ; nous sommes choqués de ce qu'un Acteur au milieu d'un dialogue se met tout d'un coup à chanter, mais on doit faire attention que, parmi les Chinois, le chant est fair pour exprimer quelque grand mouvement de l'âme, comme la joie, la douleur, la colère, le sésespoir ; par exemple, un homme qui est indigné contre un scélérat, chante ; un autre qui s'anime à la vengeance, chante ; un autre qui est prêt de se donner la mort, chante." Cet ouvrage est considérable pour la connaissance par l'occident de la civilisation chinoise, du à l'historien jésuite français Jean-Baptiste Du Halde, dont Voltaire a dit: "Quoiqu'il ne soit point sorti de Paris, et qu'il n'ait point su le chinois, [il] a donné, sur les Mémoires de ses confrères, la plus ample et la meilleure description de l'empire de la Chine qu'on ait dans le monde". Ce volumineux travail, qui reste l'une des publications majeure en Europe au XVIIIe siècle, est basé sur les lettres, inédites ou imprimées, de 17 jésuites. L'arrivée des jésuites en Chine marque un événement très important dans l'histoire des échanges culturels. Par l'intermédiaire des missionnaires, qui servent de passerelle entre l'Orient et l'Occident, la Chine et l'Europe se rencontrent et se découvrent au niveau spirituel. L'irruption massive de la culture occidentale dans l'Empire céleste contribue à transformer la pensée et la culture chinoises à la fin des Ming et au début des Qing, alors que la diffusion de la culture chinoise en Europe influence l'évolution socio-culturelle de l'Occident. Ainsi, le travail de Du Halde exerce une grande influence sur l'Europe : Voltaire, après l'avoir lu, marque un très grand intérêt pour le confucianisme jusqu'à louer de façon extravagante la Chine. Dans son Essai sur les mœurs, il idéalise la Chine comme "la nation la plus sage et la mieux policée de tout l’univers". Le confucianisme, qu'il appelle 'la religion des lettrés', lui sert de modèle pour la religion raisonnable qu'il appelle de ses vœux. A ses yeux, les Chinois, plus rationnels que les Occidentaux, méritent d'être suivi par les Français. En fait, une telle interprétation, erronée, du soi-disant rationalisme chinois déclenche une vague de sinomanie en Europe, qui stimule le mouvement de la Lumière et la Révolution française. Outre une description géographique extrêmement détaillée, on trouve aussi dans cet ouvrage des considérations sur toutes les facettes de la civilisation chinoise : les empereurs et le gouvernement, les institutions militaires et policières, la noblesse, l'agriculture et l'artisanat, le 'génie', la 'magnificence' et la physionomie des Chinois, la religion, l'éthique et les cérémonies, la science et la médecine, la monnaie et le commerce, la langue et le système d'écriture, la fabrication de la porcelaine et l'élevage des vers à soie. Y figure aussi la première publication d’un abrégé de la relation des explorations de Béring, qui constitue la première description de l'Alaska. Elle est illustrée de la 'Carte des Pays traverses parle Capitaine Beerings' premier imprimé à nommant l'Ile St. Lawrence. Basés sur les manuscrits que Bering avait présenté au roi de Pologne, lequel avait laissé Du Halde en disposer pour l'inclure dans son ouvrage. Figurant très vite en bonne place dans toutes les bibliothèques savantes, ce travail sera traduit dans la plupart des langues européennes. Sa traduction en langue anglaise, parue dès 1738, est notamment à l'origine de l'engouement pour la Chine qui s'empare de l'Angleterre pendant plusieurs générations. L'ouvrage est magistralement illustré de 22 planches gravées (scènes de genre, types, musique), certaines signées : A. Humblot delin. Graveurs : F. Baillieul, Baquoy, Desbrulins, Delahaye, Fonbonne, Guélard, Haussard, Le Parmentier, Lucas, Maisonneuve. Nombreuses illustrations dans le texte, bandeaux, cul de lampe, ornements. Figurent aussi 43 cartes et plans (cartes des provinces chinoises, carte de la Corée). Les cartes sont dues à d'Anville, elles sont basées sur les travaux des jésuites. Exemplaire particuliérement frais et désirable. vols. in-quarto, 43 fine engraved maps, the great majority of them folding and 21 plates, text printed in double-columns. Nicolas Frérét schreibt an Antoine Gaubil 1735 : Ce que vos lettres m'apprennent des différents écrits envoyés en Europe me confirme dans la pensée que vos PP. d'Europe tiennent bien des thrésors enfouis. Je me flattois que le R. P. du Halde en auroit profité pour son grand ouvrage sur la Chine, mais mon attente a été trompée. Vous verrez sans doute cette collection cette année cy et vous jugerez par vous-meme si le public a tort d'être mécontent de ce qu'on luy fait payer 200 1. d'un ouvrage dont on semble avoir cherché à grossir le volume sans en augmenter la matière et dans lequel il ne trouve presque rien qu'il n'eust desja dans les livres communs. Virgile Pinot : Du Halde a corrigé ou altéré les textes, mais sa Description est aussi une défense des jésuites. C'est l'oeuvre d'un homme prudent qui ne veut pas prendre parti dans les questions dangereuses, où tous les jésuites eux-mêmes ne sont pas d'accord, comme celle de la chronologie chinoise, ou dans les questions épineuses comme celle de la rivalité des PP. de Pékin et les figuristes. L'ouvrage perd par là beaucoup de sa précision. La Description de la Chine, à l'époque à laquelle elle parut, n'apportait rien de bien nouveau aux savants. C'était une mise au point pour les demi-savants ou pour les gens du monde de ce qu'il y avait de plus intéressant dans les écrits antérieurs des jésuites sur la Chine : Nouveaux mémoires du P. Le Comte ou Lettres édifiantes. C'était une somme des connaissances acquises mais dont quelques-unes étairent acquises depuis longtemps déjà : ce n'était pas une révélation. Le P. du Halde est dépassé par ses confrères de Pékin, et, grâce à eux, par des savants comme Mairan, Fréret, de l'Isle, qui ont été directement en relations avec les missionnaires. Quant au public qui n'a pas de correspondance avec Pékin, le P. du Halde reste malgré tout une source importante pour la connaissance de la Chine ancienne et moderne, d'ailleurs la seule qui soit accessible. Mais cette source n'est pas absolument pure, les philosophes qui y puiseront verront les Chinois, de gré ou de force, à travers les idées des jésuites. Theodore Nicholas Foss : The first dates given by Du Halde relate to the reign of the Emperor Yao. Du Halde begins his history with the emperor Yao, 2337 B.C. Du Halde mention Zhu Xi and Sima Qian by name - that they had written historical works, waws at the least known by him, but he did not know that Mailla had been working on a translation of Tong jian gang mu. He chose to exclude Foucquet's Tabula chronologica from his chronological exposition not merely because Nian Xiyao did not have a reputation as an historian, but rather because of Foucquet's bizarre chronological views which, expressed in his Figurist writings, had embroiled him in deep conflict. Foucquet did not accept Du Halde's chronology. Lee Eun-jeung : Du Halde schreibt, Konfuzius überrage die griechischen Philosophen seiner Zeit, wie Thales, Pythagoras und Sokrates. Denn sein Ruhm sei im Laufe der Jahre immer weiter gewachsen und habe schliesslich den höchsten Punkt erreicht, den menschliche Weisheit überhaupt erstreben kann. Konfuzius zeichne sich dadurch aus, dass er sich darauf konzentriert, vom sittlichen Grundgesetz der Wesen zu sprechen. Später warf man ihm vor, dass er als Redakteur der Briefe wie auch als Autor die Informationen aus China im Interesse eines bereits vorgeprägten Bildes 'gefilter' habe. Berücksichtigt man, dass sich die Jesuiten im Streit um die chinesischen Riten befanden, ist nachzuvollziehen, dass sie tatsächlich bemüht waren, der öffentlichen Meinung ein dem Jesuitenstandpunkt dienliches, positives Bild von China zu liefern. Dennoch ist es nicht so, dass Du Halde ausschliesslich Positives über China weitergegeben hätte. Er geht auf negative und rückständige Aspekte Chinas ein, wie z.B. auf dem Gebiet der Mathematik und Astronomie. Er kritisiert die Betrügereien der chinesischen Kaufleute ; die Ehrlichkeit sei nicht die bevorzugte Tugend der Chinesen, insbesondere nicht, wenn sie es mit Fremden zu tun hätten, und überhaupt sei der Eigennutz die grösste Schwäche dieses Volkes. Jürgen Offermanns : Im Mittelpunkt konfuzianischer Kritik und damit der Du Haldes steht der asoziale Effekt der inneren Lehre des Chan-Buddhismus. Sie zerstört die Ordnung im Staat und untergräbt die Moral. Der Quietismus versteinerter Bonzen, nichts denkend und nichts fühlend, versetzt die Menschen noch unter die Stufe von Tieren. Die atheistische Lehre des Chan-Buddhismus war eine Gefahr für die soziale Ordnung. Du Halde macht zwischen Aberglaube und Atheismus einen qualitativen Unterschied. Der Aberglaube der äusseren Lehre des Chan-Buddhismus ist durch die intellektuelle Rückständigkeit seiner Anhänger bedingt und geprägt. Bedauernswerte Geschöpfe, die von ihren Passionen und Ängsten getrieben werden. Es ist die Religion des einfachen Volkes. Du Haldes Ziel war es, die von den Jesuiten erworbenen Chinakenntnisse in Europa bekannt zu machen und für die ihre Mission zu werben, die innerhalb der Kirche selbst heftig umstritten war. Päpste und Dominikaner- und Franziskanermönche warfen den Jesuiten vor, durch ihre Methode der Anpassung an die chinesische Tradition, wie die Verehrung des Konfuzius und die Ahnenverehrung, christliche Dogmen zu verraten. Nicht nur der elegante Stil, sondern auch die faszinierenden Kupferstiche förderten die Popularität von Du Haldes Werk. Nicht ohne Humor und Ironie, aber nie verletzend schildert dieser die chinesischen Sitten und Gebräuche. Jacques Pereira : Pour Du Halde, la justice chinoise est rendue par un corps de magistrature compétent, soutenu et retenu à la fois par des principes de la piété filiale et du retour d'autorité. Il est en outre contrôlé par l'empereur lui-même et ses tribunaux pékinois. De cette façon, la machine judiciaire constitute un appareil d'un haut niveau de cohérence et d'intégration qui devait éviter bien des dérapages que nombre de cours de justice européennes connaissent assez régulièrement. Les informations sur la procédure chinoise arrivent dans une Europe qui n'a pas à tirer gloire de ses propres manières de conduire les affaires. Le texte de la Description tend à mettre en évidence que l'appareil judicicaire est suffisamment intégré pour que les mandarins soient tenus par la discipline hiérarchique et par le corps des mêmes lois qu'ils appliquent : on ne peut leur reprocher que leur négligence, puisque leur rigueur pourra toujours être tempérée dans la révision de l'affair et, en dernier ressort, par une décision gracieuse de l'empereur. Dans les faits, la justice chinoise est équitable, humaine mais ferme, scrupuleuse dans les sentences extrêmes. Du Halde n'hésite pas à montrer qu'elle supporte la comparaison avec l'européenne dans bien des domaines de la procédure. S'agissant de la question de l'égalité devant loi, il tien même des propos qui manifestent une certein hardiesse. |
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15 | 1736 |
Fréret, Nicolas. De l'antiquité et de la certitude de la chronologie chinoise [ID D19821]. Theodore Nicholas Foss : Frérét was one of the first to comment on Chinese chronology without apologizing for his inability to reconcile biblical reckoning to account for Chinese history. Virgile Pinot : Fréret ne put admettre la réalité de l'éclipse de 2155 av. J.-C. que les figuristes avaient intérêt à nier, car s'il était vrai qu'une éclipse dont les anciens livres chinois donnaient les détails s'était réellement produite en Chine dans les circonstances indiquées par ces livres, et à l'époque désignée, il ne pouvait plus être question de prétendre que les livres ne racontaient pas l'histoire de la Chine et qu'ils étaient des livres transmis par les premiers patriarches et dont les Chinosi avaient perdu la clef. Prouver la certitude de la chronologie et de l'ancienne histoire chinoises malgré les difficultés et les obscurités qui résultent du recul du temps fut le but de Fréret lorsqu’il composa sa première Dissertation lue en 1733 à l'Académie des inscriptions et belles lettres. Il fallait avant tout donner une méthode historique indépendante de tout système religieux, ne se prévalant par d'une affirmation de la Bible pour repousser un fait d'une histoire profane contraire à cette affirmation. Il part d'un principe que les théologiens ne peuvent lui contester : il admet pour le calcul des temps de calcul de la Vulgate et il montre que rien dans la chronologie chinoise ne vient contredire ce système chronologique de la Bible. L'objet essentiel est de prouver la certitude de la chronologie chinose contre les figuristes qui veulent voir dans les premiers empereurs chinois Noé et ses ancêtres, et d'autre part, contre eux qui, désespérant d'establir la conciliation entre la chronologie chinoise et la chronogie sacrée ne veulent voir dans l'histoire des premiers temps de la Chine qu'on 'un amas de traditions confuses et peu assurées que les écrivains des diècles postérieurs ont liée les unes aux autres pour en former un seul corps'. Fréret croit trouver dans l'exposé des circonstances qui ont accompagné l'éclipse, rapportée par le Chou king, non certes une raison de douter de la réalité de cette éclipse, mais tout au moins une raison de douter du règne de cet empereur Tchong Wang, et und preuve que l'éclipse dont parle le Chou king ne peut être l'éclipse de 2155. Le principe de la méthode est d'écarter de l'ancienne histoire chinoise toute la période fabuleuse et de n'accepter dans la chronologie chinoise que les règnes des anciens empereurs qui peuvent être prouvés historiquement. C'est la raison pour laquelle Fréret, dans sa première dissertation, ne croyait pas pouvoir remonter plus haut que Yao. Gaubil et Mailla s'accordent à lui faire remarquer que Confusius a parlé des règnes antérieurs à Yao et qu'il fair remonter l'histoire de la Chine à Fou-hi et même au delà. Cette autorité de Confucius semble suffisant à Fréret pour qu'il accepte les règnes de Fou-hi, de Cheu nong et de Houang ti. Il fixe la première date certaine de l'histoire chinoise au début du règne de Houang ti, date que lui fournit la chronologie du Tchou chou, mais en admettant que d'autres empereurs ont pu régner en Chine antérieurement. Fréret est le premier historien qui ait essayé d'étudier l'histoire de la Chine ancienne en historien véritable, c'est-à-dire en laissant de côté toutes les préoccupations religieuses et tous les préjugés d'Européen. S'il a essayé de fixer la chronologie chinoise pour replacer les origines de cette nation dans l'histoire générale de l'humanité, il n'a jamais eu pour intention, même quand il a diminué cette chronologie, de l'adapter à la chronologie sacrée, pas plus qu'il n'a voulu, en établissant la certitude de l'antiquité de la Chine ruiner l'autorité de la Bible. Sa correspondance avec les missionnaires jésuites en Chine en est une preuve suffisante, non moins que ses mémoires publiés dans le recueil de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. Mais à lire ces mémoires ou cette correspondance on serait tenté de croire que Fréret ne s'est intéressé qu'aux questions de chronologie ou d'histoire et que la recherche patiente qu'il a faite inlassablement des origines de la monarchie chinoise ne procède que de son goût d'érudit et d'historien. Cependant à l'occasion, dans sa correspondance avec le P. Gaubil, Fréret exprime son opinion sur la religion des premiers hommes et en 1737 il déclare qu'il croit qu'ils ont été théistes. Fréret analysant et critiquant la préface du P. Couplet sur la religion des anciens Chinois conclut comme Bayle à l'athéisme, et même à un panthéisme de genre spinoziste, des anciens Chinois. Examinant d'après le P. Couplet les événements de la vie de Confucius, Fréret semble croire, comme Bayle le croyait des Lettrés de la Chine, qu’il avait une doctrine secrète : "La vie de ce philosophe, dit-il, estoit une comédie perpétuelle". Il masquait "ses sentimens et tous les mouvements de son cœur sous les apparences d'une tranquillité et d'une espèce d'impassibilité entière". Son enseignement portait sur quatre parties de la philosophie, morale, logique, politique, éloquence, mais il "n'admettoit ni métaphysique ni physique, ni théologie, aussi disoit-il lui-même, qu'un homme sage ne se devoit pas inquiéter de toutes ces choses". Sa doctrine est donc essentiellement morale, la science des mœurs étant chez les Chinois "la dernière et la plus estimée" de toutes les sciences. Il ne parle donc jamais ni du Souverain Être ni de l'immortalité de l'âme ni de l'autre vie, "il exorte à la vertu pour elle-même et pour les avantages qu'elle entraîne nécessairement avec elle par une suite naturelle". C'est la constatation qu'avait faite Bayle au sujet des Siamois. Donc la morale et la religion sont deux choses indépendantes. Les divinations de la religion chinoise que le P. Couplet s'efforce 'excuser mènent Fréret à la même conclusion : "Ces divinations n'estoient pas fondées sur les décrets d'une providence mais sur des raisons sympathiques et antipathiques qui s'accordent avec l’âme du monde". |
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16 | 1739-1740 |
Argens, Jean-Baptiste de Boyer d'. Lettres chinoises [ID D1835]. Willy Richard Berger : D'Argens Ziel ist nicht so sehr die satirische Entlarvung der europäischen Welt durch eine exotische Perspektive als vielmehr die philosophische Propaganda aufklärerischer Ideen, wobei die Europäer bei aller Kritik vergleichsweise gut wegkommen. Bei den Lettres chinoises dominieren die moral-, religions- und kulturphilosophischen Tendenzen so sehr, dass mann von einer 'kritischen pseudo-orientalischen Reisekorrespondenz' sprechen kann. Insgesamt hat d'Argens sechs fiktive chinesische Briefschreiber beschäftigt. Fünf von ihnen sind auf Reisen, vornehmlich in Europa, aber auch im Moskowitischen Reich, in Persien, Siam und Japan ; der sechste ist der in Beijing zurückgebliebene Adressat der meisten Briefe, Yn-Che-Chan, der so gewissermassen der Fixpunkt der gesamten Korrespondenz ist. Gelegentlich beantwortet er einen der an ihn gerichteten Briefe, deren meiste wiederum von dem in Frankreich reisenden Sioeu-Tscheou stammen. Man debattiert über Atheismus und Deismus, über das Christentum und das Être suprême, propagiert die 'philosophie morale' und den 'bon sens', die Herrschaft der Vernunft und eine pragmatische Ethik im Geist des Konfuzianismus und kämpft unbeirrbar gegen 'Vorurteile, Aberglauben, Intoleranz und gegen die Allgemeingültigkeit unfehlbarer Dogmen' an. Ausgesprochene Angriffe gegen den Klerus gibt es nicht, die antiklerikale Tendenz der Briefe ist aber nicht zu übersehen. Unbeirrbar überzeugt von der absoluten Mustergültigkeit der deistischen Vernunftreligion, stossen d'Argens' Korrespondenten überall auf schreckliche Zeugnisse des Aberglaubens, des religiösen Fanatismus und der absurdesten Idolatrie, weniger in Europa sogar als bei den Barbaren, in Sibirien oder in Japan, ja selbst bei einem so zivilisierten Volk wie den Persern. Von solcher Kritik ist China keineswegs ausgenommen. Gewiss durchwirkt der Topos vom konfuzianischen Idealstaat auch die Lettres chinoises, die Chinesen sind wie üblich 'les sages Chinois', ausgezeichnet durch 'vertu, probité und amour pour la bonne morale'. Doch ist das China von d'Argens keineswegs von aller Erdenschwere entbundene utopische Reich, es ist dem Aberglauben, dem Vorurteil und dem allgegenwärtigen religiösen Wahn so gut ausgeliefert wie jedes andere Land. Insgesamt ist das China-Bild von d'Argens äusserst uneinheitlich und widersprüchlich in sich selbst. Gerade der 'Beginn des Briefwerks ist dadurch charakterisiert, dass nicht Europa, sondern China durch den Chinesen entzaubert wird', denn obwohl d'Argens die Fiktion 'des philosophisch gebildeten und moralisch vorbildlichen Chinesen' für seine Korrespondenten überall durchhält, sind es diese selbst, die als desillusionierendes Gegenbild das 'des betrügerischen Chinesen' entwerfen, 'der nicht nur gewinnsüchtig und falsch ist, sondern phlegmatisch jedes Gefühl des Unrechts dabei zurückweist und es in seinem nationalen Hochmut ablehnt, von Europa zu lernen. D'Argens, so sehr er selbst den Jesuiten-Relationen verpflichtet ist, stimmt keineswegs in deren vorbehaltlose Panegyrik ein, und es liegt auf der gleichen Linie, wenn auch die jesuitische Missionsarbeit selbst im Urteil der chinesischen Korrespondenten nur schlecht wegkommt. Die Jesuiten verbreiten ein ideologisch verfälschtes, dem Zweck der eigenen Interessen dienstbar gemachtes Europa-Bild in China, und nur mit Abscheu kann man sich der Schandtaten ihrer Inquisition erinnern : 'Monstres barbares, l'opprobre du genre humain, impitoiables bourreaux'. Für die eigentliche kulturelle Leistung der jesuitischen Mission, ihre Anpassungsstrategbie, zeigen d'Argens' Korrespondenten jedenfalls wenig Verständnis, ja die Schwierigkeit des Austausches zwischen den verschiedenen religiösen Vorstellungswelten wird ihnen nicht einmal zum Problem. Stellen sie Vergleiche an, so genügt ihnen die mechanische Parallelisierung der allgemeinsten und äusserlichsten Gemeinsamkeiten, so etwa wenn 'Betrug und Profitsucht des Klerus' schon ausreichen, um Molinisten (Jesuiten) und Buddhisten gleichermassen zu kennzeichnen, oder wenn die absolute Verachtung des Irdischen 'mépris absolu des choses humaines' der gemeinsame Nenner von Jansenisten und den sektiererischen Anhängern des Laozi ('sectateurs de Laokum') sein soll. Als aufgeklärte und vernunftgläubig-weltzugewandte Konfuzianer sind die Korrespondenten sich einig in der abschätzigen Beurteilung von Buddhismus und Taoismus als von Religionen, die auf nichts als auf Aberglauben und Absurdität gegründet sind, und auf diese wunderliche Weise erfuhr das gebildete Europa dann wenigstens doch, dass China vielleicht nicht völlig jener konfuzianische Einheitsstaat war, als welcher er unter den Aufklärern behandelt wurde. Etiemble : A force d'écrire par le pinceau des Chinois de d'Argens, il faut croire qu'il s'est si exactement enchinoisé, qu'il a besoin de proposer aux Européens un modèle du parfait souverain calqué sur les vertus de Yao et de Chouen, les deux empereurs parfaits de la légende chinoise. D'Argens comparait les trois sectes françaises aux trois chinoises. Celles de Lao-kum (Laozi) et celle de Foe, sont ses bêtes noires. De Lao-kum , il ne sait rien de plus que Voltaire : une légende ridicule, et que son Chinois qualifie de 'puérile' et 'grotesque', parce qu'elle prétend assurer aux hommes une forme d'immortalité. Qu'importe, puisqu'il ne veut qu’identifier les taosséistes et convulsionnaires français, Laozi et le diacre Pâris. L'histoire de Foe, c'est-à-dire du Bouddha, lui paraît à peine moins 'ridicule' que celle de Laozi. Son lettré chinois est aussi radical que Han Yu : "Si le peuple pouvoit être éclairé par des raisonnements solides, depuis long-temps la Secte de cet imposteur seroit entièrement abolie et détruite dans la Chine." Là aussi, peu lui importe ce vionnaire de Bouddha qui a prétendu se rendre immortel. Ce n'est qu'un misérable moliniste. Parmi les concepts de la philosophie chinoise, d'Argens connaît surtout le 'Cheng-ti' et le 'Tien' ; il a ouï parler de ce 'T'ai-ki', de ce Faîte suprême et qu'il appelle curieusement le 'Tao-ki' : "Ce Tao-ki selon eux est une vertu secrète et occulte, qu'on ne sçauroit expliquer clairement ; c'est un être séparé des imperfections de la matière, qui, répandu dans ce vaste Univers, en lie toutes les parties, les entretient dans leur correspondance, en conserve l'harmonie, leur donne la vie et la forme ; c'est enfin la base et le fondement de tous les êtres. Or : "si d'un morceau de bois on fait une porte ou un banc ; si l'on rompt cette porte en plusieurs morceaux, c'est encore le 'Tao-ki' qui leur donne leur nouvelle forme : ainsi c'est lui qui dirige, qui règle, et qui détermine tout ce qui arrive." D'Argens voit très bien la difficulté du concept : ou bien le 'T’ai-ki' est un être intelligent, supérieur à la matière et gouverne l’univers en connaissance de cause, ou bien il est totalement matériel. N'allez pas croire pour autant que d'Argens prend les Chinois pour autant de petits saints. Il lui suffit d’avoir fait son métier de 'philosophe', d'avoir critiqué la pernicieuse doctrine des bonzes, l'inquisition, la vénalité des charges de justice, l'indignité des monarques européens, l'antisémitisme chrétien, et opposé à ces horreurs la sagesse confucéenne, le matérialisme chinois. Dans les parlements de la France, il lui suffit de louer une institution qui a 'beaucoup de conformité avec les Censeurs Chinois'. Le Chinois selon d'Argens reconnaît volontiers que ses compatriotes conservent dans leur fourberies, qui sont nombreuses et subtiles, surtout chez les marchands, un sang-froid qui peut-être est louable quand il s'agit de se dominer soi-même pour le bien, mais qui mérite moins d'éloges quand on s'en sert pour le mal. Enfin, et c'est une des principales conquêtes de l'esprit 'philosophe. "J'ai vu que les autres hommes ressembloient fort aux Chinois : j'ai démêlé que les passions étoient à peu près partout les mêmes ; qu'un amour propre, outré et masqué de mille façons, en étoi lâme". A quel point le Chinois selon d'Argens a raison de penser que l'esprit philosophique est le meilleur remède à cet infantilisme mental qui fait de nous des gens qui ne veulent se définir qu'en termes de nation et de citoyenneté. Car si nous sommes chinois et français par hasard, comme disait Montesquieu, nous sommes nécessairement hommes ; jusqu'à nouvel 'ordre' : totalitaire. Virgile Pinot : D’Argens, dans ses Lettres chinoises, tout en protestant qu'il a rendu presque tous ses Chinois très bons Déistes, ne peut cacher que l'un de ses Lettrés chinois professe l'athéisme, "puisqu'il est certain que plusieurs savans chinois font profession de l'être [athées] et que leur nombre en est si considérable que M. de la Croze a prétendu que les Lettrés étoient athées, qu'ils admettoient ainsi que les anciens Égyptiens une force aveugle répandue dans tout l'Univers qui le vivifioit et le gouvernoit et que leur Li n'étoit que le chaos ou la matière première. Il va sans dire que d'Argens se croit obligé de faire réfuter par un de ses Lettrés les doctrines athées de la Chine, mais cette réfutation précède l'exposé de la doctrine : de cette manière l'aiguillon a plus de chance de rester dans la plaie. Il critique le spinozisme, doctrine qui, dit-il, a un si grand nombre de partisans en France, en Allemagne, en Angleterre, en Hollande et surtout en Italie, mais il le critique en lui opposant la doctrine de Gassendi, un de ces maîtres devant le portrait desquels son valet Mathieu était obligé de se découvrir chaque matin. D’Argens, faisant promener un Chinois en Europe, se sert de ce moyen, déjà bien usé mais fort commode, de critiquer les idées et les mœurs françaises. Or suivant le Chinois, porte-parole du marquis, si la France est inférieure à la Chine c'est qu'elle néglige la morale alors qu'elle s'applique avec succès à la physique et aux sciences expérimentales. Mais si les Français négligent la morale c'est que la morale a été accaparée par les Théologiens : "Les sages philosophes européens n'ont pas eu d'adversaires plus redoutables et d'ennemis plus opiniâtres que les Théologiens. Par qui Descartes a-t-il été injurié, maltraité, persécuté ? Par des Théologiens françois. Qui sont les gens qui ont voulu rendre Locke odieux ? Des Théologiens anglois. Qui sont ceux qui ont écrit avec aigreur contre Mallebranche ? Des Théologiens encore. Le Vulgaire qui suit toujours aveuglément et sans examen toutes les opinions de ceux qu'il regarde comme les dépositaires de la Religion, méprise les plus grands Philosophes sans les connoître, et préfère l'étude vague incertaine et infructueuse d'une métaphysique et d'une morale scolastique à celle d’une philosophie presque divine". Les Chinois peuvent donc s’attacher à la vertu parce que la morale est indépendante de la théologie. Mais cet amour qu’ils ont de la vertu prouve-t-il qu’ils sont nécessairement et par là-même vertueux ? Un Français le fait remarquer au Chinois à l’Opéra. p.411 « Un Chinois n’est pas plus vertueux qu’un Européen, mais il trouve son avantage dans la pratique de la vertu » . C’est le premier doute que nous trouvions, non certes sur les vertus pratiques des Chinois dont les voyageurs pouvaient douter beaucoup, mais sur la valeur morale de l’attachement des Chinois à l’éthique. La vertu, lorsqu’elle confère les honneurs et les dignités, risque de n’être plus qu’une « vertu plâtrée » qu’un masque qui dissimule, mais sans les supprimer toutes les faiblesses d’une très médiocre et débile humanité. Mais si la vertu, dont les Chinois se vantent si fort, n’est souvent que le masque d’un intérêt bien compris (ce qui ne saurait évidemment conférer aucune supériorité aux Chinois sur les Européens) les Chinois ont du moins l’avantage incontestable de pratiquer la tolérance. Tandis que l’Europe a été ensanglantée par les guerres de religion et par les cruautés qui ont été exercées — catholiques et protestants peuvent être renvoyés dos à dos — la Chine a été à l’abri de cette calamité, non pas parce qu’elle veut être tolérante mais parce que sa religion n’est pas, comme le christianisme, intolérante. Donc le christianisme, ferment d’intolérance, doit être proscrit de Chine : « Si jamais... on est instruit à la Chine des divisions criminelles et meurtrières des Lettrés français, je ne doute pas que cela ne porte un grand préjudice aux Missionnaires. On craindra les suites de leur Religion et l’on voudra éloigner des gens, qui prêchant sans cesse la tolérance lorsqu’ils sont faibles, ne cherchent qu’à contraindre les consciences dès qu’ils en ont le pouvoir » . Nous retrouvons ici l’idée de Bayle, ce n’est pas la tolérance qu’il faut instituer, c’est l’intolérance qu’il faut détruire. C’est aussi l’idée que Voltaire avait voulu mettre en lumière dans ses Lettres philosophiques lorsqu’il avait décrit les différentes sectes anglaises. |
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# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 1691 | La Loubère, Simon de. Du royaume de Siam, par Monsr. de La Loubère, envoyé extraordinaire du Roy auprès du roy de Siam en 1687 & 1688. (Amsterdam : Abraham Wolfgang, 1691). [Enthält das Kapitel] : Du soin des moeurs chez les Chinois et de l'ancienneté de leur histoire. [Bericht über die französische Gesandtschaftsreise im Auftrag von Ludwig XIV. von 1687-1688]. | Publication / La L1 |
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2 | 1700 |
Le Comte, Louis. Eclaircissement sur la dénonciation faite à N.S.P. le Page des Nouveaux mémoire de la Chine. ([S.l. : s.n., 1700). http://reader.digitale-sammlungen.de/de/fs1/object/display/bsb10569381_00005.html. |
Publication / LeC10 |
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# | Year | Bibliographical Data | Type / Abbreviation | Linked Data |
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1 | 2007- | Worldcat/OCLC | Web / WC |
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