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Bayle, Pierre

(Carlat-Bayle, Ariège 1647-1706 Rotterdam) : Philosoph

Subjects

Index of Names : Occident / Philosophy : Europe : France

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1 1697 Bayle, Pierre. Dictionnaire historique et critique [ID D1772].
Virgile Pinot : Bayle semble avoir été attiré à l'étude de la Chine, moins par l'intérêt que présentait la chronologie chinoise que par le souci qu'il avait aux environs de 1685, soit immédiatement avant, soit aussitôt après la Révocation de l'Édit de Nantes, de combattre l'intolérance de Louis XIV. Or, la Chine vint lui offrir tout à point un exemple de tolérance, puisque selon la lettre du P. Verbiest, l'empereur de Chine se déclarait prêt à accepter les missionnaires dans son empire. Il écrivait dans ses Nouvelles de la République des Lettres [ID D20148] : "Je ne sçai pourquoi, les Chrétiens font si peu de réflexions sur l'esprit de tolérance qui règne dans ces Rois païens que nous traitons hautement de barbares et de féroces. Voilà un empereur chinois très persuadé que la Religion des Jésuites est fausse et tout à fait opposée à celle dont lui et tous ses sujets font profession, qui ne laisse pas de souffrir des missionnaires et de les traiter fort humainement". Le ton même de cette observation marque l'étonnement de Bayle, à constater que la tolérance est possible, puisqu'elle existe. Les mois qui suivent lui fournissent des faits qui vont lui permettre d'observer le contraire de la tolérance, à savoir l'intolérance : d'abord et surtout, c'est la Révocation de l'Édit de Nantes, avec les persécutions qu'elle provoque, conversions de force et Dragonnades, ensuite l'envoi de missionnaires jésuites en Chine. Ainsi Louis XIV semble se contredire, puisqu'il réclame de l'empereur de Chine pour ses missionnaires cette tolérance qu'il refuse à ses sujets. Louis XIV en obligeant par la force ses sujets à se convertir, et en introduisant ses missionnaires en Chine, ne fait qu'obéir au même principe qui est de conquérir les âmes. Faut-il donc conseiller à l'empereur de Chine d'accepter le papisme au nom de la tolérance ? Que non pas. Ce serait le meilleur moyen de la détruire. Un souverain tolérant, et précisément parce qu'il l'est, doit examiner les religions qui veulent pénétrer dans ses États, et se montrer intolérant des religions intolérantes, c'est le premier principe et la condition d'existence de la tolérance. Bayle part de ceci que le principe essentiel du papisme est une fausse interprétation du précepte chrétien Contrain-les d'entrer. Si la mission consistait à prouver rationnellement la supériorité de la religion que l'on apporte sur les religions existantes, rien n'empêcherait les Chinois de recevoir les missionnaires chrétiens. Au cours de cette longue argumentation, où Bayle considère la tolérance non comme une résultante de l'indifférence en matière de religion, mais comme une conséquence nécessaire du christianisme, il s'élève parfois à des généralités et il s'efforce de montrer que l'intolérance de l'intolérance, c’est-à-dire la nécessité de chasser les Chrétiens de son empire, est imposée à l'empereur de Chine par un principe de conscience "loi éternelle et antérieure à toutes les religions de droit positif". L'empereur ne doit donc pas hésiter à chasser ces missionnaires, pour éviter à ses peuples la tentation presque insurmontable de commettre le plus grand de tous les crimes", l'apostasie d'une religion qu'ils croient vraie.
Mais, pense Bayle, cette croyance des Siamois ne provoque qu'une vertu mercenaire, puisque la notion pure de l'honnêteté n'en est pas le principe, de même d'ailleurs que la croyance en la Providence, sur laquelle elle a seulement l'avantage de n'être pas une duperie. Il est donc à croire que ce dogme de la rétribution des actes humains a été inventé seulement par les Lettrés siamois, qui, du moment qu'ils niaient la Providence, ont voulu la remplacer par autre chose, par utilité sociale, et pour contenir le peuple. Ils ont donc dû avoir - tout comme en Chine les sectateurs du dieu Fo - une double doctrine, l'une réservée aux philosophes et à leurs adeptes, mais qui reste secrète, l'autre faite pour le peuple, et qui se contente d'exposer quelques principes utiles à la société. Quant à la doctrine métaphysique des Lettrés chinois - Bayle ne dit pas siamois, bien que La Loubère soit toujours sa source - cette doctrine qui met un grand nombre d'âmes dans l'univers, distinctes les unes des autres, dont chacune existe par elle-même et agit par un principe intérieur et essentiel, il la croit plus acceptable que la théorie de l'éternité de la matière, qui doit nécessairement conduire à l'atomisme, car s'il peut y avoir deux êtres coéternels et indé pendans quant à l'existence, il y en peut avoir cent mille millions et à l'infini.
En somme en 1697, avant le moment critique de la Querelle des Cérémonies chinoises, Bayle a peu connu la philosophie des Chinois : il ne connaît que la doctrine des Siamois d'après La Loubère, les hypothèses des disciples de Fo en Chine d'après un extrait de la préface du P. Couplet. Mais ces faits si peu nombreux et si fragmentaires qu'ils soient, l'avertissent qu'en Extrême-Orient il y a des doctrines matérialistes, donc des doctrines athées. Cependant Bayle s'intéressait aux rivalités entre Jésuites et Missionnaires, bien qu'il ne prît pas encore définitivement parti pour les uns ou pour les autres sur le fait des cultes chinois. En 1699, il écrit à Minutoli qu'il a lu le VIe volume de la Morale pratique, qui lui semble "plus curieux que les deux précédents ; car il traite du culte qu'on rend à Confucius à la Chine et des démélez que les Dominicains ont suscitez aux Jésuites, prétendans et soutenans par leurs subtilitez que ce culte n'est point de Religion mais civil, et en quelle manière on y peut participer sans idolâtrie". Cependant en 1701, son opinion semble se modifier, à cause de l'ouvrage de Hyde, où il trouve une confirmation des idées du P. Le Comte. Le Comte qui apportaient un argument si fort en faveur du consentement universel. Or Bayle, bien qu'il connaisse dès lors les principaux écrits des Jésuites, notamment ceux du P. Le Comte et du P. Le Gobien va se séparer de son correspondant et conclure à l'athéisme des Chinois, pour ruiner l'argument du consentement universel. Bayle qui a déjà signalé dans son Dictionnaire (1e édition, 1697) l'athéisme des Siamois et l'athéisme de la secte des Lettrés de la Chine (2e éd. du Dictionnaire, 1702) veut montrer en 1705 que l'athéisme en Chine n'est pas seulement une doctrine particulière à un petit groupe de philosophes, mais la théorie philosophique dominante. Sans doute parce qu'il ne se sent pas assez sûr de lui, n'ayant pas lu la préface du P. Couplet, qui d'ailleurs eût infirmé sa thèse au lieu de la vérifier, il jette allègrement par-dessus bord la question de l’athéisme ou du spiritualisme des disciples de Confucius : "Je ne vous dirai pas que Confucius qui a laissé d'excellens préceptes de morale était athée. Ceux qui l'affirment trouvent des contredisans ; je passe donc à des faits non contestés". Bayle trouve que la découverte de l'athéisme de ces peuples primitifs n'a qu'une importance secondaire, car ce sont des 'athées négatifs', tandis que l'exemple chinois a une importance capitale, car les Lettrés de la Chine sont des philosophes, qui ont comparé ensemble le système de l'existence de Dieu et le système opposé. Ce sont des 'athées positifs'. La Querelle des Cérémonies chinoises apporte donc à Bayle en 1706 un criterium qui lui permet de conclure à l'athéisme des Chinois.
Bayle n'a fait une étude particulière de la philosophie ou de la religion des Chinois. Il n'a même pas lu le P. Couplet, et il s'est contenté d’un creterium tout extérieur pour conclure à l'athéisme. La Chine pour lui n'a été qu'un exemple, un argument dans le débat sur la valeur du consentement universel. Mais en établissant même de cette manière détournée l'athéisme des Chinois, alors que personne ne doutait d'autre part de leur grande valeur morale, il a montré qu'il n'y avait pas antinomie entre l'athéisme et la morale, d’où il résultait, par une conséquence toute naturelle, que la morale est indépendante de la religion.

Willy Richard Berger : Einer der ersten, der in die theologische Diskussion über die chinesische Kultur eingriff war Bayle. Äusserer Anlass waren Hugenotten-Verfolgung und der Widerruf des Ediktes von Nantes. Die Freiheit, von welcher Louis XIV. wie selbstverständlich voraussetzte, dass sie in China seinen Missionaren gewährt werde, verweigerte er im eingenen Land seinen Untertanen, und jenes 'Compelle intrare', das Wort, das dazu dienen musste, die Verfolgungen, Zwangsbekehrungen und Dragonnaden zur rechtfertigen, denen sich die Hugenotten ausgesetzt sahen, war für Bayle das Losungswort der Intoleranz schlechthin, das Synonym für den inhumanen Absolutheitsanspruch des Katholizismus, dem er die chinesische Duldsamkeit als leuchtendes Gegenbeispiel entgegenhielt. Zum ersten Mal ist China nicht mehr bloss das Land, das zwar über eine staunenswerte materielle und geistige Kultur verfügt, das aber – da leider heidnisch geblieben – bekehrt werden muss ; es ist vielmehr ein Land, das den Europäern als Tugendexempel dienen kann und aus welchem sogar, da die religiöse Toleranz alles, nur nicht die Intoleranz dulden darf, das Christentum eigentlich ausgewiesen werden müsste. Bayles utopische 'Republik der Ideen', in der Wahrheit und Vernunft, Gerechtigkeit und gesunder Menschenverstand, Toleranz und natürliche Moral zu Hause sein sollten, hat gewiss von dem hypostasierten chinesischen Idealreich einiges an bekräftigender Kontur übernommen. Es handelt sich auch beim China der religiösen Toleranz um ein typisch europäisches Gedankenkonstrukt. Man hat die Missionierungsarbeit geduldet, und das 1692 von Kaiser Kangxi verkündete Toleranzedikt stellt einen bemerkenswerten Kontrapunkt zum Edikt von Fontainebleau dar und bestätigt Bayles Argumentation nachdrücklich. Nach dieser durch die aktuelle religionspolitische Situation in Frankreich motivierten Inanspruchnahme des Topos vom 'Chinois philosophe' als einer Waffe im geistigen Kampf spielt der Ferne Osten für viele Jahre in Bayles Schriften keine Rolle mehr. Im Dictionnaire historique et critique geht es wieder um ein ursprünglich theologisches Problem, um die Frage, ob es eine überall auf der Welt gültige Übereinkunft (consentement universel) im Hinblick auf die Existenz eines göttlichen Wesens gebe oder nicht. Wie die Idee der Toleranz, so hat Bayle auch dieses zentrale Thema seines Werks, den Atheismus, mit der Figur des chinesischen Philosophen verbunden.

Song Shun-ching : L'athéisme attribué à Bayle s'explique par son apologie de la tolérance et son exigence de la liberté du pensée. Voltaire et Bayle ne partagent pas la même conception au sujet de la religion. Pour Bayle, Confucius enseigne un athéisme supérieur à la croyance du peuple idolâtrique et superstitieux qui observe les préceptes religieux de bonzes débauchés et corrompus, et Bayle conclut que la civilisation chinoise est supérieure parce que le pays est gouverné par une classe de lettrés athées.

Jacques Pereira : Bayle ne s'est intéressé à la Chine, après 1685, que parce que sur le rapport de Verbiest, Kangxi ouvrait son territoire à l'évangélisation des missionnaires. Cet élément lui semblait constituter un excellent exemple de tolérance religieuse dont il entendait se servir dans sa lutte contre la politique religieuse de Louis XIV. Avant 1700, Bayle est d'ailleurs moins préoccupé des Chinois que des Siamois dont il tire des informations de Tachard et da La Loubère. Sa perspective est plus axée sur la question du rapport entre la croyance en und Providence et la vie morale. C'est par la lecture de l'ouvrage Historia religionis de Thomas Hyde [ID D20205] que Bayle est amené à se recentrer sur la querelle chinoise. Il choisit de conclure à l'athéisme des lettrés chinois. En effet, l'exemple d'une société qui ignore l'existence de Dieu et qui, pourtant, a su se donner des préceptes d'une haute moralité était tout trouvé pour venir conforter sa double hypothèse : et que l'athéisme n'est pas incompatible avec la moralité et la sociabilité, et que la foi n'est pas une donnée innée que viendraient contrarier la perversité ou la corruption. Bayle va s'attacher à montrer, dès 1705, que ce ne sont pas quelques Lettrés qui sont athées mais que cette philosophie occupe une position dominante dans l'ensemble de la société chinoise. Pour cela il s'appuie sur Histoire de l'édit de l'empereur de la Chine de Le Gobien [ID D1780], qui affirme l'athéisme des Chinois, et qui ne saurait être soupçonné de complaisance pour son ordre puisque la Compagnie avait été condamnée pour avoir nié l'athéisme en Chine. Prudent sur le cas de Confucius, Bayle est plus affirmatif sur celui des néo-confucéen. Bayle qui ne se sera qu'incidemment intéressé à la question chinoise aura cependant, par le rayonnement de son oeuvre, influencé toute une génération intellectuelle sur ce problème sensible.
  • Document: Pinot, Virgile. Chine et la formation de l'esprit philosophique en France (1640-1740). (Paris : P. Geuthner, 1932). Diss. Faculté des lettres, 1932.
    http://classiques.uqac.ca/classiques/chine_ancienne/auteurs_chinois.html. S. 242-248, 250-252. (Pin10, Publication)
  • Document: Song, Shun-ching. Voltaire et la Chine. (Aix-en-Provence : Université de Provence, 1989). Diss. Univ. de Provence, 1987. S. 278. (Song, Publication)
  • Document: Berger, Willy Richard. China-Bild und China-Mode im Europa der Aufklärung. (Köln ; Wien : Böhlau, 1990). S. 59-61. (Berg, Publication)
  • Document: Pereira, Jacques. Montesquieu et la Chine. (Paris : L'Harmattan, 2008). Diss. Faculté de Nice, 2008. S. 73-75. (Pere, Publication)

Bibliography (2)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 1685 Bayle, Pierre. Nouvelles de la République des Lettres. (Amsterdam : H. Desbordes, 1685). [Enthält Aussagen über die China-Mission]. Publication / BayP1
2 1697 Bayle, Pierre. Dictionnaire historique et critique. (Rotterdam : Leers, 1697). Darin enthalten ist ein Bericht über China. Publication / Bayl1

Secondary Literature (1)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 2008 Pereira, Jacques. Montesquieu et la Chine. (Paris : L'Harmattan, 2008). Diss. Faculté de Nice, 2008. Publication / Pere
  • Cited by: Asien-Orient-Institut Universität Zürich (AOI, Organisation)
  • Person: Comte, Auguste
  • Person: Condorcet, Jean Antoine Nicolas de
  • Person: Destutt de Tracy, Antoine Louis Claude
  • Person: Diderot, Denis
  • Person: Du Halde, Jean-Baptiste
  • Person: Fourier, Charles
  • Person: Fréret, Nicolas
  • Person: Fénelon, François
  • Person: Helvétius, Claude-Adrien
  • Person: Leibniz, Gottfried Wilhelm
  • Person: Malebranche, Nicolas
  • Person: Montesquieu, Charles de Secondat de
  • Person: Pereira, Jacques
  • Person: Quesnay, François
  • Person: Rousseau, Jean-Jacques
  • Person: Volney, Constantin François
  • Person: Voltaire