Argens, Jean-Baptiste de Boyer d'. Lettres chinoises [ID D1835].
Willy Richard Berger : D'Argens Ziel ist nicht so sehr die satirische Entlarvung der europäischen Welt durch eine exotische Perspektive als vielmehr die philosophische Propaganda aufklärerischer Ideen, wobei die Europäer bei aller Kritik vergleichsweise gut wegkommen. Bei den Lettres chinoises dominieren die moral-, religions- und kulturphilosophischen Tendenzen so sehr, dass mann von einer 'kritischen pseudo-orientalischen Reisekorrespondenz' sprechen kann. Insgesamt hat d'Argens sechs fiktive chinesische Briefschreiber beschäftigt. Fünf von ihnen sind auf Reisen, vornehmlich in Europa, aber auch im Moskowitischen Reich, in Persien, Siam und Japan ; der sechste ist der in Beijing zurückgebliebene Adressat der meisten Briefe, Yn-Che-Chan, der so gewissermassen der Fixpunkt der gesamten Korrespondenz ist. Gelegentlich beantwortet er einen der an ihn gerichteten Briefe, deren meiste wiederum von dem in Frankreich reisenden Sioeu-Tscheou stammen. Man debattiert über Atheismus und Deismus, über das Christentum und das Être suprême, propagiert die 'philosophie morale' und den 'bon sens', die Herrschaft der Vernunft und eine pragmatische Ethik im Geist des Konfuzianismus und kämpft unbeirrbar gegen 'Vorurteile, Aberglauben, Intoleranz und gegen die Allgemeingültigkeit unfehlbarer Dogmen' an. Ausgesprochene Angriffe gegen den Klerus gibt es nicht, die antiklerikale Tendenz der Briefe ist aber nicht zu übersehen. Unbeirrbar überzeugt von der absoluten Mustergültigkeit der deistischen Vernunftreligion, stossen d'Argens' Korrespondenten überall auf schreckliche Zeugnisse des Aberglaubens, des religiösen Fanatismus und der absurdesten Idolatrie, weniger in Europa sogar als bei den Barbaren, in Sibirien oder in Japan, ja selbst bei einem so zivilisierten Volk wie den Persern. Von solcher Kritik ist China keineswegs ausgenommen. Gewiss durchwirkt der Topos vom konfuzianischen Idealstaat auch die Lettres chinoises, die Chinesen sind wie üblich 'les sages Chinois', ausgezeichnet durch 'vertu, probité und amour pour la bonne morale'. Doch ist das China von d'Argens keineswegs von aller Erdenschwere entbundene utopische Reich, es ist dem Aberglauben, dem Vorurteil und dem allgegenwärtigen religiösen Wahn so gut ausgeliefert wie jedes andere Land. Insgesamt ist das China-Bild von d'Argens äusserst uneinheitlich und widersprüchlich in sich selbst. Gerade der 'Beginn des Briefwerks ist dadurch charakterisiert, dass nicht Europa, sondern China durch den Chinesen entzaubert wird', denn obwohl d'Argens die Fiktion 'des philosophisch gebildeten und moralisch vorbildlichen Chinesen' für seine Korrespondenten überall durchhält, sind es diese selbst, die als desillusionierendes Gegenbild das 'des betrügerischen Chinesen' entwerfen, 'der nicht nur gewinnsüchtig und falsch ist, sondern phlegmatisch jedes Gefühl des Unrechts dabei zurückweist und es in seinem nationalen Hochmut ablehnt, von Europa zu lernen. D'Argens, so sehr er selbst den Jesuiten-Relationen verpflichtet ist, stimmt keineswegs in deren vorbehaltlose Panegyrik ein, und es liegt auf der gleichen Linie, wenn auch die jesuitische Missionsarbeit selbst im Urteil der chinesischen Korrespondenten nur schlecht wegkommt. Die Jesuiten verbreiten ein ideologisch verfälschtes, dem Zweck der eigenen Interessen dienstbar gemachtes Europa-Bild in China, und nur mit Abscheu kann man sich der Schandtaten ihrer Inquisition erinnern : 'Monstres barbares, l'opprobre du genre humain, impitoiables bourreaux'. Für die eigentliche kulturelle Leistung der jesuitischen Mission, ihre Anpassungsstrategbie, zeigen d'Argens' Korrespondenten jedenfalls wenig Verständnis, ja die Schwierigkeit des Austausches zwischen den verschiedenen religiösen Vorstellungswelten wird ihnen nicht einmal zum Problem. Stellen sie Vergleiche an, so genügt ihnen die mechanische Parallelisierung der allgemeinsten und äusserlichsten Gemeinsamkeiten, so etwa wenn 'Betrug und Profitsucht des Klerus' schon ausreichen, um Molinisten (Jesuiten) und Buddhisten gleichermassen zu kennzeichnen, oder wenn die absolute Verachtung des Irdischen 'mépris absolu des choses humaines' der gemeinsame Nenner von Jansenisten und den sektiererischen Anhängern des Laozi ('sectateurs de Laokum') sein soll. Als aufgeklärte und vernunftgläubig-weltzugewandte Konfuzianer sind die Korrespondenten sich einig in der abschätzigen Beurteilung von Buddhismus und Taoismus als von Religionen, die auf nichts als auf Aberglauben und Absurdität gegründet sind, und auf diese wunderliche Weise erfuhr das gebildete Europa dann wenigstens doch, dass China vielleicht nicht völlig jener konfuzianische Einheitsstaat war, als welcher er unter den Aufklärern behandelt wurde.
Etiemble : A force d'écrire par le pinceau des Chinois de d'Argens, il faut croire qu'il s'est si exactement enchinoisé, qu'il a besoin de proposer aux Européens un modèle du parfait souverain calqué sur les vertus de Yao et de Chouen, les deux empereurs parfaits de la légende chinoise. D'Argens comparait les trois sectes françaises aux trois chinoises. Celles de Lao-kum (Laozi) et celle de Foe, sont ses bêtes noires. De Lao-kum , il ne sait rien de plus que Voltaire : une légende ridicule, et que son Chinois qualifie de 'puérile' et 'grotesque', parce qu'elle prétend assurer aux hommes une forme d'immortalité. Qu'importe, puisqu'il ne veut qu’identifier les taosséistes et convulsionnaires français, Laozi et le diacre Pâris. L'histoire de Foe, c'est-à-dire du Bouddha, lui paraît à peine moins 'ridicule' que celle de Laozi. Son lettré chinois est aussi radical que Han Yu : "Si le peuple pouvoit être éclairé par des raisonnements solides, depuis long-temps la Secte de cet imposteur seroit entièrement abolie et détruite dans la Chine." Là aussi, peu lui importe ce vionnaire de Bouddha qui a prétendu se rendre immortel. Ce n'est qu'un misérable moliniste. Parmi les concepts de la philosophie chinoise, d'Argens connaît surtout le 'Cheng-ti' et le 'Tien' ; il a ouï parler de ce 'T'ai-ki', de ce Faîte suprême et qu'il appelle curieusement le 'Tao-ki' : "Ce Tao-ki selon eux est une vertu secrète et occulte, qu'on ne sçauroit expliquer clairement ; c'est un être séparé des imperfections de la matière, qui, répandu dans ce vaste Univers, en lie toutes les parties, les entretient dans leur correspondance, en conserve l'harmonie, leur donne la vie et la forme ; c'est enfin la base et le fondement de tous les êtres. Or : "si d'un morceau de bois on fait une porte ou un banc ; si l'on rompt cette porte en plusieurs morceaux, c'est encore le 'Tao-ki' qui leur donne leur nouvelle forme : ainsi c'est lui qui dirige, qui règle, et qui détermine tout ce qui arrive." D'Argens voit très bien la difficulté du concept : ou bien le 'T’ai-ki' est un être intelligent, supérieur à la matière et gouverne l’univers en connaissance de cause, ou bien il est totalement matériel.
N'allez pas croire pour autant que d'Argens prend les Chinois pour autant de petits saints. Il lui suffit d’avoir fait son métier de 'philosophe', d'avoir critiqué la pernicieuse doctrine des bonzes, l'inquisition, la vénalité des charges de justice, l'indignité des monarques européens, l'antisémitisme chrétien, et opposé à ces horreurs la sagesse confucéenne, le matérialisme chinois. Dans les parlements de la France, il lui suffit de louer une institution qui a 'beaucoup de conformité avec les Censeurs Chinois'. Le Chinois selon d'Argens reconnaît volontiers que ses compatriotes conservent dans leur fourberies, qui sont nombreuses et subtiles, surtout chez les marchands, un sang-froid qui peut-être est louable quand il s'agit de se dominer soi-même pour le bien, mais qui mérite moins d'éloges quand on s'en sert pour le mal. Enfin, et c'est une des principales conquêtes de l'esprit 'philosophe. "J'ai vu que les autres hommes ressembloient fort aux Chinois : j'ai démêlé que les passions étoient à peu près partout les mêmes ; qu'un amour propre, outré et masqué de mille façons, en étoi lâme". A quel point le Chinois selon d'Argens a raison de penser que l'esprit philosophique est le meilleur remède à cet infantilisme mental qui fait de nous des gens qui ne veulent se définir qu'en termes de nation et de citoyenneté. Car si nous sommes chinois et français par hasard, comme disait Montesquieu, nous sommes nécessairement hommes ; jusqu'à nouvel 'ordre' : totalitaire.
Virgile Pinot : D’Argens, dans ses Lettres chinoises, tout en protestant qu'il a rendu presque tous ses Chinois très bons Déistes, ne peut cacher que l'un de ses Lettrés chinois professe l'athéisme, "puisqu'il est certain que plusieurs savans chinois font profession de l'être [athées] et que leur nombre en est si considérable que M. de la Croze a prétendu que les Lettrés étoient athées, qu'ils admettoient ainsi que les anciens Égyptiens une force aveugle répandue dans tout l'Univers qui le vivifioit et le gouvernoit et que leur Li n'étoit que le chaos ou la matière première. Il va sans dire que d'Argens se croit obligé de faire réfuter par un de ses Lettrés les doctrines athées de la Chine, mais cette réfutation précède l'exposé de la doctrine : de cette manière l'aiguillon a plus de chance de rester dans la plaie. Il critique le spinozisme, doctrine qui, dit-il, a un si grand nombre de partisans en France, en Allemagne, en Angleterre, en Hollande et surtout en Italie, mais il le critique en lui opposant la doctrine de Gassendi, un de ces maîtres devant le portrait desquels son valet Mathieu était obligé de se découvrir chaque matin.
D’Argens, faisant promener un Chinois en Europe, se sert de ce moyen, déjà bien usé mais fort commode, de critiquer les idées et les mœurs françaises. Or suivant le Chinois, porte-parole du marquis, si la France est inférieure à la Chine c'est qu'elle néglige la morale alors qu'elle s'applique avec succès à la physique et aux sciences expérimentales. Mais si les Français négligent la morale c'est que la morale a été accaparée par les Théologiens : "Les sages philosophes européens n'ont pas eu d'adversaires plus redoutables et d'ennemis plus opiniâtres que les Théologiens. Par qui Descartes a-t-il été injurié, maltraité, persécuté ? Par des Théologiens françois. Qui sont les gens qui ont voulu rendre Locke odieux ? Des Théologiens anglois. Qui sont ceux qui ont écrit avec aigreur contre Mallebranche ? Des Théologiens encore. Le Vulgaire qui suit toujours aveuglément et sans examen toutes les opinions de ceux qu'il regarde comme les dépositaires de la Religion, méprise les plus grands Philosophes sans les connoître, et préfère l'étude vague incertaine et infructueuse d'une métaphysique et d'une morale scolastique à celle d’une philosophie presque divine".
Les Chinois peuvent donc s’attacher à la vertu parce que la morale est indépendante de la théologie. Mais cet amour qu’ils ont de la vertu prouve-t-il qu’ils sont nécessairement et par là-même vertueux ? Un Français le fait remarquer au Chinois à l’Opéra.
p.411 « Un Chinois n’est pas plus vertueux qu’un Européen, mais il trouve son avantage dans la pratique de la vertu » . C’est le premier doute que nous trouvions, non certes sur les vertus pratiques des Chinois dont les voyageurs pouvaient douter beaucoup, mais sur la valeur morale de l’attachement des Chinois à l’éthique. La vertu, lorsqu’elle confère les honneurs et les dignités, risque de n’être plus qu’une « vertu plâtrée » qu’un masque qui dissimule, mais sans les supprimer toutes les faiblesses d’une très médiocre et débile humanité.
Mais si la vertu, dont les Chinois se vantent si fort, n’est souvent que le masque d’un intérêt bien compris (ce qui ne saurait évidemment conférer aucune supériorité aux Chinois sur les Européens) les Chinois ont du moins l’avantage incontestable de pratiquer la tolérance. Tandis que l’Europe a été ensanglantée par les guerres de religion et par les cruautés qui ont été exercées — catholiques et protestants peuvent être renvoyés dos à dos — la Chine a été à l’abri de cette calamité, non pas parce qu’elle veut être tolérante mais parce que sa religion n’est pas, comme le christianisme, intolérante. Donc le christianisme, ferment d’intolérance, doit être proscrit de Chine : « Si jamais... on est instruit à la Chine des divisions criminelles et meurtrières des Lettrés français, je ne doute pas que cela ne porte un grand préjudice aux Missionnaires. On craindra les suites de leur Religion et l’on voudra éloigner des gens, qui prêchant sans cesse la tolérance lorsqu’ils sont faibles, ne cherchent qu’à contraindre les consciences dès qu’ils en ont le pouvoir » . Nous retrouvons ici l’idée de Bayle, ce n’est pas la tolérance qu’il faut instituer, c’est l’intolérance qu’il faut détruire. C’est aussi l’idée que Voltaire avait voulu mettre en lumière dans ses Lettres philosophiques lorsqu’il avait décrit les différentes sectes anglaises.
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