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“Essai sur l'histoire générale et sur les moeurs et l'esprit des nations, depuis Charlemagne jusqu'à nos jours” (Publication, 1756)

Year

1756

Text

Voltaire. Essai sur l'histoire générale et sur les moeurs et l'esprit des nations, depuis Charlemagne jusqu'à nos jours. Vol. 1-7. (Genève : Cramer, 1756). (Collection complette des oeuvres de Mr. de Voltaire ; t. 11-17).
Nouv. ed., revue, corrigée & considérablement augmentée. (Amsterdam : Aux Dépens De la Compagnie, 1764).
http://pagesperso-orange.fr/fdomi.fournier/Generalite/Voltaire/Hist_Gene/H_Moeurs_001.htm. (Volt3)

Type

Publication

Contributors (1)

Voltaire  (Paris 1694-1778 Paris) : Schriftsteller, Dramatiker, Philosoph
[Voltaire siehe unter "Literatur : Westen : Frankreich"]

Subjects

History : China : General / Literature : Occident : France : Prose

Chronology Entries (2)

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1 1756.1 Voltaire. Essai sur l’histoire générale et sur les moeurs et l’esprit des nations, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours [ID D19777].
Chapitre 1
De la Chine, de son antiquité, de ses forces, de ses lois.
L'empire de la Chine dès lors était plus vaste que celui de Charlemagne, surtout en y comprenant la Corée et le Tonkin, provinces alors tributaires des chinois. Environ trente degrés en longitude et vingt-quatre en latitude, forment son étendue. Le corps de cet état subsiste avec splendeur depuis plus de quatre mille ans, sans que les lois, les mœurs, le langage, la manière même de s'habiller, aient souffert d'altération sensible.
Son histoire incontestable, et la seule qui soit fondée sur des observations célestes, remonte, par la chronologie la plus sûre, jusqu'à une éclipse, calculée 2155 ans avant notre ère vulgaire, et vérifiée par les mathématiciens missionnaires, qui envoyés dans les derniers siècles chez cette nation inconnue, l'ont admirée et l'ont instruite. Le père Gaubil a examiné une suite de trente-six éclipses de soleil, rapportées dans les livres de Confucius ; et il n'en a trouvé que deux douteuses et deux fausses.
Il est vrai qu'Alexandre avait envoyé de Babylone en Grèce les observations des chaldéens, qui remontaient à 400 années plus haut que les chinois ; et c'est sans contredit le plus beau monument de l'antiquité : mais ces éphémérides de Babylone n'étaient point liées à l'histoire des faits : les chinois au contraire ont joint l'histoire du ciel à celle de la terre, et ont ainsi justifié l'une par l'autre.
Deux cent trente ans au-delà du jour de l'éclipse dont on a parlé, leur chronologie atteint sans interruption et par des témoignages qu'on croit authentiques, jusqu'à l’empereur Hiao, qui travailla lui-même à réformer l'astronomie, et qui, dans un règne d'environ 80 ans, chercha à rendre les hommes éclairés et heureux. Son nom est encore en vénération à la Chine, comme l'est en Europe celui des Titus, des Trajan, et des Antonins. S'il fut pour son temps un mathématicien habile, cela seul montre qu'il était né chez une nation déjà très policée. On ne voit point que les anciens chefs des bourgades germaines ou gauloises aient réformé l’astronomie. Clovis n’avait point d'observatoire.
Avant Hiao, on trouve encore six rois ses prédécesseurs ; mais la durée de leur règne est incertaine. Je crois qu'on ne peut mieux faire dans ce silence de la chronologie, que de recourir à la règle de Newton, qui ayant composé une année commune des années qu'ont régné les rois de différents pays, réduit chaque règne à 22 ans ou environ. Suivant ce calcul, d'autant plus raisonnable qu'il est plus modéré, ces six rois auront régné à peu près 130 ans ; ce qui est bien plus conforme à l'ordre de la nature, que les 240 ans qu'on donne, par exemple, aux sept rois de Rome, et que tant d’autres calculs démentis par l'expérience de tous les temps.
Le premier de ces rois, nommé Fohi, régnait donc vingt-cinq siècles au moins avant l'ère vulgaire, au temps que les babyloniens avaient déjà une suite d’observations astronomiques : et dès lors la Chine obéissait à un souverain. Ses quinze royaumes, réunis sous un seul homme, prouvent que longtemps auparavant cet état était très peuplé, policé, partagé en beaucoup de souverainetés ; car jamais un grand état ne s'est formé que de plusieurs petits ; c'est l'ouvrage de la politique, du courage, et surtout du temps. Il n'y a pas une plus grande preuve d'antiquité.
Un tyran nommé Hoangti ordonna à la vérité qu’on brûlât tous les livres ; mais cet ordre insensé et barbare avertissait de les conserver avec soin, et ils reparurent après lui. Qu'importe après tout que ces livres renferment, ou non, une chronologie toujours sûre ? Je veux que nous ne sachions pas en quel temps précisément vécut Charlemagne : dès qu'il est certain qu'il a fait de vastes conquêtes avec de grandes armées, il est clair qu’il est né chez une nation nombreuse, formée en corps de peuple par une longue suite de siècles. Puis donc que l'empereur Hiao, qui vivait incontestablement environ deux mille quatre cent ans avant notre ère, conquit tout le pays de la Corée, il est indubitable que son peuple était de l'antiquité la plus reculée.
Les hommes ne multiplient pas aussi aisément qu'on le pense. Le tiers des enfants est mort au bout de dix ans. Les calculateurs de la propagation de l'espèce humaine ont remarqué qu'il faut des circonstances favorables pour qu'une nation s'accroisse d'un vingtième au bout de cent années ; et souvent il arrive que la peuplade diminue au lieu d'augmenter. C'est encore une nouvelle preuve de l'antiquité de la Chine. Elle était au temps de Charlemagne, comme longtemps auparavant, plus peuplée encore que vaste. Le dernier dénombrement dont nous avons connaissance, fait seulement dans les quinze provinces qui composent la Chine proprement dite, monte jusqu'à près de soixante millions d'hommes capables d'aller à la guerre ; en ne comptant ni les soldats vétérans, ni les vieillards au-dessus de soixante ans, ni la jeunesse au-dessous de vingt ans, ni les mandarins, ni la multitude des lettrés, ni les bonzes ; encore moins les femmes, qui sont partout en pareil nombre que les hommes, à un quinzième ou seizième près, selon les observations de ceux qui ont calculé avec le plus d'exactitude ce qui concerne le genre humain. À ce compte, il paraît difficile qu'il y ait moins de cent cinquante millions d'habitants à la Chine : notre Europe n'en a pas beaucoup plus de cent millions, à compter vingt millions en France, vingt-deux en Allemagne, quatre dans la Hongrie, dix dans toute l'Italie jusqu'en Dalmatie, huit dans la Grande-Bretagne et dans l'Irlande, huit dans l'Espagne et le Portugal, dix dans la Russie européenne, six dans la Pologne, six dans la Turquie d'Europe, dans la Grèce et les îles, quatre dans la Suède, trois dans la Norvège et le Danemark, trois dans la Hollande et les Pays-Bas.
On ne doit donc pas être surpris, si les villes chinoises sont immenses ; si Pékin, la nouvelle capitale de l'empire, a près de six de nos grandes lieues de circonférence, et renferme environ quatre millions de citoyens : si Nanquin, l'ancienne métropole, en avait autrefois davantage : si une simple bourgade nommée Quientzeng, où l'on fabrique la porcelaine, contient environ un million d'habitants.
Les forces de cet état consistent, selon les relations des hommes les plus intelligents qui aient jamais voyagé, dans une milice d'environ huit cent mille soldats bien entretenus : cinq cent soixante et dix mille chevaux sont nourris ou dans les écuries ou dans les pâturages de l'empereur, pour monter les gens de guerre, pour les voyages de la cour, et pour les courriers publics.
Plusieurs missionnaires, que l'empereur Cang-Hi dans ces derniers temps approcha de sa personne par amour pour les sciences, rapportent qu'ils l'ont suivi dans ces chasses magnifiques vers la grande Tartarie, où cent mille cavaliers et soixante mille hommes de pied marchaient en ordre de bataille : c'est un usage immémorial dans ces climats.
Les villes chinoises n'ont jamais eu d'autres fortifications, que celles que le bon sens a inspiré à toutes les nations, avant l'usage de l'artillerie ; un fossé, un rempart, une forte muraille et des tours : depuis même que les chinois se servent de canons, ils n'ont point suivi le modèle de nos places de guerre : mais au lieu qu'ailleurs on fortifie des places, les chinois ont fortifié leur empire. La grande muraille qui séparait et défendait la Chine des tartares, bâtie cent trente sept ans avant notre ère, subsiste encore dans un contour de cinq cent lieues, s'élève sur des montagnes, descend dans des précipices, ayant presque partout vingt de nos pieds de largeur, sur plus de trente de hauteur.
Monument supérieur aux pyramides d'Égypte par son utilité, comme par son immensité. Ce rempart n'a pu empêcher les tartares de profiter dans la suite des temps des divisions de la Chine, et de la subjuguer ; mais la constitution de l'état n'en a été ni affaiblie ni changée. Le pays des conquérants est devenu une partie de l'état conquis ; et les tartares mantchoux, maîtres aujourd'hui de la Chine, n'ont fait autre chose que se soumettre les armes à la main aux lois du pays dont ils ont envahi le trône.
Le revenu ordinaire de l'empereur se monte, selon les supputations les plus vraisemblables, à deux cent millions d'onces d'argent. Il est à remarquer que l'once d'argent ne vaut pas cent de nos sous valeur intrinsèque, comme le dit l'histoire de la Chine ; car il n'y a point de valeur intrinsèque numéraire ; mais à prendre le marc de notre argent à cinquante de nos livres de compte, cette orme revient à douze cent cinquante millions de notre monnaie en 1740. Je dis, en ce temps ; car cette valeur arbitraire n'a que trop changé parmi nous, et changera peut-être encore ; c'est à quoi ne prennent pas assez garde les écrivains, plus instruits des livres que des affaires, qui évaluent souvent l'argent étranger d'une manière très fautive.
Ils ont eu des monnaies d'or et d'argent frappées avec le coing, longtemps avant que les dariques fussent frappés en Perse. L'empereur Cang-Hi avait rassemblé une suite de trois mille de ces monnaies, parmi lesquelles il y en avait beaucoup des Indes ; autre preuve de l'ancienneté des arts dans l'Asie ; mais depuis longtemps l'or n'est plus une mesure commune à la Chine, il y est marchandise comme en Hollande ; l'argent n'y est plus monnaie : le poids et le titre en font le prix : on n' y frappe plus que du cuivre, qui seul dans ce pays a une valeur arbitraire.
Le gouvernement dans des temps difficiles a payé en papier, comme on a fait depuis dans plus d'un état de l'Europe ; mais jamais la Chine n'a eu l'usage des banques publiques, qui augmentent les richesses d'une nation, en multipliant son crédit.
Ce pays favorisé de la nature possède presque tous les fruits transplantés dans notre Europe, et beaucoup d'autres qui nous manquent. Le bled, le ris, la vigne, les légumes, les arbres de toute espèce y couvrent la terre ; mais les peuples n'ont jamais fait de vin, satisfaits d’une liqueur assez forte qu'ils savent tirer du ris.
L’insecte précieux qui produit la soie, est originaire de la Chine ; c'est de-là qu’il passa en Perse assez tard, avec l'art de faire des étoffes du duvet qui les couvre ; et ces étoffes étaient si rares du temps même de Justinien, que la soie se vendait en Europe au poids de l'or.
Le papier fin, et d'un blanc éclatant, était fabriqué chez les chinois de temps immémorial ; on en faisait avec des filets de bois de bambou bouilli. On ne connaît pas la première époque de la porcelaine et de ce beau vernis qu'on commence à imiter et à égaler en Europe. Ils savent depuis deux mille ans fabriquer le verre, mais moins beau et moins transparent que le notre.
L'imprimerie y fut inventée par eux dans le même temps. On sait que cette imprimerie est une gravure sur des planches de bois, telle que Gutenberg la pratiqua le premier à Mayence au quinzième siècle. L'art de graver les caractères sur le bois est plus perfectionné à la Chine ; notre méthode d'employer les caractères mobiles et de fonte, beaucoup supérieure à la leur, n'a point encore été adoptée par eux, tant ils sont attachés à leurs anciens usages. L'usage des cloches est chez eux de la plus haute antiquité. Ils ont cultivé la chimie ; et sans devenir jamais bons physiciens, ils ont inventé la poudre ; mais ils ne s'en servaient que dans des fêtes, dans l'art des feux d'artifice, où ils ont surpassé les autres nations. Ce furent les portugais qui dans ces derniers siècles leur ont enseigné l'usage de l'artillerie ; et ce sont les jésuites qui leur ont appris à fondre le canon. Si les chinois ne s’appliquèrent pas à inventer ces instruments destructeurs, il ne faut pas en louer leur vertu, puisqu'ils n'en ont pas moins fait la guerre.
Ils ne poussèrent loin l'astronomie qu'en tant qu'elle est la science des yeux et le fruit de la patience. Ils observèrent le ciel assidûment, remarquèrent tous les phénomènes, et les transmirent à la postérité. Ils divisèrent, comme nous, le cours du soleil en trois cent soixante cinq parties et un quart. Ils connurent, mais confusément, la précession des équinoxes et des solstices. Ce qui mérite peut-être le plus d'attention, c'est que de temps immémorial ils partagent le mois en semaines de sept jours. On montre encore les instruments dont se servit un de leurs fameux astronomes mille ans avant notre ère, dans une ville qui n'est que du troisième ordre.
Nanquin, l'ancienne capitale, conserve un globe de bronze, que trois hommes ne peuvent embrasser, porté sur un cube de cuivre qui s'ouvre, et dans lequel on fait entrer un homme pour tourner ce globe, sur lequel sont tracés les méridiens et les parallèles. Pékin a un observatoire, rempli d'astrolabes et de sphères armillaires ; instruments à la vérité inférieurs aux nôtres pour l'exactitude, mais témoignages célèbres de la supériorité des chinois sur les autres peuples d'Asie.
La boussole qu'ils connaissaient, ne servait pas à son véritable usage, de guider la route des vaisseaux. Ils ne naviguaient que près des côtes. Possesseurs d'une terre qui fournit tout, ils n'avaient pas besoin d'aller, comme nous, au bout du monde. La boussole, ainsi que la poudre à tirer, était pour eux une simple curiosité ; et ils n'en étaient pas plus à plaindre.
On est étonné que ce peuple inventeur n'ait jamais percé dans la géométrie au delà des éléments, que dans la musique ils aient ignoré les demi-tons, que leur astronomie et toutes leurs sciences soient en même temps si anciennes et si bornées. Il semble que la nature ait donné à cette espèce d'hommes si différente de la notre, des organes faits pour trouver tout d’un coup tout ce qui leur était nécessaire, et incapables d'aller au-delà. Nous au contraire, nous avons eu des connaissances très tard ; et nous avons tout perfectionné rapidement. Ce qui est moins étonnant, c'est la crédulité avec laquelle ces peuples ont toujours joint leurs erreurs de l'astrologie judiciaire aux vraies connaissances célestes. Cette superstition a été celle de tous les hommes ; et il n'y a pas longtemps que nous en sommes guéris ; tant l'erreur semble faite pour le genre humain.
Si on cherche pourquoi tant d'arts et de sciences, cultivés sans interruption depuis si longtemps à la Chine, ont cependant fait si peu de progrès ; il y en a peut-être deux raisons : l'une est le respect prodigieux que ses peuples ont pour ce qui leur a été transmis par leurs pères, et qui rend parfait à leurs yeux tout ce qui est ancien ; l'autre est la nature de leur langue, premier principe de toutes les connaissances.
L'art de faire connaître ses idées par l'écriture, qui devait n'être qu'une méthode très simple, est chez eux ce qu'ils ont de plus difficile. Chaque mot a des caractères différents : un savant à la Chine est celui qui connaît le plus de ces caractères ; quelques-uns sont arrivés à la vieillesse avant de savoir bien écrire.
Ce qu'ils ont le plus connu, le plus cultivé, le plus perfectionné, c'est la morale et les lois. Le respect des enfants pour les pères est le fondement du gouvernement chinois. L'autorité paternelle n'y est jamais affaiblie. Un fils ne peut plaider contre son père qu'avec le consentement de tous les parents, des amis, et des magistrats. Les mandarins lettrés y sont regardés comme les pères des villes et des provinces, et le roi comme le père de l’empire. Cette idée, enracinée dans les cœurs, forme une famille de cet état immense.
Tous les vices y existent comme ailleurs, mais certainement plus réprimés par le frein des lois, toujours uniformes. Le savant auteur des mémoires de l'amiral Anson témoigne un grand mépris pour la Chine, parce que le petit peuple de Kanton trompa les anglais autant qu'il le put. Mais doit-on juger du gouvernement d'une grande nation par les mœurs de la populace des frontières ? Et qu'auraient dit de nous les chinois, s'ils eussent fait naufrage sur nos côtes maritimes dans le temps où les lois des nations d'Europe confisquaient les effets naufragés, et que la coutume permettait qu'on égorgeât les propriétaires ?
Les cérémonies continuelles qui chez les chinois gênent la société, et dont l'amitié seule se défait dans l'intérieur des maisons, ont établi dans toute la nation une retenue et une honnêteté qui donne à la fois aux mœurs de la gravité et de la douceur. Ces qualités s'étendent jusqu'aux derniers du peuple. Des missionnaires racontent que souvent dans des marchés publics, au milieu de ces embarras et de ces confusions qui excitent dans nos contrées des clameurs si barbares et des emportements si fréquents et si odieux, ils ont vu les paysans se mettre à genoux les uns devant les autres selon la coutume du pays, se demander pardon de l'embarras dont chacun s'accusait, s'aider l'un l'autre, et débarrasser tout avec tranquillité. Dans les autres pays les lois punissent les crimes ; à la Chine elles font plus, elles récompensent la vertu. Le bruit d'une action généreuse et rare se répand-il dans une province, le mandarin est obligé d'en avertir l'empereur, et l'empereur envoie une marque d'onneur à celui qui l'a si bien méritée. Cette morale, cette obéissance aux lois, jointe à l'adoration d'un être suprême, forment la religion de la Chine, celle des empereurs et des lettrés. L'empereur est de temps immémorial le premier pontife : c'est lui qui sacrifie au tien, au souverain du ciel et de la terre. Il doit être le premier philosophe, le premier prédicateur de l'empire ; ses édits sont presque toujours des instructions et des leçons de morale.

Chapitre 2
De la religion de la Chine.
Que le gouvernement n'est point athée ; que le christianisme n'y a point été prêché au septième siècle ; de quelques sectes établies dans le pays.
Congfutsée, que nous appelons Confucius, qui vivait il y a deux mille trois cent ans, un peu avant Pythagore, rétablit cette religion, laquelle consiste à être juste. Il l'enseigna, et la pratiqua dans la grandeur, dans l'abaissement, tantôt premier ministre d'un roi tributaire de l’empereur, tantôt exilé, fugitif et pauvre. Il eut de son vivant cinq mille disciples, et après sa mort ses disciples furent les empereurs, les colao, c'est-à-dire, les mandarins, les lettrés, et tout ce qui n'est pas peuple.
Sa famille subsiste encore : et dans un pays ou il n'y a d'autre noblesse que celle des services actuels, elle est distinguée des autres familles en mémoire de son fondateur : pour lui, il a tous les honneurs, non pas les honneurs divins qu'on ne doit à aucun homme, mais ceux que mérite un homme qui a donné de la divinité les idées les plus saines que puisse former l'esprit humain sans révélation : c'est pourquoi le père Le Comte et d'autres missionnaires ont écrit que les chinois ont connu le vrai dieu, quand les autres peuples étaient idolâtres, et qu'ils lui ont sacrifié dans le plus ancien temple de l'univers. Les reproches d'athéisme, dont on charge si libéralement dans notre occident quiconque ne pense pas comme nous, ont été prodigués aux chinois. Il faut être aussi inconsidérés que nous le sommes dans toutes nos disputes, pour avoir osé traiter d'athée un gouvernement dont presque tous les édits parlent d'un être suprême père des peuples, récompensant, et punissant avec justice, qui a mis entre l'homme et lui une correspondance de prières et de bienfaits, de fautes et de châtiments.
Il est vrai que leur religion n'admet point de peines et de récompenses éternelles ; et c'est ce qui fait voir combien cette religion est ancienne. Moïse lui-même ne parle point de l'autre vie dans ses lois. Les saducéens chez les juifs ne la crurent jamais ; et ce dogme n'a été heureusement constaté dans l'occident que par le maître de la vie et de la mort.
On a crû que les lettrés chinois n'avaient pas une idée distincte d'un dieu immatériel ; mais il est injuste d’inférer de là qu'ils sont athées. Les anciens égyptiens, ces peuples si religieux, n'adoraient pas Isis et Osiris comme de purs esprits. Tous les dieux de l'antiquité étaient adorés sous une forme humaine ; et ce qui montre bien à quel point les hommes sont injustes, c'est qu'on flétrissait du nom d'athées chez les grecs ceux qui n'admettaient pas ces dieux corporels, et qui adoraient dans la divinité une nature inconnue, invisible, inaccessible à nos sens.
Le fameux archevêque Navarette dit que selon tous les interprètes des livres sacrés de la Chine, l'âme est une partie aérée, ignée, qui en se séparant du corps se réunit à la substance du ciel. Ce sentiment se trouve le même que celui des stoïciens. C'est ce que Virgile développe admirablement dans son sixième livre de l'Enéide.
Or certainement ni le manuel d'Épictète, ni l'Enéide ne sont infectés de l'athéisme. Nous avons calomnié les chinois, uniquement parce que leur métaphysique n’est pas la notre. Nous aurions dû admirer en eux deux mérites, qui condamnent à la fois les superstitions des païens, et les mœurs des chrétiens. Jamais la religion des lettrés ne fut déshonorée par des fables, ni souillée par des querelles et des guerres civiles. En imputant l'athéisme au gouvernement de ce vaste empire, nous avons eu la légèreté de lui attribuer l'idolâtrie par une accusation qui se contredit ainsi elle-même. Le grand malentendu sur les rites de la Chine est venu de ce que nous avons jugé de leurs usages par les nôtres : car nous portons au bout du monde nos préjugés et notre esprit contentieux. Une génuflexion, qui n'est chez eux qu’une révérence ordinaire, nous a paru un acte d'adoration ; nous avons pris une table pour un autel. C'est ainsi que nous jugeons de tout. Nous verrons en son temps comment nos divisions et nos disputes ont fait chasser de la Chine nos missionnaires.
Quelque temps avant Confucius, Laokiun avait introduit une secte, qui croit aux esprits malins, aux enchantements, aux prestiges. Une secte semblable à celle d'Épicure fut reçue et combattue à la Chine cinq cent ans avant Jésus-Christ : mais dans le premier siècle de notre ère, ce pays fut inondé de la superstition des bonzes. Ils apportèrent des Indes l'idole de Fo ou de Foé, adorée sous différents noms par les japonais et les tartares, prétendu dieu descendu sur la terre, à qui on rend le culte le plus ridicule, et par conséquent le plus fait pour le vulgaire. Cette religion, née dans les Indes près de mille ans avant Jésus-Christ, a infecté l'Asie orientale ; c'est ce dieu que prêchent les bonzes à la Chine, les talapoins à Siam, les lamas en Tartarie.
C'est en son nom qu’ils promettent une vie éternelle, et que des milliers de bonzes consacrent leurs jours à des exercices de pénitence, qui effrayent la nature. Quelques-uns passent leur vie nus et enchaînés ; d'autres portent un carcan de fer, qui plie leur corps en deux et tient leur front toujours baissé à terre. Leur fanatisme se subdivise à l' infini. Ils passent pour chasser des démons, pour opérer des miracles ; ils vendent au peuple la rémission des péchés. Cette secte séduit quelquefois des mandarins ; et par une fatalité qui montre que la même superstition est de tous les pays, quelques mandarins se sont fait tondre en bonzes par piété.
Ce sont eux qui dans la Tartarie ont à leur tête le Dalaï-lama, idole vivante qu’on adore, et c'est-là peut-être le triomphe de la superstition humaine.
Ce Dalaï-lama, successeur et vicaire du dieu Fo, passe pour immortel. Les prêtres nourrissent toujours un jeune lama, désigné successeur secret du souverain pontife, qui prend sa place dès que celui-ci, qu'on croit immortel, est mort. Les princes tartares ne lui parlent qu’à genoux. Il décide souverainement tous les points de foi sur lesquels les lamas sont divisés. Enfin il s'est depuis quelque temps fait souverain du Tibet à l’occident de la Chine. L’empereur reçoit ses ambassadeurs, et lui en envoie avec des présents considérables.
Ces sectes sont tolérées à la Chine pour l'usage du vulgaire, comme des aliments grossiers faits pour le nourrir ; tandis que les magistrats et les lettrés, séparés en tout du peuple, se nourrissent d’une substance plus pure. Confucius gémissait pourtant de cette foule d'erreurs : il y avait beaucoup d'idolâtres de son temps. La secte de Laokiun avait déjà introduit les superstitions chez le peuple. Pourquoi, dit-il dans un de ses livres, y a-t-il plus de crimes chez la populace ignorante que parmi les lettrés ? C'est que le peuple est gouverné par les bonzes. beaucoup de lettrés sont à la vérité tombés dans le matérialisme, mais leur morale n’en a point été altérée. Ils pensent que la vertu est si nécessaire aux hommes, et si aimable par elle-même, qu'on n'a pas même besoin de la connaissance d'un dieu pour la suivre. D'ailleurs il ne faut pas croire que tous les matérialistes chinois soient athées, puis que nos premiers pères de l'église croyaient dieu et les anges corporels. On prétend que vers le VIIIe siècle, du temps de Charlemagne, la religion chrétienne était connue à la Chine. On assure que nos missionnaires ont trouvé dans la province de Kingtching une inscription en caractères syriaques et chinois. Ce monument, qu'on voit tout au long dans Kircher, atteste qu'un saint homme nommé Olopüen, conduit par des nuées bleues, et observant la règle des vents, vint de Tacin à la Chine l'an 1092 de l'ère des séleucides, qui répond à l'an 636 de Jésus-Christ ; qu'aussitôt qu'il fut arrivé au faubourg de la ville impériale, l'empereur envoya un colao au-devant de lui, et lui fit bâtir une église chrétienne.
Il est évident par l'inscription même, que c'est une de ces fraudes pieuses qu'on s'est toujours trop aisément permises. Le sage Navarette en convient. Ce pays de Tacin, cette ère des séleucides, ce nom d'Olopüen, qui est, dit-on, chinois, et qui ressemble à un nom espagnol, ces nuées bleues qui servent de guides, cette église chrétienne bâtie tout d'un coup à Pékin pour un prêtre de Palestine qui ne pouvait mettre le pied à la Chine sans encourir la peine de mort ; tout cela fait voir le ridicule de la supposition. Ceux qui s'efforcent de la soutenir, ne font pas réflexion que les prêtres dont on trouve les noms dans ce prétendu monument, étaient des nestoriens, et qu'ainsi ils ne combattent que pour des hérétiques.
Il faut mettre cette inscription avec celle de Malabar, où il est dit que saint Thomas arriva dans le pays en qualité de charpentier avec une règle et un pieu, et qu'il porta seul une grosse poutre pour preuve de sa mission. Il y a assez de vérités historiques sans y mêler ces absurdes mensonges.
Il est très vrai qu'au temps de Charlemagne la religion chrétienne (ainsi que les peuples qui la professent) avait toujours été absolument inconnue à la Chine. Il y avait des juifs. Plusieurs familles de cette nation non moins errante que superstitieuse, s'y étaient établies deux siècles avant notre ère vulgaire ; elles y exerçaient le métier de courtier que les juifs ont fait dans presque tout le monde.
Je me réserve à jeter les yeux sur Siam, sur le Japon, et sur tout ce qui est situé vers l'orient et le midi, lorsque je serai parvenu au temps où l’industrie des européens s'est ouvert un chemin facile à ces extrémités de notre hémisphère.

Chapitre 126
État de l'Asie au temps des découvertes des portugais : De la Chine.
Tandis que l'Espagne jouissait de la conquête de l'Amérique, que le Portugal dominait sur les côtes de l'Afrique et de l'Asie, que le commerce de l'Europe prenait une face si nouvelle, et que le grand changement dans la religion chrétienne changeait les intérêts de tant de rois, il faut vous représenter dans quel état était le reste de nôtre ancien univers. Nous avons laissé, vers la fin du treizième siècle, la race de Gengis Khân souveraine dans la Chine, dans l’Inde, dans la Perse, et les tartares portant la destruction jusqu'en Pologne et en Hongrie. La branche de cette famille victorieuse qui régna dans la Chine, s'appelle Yven. On ne reconnaît point dans ce nom celui d'Octaï-Kan, ni celui de Coblaï son frère, dont la race régna un siècle entier. Ces vainqueurs prirent avec un nom chinois les mœurs chinoises. Tous les usurpateurs veulent conserver par les lois ce qu'ils ont envahi par les armes. Sans cet intérêt si naturel de jouir paisiblement de ce qu'on a volé, il n'y aurait pas de société sur la terre. Les tartares trouvèrent les lois des vaincus si belles, qu'ils s'y soumirent pour mieux s'affermir. Ils conservèrent surtout avec soin celle qui ordonne que personne ne soit ni gouverneur ni juge dans la province où il est né ; loi admirable, et qui d'ailleurs convenait à des vainqueurs. Cet ancien principe de morale et de politique, qui rend les pères si respectables aux enfants, et qui fait regarder l'empereur comme le père commun, accoutuma bientôt les chinois à l'obéissance volontaire. La seconde génération oublia le sang que la première avait perdu. Il y eut neuf empereurs consécutifs de la même race tartare, sans que les annales chinoises fassent mention de la moindre tentative de chasser ces étrangers. Un des arrière-petits-fils de Gengis Khân fut assassiné dans son palais ; mais il le fut par un tartare, et son héritier naturel lui succéda sans aucun trouble. Enfin ce qui avait perdu les califes, ce qui avait autrefois détrôné les rois de Perse et ceux d'Assyrie, renversa ces conquérants ; ils s'abandonnèrent à la mollesse. Le neuvième empereur du sang de Gengis Khân, entouré de femmes et de prêtres lamas qui le gouvernaient tour à tour, excita le mépris, et réveilla le courage des peuples. Les bonzes ennemis des lamas furent les premiers auteurs de la révolution. Un aventurier qui avait été valet dans un couvent de bonzes, s'étant mis à la tête de quelques brigands, se fit déclarer chef de ceux que la cour appelait les révoltés. On voit vingt exemples pareils dans l'empire romain, et surtout dans celui des grecs. La terre est un vaste théâtre, où la même tragédie se joue sous des noms différents. Cet aventurier chassa la race des tartares en 1357 et commença la vingt et unième famille, ou dynastie, nommée ming, des empereurs chinois. Elle a régné deux cent soixante et seize ans ; mais enfin elle a succombé sous les descendants de ces mêmes tartares qu'elle avait chassés. Il a toujours fallu qu'à la longue le peuple le plus instruit, le plus riche, le plus policé, ait cédé partout au peuple sauvage, pauvre et robuste. Il n'y a eu que l'artillerie perfectionnée qui ait pu enfin égaler les faibles aux forts, et contenir les barbares. Nous avons observé (au second chapitre) que les chinois ne faisaient point encore usage du canon, quoiqu’ils connussent la poudre depuis si longtemps. Le restaurateur de l'empire chinois prit le nom de Taitsoug, et rendit ce nom célèbre par les armes et par les lois. Une de ses premières attentions fut de réprimer les bonzes, qu'il connaissait d'autant mieux qu'il les avait servis. Il défendit qu'aucun chinois n'embrassât la profession de bonze avant quarante ans, et porta la même loi pour les bonzesses. C'est ce que le tzar Pierre le Grand a fait de nos jours en Russie. Mais cet amour invincible de sa profession, et cet esprit qui anime tous les grands corps, a fait triompher bientôt les bonzes chinois, et les moines russes, d'une loi sage ; il a toujours été plus aisé dans tous les pays d’abolir des coutumes invétérées que de les restreindre. Il paraît que Taitsou, ce second fondateur de la Chine, regardait la propagation comme le premier des devoirs ; car en diminuant le nombre des bonzes, dont la plupart n'étaient pas mariés, il eut soin d’exclure de tous les emplois les eunuques, qui auparavant gouvernaient le palais, et amollissaient la nation. Quoique la race de Gengis eût été chassée de la Chine, ces anciens vainqueurs étaient toujours très redoutables. Un empereur chinois nommé Yngtsong fut fait prisonnier par eux, et amené captif dans le fond de la Tartarie en 1444. L'empire chinois paya pour lui une rançon immense. Ce prince reprit sa liberté, mais non pas sa couronne, et il attendit paisiblement pour remonter sur le trône la mort de son frère qui régnait pendant sa captivité. L’intérieur de l'empire fut tranquille. L'histoire rapporte qu'il ne fut troublé que par un bonze, qui voulut faire soulever les peuples, et qui eut la tête tranchée. La religion de l'empereur et des lettrés ne changea point. On défendit seulement de rendre à Confutzée les mêmes honneurs qu'on rendait à la mémoire des rois ; défense honteuse, puisque nul roi n'avait rendu tant de services à la patrie que Confutzée ; mais défense qui prouve que Confutzée ne fut jamais adoré, et qu'il n’entre point d'idolâtrie dans les cérémonies dont les chinois honorent leurs aïeux et les mânes des grands hommes. Une étrange opinion régnait alors à la Chine. On était persuadé qu'il y avait un secret pour rendre les hommes immortels. Des charlatans qui ressemblaient à nos alchimistes, se vantaient de pouvoir composer une liqueur qu'ils appelaient le breuvage de l'immortalité. Ce fut le sujet de mille fables dont l'Asie fut inondée, et qu'on a prises pour de l'histoire. On prétend que plus d'un empereur chinois dépensa des sommes immenses pour cette recette ; c'est comme si les asiatiques croyaient que nos rois de l'Europe ont recherché sérieusement la fontaine de Jouvence, aussi connue dans nos anciens romans gaulois que la coupe d'immortalité dans les romans asiatiques. Sous la dynastie Yven, c'est-à-dire sous la postérité de Gengis Khân, et sous celle des restaurateurs nommée Ming, les arts qui appartiennent à l'esprit et à l'imagination furent plus cultivés que jamais ; ce n'était ni nôtre sorte d'esprit, ni nôtre sorte d'imagination ; cependant on retrouve dans leurs petits romans le même fonds qui plaît à toutes les nations. Ce sont des malheurs imprévus, des avantages inespérés, des reconnaissances : on y trouve peu de ce fabuleux incroyable, telles que les métamorphoses inventées par les grecs et embellies par Ovide, telles que les contes arabes, et les fables du Boyardo et de l'Arioste. L'invention dans les fables chinoises s'éloigne rarement de la vraisemblance, et tend toujours à la morale. La passion du théâtre devint universelle à la Chine depuis le quatorzième siècle jusqu'à nos jours. Ils ne pouvaient avoir reçu cet art d'aucun peuple. Ils ignoraient que la Grèce eût existé ; et ni les mahométans, ni les tartares n'avaient pu leur communiquer les ouvrages grecs. Ils inventèrent l'art, mais par la tragédie chinoise qu'on a traduite, on voit qu'ils ne l'ont pas perfectionné. Cette tragédie intitulée l’orphelin de Tchao est du quatorzième siècle ; on nous la donne comme la meilleure qu'ils aient eu encore. Il est vrai qu'alors les ouvrages dramatiques étaient plus grossiers en Europe : à peine même cet art nous était-il connu. Nôtre caractère est de nous perfectionner, et celui des chinois est jusqu'à présent de rester où ils sont parvenus. Peut-être cette tragédie est-elle dans le goût des premiers essais d’Eschyle. Les chinois toujours supérieurs dans la morale ont fait peu de progrès dans toutes les autres sciences. C’est sans doute que la nature, qui leur a donné un esprit droit et sage, leur a refusé la force de l’esprit. Ils écrivent en général comme ils peignent, sans connaître les secrets de l'art. Leurs tableaux jusqu'à présent sont destitués d'ordonnance, de perspective, de clair-obscur ; leurs écrits se ressentent de la même faiblesse. Mais il paraît qu'il règne dans leurs productions une médiocrité sage, une vérité simple, qui ne tient rien du style ampoulé des autres orientaux. Vous ne voyez dans ce que vous avez lu de leurs traités de morale aucune de ces paraboles étrangères, de ces comparaisons gigantesques et forcées. Ils ne parlent point en énigmes : c'est encore ce qui en fait dans l'Asie un peuple à part. Vous lisiez il n'y a pas longtemps des réflexions d'un sage chinois sur la manière dont on peut se procurer la petite portion de bonheur dont la nature de l'homme est susceptible : ces réflexions sont précisément les mêmes que nous retrouvons dans la plupart de nos livres. La théorie de la médecine n'est encore chez eux qu'ignorance et erreur. Cependant les médecins chinois ont une pratique assez heureuse. La nature n'a pas permis que la vie des hommes dépendit de la perfection de la physique. Les grecs savaient saigner à propos, sans savoir que le sang circulât. L'expérience des remèdes et le bon sens ont établi la médecine pratique dans toute la terre : elle est partout un art conjectural, qui aide quelquefois la nature, et quelquefois la détruit. En général l'esprit d’ordre, de modération, le goût des sciences, la culture de tous les arts utiles à la vie, un nombre prodigieux d'inventions qui rendaient ces arts plus faciles, composaient la sagesse chinoise. Cette sagesse avait poli les conquérants tartares, et les avait incorporés à la nation. C'est un avantage que les grecs n'ont pu avoir sur les turcs. Enfin les chinois avaient chassé leurs maîtres, et les grecs n'ont pas même imaginé de secouer le joug de leurs vainqueurs. Quand nous parlons de la sagesse qui a présidé quatre mille ans à la constitution de la Chine, nous ne prétendons pas parler de la populace ; elle doit être en tout pays uniquement occupée du travail des mains. L'esprit d'une nation réside toujours dans le petit nombre qui fait travailler le grand, qui le nourrit et le gouverne. Certainement cet esprit de la nation chinoise est le plus ancien monument de raison qui soit sur la terre. Ce gouvernement, quelque beau qu'il fût, était nécessairement infecté de grands abus attachés à la condition humaine, et surtout à un vaste empire. Le plus grand de ces abus, qui n'a été corrigé que dans ces derniers temps, était la coutume des pauvres d'exposer leurs enfants, dans l'espérance qu'ils seraient recueillis par les riches. Il périssait ainsi beaucoup de sujets. L'extrême population empêchait le gouvernement de prévenir ces pertes. On regardait les hommes comme les fruits des arbres, dont on laisse périr sans regret une grande partie, quand il en reste suffisamment pour la nourriture. Les conquérants tartares auraient pu fournir la subsistance à ces enfants abandonnés, et en faire des colonies qui auraient peuplé les déserts de la Tartarie. Ils n'y songèrent pas ; et dans nôtre occident, où nous avions un besoin plus pressant de réparer l'espèce humaine, nous n'avions pas encore remédié au même mal, quoiqu'il nous fût plus préjudiciable. Londres n'a d'hôpitaux pour les enfants trouvés que depuis quelques années. Il faut bien des siècles pour que la société humaine se perfectionne.

Chapitre 163
De la Chine au dix-septième siècle et au commencement du dix-huitième.
Il vous est fort inutile sans doute de savoir que dans la dynastie chinoise qui régnait après la dynastie des tartares de Gengis Khân, l'empereur Quancum succéda à Kinkum, et Kicum à Quancum. Il est bon que ces noms se trouvent dans les tables chronologiques ; mais vous attachant toujours aux événements et aux mœurs, vous franchissez tous ces espaces vides, pour venir aux temps marqués par de grandes choses. Cette même mollesse qui a perdu la Perse et l'Inde, fit à la Chine dans le siècle passé une révolution plus complète que celle de Gengis Khân, et de ses petits-fils. L'empire chinois était au commencement du dix-septième siècle bien plus heureux que l'Inde, la Perse, et la Turquie. L'esprit humain ne peut certainement imaginer un gouvernement meilleur que celui où tout se décide par de grands tribunaux, subordonnés les uns aux autres, dont les membres ne sont reçus qu’après plusieurs examens sévères. Tout se règle à la Chine par ces tribunaux. Six cours souveraines sont à la tête de toutes les cours de l'empire. La première veille sur tous les mandarins des provinces ; la seconde dirige les finances ; la troisième a l'intendance des rites, des sciences et des arts ; la quatrième a l'intendance de la guerre ; la cinquième préside aux juridictions chargées des affaires criminelles ; la sixième a soin des ouvrages publics. Le résultat de toutes les affaires décidées à ces tribunaux est porté à un tribunal suprême. Sous ces tribunaux il y en a quarante-quatre subalternes, qui résident à Pékin. Chaque mandarin dans sa province, dans sa ville, est assisté d'un tribunal. Il est impossible que dans une telle administration l'empereur exerce un pouvoir arbitraire. Les lois générales émanent de lui : mais par la constitution du gouvernement il ne peut rien faire sans avoir consulté des hommes élevés dans les lois, et élus par les suffrages. Que l’on se prosterne devant l'empereur comme devant un dieu, que le moindre manque de respect à sa personne soit puni selon la loi comme un sacrilège, cela ne prouve certainement pas un gouvernement despotique et arbitraire. Le gouvernement despotique serait celui où le prince pourrait, sans contrevenir à la loi, ôter à un citoyen les biens, ou la vie, sans forme, et sans autre raison que sa volonté. Or s'il y eut jamais un état dans lequel la vie, l'honneur, et les biens des hommes aient été protégés par les lois, c'est l'empire de la Chine. Plus il y a de grands corps dépositaires de ces lois, moins l'administration est arbitraire ; et si quelquefois le souverain abuse de son pouvoir contre le petit nombre d'hommes qui s'expose à être connu de lui, il ne peut en abuser contre la multitude qui lui est inconnue et qui vit sous la protection des lois. La culture des terres poussée à un point de perfection dont on n'a pas encore approché en Europe, fait assez voir que le peuple n'était pas accablé de ces impôts qui gênent le cultivateur : le grand nombre d’hommes occupés de donner des plaisirs aux autres montre que les villes étaient florissantes autant que les campagnes étaient fertiles. Il n'y avait point de cité dans l'empire où les festins ne fussent accompagnés de spectacles. On n'allait point au théâtre, on faisait venir les théâtres dans sa maison ; l'art de la tragédie, de la comédie était commun sans être perfectionné ; car les chinois n'ont perfectionné aucun des arts de l'esprit, excepté la morale ; mais ils jouissaient avec profusion de ce qu'ils connaissaient : et enfin ils étaient heureux autant que la nature humaine le comporte. Ce bonheur fut suivi vers l'an 1630 de la plus terrible catastrophe, et de la désolation la plus générale. La famille des conquérants tartares descendants de Gengis Khân avait fait ce que tous les conquérants ont tâché de faire ; elle avait affaibli la nation des vainqueurs, afin de ne pas craindre sur le trône des vaincus la même révolution qu'elle y avait faite. Cette dynastie des Ivan ayant été enfin dépossédée par la dynastie Ming, les tartares qui habitèrent au nord de la grande muraille ne furent plus regardés que comme des espèces de sauvages, dont il n'y avait rien ni à espérer ni à craindre. Au-delà de la grande muraille est le royaume de Leao-Tong, incorporé par la famille de Gengis Khân à l'empire de la Chine, et devenu entièrement chinois. Au nord-est de Leao-Tong, étaient quelques hordes de tartares mantchoux, que le vice-roi de Leao-Tong traita durement. Ils firent des représentations hardies, telles qu'on nous dit que les scythes en firent de tout temps depuis l'invasion de Cyrus ; car le génie des peuples est toujours le même, jusqu'à ce qu’une longue oppression les fasse dégénérer. Le gouverneur pour toute réponse fit brûler leurs cabanes, enleva leurs troupeaux, et voulut transplanter les habitants. Alors ces tartares qui étaient libres se choisirent un chef pour faire la guerre. Ce chef nommé Taitsou se fit bientôt roi ; il battit les chinois, entra victorieux dans le Leao-Tong, et prit d'assaut la capitale. Cette guerre se fit comme toutes celles des temps les plus reculés. Les armes à feu étaient inconnues dans cette partie du monde. Les anciennes armes, comme la flèche, la lance, la massue, le cimeterre, étaient en usage : on se servait peu de boucliers et de casques, encore moins de brassards et de bottines de métal. Les fortifications consistaient dans un fossé, un mur, des tours ; on sapait le mur, ou on montait à l'escalade. La seule force du corps devait donner la victoire ; et les tartares accoutumés à dormir en plein champ, devaient avoir l'avantage sur un peuple élevé dans une vie moins dure. Taitsou ce premier chef des hordes tartares étant mort en 1626 dans le commencement de ces conquêtes, son fils Taitsong prit tout d'un coup le titre d’empereur des tartares, et s'égala à l'empereur de la Chine. On dit qu'il savait lire et écrire, et il paraît qu'il reconnaissait un seul dieu, comme les lettrés chinois ; il l'appelait Tien comme eux. Il s'exprime ainsi dans une de ses lettres circulaires aux magistrats des provinces chinoises. Le Tien élève qui lui plait ; il m'a peut-être choisi pour devenir vôtre maître. En effet depuis l’année 1628 le Tien lui fit remporter victoire sur victoire. C'était un homme très habile ; il poliçait son peuple féroce pour le rendre obéissant, et établissait des lois au milieu de la guerre. Il était toujours à la tête de ses troupes ; et l'empereur de la Chine dont le nom est devenu obscur, et qui s'appelait Hoaitsang, restait dans son palais avec ses femmes et ses eunuques : aussi fut-il le dernier empereur du sang chinois ; il n'avait pas su empêcher que Taitsong et ses tartares lui prissent ses provinces du nord ; il n'empêcha pas davantage qu’un mandarin rebelle nommé Listching lui prit celles du midi. Tandis que les tartares ravageaient l’orient et le septentrion de la Chine, ce Listching s'emparait de presque tout le reste. On prétend qu'il avait six cent mille hommes de cavalerie, et quatre cent mille d'infanterie. Il vint avec l'élite de ses troupes aux portes de Pékin, et l'empereur ne sortit jamais de son palais ; il ignorait une partie de ce qui se passait. Listching le rebelle (on l’appelle ainsi parce qu'il ne réussit pas) renvoya à l'empereur deux de ses principaux eunuques faits prisonniers, avec une lettre fort courte par laquelle il l'exhortait à abdiquer l'empire. C'est ici qu'on voit bien ce que c'est que l'orgueil asiatique, et combien il s'accorde avec la mollesse. L'empereur ordonna qu'on coupât la tête aux deux eunuques, pour lui avoir apporté une lettre dans laquelle on lui manquait de respect. On eut beaucoup de peine à lui faire entendre que les têtes des princes du sang et d’une foule de mandarins que Listching avait entre ses mains répondraient de celles de ses deux eunuques. Pendant que l'empereur délibérait sur la réponse, Listching était déjà entré dans Pékin. L'impératrice eut le temps de faire sauver quelques-uns de ses enfants mâles ; après quoi elle s'enferma dans sa chambre, et se pendit. L'empereur y accourut, et ayant fort approuvé cet exemple de fidélité, il exhorta quarante autres femmes qu'il avait à l'imiter. Le père de Mailla jésuite, qui a écrit cette histoire dans Pékin même au siècle passé, prétend que toutes ces femmes obéirent sans réplique ; mais il se peut qu'il y en eût quelques-unes qu'il fallut aider. L'empereur qu'il nous dépeint comme un très bon prince, aperçut après cette exécution sa fille unique âgée de quinze ans, que l'impératrice n’avait pas jugé à propos d'exposer à sortir du palais ; il l'exhorta à se pendre comme sa mère, et ses belles-mères ; mais la princesse n'en voulant rien faire, ce bon prince, ainsi que le dit Mailla, lui donna un grand coup de sabre, et la laissa pour morte. On s'attend qu’un tel père et un tel époux se tuera sur le corps de ses femmes et de sa fille ; mais il alla dans un pavillon hors de la ville pour attendre des nouvelles ; et enfin ayant appris que tout était désespéré, et que Listching était dans son palais, il s'étrangla, et mit fin à un empire et à une vie qu'il n'avait pas osé défendre. Cet étrange événement arriva l’année 1641. C'est sous ce dernier empereur de la race chinoise que les jésuites avaient enfin pénétré dans la cour de Pékin. Le père Adam Schall, natif de Cologne, avait tellement réussit auprès de cet empereur par ses connaissances en physique et en mathématique, qu'il était devenu mandarin. C'était lui qui le premier avait fondu du canon de bronze à la Chine : mais le peu qu'il y en avait à Pékin, et qu'on ne savait pas employer, ne sauva pas l'empire. Le mandarin Schall quitta Pékin avant la révolution. Après la mort de l'empereur, les tartares et les rebelles se disputèrent la Chine. Les tartares étaient unis et aguerris ; les chinois étaient divisés et indisciplinés. Il fallut petit à petit céder tout aux tartares. Leur nation avait pris un caractère de supériorité qui ne dépendait pas de la conduite de leur chef. Il en était comme des arabes de Mahomet, qui furent pendant plus de trois cent ans si redoutables par eux-mêmes. La mort de l'empereur Taitsong, que les tartares perdirent en ce temps-là, ne les empêcha pas de poursuivre leurs conquêtes. Ils élurent un de ses neveux encore enfant : c'est Changti père du célèbre Camg-Hi, sous lequel la religion chrétienne a fait des progrès à la Chine. Ces peuples qui avaient d'abord pris les armes pour défendre leur liberté, ne connaissaient pas le droit héréditaire. Nous voyons que tous les peuples commencent par élire des chefs pour la guerre ; ensuite ces chefs deviennent absolus, excepté chez quelques nations d'Europe. Le droit héréditaire s'établit et devient sacré avec le temps. Une minorité ruine presque toujours des conquérants, et ce fut pendant cette minorité de Changti que les tartares achevèrent de subjuguer la Chine. L’usurpateur Listching fut tué par un autre usurpateur chinois, qui prétendait venger le dernier empereur. On reconnut dans plusieurs provinces des enfants vrais ou faux du dernier prince détrôné et étranglé, comme on avait produit des Demetri en Russie. Des mandarins chinois tâchèrent d'usurper des provinces, et les grands usurpateurs tartares vinrent enfin à bout de tous les petits. Il y eut un général chinois qui arrêta quelque temps leurs progrès, parce qu'il avait quelques canons, soit qu'il les eût des portugais de Macao, soit que le jésuite Schall les eût fait fondre. Il est très remarquable que les tartares dépourvus d'artillerie l'emportèrent à la fin sur ceux qui en avaient : c'était le contraire de ce qui était arrivé dans le nouveau monde, et une preuve de la supériorité des peuples du nord sur ceux du midi. Ce qu'il y a de plus surprenant, c'est que les tartares conquirent pied à pied tout ce vaste empire de la Chine sous deux minorités ; car leur jeune empereur Changti étant mort en 1661 à l'âge de vingt-quatre ans, avant que leur domination fût entièrement affermie, ils élurent son fils Camg-Hi au même âge de huit ans auquel ils avaient élu son père, et ce Camg-Hi a rétabli l'empire de la Chine, ayant été assez sage et assez heureux pour se faire également obéir des chinois et des tartares. Les missionnaires qu'il fit mandarins l'ont loué comme un prince parfait. Quelques voyageurs, et surtout le Gentil, qui n'ont point été mandarins, disent qu'il était d'une avarice sordide et plein de caprices : mais ces détails personnels n'entrent point dans cette peinture générale du monde ; il suffit que l'empire ait été heureux sous ce prince ; c'est par-là qu'il faut regarder et juger les rois. Pendant le cours de cette révolution qui dura plus de trente ans, une des plus grandes mortifications que les chinois éprouvèrent, fut que leurs vainqueurs les obligeaient à se couper les cheveux à la manière tartare. Il y en eut qui aimèrent mieux mourir que de renoncer à leur chevelure. Nous avons vu les moscovites exciter quelques séditions, quand le tzar Pierre Ier les a obligés à se couper leurs barbes, tant la coutume a de force sur le vulgaire. Le temps n'a pas encore confondu la nation conquérante avec le peuple vaincu, comme il est arrivé dans nos Gaules, dans l'Angleterre, et ailleurs. Mais les tartares ayant adopté les lois, les usages et la religion des chinois, les deux nations n'en composeront bientôt qu'une seule. Sous le règne de ce Camg-Hi les missionnaires d'Europe jouirent d'une grande considération ; plusieurs furent logés dans le palais impérial : ils bâtirent des églises ; ils eurent des maisons opulentes. Ils avaient réussi en Amérique, en enseignant à des sauvages les arts nécessaires : ils réussirent à la Chine, en enseignant les arts les plus relevés à une nation spirituelle. Mais bientôt la jalousie corrompit les fruits de leur sagesse, et cet esprit d’inquiétude et de contention, attaché en Europe aux connaissances et aux talents, renversa les plus grands desseins. On fut étonné à la Chine de voir des sages qui n'étaient pas d'accord sur ce qu'ils venaient enseigner, qui se persécutaient et s'anathématisaient réciproquement, qui s'intentaient des procès criminels à Rome, et qui faisaient décider dans des congrégations de cardinaux, si l'empereur de la Chine entendait aussi bien sa langue que des missionnaires venus d'Italie et de France. Ces querelles allèrent si loin, que l'on craignit dans la Chine, ou qu'on feignit de craindre les mêmes troubles qu'on avait essuyés au Japon. Le successeur de Camg-Hi défendit l'exercice de la religion chrétienne, tandis qu'on permettait la musulmane et les différentes sortes de bonzes. Mais cette même cour, sentant le besoin des mathématiques autant que le prétendu danger d'une religion nouvelle, conserva les mathématiciens en imposant silence aux missionnaires. Ce qui mérite bien nôtre attention, c'est le tremblement de terre que la Chine essuya en 1699 sous l'empereur Camg-Hi. Ce phénomène fut plus funeste que celui qui de nos jours a détruit Lima et Lisbonne ; il fit périr, dit-on, environ quatre cent mille hommes. Ces secousses ont dû être fréquentes dans notre globe : la quantité de volcans qui vomissent la fumée et la flamme, font penser que la première écorce de la terre porte sur des gouffres, et qu’elle est remplie de matière inflammable. Il est vraisemblable que nôtre habitation a éprouvé autant de révolutions en physique que la rapacité et l'ambition en a causé parmi les peuples.
2 1756.2 Voltaire. Essai sur l’histoire générale et sur les moeurs et l’esprit des nations, depuis Charlemagne jusqu’à nos jours [ID D19777].
Sekundärliteratur.
1932
Walter Engemann : Die Veranlassung zur Niederschrift von Voltaires Essai ist von Emilie du Châtelet ausgegangen und wurde 1734-1749 während seines Aufenthaltes im Schloss Cirey-sur-Blaise niedergeschrieben.
Voltaires Urteile über die chinesische Kultur widersprechen sich teilweise. Einerseits lobt er die Chinesen wegen der Beständigkeit in ihren Sitten und Gebräuchen, andererseits sieht er es als einen Mangel an, dass die chinesische Kultur keinen Fortschritt kennt, weil sie in der langen Zeit der Existenz ihres Reiches auf dem gleichen Stadium stehen geblieben ist. Die Stagnation und die damit verbundene Mittelmässigkeit der chinesischen Kultur erklärt er aus der grossen Ehrfurcht vor alten Lehren und Einrichtungen, die der Chinese für vollkommen hält, und aus der Natur ihrer Sprache, die schwer und unbequem ist. Das gleiche gilt erst recht für die Schrift. Hierzu tritt die zweimalige Fremdherrschaft, die auf die Fortentwicklung der chinesischen Kultur hemmend gewirkt hat, denn aller Krieg, Umsturz und Bedrückung machen einen Aufstieg unmöglich. Das sind für Voltaire die entscheidenden Gründe, die dazu geführt haben, dass Kunst und Wissenschaft in China sich nicht weiterentwickelt haben.
Der Zusammenbruch der christlichen Mission in China beschäftigte damals das gesamte geistige Europa. Für Voltaire ist er ein Beweis dafür, dass die christliche Kirche untauglich ist, Mittlerin zwischen den Kulturen der Völker zu sein. Versuchten dennoch einzelne, wie die Jesuiten, diese Rolle zu spielen, so würden die Bestrebungen aus dogmatischer Engherzigkeit bald unterbunden. Voltaire gesteht allen Völkern, die eine ältere Kultur und einen alten toleranten Glauben haben, das Recht zu, sich vor fremden Eindringlingen zu schützen. So hält er es für richtig, die Chinesen trotz dem Kampf gegen das Christentum und seine Missionare, aufrichtig zu bewundern.
Die Kenntnisse Voltaires über die materielle Kultur der Chinesen sind auf Einzelheiten beschränkt. Was er darüber weiss, ist unvollkommen, teilweise sogar falsch. Seinem Sinn für Geldgeschäfte entspricht sein Interesse für die Geldverhältnisse Chinas. Auch die Mitteilungen Voltaires über die wirtschaftlichen Verhältnisse Chinas beschränken sich auf Einzelheiten, weil ihm die Quellen darüber nur wenig Auskunft geben. Da er grosses Interesse an der Landwirtschaft hat, beschäftigt er sich eingehend mit dem chinesischen Ackerbau. In einem Brief von Jean-Denis Attiret wird in glänzenden Farben der kaiserliche Palast mit seinen Anlagen beschrieben. Voltaire benutzt diese Schilderung, um sich gegen die Geschmacklosigkeit des europäischen Prunkes zu wenden. Die Staatsauffassung Voltaires entspringt dem Ehrgeiz, als Bürger die gleiche Stellung wie der Adel einzunehmen. Er ist der Typus des 'bourgeois', der über das eigene Milieu hinausstrebt. Er huldigt dem bürgerlichen Staatsideal des aufgeklärten Absolutismus, wenn er auch seine eigenen Gedanken über das Wesen und die Gestalt eines Idealstaates besitzt. Er sieht sein Staatsideal im chinesischen Staat verwirklicht. Deshalb kann er auch kein objektives Bild des chinesischen Staatswesens geben, weil er es nur vom Standpunkt seiner subjektiven Staatsauffassung aus betrachtet. Den grossen Vorzug des chinesischen Staates sieht er darin, dass es in China keinen Gegensatz zwischen dem Kaiser, der Regierung und den bevorzugten Schichten der Bevölkerung und der grossen Masse gibt, da zwischen ihnen ein patriarchalisches Verhältnis besteht. Darin wurzelt nach Voltaire die Beständigkeit der chinesischen Kultur. Das patriarchalische Verhältnis ist für ihn auch eine der Ursachen dafür, dass der chinesische Staat nicht nur einer der ältesten, sondern auch der erfolgreichsten und blühendsten der Welt ist, ebenso wie der natürliche Reichtum des Landes, der Fleiss seiner Bewohner, die weise Gesetzgebung und der Schutz des Eigentums die Gründe für die allgemeine Wohlhabenheit des Volkes, die grosse Bevölkerungsdichte des Reiches und das hohe Alter der chinesischen Kultur sind. Voltaire begründet den idealen Zustand des Staates damit, dass die Staatsauffassung der Chinesen auf der Sittenlehre und der Achtung vor den Gesetzen beruhe ; denn die Chinesen ehren die Gesetze und das Alter wie die Kinder die Eltern. So erscheint ihm das ganze Kaiserreich wie eine grosse Familie, in welcher der Kaiser für das Wohl des Volkes wie ein Vater zu sorgen hat. Im chinesischen Kaiser sieht er nicht nur den Herrscher, sondern auch den höchsten Priester und Philosophen, der allein dem 'tian', dem Herrscher über Himmel und Erde, opfert.
Voltaire nimmt Stellung gegen die Berichte der Reisenden und gegen Montesquieu, welche die Ansicht vertreten, dass das chinesische Kaisertum despotisch sei. Man ist nach seiner Meinung durch die Form des Hofzeremoniells getäuscht worden. Doch China sei überhaupt das Land der Zeremonien und Höflichkeiten. Als Beweis für das Gegenteil einer absolutistischen Regierungsweise dient der Hinweis darauf, dass seit den ältesten Zeiten am kaiserlichen Palast eine Tafel angebracht ist, auf der jeder Bürger seine Beschwerden über die Regierung aufschreiben darf. Auch steht dem Kaiser ein Ratskollegium zur Seite, und er sieht sich, wie jeder andere Staatsbürger, an den Entscheid der Gerichte gebunden. Andererseits hat China nach Voltaires Überzeugung im Gegensatz zu allen anderen Ländern auch niemals eine Theokratie gehabt, denn seine alten Jahrbücher wissen nichts darüber zu berichten. Ebenso hat China weder Religionskämpfe noch einen Streit zwischen Kaiser und Kirche gekannt. Voltaire hält den chinesischen Staat sogar für demokratisch, da es in ihm niemals einen Adel gegeben hat. Er hält die chinesische Verfassung für die älteste und beste der Welt. Sie besteht nicht nur seit 4000 Jahren, sondern sie fordert auch, dass eine kleine Zahl Auserlesener die grosse Masse der Bevölkerung ernährt und regiert. Denn sie macht es den Weisen zur Pflicht, das Volk zu beschäftigen und für sein Dasein zu sorgen. Volaire rühmt die chinesische Gesetzgebung : so darf der Sohn seinen Vater nicht verklagen. Oder es darf auch am geringsten Untertanen kein Todesurteil vollstreckt werden, ohne dass man die Prozessakten an den Staatsrat in Peking schickt, der dem Kaiser Vortrag zu erstatten hat. Vor allem bestraft der chinesische Staat nicht nur, sondern er kennt auch Belohnungen in Form von Ehrenzeichen und Rangerhöhungen.
Voltaire rechnet die Chinesen nicht unter die Völker, die Blutschande treiben, und er weist die Behauptung Montesquieus, dass in der Tatarei die Söhne nicht die Mutter, wohl aber die Väter die Töchter heiranten dürfen, zurück. Ebenso lässt er den Vorwurf der Menschenfresserei nicht gelten.

Von den naturwissenschaftlich-mathematischen Kenntnissen der Chinesen bewundert Voltaire vor allem ihre astronomischen Berechnungen, die auf einer genauen Beobachtung der Sterne beruhen. Er nimmt an, dass die Chinesen schon sei 4000 Jahren Astronomie treiben. Weiterhin berichtet er über das chinesische Heilwesen. Er hält die chinesischen Ärzte für sehr unwissend und behauptet trotzdem, dass sie in der praktischen Ausübung ihres Berufes nicht ungeschickt sind. Dabei erwähnt er, dass man auch in China versuche seit alter Zeit einen Unsterblichkeitstrank zu brauen. In der Sprache sucht Voltaire ein Kriterium für die Kulturhöhe, die ein Volk erreicht hat. Für ihn ist nur die chinesische Sprache auf einer primitiven Entwicklungsstufe stehen geblieben. Und in dieser Tatsache erblickt er eine Ursache für die Stagnation der chinesischen Kultur. Er selbst hat weder die chinesische noch arabische Sprache beherrscht, sondern nur das chinesische Vokabular in der Description von Du Halde. Gleichwohl hält er die chinesische Sprache für autochthon. Die chinesische Literatur zeichne sich durch ihre Einfachheit aus und die künstlerische Begabung der Chinesen soll in ihrer Entwicklung stehen geblieben sein. Doch sein tiefster Eindruck ist das Alter der Literatur. Der Roman und die Fabeln enthalten dieselben Motive wie in der europäischen Literatur, sie zeigen stets eine realistische Form und eine moralische Tendenz. Die Chinesen lieben auch das Theater, aber die Kunst des Dramas liege ihnen nicht.
Voltaire kennt die älteste Quelle der chinesischen Geschichte, die chinesischen Bambusbücher, aus denen er seine Kenntnisse der '5 kings' hat.
Die Sittenlehre, die Voltaire als die erste der Wissenschaften nennt, haben die Chinesen vervollkommnet. Die Frage, warum die Chinesen in den übrigen Wissenschaften versagten, in der Ethik aber und in ihrer praktischen Anwendung, der Gesetzgebung, Hervorragendes leisteten, beanwortet er damit, dass die Natur diesen Menschen einen ‚weisen Sinn’ gegeben, die Kraft des Verstandes aber versagt hat.

Das Wort 'Deismus' taucht erst in der Aufklärungszeit auf. Voltaire gebraucht das Wort 'Theismus', das an sich eine monotheistische Religionsanschauung bezeichnet. Diese lehrt noch einen persönlichen Gott, der die Welt nicht nur erschaffen hat, sondern der auch noch fortdauernd auf sie einwirkt. Auch die natürliche Religion Chinas bezeichnet er mit dem Wort 'Theisimus' und nennt die chinesischen Gelehrten 'Theisten'. Dem 'Deismus' Voltaires liegt die Ansicht zugrunde, dass die ganze Welt nur einen Gott anbetet, dass die Art der Anbetung aber verschieden ist. Er ist davon überzeugt, dass in China von alters her die deistische Religion vorherrscht, wenn auch nur in den führenden und gebildeten Ständen. Die Moralgesetze der deistischen Religion aber sollen nach ihm die Grundlagen der Staatsmoral bilden, nicht aber die Kirche mit ihrem Aberglauben und ihren persönlichen Interessen. So konstruiert er eine Kirchen freie Religion für die oberen Schichten der chinesischen Bevölkerung und schildert, dass sie sich mit der Morallehre eines Epiktet, Marc Aurel oder Plato vergleichen lässt. Während der Kaiser und die Gelehrten die Träger der chinesischen Religion sind, besitzt das niedere Volk eine andere Religion. Auch gegen der Vorwurf des Atheismus glaubt Voltaire den Deismus der chinesischen Gelehrten schützen zu müssen. Wenn man behauptet, dass die Gelehrtenreligion keinen bestimmten Gottesbegriff habe, so antwortet er, dass es nicht so sehr auf die Fassung des Gottesbegriffes, als vielmehr auf sein Vorhandensein ankomme und dass die Chinesen diesen besitzen, da sie seit den ältesten Zeiten an einen einzigen Gott glauben. Allein die Kenntnis der modernen Geschichte genügt Voltaire, den Ritenstreit zugunsten der Chinesen auszulegen. Bedingungslos für das Wesen einer Religion ist nach Voltaire das Vorhandensein einer Vorstellung vom Leben nach dem Tode. Er bestreitet nicht, dass in China viele Gebildete dem Materialismus verfallen sind, wesentlich ist für ihn, dass ihre Sittlichkeit nicht darunter gelitten hat und dass sie ein höchstes Wesen verehren, an dessen Dasein sie nicht zweifeln. Er weist auch den Vorwurf zurück, dass die chinesische Religion das Menschenopfer kennt, während er das Ernteopfer zugibt.
China sei nur deshalb von dogmatischen Streitigkeiten und Religionskämpfen verschont geblieben, weil hier der Aberglaube keinen Boden gefunden habe. So sieht Voltaire den Wert der chinesischen Religion darin, dass sie frei von Fanatismus, Aberglauben und von kosmogonischen Spekulationen ist. Zwar leugnet er nicht, dass die Chinesen abergläubische Vorstellungen besitzen : so deuten sie aus den Sternen die Zukunft und die Schlange sehen sie als ein Sinnbild des Lebens.
Voltaire hält die Beschäftigung, was nach dem Tode geschieht für unproduktiv. Viel wichtiger sei es, im Leben die Tugend zu üben und an der Vervollkommnung der Seele im Diesseits zu arbeiten. Wer das tue, brauche den Tod nicht zu fürchten. Die chinesische Religion, die keinen Jenseitsglauben enthalte, lehre lediglich die Tugend um der Tugend willen zu üben. Er weiss aber, dass das chinesische Volk an ein Leben nach dem Tode glaubt, wie es die Ahnenverehrung beweise. Auch bezweifelt er nicht, dass die Idee der Seelenwanderung noch in grossen Teilen Indiens und Chinas herrsche, jedoch sei sie keine Religionsvorstellung, sondern erst durch die Lehre des Fo nach China gebracht worden.
Voltaire begeistert sich für Confucius, da er der Sittenlehrer der Chinesen gewesen ist. Er hat weder eine Religion noch eine Kirche gegründet, sondern eine Staatsmoral gelehrt, die nicht von kirchlichen Dogmen beeinflusst ist. Auch richtet Voltaire seinen Hass gegen die Kirche, will allgemeine Sittengesetze aufstellen und sieht in Confucius sein Vorbild. Im chinesischen Staat sieht er den vorbildlichen absoluten Staat verwirklicht, den, gestützt auf die Ethik von Confucius, kein kirchliches Dogma und kein Bonzentum beherrschen. Die einfache und schlichte Lehre des Confucius, die dem Staatsgedanken der Aufklärung entspricht, ist eine Lehre der Vernunft. Ihre Moral fordert, die Tugend zu üben und gerecht zu sein, um eine glückliche Menschheit zu schaffen.

1963
Basil Guy : Until the Essai Voltaire was not truly curious about China for its own sake, with the result that most of his attempts to work with Chinese material ended, for better or for worse, in 'chinoiseries'. These 'chinoiseries' represent only the knowing use of a theme which could not help but arouse a certain interest on Voltaire's part, but it was the very example of China which would help him to abandon this false track and set out upon a task which would be most important for himself and for his age. He openly attacked the "Discours sur l’histoire universelle à Monseigneur le dauphin : pour expliquer la suite de la religion & les changemens des empires" de Jacques Bénigne Bossuet, pretending to present merely his own views on history and the result of his own research. Meanwhile, he prepared à Discours sur l'historie universelle, un Abrégé and even an Histoire générale which would all contribute to and be included in the complete edition of the Essai. Voltaire is never completely detached from his work and never did consider it completed, while his mind remained ever alert to many of the problems he had encountered in writing it. The nature of those problems, so closely linked together, pushed Voltaire to greater daring and perhaps to greater truths than he had known or suspected until then. But since he pretended to be all-inclusive and to shed some light on every part of the world as it was known in his day, it is natural that his curiosity touch on many disparate topics. Instead of the savant we might have expected to discover in him, we find a proselyte who thinks only of destroying those doctrines he detests. Sometimes his attacks were suggested by material that was incidental to any given passage.

China and her philosophers were no exeption to this procedure. They serve him only as an excuse for taunting the atheists, since more than sacred texts, more than the Holy Land or other exotic countries, Voltaire wanted to know that China whose antiquity enchanted him because it brought into question certain theological calculations which founded world history on the authority of the Bible. At the same time his knowledge would give Europeans, so proud of their civilization, a precious lesson in humility. Voltaire puts China in the vanguard of universal civilization. He assigns the most flattering rôle in his history to this empire of the Far East by having it begin and end with China because that country represented to him the most ancient nation, the best ordered and the home of true wisdom. Voltaire did not risk much in denying the universality of the Flood 'à propos' of China. He was able to profit by the evolution of ideas. The discovery of Chinese antiquity contributed to the formation of the philosophic spirit but was also favoured by such a development. For as much as it profited by this progress, the idea of Chinese antiquity likewise profited by the weakening of people's faith in the value of the Bible as an historic document. The antiquity of Chinese chronology posed another, still greater, problem regarding the location of the cradle of humanity. Toward 1740 the argument in favour of Chinese antiquity had often been invoked, but no serious study of China was yet generally available in Europe. Part of Voltaire's great originality in dealing with the problem was that he took facts and dates proving Chinese antiquity from the Jesuits, and from the libertines analyses which made that antiquity much greater than did their common source. When he treats of the size and greatness of the country, he is led to conclude that since China is a large as formerly, its laws, its customs, its languages, and even the way in which its inhabitants dress cannot have undergone much change. For this reason, Voltaire states that he will limit himself to depicting the most important, the most 'creative' epochs of Chinese history. At this point, he at last begins to treat of Chinese history as such, and dwells briefly on the reign of Fuxi, who is suppoed to have lived some three thousand years before Christ and assumed the government of the fifteen kingdoms. In passing, Voltaire then mentions other monarchs, the burning of books, and the development of judicial procedure under the First Emperor being especially noteworthy for him. Althought he mentions the Roman embassy of 165 A.D. and the voyage of two Mohammedans. He then spends a little more time and effort in analyzing, in its proper place, the material he would use for the Orphelin, the advent of the Mongol dynasty under Cenghis Khan. Voltaire hoped to underline the fact that his history was an objective as possible, considered only humanity, and not the movements of God's 'mysterious ways'. For his errors, whether of fact or interpretation, are those of his guides, or even, those of his contemporaries.
Voltaire extended the field of his investigation and found at the other end of the world where it was impossible to separate truth from fiction, desire from reality, an idol almost without fault, the Qianlong emperor. His judgment on the Chinese monarch had been influenced by that sententious element in imperial bureaucracy which found expression in the long resounding phrases of edicts voicing an irreprochable morality. Yet in the Chinese political system, what seems to have made profound impression on Voltaire, was the rôle of the tribunals. The Jesuits had nothing but the highest praise for most of these courts, the Six Councils of Beijing, forming the central body of the imperial government, to the viceroys and petty functionaries in the provinces. These councils consisted for the most part in confucian mandarins. Voltaire favoured an absolute monarchy where the judgments of the sovereign might be guided and controlled by incorruptible advisers. Nothing in all his writings approaches this ideal like his interpretation of the reciprocal action of the Chinese emperors and the Chinese courts.

In the beginning, since his sources claimed that the absolute government of China was founded on Confucian ethics, Voltaire repeated that judgment, believed it, and sat down to study this country where no religious dogma, no government by a priestly association, were sanctioned by the political authorities. Confucius had founded neither a new religion nor a new Church. He had mereley taught a traditional morality which had but fallen into disuse and in which there was no trace of dogmatism. His morality proclaimed that virtue is supreme and just, necessary to the peace and happiness of men. According to Voltaire, Confucius hat already interpreted this morality in such a way that it could easily be applied to reality ; to his strong personality and innate wisdom, the Chinese owe their political perfection. For Voltaire, Confucius represented the perfect 'philosophe', he who had found a solution to the problems of revealed religion, who in a word was the ideal deist. The lack of dogma in the formalities of the Confucian cult was for Voltaire a quality, or, a virtue ; for among other things, the religion which lacks a rigid form allows the free development of toleration. And it was in toleration as taught and practieced by Confucius that Volaire thought he had noted the essential characteristic of the Chinese people. Despite the fact that Confucianism had been praised for its moral values and not for its religious teachings, Voltaire persisted in repeating that since the beginning of their history the Chinese had possessed 'le culte simple du maître du Ciel'. He believed that he had found in the Middle Kingdom the flower of a tolerant religion, without dogma and without priests, a pure deism.

If Voltaire turned the Jesuits' misfortunes to his own advantage in attacking their cause, he did not hesitate to suppress their ideas when convenient. In general the missionaries had nothing but scorn for Buddhism, and Voltaire employs both their information and their arguments in his castigation of the sect. Confucianism ruled in China and that it was a reasonable, natural religions. The two other sects, Buddhism and Taoism, represented in his eyes a revealed religion whose basis is superstition, the tyranny of priests and ignorance. Hence it is obvious that when Voltaire speaks of Buddhism at this time, he means Christianity, with which Buddhism does have certain superficial resemblances. And when Voltaire reveals the ignorance, the rapacity, and the tyranny of the priests of Fo or the bonzes, he merely resorts to those problems which had frequently served beford his time had made famous : indirect attack, by analgy, and against Christianity.
At about 1740 Voltaire found himself faced by the problem of two religious currents which were not complementary, which were in effect contradictory : Chinese deism and Chinese atheism. Voltaire continues by discussing theocracy, the worst form of tyranny he can imagine. Thus, if the Chinese have never known a theocratic government, they are nonetheless not atheists. If the Chinese were atheists, they furnished the most striking proof of the existence and of the excellence of a moral code divested of any relationship with political or social morality, or even with religion.

Voltaire took the side of the Jesuits against the Law of the Church and painted the Chinese in glowing terms. His lively imagination pictured them as an almost perfect people, superior to those in whose midst he dwelled and where wit, intelligence, and learning counted for little. The distant people, Voltaire firmly believed, hat no priests like those who wore down his fighting spirit, none of those gross superstitions which inspired such rites as were practiced in his time. Respect for the aged and worship of a philosophic deity were their religion. They were possessed in consequence of a pternalistic government which for centuries had been in the hands of wise princes. Reason alone guided these men, and they had no need to base their morality on those mysterious dogmas which reason cannot explain. It was thus that Voltaire fell into error for attempting to fight alongside those Jesuits against whom he directed so many bitter and virulent attacks for the sake of China and her example.

1972
A. Owen Aldridge : Voltaire's knowledge on China was indirect, incomplete and superficial. It is no coincidence that he should be both a vociferous defender of Chinese culture and a caustic critic of primitivism. Voltaire admired the antiquity, the politeness, the intricate social organization of China, all qualities inimical to primitivism. He argued that the compiling of records attesting the existence of a vast empire is in itself proof that the organization of China into a political body must have taken place centuries before. Chinese antiquity was important for Voltaire, however, not so much for its effectiveness as an argument against primitivsm as for its even greater effectiveness as a symbol to be opposed to Hebrew tradition. The portrayal of Chinese civilization as flourishing in a highly advanced stage when the Hebrew as in its infancy served to disparage the latter. The argument of Chinese antiquity even more specifically damaged the Christian tradition by disputing Old Testament chronology and thereby bringing into question biblical authority as such. The Christian scriptures declare that the world was created in 4000 B.C. and that the great Flood covered the earth in 2300 B.C. ; yet reliable Chinese chronicles existing for 4000 years, implied an anterior existence of Chinese civilization for several more centuries : these chronicles make abolutely no reference to a universal inundation such as that described in Genesis. In pointing to the textual weaknesses of biblical chronology, Voltaire touched on another famous controversy in the history of ideas, one completely independent of the role of China in world culture, but nevertheless related to it. This controversy concerned the Age of the World – an attempt to discover how far in the past the earth as presently constituted came into being, what were the changes it had gone through, and whether the chronology and descriptions of the Bible are in accord with reality.
The role of China in the Voltairean philosophy was primarily to bolster his private system of deism, to further his attack on religious superstition and clerical domination, and to advance his plea for toleration. His Essai is justly celebrated as a pioneer work of anthropology, it can hardly be argued that his treatment of China represented a serious scholarly effort to understand oriental culture.

1989
Song Shun-ching : Dans son avant-propos Voltaire critique véhémment la méthode de Jacques Bénigne Bossuet qui a donné une place privilégiée aux juifs dans son Discours sur l’histoire universelle (1681) et il met en avant la nécessité de faire figurer la Chine dans une histoire universelle : "Il eût été à souhaiter qu'il [Bossuet] n'eût pas oublié entièrement les anciens peuples d'Orient, comme les Indiens et les Chinois, qui ont été si considérables avant que les autres nations fussent formées."
En montrant l'extrême ancienneté de la Chine aux Européens, les missionnaires ont pu amener le public européen à prendre conscience non seulement des difficultés, mais aussi de leur joie et de leur mérite à parvenir à christianiser un pays si 'anciennement policé'. Ces écrits apologétiques sont devenus, par la suite, de précieux documents historiques pour Voltaire qui s'en sert comme base dans son élaboration de l'histoire de la Chine. Quelle belle défense que de s'appuyer sur des sources irréfutables, les publications des ordres religieux, pour réfuter les apologistes qui remettent l'antiquité chinoise en question afin de protéger l'autorité des Ecritures saintes. Depuis la publication Sinicae historiae decas prima de Martino Martini [ID D1703] et malgré de nombreuses plémiques, Fuxi semble être toujours considéré par les Européens comme le premier monarque chinois. L’essentiel pour Voltaire est 'la prodigieuse antiquité' de la Chine. Pour lui, rien ne peut diminuer la vlauer, l'authenticité de cette ancienneté, même les histoires mythiques qu'il a toujours condamnées comme superstitieuses ; une fois transformées par lui, elles sont devenues de solides arguments en faveur de l'antiquité chinoise. Il n'a pas oublié ce qui est encore plus important que l’ancienneté, c'est l’exactitude de l'histoire. La valeur de l’histoire ne tient pas uniquement au fait qu'elle est ancienne, il faut qu'elle soit avant tout vraie, exigence fondamental pour Voltaire historien. Comme tous les pays, la Chine possède aussi une quantité d'ouvrages qui racontent son antiquité à travers des légendes et des histoires mythiques, mais Voltaire n’a pas pu les connaître faute de traduction. En ce qui concerne la chronologie chinoise, Voltaire affirme qu'il n'en existe qu'une version, mais dans l'histoire chinoise la datation précise, unanimement reconnue par tous les historiens, ne commence qu'à partir de 841 av. C., car avant cette date, l'histoire chinoise possède des chronologies différentes qui varient selon les ouvrages historiques.
Au lieu de raconter l'évolution de toute l'histoire chinoise, Voltaire sélectionne les événements en se basant sur quelques-uns des empereurs les plus représentatifs, puis il nous apporte une histoire romanesque des coups d'état et des anecdotes de la cour impériale. Il est impressionné par le conquérant tartare Gengis Kahn et rédige un chapitre entier à la gloire de ce personnage et de la dynastie mongole. Il y a de graves erreurs de ces personnages : Gengis Khan, avant sa mort, désigne son troisième fils Octai comme son successeur. A la mort d'Octai, son fils Guiyou (Güyük) succède au thrône et devient le grand Khan. L'autre erreur concerne les compagnons de Marco Polo. Il est accompagné par son père et son oncle et pas par son frère et c'était en 1275 et pas en 1260.
Voltaire semble ignorer les importants problèmes politiques posés à l'intérieur de la cour mongole, puisqu'il décrit le gouvernement mongol sinisé régnant plaisiblement en Chine. Il a trop idéalisé la situation sous la dynastie Yuan, non seulement en ce qui concerne la cour mongole, mais surtout la relation entre les Chinois et leurs envahisseurs. Même si Voltaire ignore le contenu des annales chinoises de cette époque, il doit au moins connaître l'épisode de la sédition organisée par le complot sino-khitan et citée par Marco Polo dans son récit de voyage en Chine. Volaire, au courant de la chute de la dynastie Yuan des Mongols, conclut que la défaite du pouvoir mongol en Chine est due à des raison d'ordre religieux.
Voltaire décrit longuement la transition du pouvoir politique des Chinois aux Mandchous, une histoire symbolique qui illustre une fois encore la lutte entre la force des armes et celle des lettres. Le coup d'état présenté par Voltaire comprend deux éléments essentiels : l'un est l'assujettissement de l'empire chinois aux Mandschous, l'autre est la rebellion des Chinois, événement à l'origine de la tragédie qui eu lieu à la cour chinoise.
Pendant que l'empire chinois est troublé par les guerres, les Jürchen devient de plus en plus puissant. Voltaire décrit l'origine de ce peuple, mais il le confond avec le peuple mongol, et ainsi voit un retour du pouvoir aux mains des Tartares, il croit que ce qui s'est passé sous la dynastie Song s'est répété sous la dynastie Ming.
Tout les passages délectionnés par Voltaire concernant l’histoire de la Chine, nous constatons combien ses choix sont orientés. Les Tartares qui ont vaincu par deux fois l'empire chinois avec leur armes sont vaincus par la civilisation chinoise. Cette histoire romanesque des changements du pouvoir politique comporte avant tout une leçon philosophique destinée à illustrer l'optimisme voltairien qui croit au progrès de l'humanité et d'une civilisation rationnelle. L'ancienneté et l'exactitude de l'histoire chinoise solignées par Voltaire ont été choisies dans un but philosophique, telle est la véritable intention de Voltaire historien.

Voltaire met l'accent sur la société et le peuple, et tout en dégageant le rôle traditionnellement dominant de la religion dans les ouvrages historiques, il met l’homme au premier plan. La présence de Dieu est constante, mais c'est l'humanité qui est responsable de son destin et de sa propre histoire. La Chine occupe une place importante pour deux raisons : Voltaire veut démontrer la corrélation entre l'esprit, les moeurs du peuple et un 'pays policé' et la discussion autour de l'origine du peuple chinois l’intéresse beaucoup. Il nous décrit quelques caractéristiques de la société chinoise : un grand empire qui possède de grandes villes, un pays prospère qui bénéficie de la clémence de la nature qui l'a doté d'un clima favorable et de terre fertiles, et par-dessus tout, Voltaire s'attache à accentuer la grandeur du pay. En comparant l'Orient à l'Occident, il montre leurs différences et leurs ressemblances. Il est attaché au thème de la société, la nourriture, les vêtements, les maisons, les arts, les usages ; tout est 'digne de l'attention d'un philosophe'. En outre, il croit en l'universalité de l'humanité : malgré toutes les différences entre les différents peuples, l'humanité possède communément 'les passions' et 'la raison', deux composantes de la 'police'. La nature, mère nourricière de l'humanité, influence profondément la société. Voltaire justifie le haut niveau de la civilisation des pays asiatiques par des causes naturelles, telles que la terre et le climat ; le système des impôts, les villes, l'architecture et le système économique avec son système monétaire. La géographie physique de la Chine est avantagée par trois excellentes conditions : l'immensité, la variété, et la position.
Voltaire condamne la puissance du régime théocratique et félicite la Chine comme le seul pays qui ne soit pas souillé par ce régime. Il pense que la Chine est une société qui a toujours gardé ses moeurs originelles ; elle présente donc un modèle exemplaire et une preuve des moeurs purement humains. La description des moeurs chinoises par Volaire est bien fragmentaire. Il a trouvé quelques qualités aux moeurs chinoises, telles que la douceur et la sagesse. Il est persuadé d'une valeur suprême de l’esprit chinois : la sagesse à la fois tranqille et puissante, une force impalpable en apparence, mais irrésistible en profondeur ; elle est solidement liée à la civilisation du pays, et à cause d'elle, les moeurs chinoises sont plus raffinée que celles des Tartares. Aux yeux de Voltaire, les moeurs des Tartares sont horribles et empreintes de 'fanatisme'.

Parmi les nombreux rites et cérémonies pratiqués à la cour chinoise, Voltaire porte un intérêt particulier à deux d'entre eux : la cérémonie 'kieng-tien' [jing tian] et le rite du labourage accompli par l'Empereur. A part des cérémonies propitiatoires, il montre aussi que la cour chinoise est un modèle de tolérance. Voltaire ne s'est pas seulement intéressé à ce qui se faisait à la cour chinoise, il s'est aussi penché sur le rôle qu'y tenaient les personnages. Malgré ses principes politiques basée sur la morale, la cour chinoise est en réalité souvent très loin de l'image édifiante donnée par Voltaire. Pour approfondir l'aspect matériel de la vie des empereurs, Voltaire a examiné leurs finances.
Parmi les empereurs chinois, Kangxi, Yongzheng et Gaozong ont joué un rôle significatif pour l'inspiration politique chinoise chez Voltaire. Il les a maintes fois mentionnés non seulement parce qu’ils sont ses contemporains, mais surtout en raison de l'accueil qu'ils on fait aux missionnaires européens en Chine et à la cour impériale. De ces trois empereurs mandchous, celui qui obtien le plus de louanges de Voltaire est Kangxi. L'empereur Yongzheng succéda à Kangxi et Voltire les a comparés. Lorsque Voltaire parle de la 'fermeteé' et de la 'justesse' de Yongzheng, il fait surtout allusion à l'ordre impérial de bannir les missionnaires de la Chine. Ce qui fascine Voltaire chez l'empereur Gaozong, ce sont ses aptitudes à la poésie. Voltaire transforme ces trois empereurs en trois modèles symboliques : Kangxi : la tolérance, Yongzheng : la sagesse et la justesse, Qianlong : le poète. Pour que l'image de ces trois empereurs ne soit pas tachée, il n'hésite pas à écarter les critiques concernant ces trois monarques, et même à embellir leur portrait. Par conséquent, son entreprise de transformer le portrait des empereurs chinois pour en faire des monarques idéals est fondée sur une image doublement fausse.

En résumant tous les passages de Voltaire concernant la constitution de la Chine, on peut les classer en deux grands thèmes : un système politique composé de différents tribunaux et un gouvernement patriarcal. Voltaire est séduit par la répartition du pouvoir politique parmi les tribunaux. Il explique en détail les fonctions de chaque tribunal et leur mécanisme. La description des fonctions de chaque tribuanl est correcte, mais l'éloge de Voltaire est un peu exagéré. Le système des tribunaux, le régime patriarcal et l'autorité paternaliste constitutent la forme du gouvernement chinois. Voltaire est surtout attaché à examiner si les lois sont justes et humaines. A ses yeux, les lois d’un gouvernement exemplaire comme la Chine ne peuvent que posséder des qualités. Les lois chinoises récompensent bien la vertu ; le gouvernement montra sa générosité et sa justice envers le peuple, il l'incite à bienveillance afin d'améliorer les moeurs de la société. Parmi les actes moraux exemplaires qui permettent d'obtenir le mandarinat de cinqième ordere, à par l'honnêteté, le déintéressement du 'pauvre paysan' aux mains nettes, Voltaire a étonnamment oublié de mentionner un critère très important pour ce pays au régime patriarcal : la piété filiale. Quant à l'autre caractéristique des lois chinoises, considérée par Voltaire comme une exception dans la législation de l'humanité, elle est due à l'influence du confucianisme. Bien que le confucianisme soit la principale influence qui ait pesé sur la politique chinoise, le gouvernement et ses lois ne sont pas aussi idéals que veut le croire Voltaire. Ces lois justes et admirables, un système de tribunaux et une politique basée sur une constitution paternaliste représentent pour lui un modèle de gouvernement idéal. En raison de la persécution des chrétiens, suite à la querelle des rites, beaucoup d'Européens ont condamné le gouvernement chinois ; leurs accusation gravitaient autour de l’athéisme et le despotisme. Voltaire s'est engagé dans ce débat.
D'un côté, Voltaire accentue les qualités du gouvernement chinois : des tribunaux objectifs et une bienveillance patriarcale, et de l'autre côté, il écarte le mot 'despote' et ses interprétations qu'il considère comme des calomnies envers le gouvernement chinois. En somme, aux yeux de Voltaire, le gouvernement chinois est patricarcal et non despotique, car il a des tribunaux et des lois qui contrôlent l'empereur.
Après le despotisme, l'autre accusation grave contre le gouvernement chinois est celle d’athéisme. Conformément à sa philosophie, Voltaire défit la nature du gouvenement chinois comme fondée sur le théisme, et il exprime son hostilité envers l'athéisme. Dans cette polémique sur l'athéisme du gouvernement chinois, Voltaire révèle sa véritable attitude envers la religion. Sa défense du gouvernement chinois constitut en quelque sorte une déclaration de sa propre philosophie. Des rites édifiants sont pratiqués par des empereus exemplaires et l'image de la cour chinois, sous la plume de Voltaire, abonde en sagesse et bonté. L'autorité politique est harmonieusement partagée entre les tribunaux, et assurée par une structure sociale patriarcale où le peuple est protégé par des lois sages. Présenté par Voltaire, le gouvernement chinois suit une politique exemplaire. Cependant, si sa défense du gouvernement chinois contre l'accusation de despotisme reste très discutable, sa victoire dans la polémique autour de l'athéisme de la Chine est incontestable. La politique de l'empire chinois est le thème le plus explité par des libre-penseurs aux fins de nier la religion et de valoriser l'athéisme. Mais Volgaire n'a pas simplement dénoncé cette malice, il a aussi fait face à la multiplication des critiques concernant la politique chinoise, suite à la montée du courant sinophobe à son époque.
Si Voltaire loue la piété filiale et le respect des Chinois pour leurs parents comme une vertu fondamentale du point de vue de la société et de la politique, il n'admet pas l'application de cet esprit dans tous les domaines. Il ne condamne pas simplement l'esprit de respect des Chinois pour leurs ancêtres, il lui reproche aussi d'avoir entraîné le peuple chinois à rester dans l'ignorance et il met en question le système de sélection par les examens au mandarinat. L'image de l'éducation et des examens et pour lui la conséquence d'une prédominance excessive et prolongé du confucianisme.

La religion est un sujet capital dans les oeuvres de Voltaire : sa façon de traiter ce sujet et ses prises de position révèlent un des traits les plus marquqnts de la personnalité. Né et élevé dans un milieu très chrétien, il a eu l'occasion de bien étudier et observer le monde religieux. Il s'appuie sur le rationalisme et l'humanisme, hérités de son éducation chez les jésuites, et il se met à réfléchir sur la question religieuse afin de trouver une issue pour sa croyance. Antichrétien, sans aucun doute, mais athée, certeinement pas, car à aucun moment, il n'a accepté la condamnation. Sa déception devant le christianisme l'amène à orienter son regard vers les religions exotiques telles qu'islamisme, buddhisme, lamaîsme et taoîsme ; il a tenté de découvrir une vraie religion universelle qui serait différente du catholicisme. Malheureusement, ses connaissances et sa capacité sont limitées par la langue et la distance, il ne peut comprendre le monde extérieur qu'à travers les écrits et les traductions des voyageurs, et surtout, des missionnaires. La 'religion' des lettrés chinois a été magnifiée par certains missionnaires de la cour impériale pour mieux propager l'Evangile dans tout l'empire chinois. En fait, cette 'religion' qui consiste à adorer 'un seul Etre Suprême' est issue du confucianisme qui n'est pas une véritable religion, mais plutôt une philosophie, et c'est la raison pour laquelle il pouvait bien être accepté par les missionnaires chrétiens en Chine. Cette religion qui ne croit qu'en l'existence d'un seul dieu est pratiquée par l'élite ; les philosophes chinois inspirent Voltaire qui est en quête d'une religion plus 'simple' et 'naturelle' et qui n'admet ni superstition ni fanatisme ou clergé. Il est donc bien content de trouver une religion qui corresponde tout à fait à son idée de 'religion naturelle'. Il est fasciné par la religion spirituelle des lettrés chinois, mais qu'en même temps il critique sévèrement les religions du peuple. Le fait que la religion chinoise admette l'existence de plusieurs dieux, Voltaire, qui a tant insisté sur son principe théologique d'un Etre Suprême qu'il a trouvé idéalisé dans l'empire chinois.
La division de la religion entre le peuple et l'Etat en Chine est évidente aux yeux de Volarie parce qu'il existe deux composantes bien distinctes dans ce pays. Cette division de la religion chinoise en deux parties n'est pas une idée de Voltaire, elle fait partie d'une vision adroite dont les missionnaires euopéens sont les auteurs. Pendant la querelle des rites, les missionnaires, et en particulier les jésuites, se sont beaucoup appuyés sur la religion spirituelle des lettrés chinois pour justifier leur prise de position. Voltaire ne pouvait pas savoir que la religion a considérablement influencé le pouvoir politique des dynasties chinoises. En condamnant toutes les religions, Voltaire tente de prouver que la religion des lettrés confucéens et du gouvernement chinois est une illustration de son théisme.
Voltaire a condamné presque toutes les religions comme relevant de la superstition et du fanatisme. Cependant, il a réussi à trouver dans la religion des lettrés chinois toutes les qualités qui répondent à son idéal d’une religion. Voltaire ne voit que ridicule et fanatisme chez le bouddhisme et n'aprécie pas la doctrine taoïste. L'histoire du catholicisme présentée par Voltaire s'arrête toujours à la persécution des missionnaires étrangers en Chine, car il n'en a jamais voulu préciser les détails. Chaque fois que Voltaire présente le christianisme en Chine, il met l'accent sur les divergences des missionnaires et les conflits d'ordre religieux en Europe. Voltaire a constaté qu'avant l'arrivée du christianisme, le judaïsme et l'islam avaient déjà pénétré dans l'empire chinois et qu'ils avaient formé de petites communautés, co-existant en paix en Chine. C'est pour lui une autre preuve de la tolérance de l'empire chinois.

Si on compare l'image de la religion des lettrés chinois avec celle du peuple, le contraste est bien frappant. Voltaire identifie sa religion idéale avec celle des lettrés confucéens et il s'identifie avec Confucius. Il aime utliser la formule : "Je voux embrasse en Confucius" dans sa correspondance ; et plusieurs fois, dans les lettres à d'Alembert, il dit : "Je m'unis à vous en Socrate, en Confucius... ". Il écrit à Thieriot : " ... je n'aime de tous les gens de son espèce que Confucius, aussi j'ai son portrait dans mon oratoire, et je le révère comme je dois". Le goût exotique de l'époque n'est pas une explication pour justifier la passion de Voltaire pour Confucius. Il est fasciné par l'influence du confucianisme en Orient et il s'engage en faveur de la pensée confucéenne dans les débats philosophiques. Il est très important pour lui de démontrer que 'la religion' de Confucius n'est pas divinisée et il essaie de prouver, que le confucianisme qui influence énormément la politique chinoise n'est basé que sur 'les anciennes lois' du pays. La morale confucéenne s'appuie sur des règles, des devoirs de relations sociales ; les enseignements sont bâtis sur des lois anciennes et l'observation de la nature humaine. Voltaire y trouve le meilleur modèle pour illustrer sa philosophie. Il cite une grande quantité de maximes confucéennes sans préciser les sources ; il transforme librement ses jugements et ses interprétations en modifiant selon son goût et ses besoins. Voltaire pense que le temps du confucianisme est 'le temps le plus heureux et le plus respectable' de la terre. La sagesse, la tolérance, la bienveillance chez les empereurs chinois, la douceur et l'harmonie des moeurs chinoises présentent un charme irrésistible aux envahisseurs tartares. Cette image positive de la Chine voltarienne est essentiellement due à l'influence du confucianisme. Il n'ignore pas, que certains des ses contemporains européens ne partagent pas son enthousiasme. Les condamnations gravitent autour de la superstition, de l'idolâtrie et de l’athéisme.

Voltaire constate que la connaissance des sciences et des arts, bien qu'existant depuis longtemps en Chine, a malgré tout fait peu de progrès, et que l'empire chinois 'anciennement policé' a bien besoin de l'aide des missionnaires européens. L'astronomie n'est pour lui pas qu'un exposé documentaire, elle lui fournit aussi une preuve de 'la police' de l'empire servant à démontrer le bien-fondé de ses idées philosophiques. Voltaire dit que les Chinois observent les éclipses depuis deux mille cent cinquante-cinq ans avant notre ère et il expose comment les Chinois ont appliqué cette science dans leur vie et dans l'usage du calendrier. Outre les observations, il remarque aussi l'usage des instruments astronomiques et il connaït la contribution des missionnaires.
Il présente les inventions de la Chine : le papier, la poudre, la boussole, l'imprimerie et les usages 'des propriétés du triangle rectangle', les cloches, les quadriges et l'élevages des vers à soie. Il présente la porcelaine de Chine et l'imitation et l'influence de la porcelaine chinoise en Europe. Il cite l'usage des chariots armés and l'art de la guerre et la connaissance des mathématiques. Pour lui la théorie de la médecine chinoise n'est qu'ignorance et erreur.
La Grande muraille et les grands canaux sont considérés par Voltaire comme les modèles exemplaires et incomparables de l'esprit humain. Il présente l'art dramatique, le roman et les spectacles en Chine, la peinture et il critique la musique. Voltaire loue aussi dans les arts et les belles-lettres chinoises la 'verité simple' qui vaut mieux que les 'paroles étranges', les 'comparaisons gigantesques et forcées' et les 'énigmes' qui existent dans tous les autres pays d'Asie. Il mentionne à plusieurs reprises les cinq grand classiques [Shi jing, Shu jing, Li ji, Yi jing, Chun qiu]. Si, déjà pour Voltaire, ces classiques étaient considérés comme un monument historique de la civilisation chinoise et und prouve d'ancienneté et supériorité de la culture, le public européen, en revanche, n'en a pris connaissance que tout récemment. Voltaire aime montrer le contraste entre la richesse et l'ancienneté des civilisations orientales et la pauvreté des connaissances occidentales. Il est fasciné par l'écriture et l'existence des caractères chinois lui fournit une autre preuve de l'ancienneté et du 'raffinement de la société' chinoise. Il condamne la langue chinoise comme facteur entravant les progrès scientifiques et qu'il propose même aux Chinois de romaniser leur langue afin d'améliorer le sort de la science chinoise.

1989
Etiemble : Voltaire est le premier qui tire de l'antiquité de la Chine toutes les conséquences qu'elle comporte. Avec beaucoup de ses contemporains, Voltaire a exalté, dans le gouvernement et les moeurs de la Chine, les qualités morales et politiques par lesquelles ces moeurs et ce gouvernement semblaient l'emporter sur les institutions et les usages de l'Europe. Il a pourtant regretté que les Chinois n'aient pas su porter les arts, les sciences et les techniques aussi loin que les peuples occidentaux. Mais, alors que beaucoup d'Européens, et notamment ceux des missionnaires qui déploraient l'imperfection chinoise, voyaient dans cette infériorité alléguée une preuve de la supériorité chrétienne, quelque goût que marquâ Voltaire pour les sciences de la nature, et quelque confiance qu'il affichât dans les progrès de l'esprit humain, la sinophilie systématique dont il faisait profession lui souffla des arguments pour absoudre les Chinois. C'est ainsi qu'il excuse ceux qui avaient inventé la boussole et la poudre de n’avoir pas cherché à en tirer le même parti que l'Occidcent. Voltaire approuve les Chinois de n'avoir perfectionné aucun des arts, aucune des sciences, puisqu'ils ont joui 'avec profusion de ce qu’ils connaissaient enfin ils étaient heureux autant que la nature humanie le comporte'. Pour admirer ses Chinois, il lui suffit qu'ils aient précédé dès longtems l'Europe "dans la connaissance de tous les arts nécessaires", étant bien entendu que l'art d'imprimer les livres entre tous est 'nécessaire'. Or, il lui plaît de répéter que la Chine était pleine d'imprimés quand nous ne savions ni lire ni écrire.
Voltaire présente un idyllique tableau de la religion des Chinois, tableau qu'il est trop facile d'opposer aux erreurs et aux horreurs de la politique catholique ou chrétienne. Autant Voltaire est bien placé pour connaître les ridicules et les crimes de la religion qui se réclame du Christ, autant il es mal renseigné sur les religions de la Chine. Du bouddhisme abâtardi, des superstitions taosséistes, qu'il n'entrevoit qu'à travers ce que veulent bien lui en dire ses informateurs jésuites, il sait trop peu de chose. Toute sa science consiste à exalter, sous le nom des religions chinoises, la pensée que les jésuites prêtent à Confucius et qui serait en harmonie préétablie avec sa pensée à lui.
Il est tout naturel que Voltaire ait pris contre les bouddhistes et leurs bonzes le parti des lettrés et du pouvoir central lorsque celui-ci, avec l'aide de l'administration confucéenne, essaya de mettre fin aux abus économiques, religieux et politiques qui se camouflaient sous la religion de Fo.

1990
Willi Berger : Voltaire steht im Mittelpunkt der europäischen China-Begeisterung des 18. Jahrhunderts. In seinem Werk sammelt sich alles zu einer kulturphilosophischen Ideologie, was an chinesischen Einflüssen und Anregungen bei andern Autoren verstreut erscheint oder nur ein gelegentliches Interesse erweckt hat. Dabei übernimmt er wie die meisten anderen die sinophil gefärbten Berichte der Jesuiten und verwendet sie für seine Zwecke.
Voltaire versucht nicht, die fremde Kultur der eigenen möglichst anzunähern, er lässt sie vielmehr in ihrem kulturgeographischen und historischen Eigenwert gelten, fasst sie als Herausforderung auf, der sich Europa zu stellen hat und hebt immer wieder vor allem die Züge hervor, welche die eigenen Errungenschaften, die vermeintliche europäische Überlegenheit relativiert. Im einzelnen ist Voltaires China-Bild konventionell, es gibt die üblichen Lob-Topoi, die sich ausser auf das Alter der chinesischen Kultur auf die Grösse des Reiches, auf die Vorbildlichkeit des Regierungssystems, auf die Erfindung der Seiden-, Papier- und Porzellanherstellung, des Buchdrucks und des Schiesspulvers beziehen. Es gibt aber auch durchaus kritische Anmerkungen, so den Topos von der Stagnation der chinesischen Kultur im allgemeinen, wofür Voltaire die angeblich auf einer primitiven Entwicklungsstufe verharrende chinesische Sprache und Schrift zum Beweis nimmt. Dann übt er Kritik an der im Vergleich zu Europa mangelhaft entwickelten Medizin, an der chinesischen Musik und Malerei. Verwundert ist er über den astrologischen Aberglauben und er stellt fest, dass die Chinesen, wenn sie auch in der Astronomie und Geometrie weit früher als die Europäer zu grundlegenden Erkenntnissen vorgestossen sind, unfähig seien, darüber hinauszugehen.
Voltaire leugnet nicht, dass alle Laster bei den Chinesen so gut existieren wie sonst in der Welt, nur, fügt er hinzu, dass man nicht das ganze China verdammen darf. Voltaires Urteil über den chinesischen Staat und die chinesische Kultur ist von einer unzweideutigen Sympathie geprägt. Wenn China eine Despotie ist, so ist es doch eine Despotie, die auf Tugend und Moral begründet ist, ein Land, das daher mit andern überhaupt nicht vergleichbar ist. Es ist aber nicht Tugendhaftigkeit an sich, die China regiert, sondern Tugendhaftigkeit als System, die Administration und Justiz. Es stört ihn keineswegs, dass im chinesischen Feudalismus die höchste richterliche Gewalt auch in den Händen des Kaisers lag, im Gegenteil : da der Kaiser nichts anderes sein kann als ein weiser Herrscher, der nicht allein das Gesetz verkörpert, sondern sich ihm zugleich unterwirft, ist jede Gefahr des Missbrauchs dieser Machtfülle gebannt.
Voltaire verwahrt sich dagegen, dass man die Chinesen Atheisten nennt. Ihre Religion kennt zwar keine Jenseitsvorstellung mit den Belohnungen und Strafandrohungen des christlichen Glaubens, aber das ist nur ein Beweis für ihre 'Antiquité', denn auch der Pentateuch weiss nichts vom ewigen Leben. Wenn man sie, wie die Dominikaner etwa, der Idolatrie bezichtigt, so beruht das auf einem gründlichen Missverständnis ihrer Riten, man verwechselt einen häuslichen Schrein, wie er im Mittelpunkt der Ahnenverehrung steht, mit einem Altar, der eine gewöhnliche Ehrenbezeigung ist. Nie aber ist die chinesische Religion durch 'Fabeln', das heisst durch Legenden und Wundergeschichten entehrt, nie auch durch Streitigkeiten und Kriege beschmutzt worden. Diese Religion ist ersichtlich in der 'religion des lettrés', nämlich im Konfuzianismus. In dem geschönten Bild, das Voltaire gibt, ist zugleich eine Apologie jenes religiösen Rationalismus zu erkennen, den er selbst vertritt und dem er den Namen 'Deismus' gegeben hat. Keine Gnade findet das buddhistische und taoistische China. Die Anhänger Laozis nennt er eine Sekte, die an böse Geister, Zauberpraktiken und religiöses Blendwerk glaubt. Konfuzius ist für ihn kein Prophet, sondern vielmehr ein Weiser, der mit der Moral Epiktets verglichen werden kann. Das konfuzianische China als utopisches Modell einer idealen Gesellschaft, Konfuzius gleichsam als mythische Vorwegnahme der europäischen Aufklärung in China und Voltaire selbst wiederum, der in das Portrait dieses Konfuzius auch seine eigenen Züge, sein eigenes Selbstverständnis heimlich eingezeichnet hat, zeigt, wie sehr sein China-Verständnis und Aufklärungspropagande miteinander verschmolzen gewesen sind.

1992
Fang Weigui : Voltaire erschliesst dem europäischen historischen Bewusstsein einen völlig neuen Aspekt des Raumes und der Zeit und springt damit endgültig jenen traditionellen Rahmen des mittelalterlichen, auf die Theologie gegründetes Geschichtsbild mit dem Mittelmeergebiet als Zentrum. Er hat ein wunderschönes Bild von China gezeichnet, ein Bild des aufgeklärten Despotismus, in dem die 'Religion einfach, weise, gerecht und frei' sei. Deismus, naürliche Moral, religiöse Duldsamkeit, aufgeklärter Absolutismus usw., die Voltaire in 'seinem China' sieht, weisen grosse Ähnlichkeit mit den China-Vorstellungen von Leibniz und Wolff auf, während Voltaire unverkennbar eine Zeitkritik hervorhebt. Voltaire, der Hauptvertreter der China-Begeisterung in Frankreich und der Bekämpfer der Kirche, schöpft seine Kenntnis aus den Schriften der Jesuitenmissionare. Er wertet die chinesische Kultur im Dienst der Kritik gegen die religiösen und kirchlichen Autoritäten. Für ihn gibt es nichts sinnwidrigeres, als die Bekehrungsversuche der Jesuiten.

1996
Andreas Pigulla : Voltaire ist radikal in der Ablehnung der Bibel als Ausgangspunkt für Historiographie. Aus der Bibel abgeleitete Ursprungsvorstellungen und Wanderungshypothesen sind für ihn 'conjectures forcées'. Von der Schwierigkeit, den historischen Prozess Chinas in seiner Bewegungsqualität zu beurteilen, fühlt sich Voltaire befreit. Er stellt fest, dass die chinesische Zivilisation, und dies ist sein Schlüssel zur Erfassung der fremden Geschichte, 'incontestable dans les choses générales' ist. Dies ist für ihn aber kein Grund zur Kritik, denn Veränderung erscheint ihm hier auch nicht mehr notwendig : die chinesische Zivilisation ist für ihn auf dem denkbar höchsten Niveau angelangt. Der für die spätere Chinarezeption zentrale Topos der Stagnation wird von Voltaire nicht benutzt, wenngleich er durchaus Hinweise auf Entwicklungshemmungen registriert. Er verzichtet darauf, die besonderen Eigenschaften, die er den Chinesen zuschreibt, zur Abgrenzung einer überlegenen europäischen Zivilisation zu funktionalisieren. Damit würde er seinem primären Anliegen, anhand der idealisierenden Beschreibung Chinas seine Vorstellungen von rationalistischer Staatsverfassung in Form eines aufgeklärten Absolutismus und Deismus zu präsentieren, zuwiderlaufen. Obwohl er die Völkergeschichten nach wie vor in einer von Ost nach West verlaufenden Abfolge darstellt, sieht er sich nicht mehr an die Raumvorstellung der 'Vier Weltreiche' gebunden. China, ausserhalb dieses Konzepts, relativiert im 'Essai' den ehemals einlinig verlaufenden Entwicklungsgedanken. Voltaires Ausgangspunkt bei der Beschreibung Chinas ist sein 'principe de la raison universelle'. Im Kulturvergleich mit Europa hebt er die für ihn besonders vernünftige Staatsform des chinesischen Kaiserreichs hervor. Ideal findet er an ihr, dass nicht wie in Europa ein religiöser Aberglaube vorherrsche, sondern eine Bildungselite nach moralischen Werten den Herrscher anleiten könne. Gerade aber die 'opinion' gesellschaftlicher Eliten ist nach Voltaires Verständnis Ursache geschichtlicher Entwicklung, die solange anzudauern hat, bis das Ideal der Herrschaftsform und Gesellschaftsordnung gefunden ist. China dient ihm in herausragender Weise als Folie zur Kritik an den politischen und gesellschaftlichen Verhältnissen in Europa. Von dieser Konstellation abweichende Interpretationen der ostasiatischen und europäischen Kultur werden von ihm mit scharfer Kritik überzogen. Voltaires Einfluss auf Weltgeschichtsschreibung, Geschichtsphilosophie, Kulturgeschichtsschreibung und Chinarezeption der Spätaufklärung ist ausserordentlich gross. Er reicht allerdings nicht so weit, dass auch seine Perpektivierungen und Wertungen übernommen werden.

2003
Lee Eun-jeung : Voltaire betrachtet China mit den Augen eines Historikers. Er ist nicht von einer willkürlichen Systematik befangen, wie es bei Rousseau und Montesquieu der Fall ist. Deshalb geht er auch unbefangen an die ihm zur Verfügung stehenden Materialien heran. Er lässt sie vielmehr in ihrem kulturgeographischen und historischen Eigenwert gelten. Er fasst die chinesische Kultur als Herausforderung auf, der sich Europa zu stellen habe. In seiner Korrespondenz und in der Thematisierung des Chinesischen in seinen Werken, macht Voltaire deutlich, dass er die auf Toleranz und philosophische Gelassenheit gegründete chinesisch-konfuzianische Moral der fanatischen Unduldsamkeit des Christentums für überlegen hält. Er hebt die 'Anciennität' und Überlegenheit der chinesischen Kultur im Vergleich zur jüdisch-christlich-europäischen Kultur mit Nachdruck hervor, betont die viel weiter als die abendländische Geschichtsschreibung zurückreichende historische Überlieferung und die technischen Errungenschaften, die man in China viel früher als in Europa gemacht hat. Voltaire leugnet keineswegs, dass es in China, wie in allen anderen Ländern auch, Laster jeglicher Art gebe. Seine Sympathie gilt vor allem der staatlichen Organisation und der chinesischen Religion. Im Mittelpunkt der ersteren steht Konfuzius, der Gründer dieses vortrefflichen Gelehrten- und Beamtenstaates und ein Weiser, dessen Moral 'so rein und streng und zugleich ebenso human, wie die des Epictet' sei. Das konfuzianische China ist für ihn das Modell einer idealen Gesellschaft und er benutzt es als Waffe in seinen antiklerikalen Attacken.

2003
Werner Lühmann : Voltaires Scharfsinn seiner Gedanken und die Prägnanz seiner in zahlreichen Schriften gedruckten Äusserungen zu Geschichte und Philosophie, zur Staatslehre und zu Fragen der praktischen Moral trugen ebenso wie sein persönlicher Einfluss auf die Grossen der Zeit nicht wenig zu einer neuen kritischeren Sicht vieler Bereiche des geistigen und kulturellen Lebens am Vorabend der Französischen Revolution bei. Hierbei unterzog Voltaire auch die hochgerühmte Sittenlehre der Konfuzianer einer zwar in mancherlei Hinsicht voreingenommenen, gleichwohl aber genauen und differenzierenden Prüfung, an deren Ende eine teils wohlwollende, teils aber auch kritische Neubewertung stand. Zunächst berichtet er detailliert über die verschiedensten Aspekte der wirtschaftlichen Lebens der Chinesen, erwähnt deren rasches Bevölkerungswachstum und die sich daraus ergebenden Probleme, um sich dann den Wissenschaften sowie der aus seiner Sicht staatstragenden konfuzianischen Morallehre zuzuwenden. Dabei gilt seine Bewunderung im besonderen dem Prinzip des Gehorsams auf der einen wie dem der Fürsorge auf der anderen Seite. Das Kapitel über die Religion beginnt Voltaire mit dem Hinweis auf die Gerechtigkeit als dem Hauptmerkmal der von Konfuzius begründeten Sittenlehre der Chinesen. Was dem Vertreter eines aufgeklärten Deismus indessen am meisten beeindruckt, ist die nach seiner Meinung in der konfuzianischen Lehre aufscheinende Vorstellung eines abstrakten Gottesbegriffs, womit zugleich dem Vorwurf begegnet werden könne, die Chinesen seien streng betrachtet eigentlich ein Volk von Atheisten. Ein durch die allgemeinen Naturgesetze begründete universelle Moral, deren vornehmste Ausprägung das Ideal der Gerechtigkeit ist, scheint nach Auffassung Voltaires in der konfuzianischen Staatslehre auf.
  • Document: Engemann, Walter. Voltaire und China : ein Beitrag zur Geschichte der Völkerkunde und zur Geschichte der Geschichtsschreibung sowie zu ihren gegenseitigen Beziehungen. (Leipzig : Universität Leipzig, 1932). Diss. Univ. Leipzig, 1932. S. 29, 38, 48-49, 51-63, 65-68, 70-75, 76-77. (Vol3, Publication)
  • Document: Aldridge, A. Owen. Voltaire and the cult of China. In : Tamkang review ; vol. 2-3 (1971-1972). S. 25, 30-31, 46. (Vol5, Publication)
  • Document: Etiemble, [René]. L'Europe chinoise. Vol. 1-2. (Paris : Gallimard, 1988-1989). (Bibliothèque des idées). S. 109, 245, 280, 294-295. (Eti6, Publication)
  • Document: Song, Shun-ching. Voltaire et la Chine. (Aix-en-Provence : Université de Provence, 1989). Diss. Univ. de Provence, 1987. S. 18, 21-22, 27-28, 32-35, 38, 40, 45, 49, 51-53, 57-58, 69-72, 90-92, 94, 96-97, 99-100, 102-107, . (Song, Publication)
  • Document: Berger, Willy Richard. China-Bild und China-Mode im Europa der Aufklärung. (Köln ; Wien : Böhlau, 1990). S. 66-67, 70-77. (Berg, Publication)
  • Document: Fang, Weigui. Das Chinabild in der deutschen Literatur, 1871-1933 : ein Beitrag zur komparatistischen Imagologie. (Frankfurt a.M. : P. Lang, 1992). (Europäische Hochschulschriften. Reihe 1. Deutsche Sprache und Literatur ; Bd. 1356). Diss. Technische Hochschule Aachen, 1992. S. 343-344. (FanW1, Publication)
  • Document: Pigulla, Andreas. China in der deutschen Weltgeschichtsschreibung vom 18. bis zum 20. Jahrhundert. (Wiesbaden : O. Harrassowitz, 1996). (Veröffentlichungen des Ostasien-Instituts der Ruhr-Universität Bochum ; Bd. 43). Diss. Univ. Bochum, 1995. S. 74-77. (Pig1, Publication)
  • Document: Lee, Eun-jeung. "Anti-Europa" : die Geschichte der Rezeption des Konfuzianismus und der konfuzianischen Gesellschaft seit der frühen Aufklärung : eine ideengeschichtliche Untersuchung unter besonderer Berücksichtigung der deutschen Entwicklung. (Münster : LIT Verlag, 2003). (Politica et ars ; Bd. 6). Habil. Univ. Halle-Wittenberg, 2003. S. 66-67. (LeeE1, Publication)
  • Document: Lühmann, Werner. Konfuzius : aufgeklärter Philosoph oder reaktionärer Moralapostel ? : der Bruch in der Konfuzius-Rezeption der deutschen Philosophie des ausgehenden 18. und beginnenden 19. Jahrhunderts. (Wiesbaden : Harrassowitz, 2003). [Confucius]. S. 109, 111-112. (Lüh1, Publication)
  • Person: Voltaire

Cited by (1)

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1 2007- Worldcat/OCLC Web / WC