# | Year | Text |
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1 | 1974 |
Barthes, Roland. Carnets du voyage en Chine [ID D21803]. [Kleine Auszüge].
Samedi 14 avril (Pékin). Beige vernissé des tuiles de la Cité. Que restera-t-il de Pékin ? Une brise, une lumière voilée, une tiédeur, ciel bleu léger, quelques flocons... Jardin. Pruniers japonais, magnolias en fleurs. Rocaille. Petites filles jouant à danser autour d'une double corde – variant les pas – au lieu de sauter mécaniquement. Petit pique-niques d'enfants en groupe. Pain, esquimau blanc, pomme. Désert de la Coquetterie... Dimanche (Pékin) : Imprimerie (Xinhua). Affiches manuscrites avec caricatures. Confucius et l'absurdité. Caricature du crâne de Confucius, hideux. A côté, une bulle avec très jolie mère et bébé (Lin Piao a dit que son père et sa mère lui avaient donné une tête bien faite). Autre image : l'avion de Lin Piao s'écrase. Doxa ressassée : Lin Piao et Confucius avaient le même point de vue... Maintenant : Oeuvres choisies Mao 40 millions, Drapeau rouge 100 millions. Mouvement d'études Marx Mao dans les larges masses des ouvriers de notre usine ; 80 groupes détudes en dehors des heures de travail. Contre Lin Piao. Rectification du style de travail. Tout le personnel se lance dans la Campagne. Au cours de la transition socialiste, la ligne politique est primordiale. On est en train de liquider les crimes de la clique Lin Piao. Vrai discours-sermon. Autre brique : « Il y a plus de 2000 ans, Confucius voulait revenir aux rites. Revenir aux rites, c'est restaurer le paradis perdu de la dynastie... » Tableau. Les avantages de la Révolution Culturelle. Petits objets (bicyclette, radio, vêtement, porc) avec la chute des prix. [Cette Imprimerie est très Révolution Culturelle]. Mais cela aussi par le biais anti Lin Piao, qui avait dit que c'était mieux avant... Lin Piao voulait séparer Mao du Marxisme parce que non chinois. Les ouvriers ont réagi : ils peuvent comprendre très facilement Marx-Lénine... Mao : la lutte de classes continue chaque jour en période socialiste. Lin Piao disait au contraire que la Révolution culturelle avait liquidé d'un seul coup les réactionnaires. Avion Pékin-Shanghai (13 h 15). 14 h 55. Shanghai. 14 degrés : gris et pas chaud, quelques gouttes de pluie. Plus chaud. Palmiers. Mimosas. Parfums. Lundi 15 avril : Shanghai. Vers le Chantier naval. Traversée d'un large quartier populaire. Charbonniers à tricycle, boulets fumants. Halte en auto avant de prendre le bac... Tonifiante traversée du Wang Pu. Odeur de Poisson. Grand radeau de bois. Immense voile brune gaufrée... Visite du Navire Fenguang... L'appartement du Capitaine. Photo de Mao à une tribune, fume-cigarette à la main. Toujours de belles calligraphies de Mao (Poèmes) au mur. Or sur rouge... Visite d'un cartier neuf résidentiel. San Qua Lung. Ruelle de la Libération. Soir : Cirque. 12 000 places. C'est le cirque de Pékin que j'ai vu à Paris avec je ne sais plus quel gigolo. Mardi 16 avril : (Shanghai). Hopital no 2. Jardins délicieux... Principes Mao : 1) d'abord prophylaxie. 2) Service aux Paysans, Soldats, Ouvriers. 3) Mouvement de masse dans l'hôpital. 4) Médecine européenne + médecine chinoise. 1) Prophylaxie, Maladies courantes et épidémiques. Equipes itinérantes. 2) Europe + Chine. 30 % des opérations sous acupuncture. 3) Recherche scientifique : surtout sur les maladies courantes. Exemples : bronchite chronique sénile, arthrose coronaire, cancer, cataracte. 4) Enseignement (niveau Faculté)... Conversation avec les médecins... Après-midi : En haut d'un building de dix-sept étages (Hôtel de Shanghai). Terrasse. Vue panoramique (très belle). Tout Shanghai, comme Cicago. Ville brune – et les klaxons en bas, ininterrompus. Maison du PCCC (14 h 30)... Visite d'une librairie... Mercredi 17 avril : Shanghai. Exposition industrielle permanente. Galliera... Après-midi. En bateau (sur le Wang Pu)... Soir 19 h Discussion. Présentation de l'Ecrivain. 1) Revues françaises traitant de 'philosophie' ? 2) Objet de la Recherche dans le domaine de la théorie philosophique ? 3) Influence de l'URSS et Révisionnisme sur la théorie philosophique ? 4) Controvers entre marxisme-léninisme et révisionnisme. 5) Travail de Tel Quel. 6) Seuil. 7) Lin Piao Confucius en France ?... Intervention de l'Ecrivain sur Confucianisme et Ecoles matérialistes et problème du Juste Milieu et Ultra Droitisme... Jeudi 18 avril : (Shanghai). Séance avec les Professeurs de Philosophie de Shanghai. 1) Controverse sur Confucius. 2) Lin Piao, et le parallèle avec Confucius ? 3) Questions sur l'enseignement. 4) Sciences Politiques, Histoire Révolution Chinoise, etc. 14 h 12 En train pour Nankin... Lentement, interminablement à travers les champs, les jardins tout proches. Le paysage est très monotone. 20 h. Arrivée à Nankin. Vendredi 19 avril : (Nankin). On nous amène au départ du Grand Pont... Visite du Zoo... Visite d'une exposition (dans le Parc) de dessins et écritures d'enfants... Après-midi Ecole Normale Supérieure de Nankin... Concert... Samedi 20 avil 74 : (Nankin). En auto au Mausolée de Sun Yat Sen... Tombeau de Ming... Au grand magasin populaire... Après-midi : Ecole primaire... Cinéma. Dimanche 21 avril : (Nankin). Nous partons pour la Commune Populaire (1 h 20 d'auto). Campagne plate, belle, très cultivée, très verte. Buffles, fleurs mauves pour féconder la terre (engrais), colza. Très peuplée... Avant la Libération, terres désertes ; conditions naturelles mauvaises : inondations et sécheresses. Rendement limité. Vie très misérable. Après la Libération, larges masses engagée dans voie organisationnelle et collective. 1950 : Réforme agraire. Groupes d'entraide. Coopératives. 1958 : Commune populaire. Forces productives libérées, niveau de vie du Peuple élevé. Révolution Culturelle : paysans pauvres, esprit d'entrain, mobilisés, mouvement de masse, prendre exemple sur brigade de production de Tatchai... Atelier à machines pour réparations. Une quinzaine d'ouvriers... Hôpital de la Commune (sorte de dispensaire très horrible)... Visite d'une maison... Lundi 22 avril (de Nankin à Luo Yang). Bonne nuit dans le wagon-lit... Petites gares très occidentales, pauvres et paisiblel... Le paysage n'est pas culturalisé (sauf la culture elle-même de la terre) : rien qui dise l'histoire. Luo Yang : 15 h. Exposition de Pivoines, fleur de l'endroit... Au fond du Parc à Pivoines, tombeaux des Han Ouest (2000 ans). Ville, lumière très paisible. Mardi 23 avril : (Luo Yang). 8 h. Nous partons en microbus pour les grottes de Long Men... Après la Libération, grottes sérieusement protégées... Nous marchons le long de la berge, toujours abondamment accompagnés. Tapissée de mille bouddhas incrustés dans le mur comme du papier à motifs... Après-midi : Usine de tracteurs... Questions (groupées) et discussion... Soir : Opéra local. Troupe du Henan... Les gens, visiblement, ne demandent qu'à rire ; grande réserve en eux de sensibilité, d'attention, de fraîcheur : ils attendent intensément le talen, la bonne Comédie ; il leur arrive un navet qui, visiblement, les laisse inemployés. Quel gâchis, quelle perte ! Le manque de talent est un crime contre la Révolution. Les actrices : gestes très codés (surtout en chantant)... Mercredi 24 avril (Luo-Yang). Visite d'une usine pour les travaux de mine... En train de Luo Yang à Sian... Jeudi 25 avril (Sian). Pagode de la grande Oie (Tang) 652 après J.C. ... Musée préhistorique... Sian est bien le centre exact de la Chine. Le Musée est bien fait, clair et didactique... Après-midi : Quarante-cinq minutes d'auto vers les Peintres Paysans. Ville interminable. Chez les Peintres Paysans... Avant Libération, vie misérable sous les Propriétaires fonciers. Après la Libération : s'activent à la voie collective... 12 000 peintures d'amateurs sur l'histoire de la commune, etc., 106 collections (recueils). Révolution Culturelle : 8 700 peintures pour critiquer ligne révisionniste Liu Shao Shi et Lin Piao, Pilin Pikong : le peintres paysans ont bien étudié le marxisme-Léninisme... Visite de l'Exposition... 1) réaliste, banal, scène instant prégnang. 2) Panoramiques plus naïfs, plus Douanier Rousseau, ou délires multiplicatifs... Vendredi 26 avril (Sian). Usine de textiles... Jardin d'enfants...Visite de familles (modèles)... Les parents doivent raconter et apprendre à leurs enfants les misères du passé... Après-midi : Source Thermale de Hua Tchin Tchen... Dehors : Petites pagodes kosques... Jardins... Dans la montagne, on voit le pavillon où Chang Kai Tchek a été arrêté... Au Tumulus de Qin Shi Huang Di, Empereur des Légalistes... Le premier empereur qui a unifié la Chine... Soir : Ballet 'La fille aux cheveux blancs' par troupe de la Province. Samedi 27 avril (Sian). Au Musée de la Province. Parapluies. Jardins. Pavillons. Kiosques, portiques genre Pagode. Histoire des cinq Dynasties. Grésil. Esclavagisme et Société féodale... Enfin dernières salles : Forêt de stèles. Grande collection de calligraphies sur pierre. Stèle portant mention de l'entrée des Nostoriens (VIe siècle, début des Tang). Eloges d'empereurs, histoires, biographies : la plupart confucianistes... Ce musée m'est d'un ennui mortel... Après-midi : Bureau administratif des Affaires de la VIIIe armée... Salon. Entrevue entre Responsables et Kuomintang. Photo de Chou En Lai moustache et barbichette (1935). A côté, Chambre à coucher de Chou En Lai. (Ses livres marxistes). Portrait de Sun Yat Sen. Autre salle : Bureau de l'Office et salle de réunion. Articles de Mao. Vieux téléphone. Portrait de Mao jeune, vareuse et casquette à étoile rouge... Halte à la Muraille... Pagode de la Petite Oie Sauvage... Arrivée à l'Opéra. On joue 'La montagne aux Azalées' : sorte d'opéra comique héroïque avec dialogues emphatiques, airs chantés et figures acrobatiques... Dimanche 28 avril (Sian-Pékin). Nous atterrissons à Pékin à 11 H 30... Shopping au Magasin Populaire... Soir : Match de Volley-Ball... Lundi 29 avril (Pékin). 9 h. Départ en microbus pour la Grande Muraille et les tombeaux des Ming... Premiers travaux : sous les Royaumes combattants, il y a 2500 ans ; d'abord : murs les uns contre les autres. Unification par Qin Shi Huang Di – 5000 km. Efficace à l'époque (contre les cavaliers). Forme actuelle : Ming... Treize tombeaux disséminés. Campagne plate et verte. Montagne au fond. Pommiers en fleurs... Visite du Tombeau du treizième Empereur, fin XVIe-début XVIIe siècle. Pins, Portiques, Kiosques-pagodes, Toits de pagode. Petits escaliers... Petit voyage dans la campagne en microbus. Autre tomeau (du troisième Empereur), celui-là non fouillé. Mais c'est très beau, peut-être l'espace le plus beau que nous ayons vu : Pagode, Pins, Palmiers, Courettes, portiques, etc. Bleu, rouge, vert... Mardi 30 avril (Pékin). A l'Institut des Minorités Nationales... Après-midi Shopping... Mercredi 1er mai (Pékin). Au Parc Sun Yat Sen... Au Parc des Travailleurs... Après-midi Au Parc des Nationalités... Au Palais d'été... Soir Spectacle de Sport... Jeudi 2 mai (Pékin). 9 h Séance d'information avec des représentants de Luxingshe... apprendre de nous, sur la France. I. Elections présidentielles ?... II. Mouvement populaire en France ?... III. Crise au sein du PCF... Après-midi Au Temple du Ciel. Dans un grand parc, plein de monde, de banderoles, de gens : c'est encore fête. Différents bâtiments, assez clinquants : remarquable par la marqueterie bleu-beige des toits... Shopping. Magasin de l'Amitié... Vendredi 3 mai Pékin. ...Université de Pékin... La professeur de lettres, Doyen de philosophie matérialiste et dialectique + Professeur de lettres + étudiant de philosophie + cadre Bureau Affaires administratives + id. Aperçu Université : 1898. Trois disciplines : sciences humaines + nature + langues étrangères... Après la Libération : grand développement... – Admission, recrutement des étudiants... – Changement de la structure de l'Enseignement... 11 h questions de fond (envoyée à l'avance)... Promenade en groupe dans le parc solitaire. Lac. Radar devant Pagode. Tombeau des Cendres (une partie) d'Edgar Snow « un American friend of the Chinese people, 1905-72 »... La Bibliothèque... Questions... Repas final offert par Luxingshe. Samedi 4 mai (Pékin). Réveillé à cinq heures pour le départ... Dans l'Avion... Bilan : trois admirations, deux résistances, une question. I 1. Satisfaction des besoins. 2. Brassage des couches. 3. Style, Ethique. II 1. Stéréotypes. 2. Moralité. III Lieu du Pouvoir. Sekundärliteratur Anne Herschberg : Les Français arrivent en Chine en pleine campagne contre Confucius et Lin Piao, qui entraîne à chaque étape du voyage des 'aperçus' idéologiques sur la situation politique, nourris d'une pharaséologie ritualisée. Les carnet de Barthes offrent une vision distanciée de ce parcours, attentive aux détails, aux couleurs, aux paysages, aux corps, aux menus événements du quotidien, qu'il commente avec humour. Les notations de choses vues, senties, entendues, alternent avec des remarques insérées entre crochets : réflexions, méditations, critiques ou phrases de sympathie, qui sont comme des apartés sur le monde alentour. |
2 | 1974 |
Sollers, Philippe. La Chine sans Confucius. In : Tel quel ; no 50 (Automne 1974).
http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=932#section3. Toute la question de ce qui se passe désormais en Chine est celle de l'approfondissement dans les masses de la campagne contre Lin Piao et Confucius. Quand j'étais à Pékin, en Mai, je m'étais étonné de ne pas voir dans les rues la campagne d'affiches que l'on pouvait voir très largement à Nankin, par exemple. Résistances du comité municipal ? Tactique consistant à roder le mouvement en province ? De toute façon, il était à peu près évident que l'on était arrivé à un palier, un tournant. Soit la campagne piétinait de manière quelque peu « théoriciste », soit elle se concrétisait ouvertement dans une lutte entre les deux lignes, attaquant directement, et à tous les échelons, les responsables de la « temporisation » par rapport à la révolution culturelle. Il ne faut pas oublier en effet, que la campagne contre Lin Piao et Confucius se donne avant tout comme un approfondissement de la révolution culturelle qui aurait été déviée de ses véritables objectifs par Lin Piao, et plus encore, peut-être, que par Lin Piao (c'est à mon avis le sens de la référence à Confucius), par tout le poids culturel de la métaphysique chinoise. Au fond, Mao et le parti chinois sont en train de donner à la révolution culturelle une ampleur beaucoup plus ambitieuse que l'on n'a cru . Et, alors que la révolution culturelle a été une rupture « à chaud », si l'on peut dire, où Mao a précipité l'attaque pour la reprise du pouvoir par le prolétariat, on assiste maintenant à la mise en place d'un procès semble-t-il soigneusement préparé. J'en relèverai quelques points qui me semblent fondamentaux : 1) La campagne actuelle a été annoncée par une offensive théorique, dès 1971, insistant sur la nécessité d'étudier l'histoire, la dialectique, et de critiquer l'idéalisme sous toutes ses formes, notamment sous celle de la théorie du « génie » : rectification de la tendance à faire des dirigeants prolétariens des « super-puissances » intellectuelles, et à couper, par exemple, la pensée-maotsétoung de son contexte historique et théorique, c'est-à-dire du mouvement révolutionnaire international et, tout simplement, du marxisme. Autrement dit : réfutation de l'absurdité comme quoi on pourrait être « maoïste » et non-marxiste. 2) Le point central du débat actuel est celui de la dictature du prolétariat : bien évidemment, c'est le point qui touche au plus près les révisionnistes. Partout sont lus, étudiés, commentés la Critique du Programme de Gotha, et l'État et la Révolution. Et, là, on comprend mieux l'enjeu du problème : ou bien, l'État se renforce pour devenir un pouvoir « personnel » (Lin Piao) et aboutir un jour à un « État de tout le peuple » qui, en fait, ne cache que l'accession d'une nouvelle bourgeoisie au pouvoir ; ou bien ce qui est renforcé, c'est la dictature du prolétariat mais (et ce mais a une immense portée) dans la perspective de l'extinction de l’État , à ne jamais oublier une seconde (sans quoi la lutte de classes est privée de son contenu le plus profond). 3) Il s'agit d'une rupture accentuée avec le révisionnisme : pas de « réconciliation » qui « suivrait » la révolution culturelle. Les Chinois disent : la révolution culturelle a balayé une couche révisionniste (Liu Shao-shi et Cie), mais une autre couche (une autre vague) est montée à la rescousse du révisionnisme (en emphatisant, en idéalisant, en « utopisant » la révolution chinoise). Cette seconde couche (puissante probablement dans l'armée et ayant tendance à « militariser » l'idéologie, à la catéchiser, à la transformer en culte) est en fait elle aussi révisionniste. Les « linpiaoistes » se sont donnés comme « d'extrême-gauche » mais en réalité ils étaient de droite, voire d'extrême-droite, à cause de leur conception métaphysique (ici, nous dirions : religieuse) du marxisme. Cet aspect de la question me paraît important : d'abord parce que pour la première fois le parti chinois reconnaît qu'un danger fasciste peut se développer sur le terrain même de la révolution, ensuite parce que ce danger est lié à la fusion qui peut s'opérer entre une certaine vision idéaliste du marxisme et l'archaïsme religieux. Pensons simplement ici, par exemple, ce qui se produirait si on substituait à la conception matérialiste et révolutionnaire du marxisme, une sorte de méli-mélo chrétien sur le terrain même des masses. Qui peut dire que nous ne courons pas ce danger ? Peut-on être « maoïste » et chrétien par exemple ? Bien sûr que non. Voilà pourquoi, précisément , la campagne actuelle des Chinois contre Confucius ne peut, ici même, que rencontrer de violentes résistances. 4) La campagne actuelle développe ce que j'appellerai une critique sur deux « longueurs d'ondes ». D'une part , l'histoire de la Chine depuis qu'il y a une histoire en Chine (pour combattre l'idéalisme historique et permettre au peuple d'étudier sa propre histoire au niveau spécifique du fait qu'il est chinois ) ; d'autre part, l'histoire du parti communiste chinois et de la révolution chinoise réévaluée maintenant depuis le début. A Shanghai, au siège de la fondation du parti communiste chinois, j'ai pu entendre ainsi un responsable faire un exposé extrêmement complet sur les « dix grandes luttes » à l'intérieur du parti. Le fond de cet exposé était d'une part les difficultés de la révolution chinoise avec Staline et la IIIe Internationale, d'autre part la lutte contre le révisionnisme. On ne peut rien dire de fondé sur la révolution chinoise si l'on ne considère pas que les Chinois eux-mêmes se considèrent comme ayant une position singulière depuis cinquante ans et qu'ils sont bien décidés à le développer jusqu'au bout dans l'avenir, et cela dans l'intérêt général des peuples. 5) La concrétisation sociale de ce projet consiste bien entendu à empêcher les rapports de production de se « capitaliser » surtout à travers la séparation entre travailleurs et cadres (travail manuel et travail intellectuel). Il semble bien qu'un assez fort courant « économiste » s'est manifesté dans les dernières années et c'est lui, sans doute, qui va être combattu en premier, de plus en plus nettement. Mais le mouvement touche aussi deux secteurs fondamentaux : les femmes qui apparaissent désormais comme une force déterminante de la révolution (impossible de ne pas être frappé en Chine par leur présence, l'énergie encore à libérer qu'elles représentent) et l'enseignement (les universités sont de nouveau appelées à fonctionner « à portes ouvertes », c'est-à-dire non coupées de la société : d'où enquêtes, fluidité de la sélection, etc.). Les Chinois, cependant, ne cessent d'insister sur le fait que tout ceci ne peut se faire qu'en formant de plus en plus des « contingents de théoriciens marxistes ». C'est un trait fondamental de l'approfondissement de la révolution culturelle qui reste, bien entendu, incompréhensible et opaque pour les révisionnistes. 6) Enfin, il s'agit d'une offensive sur le terrain des « images » que l'on se fait, dans le monde et en Chine, de la Chine elle-même. Sur ce point, je pense que les conséquences du mouvement actuel seront très profondes. Elles désorientent déjà tous ceux qui avaient gardé l'habitude de considérer la Chine comme une sorte de « colonie culturelle », se sentant en droit de lui donner des conseils sur la manière de traiter son propre passé (au nom de la culture « universelle ») et son présent (au nom du marxisme « sérieux », « responsable »). Ce courant idéologique quant à la Chine, d'essence bourgeoise (idéaliste et métaphysique), est en fait représenté maintenant par l'URSS. Beaucoup d'intellectuels occidentaux, même sans le savoir, adoptent la même attitude. En gros, elle consiste à savoir ce que les Chinois devraient dire ou faire, et à le savoir à leur place. Prétention légèrement comique par rapport à une expérience et à un pays dont seules les années à venir diront les transformations qu'ils apportent pour l'humanité entière. Pour ma part, je dirai que la vision du monde religieuse et idéaliste qui a toujours été celle de tous les exploiteurs a un seul ennemi sérieux actuellement : la Chine. Si les exploiteurs ne s'y trompent pas, c’est normal. Mais que les révolutionnaires s'en rendent compte, là est la question essentielle. |
3 | 1974 |
Sollers, Philippe. Mao contre Confucius. In : Tel quel ; no 50 (Automne 1974). In : Le Monde ; 14 juillet (1974).
http://www.pileface.com/sollers/article.php3?id_article=932#section3 « Le matin de bonne heure et le soir, je travaillais à la ferme. Dans la journée, je lisais les Entretiens de Confucius et les Quatre Classiques. Mon maître de chinois appartenait à l'école du traitement rigide. Il était dur et sévère, et battait souvent ses élèves. A cause de cela, je m'enfuis de l'école quand j'avais dix ans. » Voilà ce que racontait Mao Tsé-toung à Edgar Snow, il y a de cela presque quarante ans. A un autre endroit d'Etoile rouge sur la Chine, Snow note : « Mao est un grand amateur de philosophie. Une fois, pendant que j'avais avec lui des entretiens nocturnes sur l'histoire du communisme, un visiteur lui apporta plusieurs ouvrages nouveaux de philosophie et Mao me pria d'ajourner nos rendez-vous. Il dévora ces livres en trois ou quatre nuits de lecture intensive au cours desquelles il sembla oublier tout le reste. Il n'avait pas limité ses lectures aux philosophes marxistes, mais était au courant des Grecs anciens, de Spinoza, de Kant, de Goethe, de Hegel, de Rousseau et d'autres. » Je me demande souvent si de tels propos ont été lus en Occident. Un des moments émouvants de mon voyage en Chine populaire a été celui, dans le parc de l'Université de Pékin, où les Chinois m'ont conduit devant un petit tertre planté d'une stèle : « Edgar Snow, un ami du peuple chinois. » Une partie des restes de cet Américain qui choisit un jour de s'intéresser à l'autre côté de la planète est déposée là. Snow, cela veut dire neige. Et l'un des poèmes de Mao les plus reproduits partout s'appelle ainsi. Rapprochement gratuit ? Peut-être. Mais je voudrais dire tout de suite que proposer d'aborder la Chine sans sa dimension « poétique » me paraît d'une gratuité plus grande encore. La dimension de la révolution et de la culture chinoise n'est pas celle de la technocratie. Quand Mao trace rapidement au pinceau les vers suivants : et quand, ces vers, on les trouve reproduits à des milliers et des milliers d’exemplaires, de même qu'ici une publicité, il vaut mieux tout simplement accepter de les voir. Ces poèmes ne sont pas une décoration, comme trop d'Occidentaux ont tendance à le penser. Ils ont une triple portée : émotive-historique, graphique, politique. Des poèmes, d'ailleurs, et de n'importe qui , il y en a partout. Dans les écoles, les communes populaires, les usines, les bateaux en construction. A l'encre et au pinceau sur papier, au stylo sur des feuilles de cahier, à la craie blanche, jaune, rouge, violette sur des tableaux noirs. Art direct, souvent naïf, et impermanent. Demain, il y en aura d'autres. La Chine est aussi un immense atelier d'expression que les visiteurs occidentaux, ne sachant pas la langue, manquant de curiosité pour son fonctionnement écrit, auront tendance à trouver opaque. On dirait que les Chinois communiquent de biais, au-dessous d'une ligne de flottaison invisible. Le lyrisme chinois n'est pas notre romantisme oral, éloquent, subjectif, narcissique, mais un dynamisme du geste, de la transformation. Cela ne comporte-t-il pas un accent utopique ? Voilà justement ce qui n'arrête pas de préoccuper les Soviétiques comme les partis communistes occidentaux pour lesquels le marxisme doit être avant tout « scientifique » au sens d'un scientisme sans conséquences subversives. Et, bizarrement, les mêmes qui trouveront sublimes les interprétations « spirituelles » de Mai 68 ou de la grève ouvrière de Lip exigeront qu'on refuse toute couleur à la Chine. Il est vrai que les Chinois ne sont pas, n'ont jamais été, chrétiens. J'y insiste parce qu'au fond, j'ai pu souvent le vérifier, la plupart des difficultés à aborder la Chine de l'intérieur viennent de là. De l'universalisme conscient ou inconscient que nous croyons en nous, que nous transportons avec nous comme un écran qui détermine d'avance notre perception, nos analyses. C'est d'ailleurs pourquoi les Occidentaux peuvent avoir deux attitudes à l'égard de la Chine : soit se « projeter » sur elle, penser que les Chinois sont engagés dans une révolution mystique ; soit, quand le réel leur donne un démenti, la rejeter. Le démenti, en ce moment, s'appelle Confucius. La lutte contre Confucius est un appel à renverser toutes les interprétations idéalistes de la révolution chinoise. Mais loin d'être, en conséquence, un encouragement à une attitude « économiste » (du genre : « revenons aux choses sérieuses, la révolution culturelle est finie, occupons-nous de la production »), c'est au contraire une incitation à aller plus loin, plus profond, à la fois dans le passé et dans l'avenir. Les communistes chinois reprochent à Lin Piao (outre sa tentative de coup d'État militaire s'appuyant sur l'URSS) d'avoir simplifié, durci, exagéré, caricaturé, et finalement détourné la révolution culturelle de son but. Ce but : lier dialectiquement la Chine nouvelle et la connaissance de la vieille Chine, la Chine et le monde. Ne pas critiquer Confucius, ce serait continuer (fût-ce inconsciemment) Confucius. Mais critiquer Confucius, ce n'est pas mettre à la place un rationalisme mieux adapté aux conditions d'un pays en voie de développement : c'est proposer, encore et toujours, l'esprit de critique, de révolte. Le conflit et le mouvement contre le " juste milieu ", la " bienveillance ", la " modération " ritualiste, bref contre une certaine économie hypocrite du discours. Confucius, ou l'anti-poète. Lin Piao, en un sens, proposait une « confucianisation » de Mao. Ce dernier se serait retrouvé à l'origine d’un culte dont il aurait suffi, par la suite, de nommer périodiquement les prêtres. Un des arguments qui revient le plus souvent contre Lin est qu'il pensait la prise du pouvoir comme une affaire de famille : lui, sa femme, son fils... Le mao-confucianisme de Lin aurait signifié alors une mort institutionalisée du marxisme. Il y aurait eu les temples (les appareils d'État) et le clergé (les mandarins du parti et de l'armée). Et, une fois de plus, le peuple et l'esprit de secousse (par où le nouveau surgit), après avoir été enterrés dans la routine révisionniste (Liu Shao-shi), l'auraient été dans le mythe. Que le marxisme puisse fonctionner comme un dogme vidé de son contenu, comme une nouvelle forme de conformisme faisant le contraire de qu'il dit, c'est désormais l'expérience historique. Mao tente de l'empêcher. Les Chinois réussiront-ils ? Critiquez Confucius, disent-ils. C'est-à-dire, bel et bien : critiquez ce qui reste en vous de vos pères, de vos mères, et des pères de vos pères, et des mères de vos mères. Critiquez le fait que vous soyez, que vous le vouliez ou non, en état d'héritage inconscient sur ce point. « Le poids des générations passées pèse très lourd sur le cerveau des vivants » : c'est aussi cela, l'injonction de Marx. Les Chinois doivent à la fois se libérer d'une idéologie hégémonique depuis plus de deux mille ans (le confucianisme), du patriarcat qu'elle suppose (le fils doit obéir au père, la femme au mari), et de la « paternité » soviétique qui a vu l'immense « enfant » du socialisme non seulement lui échapper, grandir, se redéfinir mais encore, sur des points fondamentaux, mieux comprendre et réinventer le marxisme. Certains disent, ou pensent : non, on ne peut pas échapper au « père ». Les Chinois n'y arriveront pas. Au fond, ils ne font qu'exprimer un désir : celui que leur croyance fondamentale ne soit pas mise en cause, qu'elle ne soit pas, comme tout ce que l'humanité a pensé (et pensera), « relativisée ». Mais alors, il ne faut plus parler de révolution : la révolution doit tout mettre en cause, et l'obstination de Mao, depuis les grottes de Yenan, jusqu'au défi lancé à Confucius, c'est l'histoire de cette capacité mobile, étrange, de remise en question. Les communistes chinois proposent au peuple de réévaluer l'ensemble de la culture chinoise. Un Chinois m'a dit : « La campagne actuelle est passionnante. Elle m'apprend quelque chose tous les jours. Sans elle, je n'aurais jamais appris en aussi peu de temps autant de choses sur l'histoire de la Chine. » La controverse sur la fonction idéologique et politique des écoles confucéenne et légaliste fait surgir un continent enfoui, elle repose le problème (si important pour les marxistes et tellement discuté) du « mode de production asiatique », du passage de l’esclavagisme au féodalisme. Il ne faut pas oublier que les Chinois n’ont connu qu'une révolution bourgeoise superficielle, passagère, et que les vieilles idées et les vieilles coutumes viennent de ce fond féodal exploité par l'impérialisme et le colonialisme, avant d'avoir essayé de l'être par le social-impérialisme. Le souci constant des Chinois est bien celui-là : ne pas redevenir une « semi-colonie », pas plus du monde capitaliste que des Soviétiques. Ne pas régresser vers l'état colonial, donc développer une interprétation propre, spécifique, à la fois du passé et de l'avenir. Mais ne pas devenir non plus une « superpuissance ». Quand j'étais en Chine, la déclaration qui retenait le plus l'attention était celle de Teng Hsiao-ping à l'ONU. A-t-on jamais vu un pays, un gouvernement faire la déclaration suivante : si nous nous écartons de notre ligne et de nos principes, alors il faudra nous attaquer, il faudra que les peuples du monde et le peuple chinois s'unissent pour renverser une Chine qui serait redevenue capitaliste, qui ne poursuivrait pas la révolution ? A-t-on jamais fait preuve d'une telle audace (et d’un tel manque de nationalisme) ? Là, précisément, est toute la dialectique chinoise. Le culte d'un soi-disant « génie » de Mao pourrait faire oublier qu'il s’agit de relire De la pratique, De la contradiction, De la juste solution des contradictions au sein du peuple, c'est-à-dire la mise en forme la plus dialectique, jamais connue d'une expérience historique. Quand on dit que les Chinois étudient le marxisme, il ne faut pas effacer le fait qu'ils le font depuis Mao, à savoir depuis une pensée dont les souplesses, les subtilités n'ont sans doute pas même fini de nous étonner. Pour aborder la Chine, nous sommes nous-mêmes pris dans une contradiction : soit les spécialistes de la Chine « éternelle » (les sinologues) qui ont décidé une fois pour toutes qu'il s'agissait d'une culture morte (comme l'Égypte ancienne) alors que, vivante, elle irrigue tous les actes, toutes les pensées des Chinois ; soit les marxistes qui n'ont jamais entendu parler de la culture chinoise et, d'ailleurs, ne s'y intéressent pas : « marxisme » idéaliste. Or c'est la conjonction d'une culture millénaire vivante et d'une théorie et d'une pratique révolutionnaire qui est justement passionnante. Conjonction qui fait jouer des milliers d'années d'une autre façon. Je pense à cet atelier de calligraphie de Nankin où un Chinois a tracé devant moi les idéogrammes d'un poème. Une autre façon d'être dans l'espace, dans le geste, la langue, le sens. Jamais un universitaire occidental ne comprendra facilement cette manière de s'impliquer immédiatement dans les signes, de s'y faire, comme la conscience révolutionnaire se fait, peu à peu, par la montée à la surface des affiches de discussion, de contestation. Contre la rhétorique, il y a cette action sous-jacente, faisant levier. Une autre politique. Mai 68 en France, les luttes ouvrières, retrouvent spontanément ce type de protestation écrite . Est-ce tout à fait un hasard ? Que le peuple écrive : on sent la force de cette arme. Un atelier constellé d'écriture, c'est déjà autre chose qu'un atelier. Sans cesse, j'ai été frappé par cela en Chine : la capacité d'agir le présent et de réinterpréter le passé. Les femmes qui parlaient dans les musées (là encore, est-ce un hasard si les opéras ont pour personnages principaux des femmes, si ce sont des femmes qui sont le plus souvent chargées de s'occuper de la mémoire culturelle ?) le faisaient avec une précision et une profondeur très supérieures à ce que nous pouvons entendre ici. Je pense surtout à cette femme travaillant sur un site préhistorique, exposant le travail des fouilles, la disposition des tombes, les enseignements que l'on peut en tirer sur l'existence de la commune primitive et du matriarcat. Car la Chine, c'est aussi cela : une ampleur, déposée partout, sur l'ensemble de l'évolution. Quelle surprise de pouvoir parler en détail de l'Origine de la propriété privée, de la famille et de l'État avec un révolutionnaire devant des objets funéraires vieux de six mille ans, dans un pays socialiste, à l'air libre. Le vieil Engels, à la fin du XIXe siècle, aurait-il pu imaginer ça ? |
4 | 1974 |
Pleynet, Marcelin. En Chine. In : Tel quel ; no 59 (1974).
« Ce voyage s'est effectué pour moi sur la base d'une expérience et d'une pratique de la langue poétique moderne, et des conséquences que doit entraîner ce type de pratique. Je considère logiquement (biographiquement) ce voyage comme une conséquence d'un certain type de pratique de l'écriture d'avant-garde, dont je dois dire qu'elle n'a jamais été arrêtée mais qu'elle a été tout au contraire entraînée dans le déploiement massif des luttes qui mènent, pour son indépendance et pour sa liberté, le peuple chinois à l'assaut du ciel. Je pense que ce discours sur la Chine est aussi à tenir, et même qu’il fait jusqu'à présent énormément défaut. Mais saura-t-il répondre de ce qui unit ce travail sur la langue à l’économie, à la politique, à l'idéologie, à la révolution socialiste ? ».Question qui restera... sans réponse... ou, plutôt, qui ne se posera plus dans les mêmes termes une fois constatée, quelques années plus tard, l'échec, en Chine même, de l'illusion "maoïste" (l'échec de la révolution ?), puis l'impasse de l'illusion "avant-gardiste". Sans doute est-ce la raison pour laquelle Le Voyage en Chine, publié en 1980 (P.O.L.), ne reprendra pas la problématique, encore "bornée", "limitée" par l'horizon "marxiste-léniniste", de ce texte de 1974, intitulé « Pourquoi la Chine populaire ». |
5 | 1974 |
Wahl, François. La Chine sans utopie. In : Le monde ; 15-16, 18-19 juin 1974.
Er schreibt : "La critique explicite, nominale, de Lin Piao – à quoi s'associe sans exception la critique de Confucius, - il est impossible de loin, malgré ce qu'on a pu en lire, d'en mesurer l'insistance, l'omniprésence et l'ampleur. Pas de jour, pas d'heure sans son pi Lin pi Kong... En ce qui concerne Confucius, les choses sont très claires : la campagne prend appui non pas banalement sur ce qu'il serait réactionnaire de rester aujourd'hui encore confucéen, mais bien sur ceci, que l'histoire 'classique' (confucéenne) avait foulé et qui semble en effet indiscutable : que Confucius était réactionnaire déjà en son temps... Confucius, donc, dès le début, c'est le retour au passé et l'opposition à la montée d'une classe (féodale) qui était progressiste en son temps. La campagne pi King insiste, en contrepartie, sur l'action de l'école dees légistes, adversaire acharné des Confucéens... et expression de la féodalité montante. La loi substituée à la coutume, la loi écrite, et donc valable pour les 'esclaves' comme pour les maîtres : el était l'enjeu... Pourquoi ce détour par Confucius pour citiquer Lin Piao ? Comment celui qui fut, pendant la révolution culturelle, le plus proche compagnon d'armes de Mao – un combattant dont on a des raisons de soupçonner que, s'il eut des complicités, ce fut bien plutôt du côté de l'ultra-gauche.... Parmi les critiques – cette fois doctrinales – après coup formulées contre Lin Piao, il en est dont l'impact révolutionnaire est indiscutable et qui font faire à la pratique politique chinoise un grand pas en avant..." "[La Chine] se précipite vers une occidentalisation dont le marxisme soviétique aura été l'instrument et continue - malgré tout,- de fixer la structure. Une économie développée sur le modèle international ( même si les étapes sont différentes). Belle lucidité et anticipation, vue de notre tour d'observation de 2008. (pileface)], un système soviétique améliore (plus égalitaire) mais dont on ne peut assurer qu'il soit beaucoup plus démocratique, la révolution portée dans l'idéologie mais une table rase culturelle : les risques sont très lourds... Ce qui serait le pire pour le marxisme, c'est que l'alternative chinoise à l'URSS aboutisse au même type d'échec." François Hourmant : François Wahl laisse entendre une voix radicalement différente que Tel quel, celle de la désillusion. Le riposte de Tel quel intervient presque aussitôt. Cinq pages très denses émanant de la rédaction constituent la réponse critique à ses propos. Marcelin Pleynet évoque cette 'dissidence' : "Ce voyage en Chine a donné lieu à une vague d'interprétations informatives avec lesquelles, tout autant au simple niveau de la véracité de l'information que pour des raisons critiques de fondements conceptuels, d'analyse de position subjective, voire d'analyse de fondement subjectif des positions conceptuelles, je suis en complet désaccord." Eric Hayot : Wahl's sense that the positive difference of China has been subsumed by a Soviet model (of thinking, of living, of Marxism, of culture) appears over and over in 'La Chine sans utopie'. |
6 | 1974 |
Kristeva, Julia. Des chinoises [ID D24171]. [Auszüge zur Reise in China 1974].
Quellen : Chen-Andro, Chantal. Les poèmes ci de Li Qing-chao [ID D24176]. Documents of the women's movement of China. (Peking : New China Women's Press, 1950). Family and kinship in Chinese society [ID D10782]. Granet, Marcel. La civilisation chinoise [ID D3234] Granet, Marcel. Les catégories matrimoniales et relations de proximité dans la Chine ancienne [ID D3434]. Gulik, Robert van. La vie sexuelle dans la Chine ancienne [ID D7790]. Hsu, Francis L.K. Under the ancestors' shadow [ID D24175]. Hu, Chi-hsi. Mao, la révolution et la question sexuelle. In : Revue française de sciences politiques ; févr. (1973). Lang, Olga. Chinese family and society [ID D24174]. Longobardo, Niccolò. Traité sur quelques points de la religion des Chinois [ID D1792]. Mao, Tse-tung. Textes [ID D14925]. Mao Tse-tung unrehearsed : talks and letters, 1956-71 [ID D14928]. Margouliès, G[eorges]. Le Kou-wen chinois [ID D7073]. Maspero, Henri. Le taoïsme et les religions chinoises [ID D3861]. Meijer, M.J. Mariage law and policy in the Chinese People's Republic. (Hong Kong : Hong Kong University Press, 1971). Niida, Nobory. Law of slave and self : research in the history of Chinese law ; vol. 3. (Tokyo 1962). Schram, Stuart R. Documents sur la théorie de la "révolution permanente" en Chine [ID D14929]. Smedley, Agnes. The battle of hymn of China [ID D24204]. Snow, Edgar. Snow, Edgar. Red star over China [ID D8820]. Snow, Helen Foster. Women in modern China [ID D24177]. Tao tö king : le livre de la voie et de la vertu [ID D8008]. Women in China. Ed. by Marilyn B. Young [ID D24178]. Yü, Siao [Yu, Xiao]. Mao Tse-tung and I were beggars. (Syracuse, N.Y. : Syracuse University, 1959). « Ces notes ne sont pas un livre. Tout juste forment-elles un carnet d'informations et d'interrogations suscitées par le voyage que j'ai pu faire en République populaire de Chine en avril-mai 1974. On les lira surtout par rapport au bouleversement qu'impose à notre propre société le surgissement de ce continent noir, dont le désir et le silence assurent la cohésion : les femmes. Face aux Chinoises, c'est à partir de ce bouleversement que les notes ici présentées essaient de s'écrire. C'est pour cela même, qu'à la hâte, elles ont été écrites. » De ce côté-ci 1. Qui parle ? ... A quarante kilomètres de l'ancienne capitale chinoise Xi'an – première capitale de la Chine unifiée par l'empereur Qin Shi Huangdi au IIe siècle avant notre ère, grande capitale des Tang (618-906) – se trouve le village Huxian, chef-lieu d'une région agricole. Nous y arrivons en voiture par une route chaude, ensoleillée, parcourue de paysans à gros chapeaux en bambou, d'enfants autonomes volant dans des jeux silencieux, d'un corbillard tiré par des hommes tandis que d'autres, en deux rangées sur les côtés, le cernent de perches parallèles portées sur leurs épaules. Tout le village est sur la place où nous devons visiter, dans un des bâtiments en bordure, l'exposition des peintres paysans... Je pense qu'une des fonctions, sinon la fonction la plus importante, de la Révolution chinoise aujourd'hui est de faire passer cette brèche dans nos coneptions universalistes de l'Homme ou de l'Histoire. Ce n'est pas la peine d'aller en Chine pour fermer les yeux devant cette brèche... Ecrire 'pour' ou 'contre' : vieux jeu du militant engagé en situation... Je vais relever ici un seul aspect de ce qui creuse l'abîme entre nous et les regards de Huxian : les femmes chinoises, la famille chinoise, leur tradition et leur révolution actuelle. Ce choix, pour deux raisons. D'abord, parce que les recherches des spécialistes, mes impressions du voyage et les développements les plus récents de la Révolution culturelle prouvent que, dans l'histoire ancienne mais aussi tout au long du socialisme chinois et jusqu'à nos jours, le rôle des femmes et par conséquent la fonction de la famille ont, en Chine, und spécificité que le monothéisme occidental ne connaît pas... 2. La guerre des sexes. 3. Vierge du verbe. 4. Sans temps. 5. Moi qui veux ne pas être. Femmes de Chine 1. La mère au centre. Une filiation utérine, matrilinéaire, et matrilocale ? La génitalité – principe organisateur de l'univers archaïque. Traces dans les coutumes paysannes : Marcel Granet. Les couples royaus. Leibniz sur le Dieu des Chinois. L'écriture idéogrammatique : marque d'un despote ou d'une mère archaïque ? La combinatoire dramatique contre le principe de la raison sussifante. Une commune primitive d'il y a six mille ans, visitée à Panpo. Les femmes, l'érotisme et les vieux traités sexuels. J'ai visité, près de Xi'an, le musée pré-historique de Panpo. Les fouilles, commencées en 1953, ont découvert un village que les archéologues chinois modernes considèrent comme ayant eu l'organisation sociale de la commune primitive et du matriarcat, avant l'apparition du patriarcat, de la propriété privée et des classes... Sur un territoire de cinquante mille mètres carrés dont seulement un cinquième est exploré et présenté dans le musée s'étalent les ruines d'un village de six mille ans avant notr ère. Trois parties apparaissent sur ce sol blanchi par le calcaire et le temps qui livre devant mes yeux une vie lointaine, celle même que Mme Chang Shufang essaie d'expliquer à l'aide d'Engels... « Ce sont les femmes qui ramassaient les plantes sauvages ; en les cultivant autour des maisons, elles ont inventé l'agriculture, ce qi leur a permis de jouer un rôle social de premier plan, y compris en politique. Les hommes se consacraient à la chasse et à la pêche, et ensuite à l'élevage. »... Est-ce un écho de ce rôle central de la mère génitrice dans la famille archaïque, qu'on entend jusque dans les traités secuels et les rites érotiques de la Chine féodale ? Ce qui est sûr, c'est que les les 'manuels' sur 'l'Art de la chambre à coucher' qui remontent au début de notre ère, instituent la femme non seulement comme initiatrice principale aux arts érotiques puisqu'elle en sait la technique de même que le sens secret (alchimique) et les bienfaits pour le corps (la longévité), mais aussi comme celle qui a le droit incontestable à la jouissance... On a souvent insisté sur l'influence de la vie et de la théorie sexuelles chinoises sur la constitution de la mystique sexuelle bouddhiste et tantriste. Il reste, pourtant, une différence essentielle entre l'univers chinois et l'univers bouddhiste sur ce plan : les deux (sexes) s'harmonisent mais généralement ne fusionnent pas en Chine, la dyade alchimiste-érotique du taoïsme n'est pas un androgyne, jamais l'un n'absorbe l'autre au point d'en rendre superflue l'existence comme le dit le tantra « Qu'ai-je besoin d'une autre femme ? J’ai en moi-même une Femme Intérieurs ». Le taoïsme nourrit cette conception de la vie secuelle qui sous-tend la société chinoise et reste, permanente, dans l'ombre des foyers, y compris lorsque le confucianisme règne en maître absolu sur la scène politique depuis les Song au moins (XIe siècle)... 2. Confucius – un « mangeur de femmes ». Filiation bilatérale, échange généralisé simple (mariage avec la fille de l'oncle maternel), famille patrilinéaire féodale. La 'jia' chinoise ; une unité économique. L'autorité du père mort : la hiérarchie des ancêtres aux fils. Les femmes : nomadisme, oppression et intrigues. Le 'pouvoir féminin' : sur les morts. La puissance des aïeules. Les pieds bandés – la souffrance constitue l'objet d'amour. Quelques prototypes classiques : une 'antiféministe', Pan Zhao ; les concubines ; une impératirce : Wu Zetian ; les courtisanes ; les lettrées ; Li Qingzhao ; la suicidaire ; la soldate travestie. Le sort de la morale confucéenne dans la révolution socialiste : une enquête au Taiwan. Je les vois encore, à Pékin ou en province, ces vieilles dames toutes habillées en noir, aux petits pieds de bébé, que je n'osait pas regarder et encore moins photographier. On a beau savoir qu'il existe, ce petit pied, et qu'il est très petit : c'est imaginable. Pris dans une minuscule chaussure en velours noir, le devant pointu, sa semelle en caron, dirait-on, et ce n'est pas invraisemblable, car elles ne doivent pas marcher beaucoup... Les yeux seuls, mouillés, un peu tristes, faits pour regarder au-dedans plutôt qu'en face, et d'une ironie très douce et très voilée, sont les témoins, à déchiffrer, de cette mutilation. Le soir, les fils et les petits-fils les promènent, assises en amazones blessées à l'arrière les lampions s'allument et que tout le monde afflue dans l'ancienne. Cité interdite, la place Tiananmen est pleine de gardes rouges qui promènent leurs grand-mères, aux pieds mutliés, à bicyclette... 3. Socialisme et féminisme. Une révolution bourgeoise, nationaliste, socialiste et féministe à la fois. Les suffragettes chinoises envahissent le Parlement en 1912. Le Mouvement pour les droits des femmes inspire les idées du Mouvement du 4 mai. Un supporter de la cause féminine : Mao Zedong. Les articles de Mao sur le sucide des femmes. Le programme d'études en France comprend les futures militantes féministes et communistes. Xiang Jingyu, Cai Chang Deng Deng Yingchao. 4. Le parti et les femmes. Droits des femmes ou luttes de classes. Mao invente les paysans comme force principale de la Révolution, mais reste prudent sur les femmes. Les paysannes et les étudiantes – sensible aux luttes féminines ; les ouvrières – plus directement marxistes. Xiang Jingyu subordonne les problèmes de la famille et des femmes à la lutte du prolétariat. Un 'pouvoir des femmes' est une contradiction logique et une impasse socio-politique. Les féministes du Guomindang. Le Soviet de Jiangxi de 1930. La Loi sur le mariage, signée Mao, lasse supposer la disparition de la famille et la libération sexuelle comme forces motrices de la Révolution. Stoïcisme et liberté au cours de la Longue Marche. Ajuster la propagande à la psychologie des femmes pour vaincre le Japon. 1949 : Premier Congrès des Femmes chinoises. 5. La loi du mariage (1950). La démographie et l'amour. Les femmes au poste de commandement. Abolir l'ancienne famille confucéenne : mesure économique et idéologique à la fois. La 'Réforme agraire' et la 'Loi du mariage'. Privilèges aux femmes : pas de 'chef de famille' ; la mère garde son nom et peut le léguer aux enfants ; avantages accordés à la femme en cas de divorce ; le travail de la ménagère lui donne droit à la propriété. La famille – institution transitoire ; facilité du divorce. Les fonctions principales de la famille : biologique et éducatrice. Une éthique familiale. Un certain esprit de famille par rapport à Jiangxi. La famille disparaîtra-t-elle sans crise à l'occidentale ? Campagnes contre la morale bourgeoise : 1953, 1956-1957. Démographie : la contraception et l'amour (en famille et pour la Patrie) doivent maintenir l'accroissement de la population. Le Bond en avant : libérer la force de travail des femmes sans faire disparaïtre la famille sous la commune. Mao contre Dulles sur la famille 'démocratique et unie'. 1962 : Mouvement pour l'éducation socialiste – pour la famille, contre le familialisme. Une enquête sur les relations familiales racontées par la littérature moderne : le retour du 'père confucéen'. L'explosion de la famille pendant la Révolution culturelle. L'idéal du moi pour la Chinoise : l'Homme de fer. Les Jeunes Filles de fer de Dazahi. Cinq spectacles sans héros mais avec des héroïnes révoltées contre leur père : elles dramatisent mais ne réussissent jamais toutes seules. Brecht ou ce qui manque. 6. Entrevues. Les mères – Une artiste – Les intellectuelles – Les jeunes, les vieilles, l'amour – Ménagères et ouvrières – Les directrices. ... Il aurait donc fallu pourvoir écrire ces visages de Chinoises : lisses, placides, fermés sans hostilité, qui signifiaient nous ignorer, dans la pénombre de cette première nuit à Pékin, au-dessus de leurs bicyclettes, ou dominant les joues sérieuses de leurs enfants. Froideur souple et friable, distance sans pont, ponctuée par ces habits gris-bleus qui masquent les corps comme des bâches sur des foyers craignant les bombardements ennemis. Etrangère à jamais, glacée dans mon désir refusé d'être reconnue une des leurs, heureuse quand elles se perdaient dans les traits de mon visage et que seuls les larges pans de mon pantalon faisaient crier les vieilles paysannes, rassurées, sur la Grand Muraille : 'waiguo ren' (étrangère). Mal à l'aise dans un groupe d'hommes. Ni asiatique ni européenne, méconnue par elles et détachée d'eux - c'est de cette position inconfortable qu'il me fallait saisir quelques petites vérités sur leur destin à elles, en ce moment. Position peut-être inconfortable mais la seule possible. Car après tout ce que vous savez déjà de la société chinoise, vous aurez compris que ce n'est pas la peine d'aller en Chine si vous ne vous intéressez pas aux femmes, si vous ne les aimez pas. Vous risquez de tomber malade d'incompréhension ou de sortir ragaillardi d'avoir tout compris, mais sans avoir jamais franchi la grande muraille ; précieusement empêtré dans votre propre univers, sans accès – fût-il incertain et difficile à débrouiller – à ce qui coule derrière les façades des affiches et des stéréotypes. Il aurait fallu pouvoir écrire ces corps de Chinoises : remplis, plus ou moins opulents selon l'âge et les maternités vécues, mais toujours aux contours ovales, touchant à peine le sol, et, sans danser, flottant sobres dans l'air du petit matin, dès le lendemain de notre arrivée, sur la place Tiananmen, et sur toutes les routes du pays, avec les flocons en mousse de saules qui inondent le ciel au printemps. Les vestes sans taille et les pantalons aux fonds larges, qui serrent les cous et les poignets, ne suggèrent pas les lignes des corps : je devine à peine des épaules fragiles et étroites, des poitrines discrètes, des ventres et des hanches robustes qui, avec les courtes cuisses fortes fermement soudées au tronc, sont le puissant centre de gravité de ces ensembles qui cheminent sans peser. Ces bras onduleux aux poignets agiles qui manient à merveille les baguettes et les pinceaux et n'effleurent que distraitement les corps des enfants. Ces mollets forts de garçons qu'un pantalon relevé au hasard laisse voir. Le corps bouge aux genoux, au cou, et par les ondulations des bras ; ventre et cuisses scellés droits — sans pliures mais sans raideurs non plus, solides et détendus, relâchés même, irrigués d'un plaisir sans étalage qui a quelque chose de confiant et d'assuré comme l'est le repos après une dépense passionnée. Il aurait fallu pouvoir écrire ces voix de Chinoises : basses jusqu'à l'inaudible dans la conversation, vibrant veloutées dans la poitrine et le ventre, mais qui peuvent, brusquement, se hisser à la gorge et monter aiguës à la tête, tendues entre l'enthousiasme et 1'agressivité, exaltées ou menaçantes, lorsque l'enjeu idéologique se précise dans le discours, ou lorsque le corps est en représentation sur une scène ou devant un micro comme l'exige le code scemque traditionnel. Ecrire ces regards qui peuvent glisser sans voir : aveuglés par une préoccupation ou un plaisir opaques, sans noms, mais aussi éblouis par une idée qui les absorbe, les écarte de l'en-face, et les lance vers un infini où vous n'avez aucune chance d'être. Il faudrait pouvoir écrire ces rires de Chinoises : joyeusement éclatant dans les yeux et les lèvres et, sans que la voix y participe, chassant en un éclair la pudeur permanente pour la remplacer tout de suite par des flambées continues d'ironie et d'humour où se mêlent l'appel à une complicité erotique et le savoir serein qu'elle est impossible : jamais amer, jamais déçu. Il faudrait pouvoir écrire ces familles ou groupes sur les places, dans les parcs, les champs et les usines, où les hommes discrets, d'une modestie qui peut paraître effacée et monotone, s'affairent autour de femmes aussi discrètes mais beaucoup plus à l'aise qu'eux, légèrement dominantes, et dont les gestes harmonieux laissent échapper un érotisme auquel personne ne semble faire attention, mais qui instaure, à travers l'autorité politique et idéologique du jour, une autre — plus souterraine, mais plus immuable peut-être et apparemment plus prenante parce que réglant un espace antérieur à la politique, fait de désirs archaïques dont personne ne parle mais qui s'écrivent avec les gestes, avec les pinceaux. Une femme dans un groupe, c'est le centre vide et paisible duquel émanent et vers lequel convergent tous les actes des hommes destinés au travail, absorbés dans leurs occupations. De là ces regards angoissés de Méditerranéennes nostalgiques que je n'ai jamais rencontrés dans les yeux des Chinoises mais seulement des Chinois ?... Les mères Dans la vaste usine de tracteurs "L'Orient est rouge" à Xi'an où travaillent 6 700 ouvrières, il y a vingt salles spécialement aménagées pour l'allaitement. Deux fois par jour, les mères arrêtent leur travail pour une demi-heure et viennent nourrir leurs bébés amenés des crèches de l'usine ou par les grands-parents qui les gardent aux foyers. A l'écart du bruit, propres et sobres, des dizaines de mères gardent un contact permanent avec leurs enfants sans se détacher réellement de la production. Ces salles existent dans toutes les usines que nous avons visitées, et il semble que l'objectif est d'en faire dans tous les lieux de travail. Un bruit infernal nous accueille dans l'Usine textile n° 4 du Nord-Ouest de la Chine, à Xi'an. De la poussière de coton flotte dans l'air et nous étouffe. Le nez et les oreilles bouchées, on ne desserre pas les lèvres. Construite entre 1954 et 1956, cette usine de 6 380 ouvriers comporte une majorité de femmes (58 %) qui travaillent, avec des variantes d'un atelier à l'autre, dans des conditions plus que difficiles. Le vice-président du Comité révolutionnaire, Wang Jinchun nous dit que ce n'est pas grave, "les gens sont habitués" (!), mais qu'il y a "des examens médicaux réguliers " et qu'en plus "on fait des recherches pour améliorer les conditions d'aération et diminuer le bruit, avant d'être en mesure d'acheter des machines plus perfectionnées." La majorité des ouvrières sont jeunes, encadrées de contremaîtres d'âge moyen ou assez âgés. Des gestes calmes, imperturbables dans le brouillard de coton et de fracas. Quelques yeux dépassent des métiers — curieux, distants. Je remarque des ventres arrondis : les femmes enceintes sont assises sur des chaises roulantes qui les déplacent le long des fileuses — ne pas rester debout, ne pas se fatiguer. Une femme enceinte travaille dans l'atelier de filage jusqu'au sixième mois de la grossesse ; après, on lui donne un travail plus léger : contrôle de la qualité des tissus, comptage, vérification des emballages, etc. Autour de l'accouchement, une femme a droit à cinquante-six jours de congé payé ; en cas de complications (jumeaux, césarienne, etc.), le congé peut se prolonger de soixante-dix à quatre-vingts jours, et s'accompagne d'une allocation de frais supplémentaires. Une ouvrière de deuxième catégorie, c'est-à-dire au plus bas de l'échelle après la stagiaire, touche 38 yuans par mois. On peut arriver, après des années de travail et une bonne qualification, à la huitième catégorie avec 102 yuans par mois. Dans cette échelle, la plupart se maintiennent vers la limite inférieure : 50-56 yuans. Les soins pour un enfant ne coûtent que huit yuans par mois, si l'on confie l'enfant au jardin d'enfants de l'usine à la semaine, et six yuans par mois si on les reprend le soir chez soi. Le jardin d'enfants de l'Usine textile n° 4 du Nord-Ouest accueille huit cents enfants de 3 à 6 ans et demi dont s'occupent dix professeurs et quelques nourrices, et, au dire de la directrice, il peut en accueillir davantage si les parents le demandent. Les autres enfants sont à la charge des grands-parents qui habitent avec les couples. Quand les grands-parents sont disponibles, la préférence va à eux plutôt qu'au jardin. Les bébés au-dessous de 3 ans sont dans la crèche à l'usine même : les mères peuvent les visiter et les nourrir deux fois par jour, comme partout ailleurs. Les enfants entourent leur mère ou leur monitrice avec le sérieux et la distance d'adultes. Les joues remplies, les regards graves, toujours pris à quelque jeu où ils s'amusent sans débordement, les petites filles battant immanquablement les petits garçons, ils peuvent être souriants, discrets ou ambitieux, mais je ne les ai jamais vus pleurer, séduire ou s'imposer. Petits corps déjà autonomes qui ne donnent pas l'impression, comme les nôtres, d'être nés trop tôt et de ne pouvoir pas se passer de nous. Micro-société indépendante, ils nous montrent leurs jeux, sautent à nos cous, aux cris joyeux qu'on leur a appris pour la circonstance, saluent de loin nos voitures (on ne peut être qu'étranger si on est en bagnole), mais aussi se promènent enlacés ou la main dans la main, tout seuls, sans adultes, le long des routes, à la campagne ou dans les rues de grandes villes tard après la tombée de la nuit. Tôt éduqués, socialisés précoces, ils témoignent par leur dignité de petits sages, à côté des parents qui, à l'envers, ont l'air enfants, de l'amour solide mais sans effusion et en quelque sorte anonyme, impersonnel, de la mère chinoise. On n'embrasse pas, on ne caresse pas, on ne serre pas un enfant — en tout cas pas trop, et surtout pas en public. S'il vous est cher, il ne vous est pas tout. Qu'il soit votre désir, c'est incontestable, et il en est averti, si l'on en juge par son assurance digne : plus muette et parfois même écrasée chez le garçon (trop aimés ?), plus autonome et parfois même triomphale chez la fille (ayant pu se réfugier auprès d'un père solide, aimant, mais compensé par une mère maîtresse ?). Mais il semble que très tôt ce désir personnel d'enfant a été marqué -— je dirais volontiers : civilisé — par une nécessité sociale qui le tient subordonné, jamais absolu : personne ne se prend pour le petit Jésus. A l'hôpital de Shanghaï, annexe de l'Institut médical n° 2 où nous avons pu voir des opérations par anesthésie sous acupuncture et une très fine opération de la cataracte avec les moyens conjoints de l'acupuncture et de la médecine occidentale, il y a un secteur de gynécologie et de maternité avec quatre-vingts lits. Les maladies gynécologiques et surtout celles dues à des troubles endocriniens, sont soignées souvent par les moyens, considérés plus efficaces, de la médecine chinoise : homéopathie chinoise et acupuncture. Dans une salle à trois lits — trois accouchées : une vendeuse, une ouvrière d'usine de radios et une comptable. Pour l'ouvrière, c'est le deuxième enfant : "Ce sera, dit-elle, le dernier, pour pouvoir me consacrer au travail et pour mieux m'occuper d'elles. Deux filles, et les grands-parents voudront sans doute un garçon, mais on ne les écoutera plus ; à l'usine on distribue des stérilets, gratuits comme l'est l'accouchement." Zhu Chuanfeng s'en est déjà servie et pourra en reprendre l'usage. Encore fatiguée, mais la plus radieuse des trois, est la disgracieuse Chan Beiyin : la comptable du Nord qui est rentrée avec son mari à Shanghaï pour accoucher auprès de ses parents, comme le font beaucoup de femmes traversant pour cela toute la Chine parfois, les maris recevant aussi des congés pour la circonstance. Cela fait huit jours qu'elle a accouché par césarienne, sous anesthésie par acupuncture : "Aucune douleur, rit-elle, dans deux jours je vais marcher." Le bébé, un garçon, est visiblement le héros de cet exploit. Mais elle met une étrange négligence lorsqu'elle en parle, pudeur ou rituel ?, et préfère s'entretenir de ses activités de comptable, de son apprentissage de la Critique du programme de Gotha, et de la campagne contre Lin et Kong qui était "un mangeur de femmes ". Il est vrai que je suis étrangère, qu'il n'y a aucune raison de m'introduire dans les joies intimes de la famille même si elles existent, et que la responsable de la clinique m'accompagne. Toujours est-il que le bébé n'a pas encore de nom, et que le "baptême" est loin d'être une préoccupation pour sa jeune mère. Elle a quand même une idée : Xiao Di, "petite flèche ", et pas n'importe laquelle puisqu'elle vient tout droit d'un poème de Mao, "Fei ming di"... Une artiste ...Je ne m'étonne presque pas quand on me dit que la camarade Li Fenglan est peintre, et qu'on me montre, dans l'exposition des peintres-paysans de la Commune populaire, ses tableaux : "Une brigade travaille le coton", "Moisson". Les thèmes sont immanquablement des thèmes de travail, et les personnages, quand on peut les distinguer dans ce style où l'anthropos se perd au profit du grain de maïs, sont des femmes. Li Fenglan dit qu'elle ne peut pas peindre autre chose que ce qu'elle a vécu : "Je ne dessine pas d'objets auxquels je n'ai pas été mêlée par mon travail." Et continue, harcelée par mes questions qui visiblement lui paraissent bizarres puisque j'essaie de la pousser à des aveux sur les mobiles de son penchant esthétique : En fait, je ne peins pas les objets que je vois, mais je les peins d'après mes rêves, après en avoir rêvé, au retour des champs, un peu fatiguée, et en couleur, la plupart". Li Fenglan, paysanne pauvre, a appris à lire et à écrire assez tard, et n'a jamais suivi de cours de peinture, encore moins d'histoire de l'art. Depuis quelques années, la commune a organisé un stage de peinture où les talents locaux peuvent apprendre, par des spécialistes venus de la ville, à manier les couleurs, les pinceaux, à dessiner un visage, un corps, un champ. Beaucoup de paysans y participent, cela donne lieu à des expositions locales qu'on envoie après à d'autres communes qui, en retour, envoient les leurs — un art impermanent circule ainsi dans tout le pays. Mais Li Fenglan n'a pas participé à ces cours, et tout ce qu'elle dit savoir sur "Fart" est le discours de Mao sur la littérature et l'art à Yanan. Ce manque d'éducation picturale qui, actuellement, est du type réaliste-socialiste, explique peut-être, en partie, la fraîche naïveté de ses tableaux, faits, dirait-on, par un vieux peintre taoïste qui a rêvé d'être Van Gogh avant de se réveiller dans une commune populaire... "Il faut s'élever au-dessus de ce qu'on voit. D'ailleurs, la peinture sert à une femme à s'élever. Dans l'ancien temps, les femmes étaient méprisées, une paysanne-peintre, c'était ridicule. Maintenant, nous sommes heureux, mais je suis la plus heureuse quand je prends le pinceau pour peindre. Je me sens excitée d'enthousiasme. Quand je lis les œuvres du président Mao, aussi, mais autrement." Discours naïfs, discours appris ? Nous avons l'air ridicule de demander à Li et à ses camarades peintres, les motivations subjectives de leur art : ils nous renvoient sans cesse au passé, au bonheur du présent et au fait que la peinture est un moyen de propagande plus direct que la littérature pour toucher les masses. Li est d'ailleurs la seule à parler de rêves, de plaisir à mélanger les couleurs, à varier les jaunes par exemple, et, en ce moment, à nuancer les différents blancs car le tableau qu'elle peint actuellement représente la cueillette du coton : "On n'y voit, dit-elle, que quelques points noirs (les gens) et de grands espaces de blancs à perte de vue qu'il s'agit de sculpter."... Le réalisme intervient, mais pas comme dans les tableaux des vrais maîtres réalistes de leur Commune populaire qui sont, évidemment, des hommes et qui peignent les portraits du secrétaire du Parti communiste : le réalisme intervient, dans du secrétaire du Parti communiste : le réalisme intervient, dans la peinture des femmes, pour appuyer, plus vrai que nature, un animal, un oiseau ou une plante qui ont, du coup, l'air de caricatures. Par ailleurs, la tristesse, les conflits, tout ce qui peut être sujet à mécontentement, est aussi destiné à la caricature. Le tableau, sur papier chinois, à l'encre de Chine colorée, au crayon ou à l'aquarelle, est destiné à l'impression sereine, à la vision calme d'une nature apprivoisée, où l'homme dans son travail se perd, extatique, à peine discernable. Est-ce un hasard si les femmes sont les plus à l'aise dans cette reprise de la tradition picturale chinoise pour la moderniser, en contournant le réalisme brutal qui, d'ailleurs, ne continue pas moins de nous assaillir, par les affiches, comme un mauvais rêve soviétique d'après-guerre ? Les intellectuelles La tendance actuelle étant à une refonte du travail manuel et du travail intellectuel, par laquelle la couche des intellectuels serait vouée à la disparition, les seules personnes exclusivement consacrées au travail intellectuel que nous avons pu rencontrer en Chine sont les professeurs. D'ailleurs, la campagne des "écoles à portes ouvertes" implique qu'ils consacrent deux journées de travail aux usines ou aux champs, de sorte que leur vocation "exclusivement intellectuelle" est toute relative. Il faut souligner tout de suite que cela ne signifie pas du tout la suppression de cette pratique intellectuelle qui, dans la division du travail des sociétés de classes, a donné lieu à la caste des intellectuels. Si en Chine d'aujourd'hui on ne veut pas d' "élite", on veut quand même une "élite rouge" : terme qui signifie d'une part que les spécialistes seront activement politisés et participeront organiquement aux tâches urgentes de la construction socialiste, et d'autre part et en même temps, que leur spécialisation (au moins pour l'énorme majorité, de laquelle il faut exclure le petit détachement de "chercheurs de pointe" dont on n'a pas négligé la formation même pendant les années les plus rouges de la Révolution culturelle, que ce soit en biologie ou en linguistique chomskyenne) ne dépassera pas trop les compétences techniques et scientifiques exigibles des larges masses pour l'accomplissement des travaux en cours. Spécialistes donc, mais pas trop, et en tout cas des spécialistes qui mettent les valeurs politiques au-dessus des valeurs scientifiques, une couche intermédiaire entre la société à division rigide du travail et une autre où cette division ne sera pas génératrice d'inégalité économique, idéologique et politique -— voilà ce qui semble être demandé aux "intellectuels", le but politique pour l'instant étant d'éliminer avant tout une source de nouveaux bureaucrates et de nouvelle bourgeoisie qu'alimenteraient aussi bien la tradition du lettré confucéen que l'exemple encore très présent de l'intellectuel-bour-geois-bureaucrate soviétique. Résultat trop évident de cette politique : baisse du niveau intellectuel, restriction des matières et des domaines enseignés, inemploi objectif d'une partie considérable du savoir des spécialistes formés à l'école confucéenne mais aussi à la soviétique. Autre résultat aussi trop évident : entrée dans la culture de masses illettrées — huit cent millions qui ignorent sans doute les subtilités de la culture classique mais qui discutent le Manifeste communiste, ont le minimum de connaissances techniques et d'hygiène nécessaire à l'étape actuelle du socialisme chinois, et font de la poésie et de la peinture comme nous écrivons des lettres... En Chine, on ne nous a jamais parlé de 'couples' : moins parce que le problème est surmonté par la conception de la refonte de la famille dans la commune... Les Chinois, 'structuralistesV avant la lettre, considéreraient-ils que le 'yin' est toujours nécessaire dans une alliance de deux, et que par conséquent la modernisation ne consisterait que dans la possibilité, pour une femme, d'être structuralement 'yin', s'ils ne peuvent pas être les deux à la fois, ce qui serait le mieux ?... Feng Zhongyun, 53 ans, femme professeur de poésie classique à l'Università de Pékin, a terminé ses études en 1941 ; puis elle est entrée comme enseignante à l'Université Qinghua ; puis, en 1952, à l'Université de Pékin. Intellectuelle éduquée selon ce qu'on appelle ici l'ancien système, elle est sans doute, au moins autant que tout structuraliste occidental, au fait des raffinements prosodiques des genres poétiques chinois, et parle avec le plaisir du connaisseur, des parallélismes, des rythmes, du support graphique imagé et de la mélodie inséparable des vers anciens. Pourtant, ce n'est pas là-dessus qu'on lui demande maintenant de mettre l'accent de son enseignements. Comme tous les enseignants, Feng Zhongyun s'est mise à l'école du marxisme-léninisme qui, dans son domaine à elle, l'incite à chercher 'l'attitude de classes' dans les textes littéraires... [Le] passage par la campagne est, pour Mme Feng, une bonne chose : « Les enfants mûrissent, apprennent les véritables problèmes du pays, ce qui les préserve des tentations de devenir une élite confucéenne, sans pour autant les handicaper sensiblement dans l'apprentissage d'une spécialité digne d'une élite rouge. »... Quelques tendances se dégagent : liquider l'esprit de l'Ecole confucéenne ; étudier l'Ecole des Légistes ; critiquer la tradition qui a florifié Confucius et dénigré les Légistes. Cette orientation anticonfucéenne est actuellement prépondérante, même si Feng reconnaît qu'il y en a d'autres : « L'Université de Pékin était dirigée par des révisionnistes, tout est à revoir ». Notre discussion avec les enseignants de l'Université de Pékin a duré de 9 heures à 17 heures, avec un déjeuner commun. Feng Zhongyun était la seule femme parmi nos hôtes. De tous les discours, préparés d'avance, où chacun exposait les problèmes idéologiques et méthodologiques de sa discipline, le sien était le plus bref, le plus précis et le plus prudent. Elle avait probablement la même conviction politique ferme que ses collègues... A 35 ans, Wu Xiufen est, par contre, entièrement formée par le socialisme. Après quatre ans d'études de physique à l'Université, elle est actuellement professeur de Physique à l'Ecole Normale supérieure de Nankin — beau "campus" de l'ancien Collège américain, dans un vaste parc vert, peuplé de pavillons style Ming qui donnent l'impression d'une cité impériale plutôt que d'un lieu universitaire. Spécialisée en électro-dynamique, elle est une des premières à avoir adopté le principe de F "école à portes ouvertes". Dans l'enseignement de la physique, ceci veut dire que parallèlement à l'apprentissage des théories, les élèves appliquent immédiatement leurs connaissances dans la production d'objets pour l'industrie du pays. Ainsi, les élèves de l'Ecole Normale de Nankin non seulement savent, comme tout "normalien" dans le monde, les principes de fonctionnement d'un générateur, mais fabriquent des moteurs électriques légers dans les quelques ateliers de physique de l'école. Ces moteurs sont vendus à l'Etat, selon le plan de celui-ci. Les "revenus" sont, bien sûr, modestes, car la production n'est pas intensive, mais elle est permanente et sa fonction éducative prime la visée économiste. En plus, un mois par semestre, les élèves de Wu Xiufen travaillent dans les usines, avec les ouvriers de la ville. L'"enseignement à portes ouvertes" veut dire enfin que deux demi-journées par semaine sont consacrées à l'étude politique (les articles du Quotidien du Peuple, les textes de Mao et des classiques du marxisme), actuellement essentiellement orientée dans le sens de la campagne Pi Lin Pi Kong... Sur trois professeurs à l'Ecole, il y a une femme, et 40 % des élèves sont des jeunes filles — proportion satisfaisante, selon Wu, dans l'état actuel des choses, et en tout cas ne posant aucun problème de "droits féminins" particulier, selon elle. Encore plus sûres d'elles-mêmes, les femmes ont en main l'enseignement obligatoire, primaire et secondaire, des établissements que nous avons visités : les cinq écoles secondaires et les dix-neuf écoles primaires de la commune Marco Polo près de Pékin qui donnent, chaque année, vingt candidats à l'Université ; l'Ecole primaire de Changjianlu à Nankin où la directrice Huang Guanglun nous dit que l'enseignement a deux buts : l'un idéologique dominé par l'esprit d'internationalisme et d'amour pour la patrie, et l'autre méthodologique d'ouverture aux connaissances pratiques et au renforcement du corps, selon les indications de Mao. Dans la toute jeune génération d'enseignants, une promotion accélérée s'accompagne, semble-t-il, d'un avantage donné aux jeunes filles. Ainsi, à l'Université de Shanghai, Ji Ruman, 23 ans, est assistante de philosophie après deux ans et huit mois d'études supérieures de philo, au lieu des cinq ans exigibles avant la Révolution culturelle... Lu Qiulan est présentatrice du Musée historique de Xi'an, un des plus riches en Chine, contenant entre autres d'immenses salles de stèles funéraires de toutes les époques dont les treize livres classiques du confucianisme gravés dans la pierre... Lu Qiulan insiste sur le sens des textes confucéens, le milieu social qui les a produits, les révoltes populaires contre, mais aussi sur les différents styles calligraphiques du passé dont Mao s'est inspiré. Son travail d'historienne consiste aussi à approfondir la recherche... Les jeunes, les vieilles, l'amour Mlle Zhan Guofei, 20 ans, est vice-présidente du Syndicat aux Chantiers navals de Shanghaï, immense entreprise pour la construction et la réparation de navires de fort tonnage, qui emploie 7000 ouvriers dont 1400 femmes et occupe 460000 mètres carrés répartis en dis ateliers. Sans être un organisme à importance capitale, surtout après le Révolution culturelle où les fonctions politiques et même de direction de la production sont principalement assumées par le Comité révolutionnaire, le Syndicat joue un rôle essentiel dans l'organisation de la vie quotidienne – famille, mariage, naissance, crèches, jardins d'enfants, réfectoires, mort, divorce, contraception, donc tout ce qui concerne les femmes, est de son ressort, comme de celui du Comité administratif. Mais le Syndicat est chargé aussi de l'éducation idéologique : il organise l'étude de la pensée de Marx, Engels, Lénine (Staline figure dans la série, mais on n'étudie pas sa pensée) et de Mao, la critique de Lin et Kong, la compétition dans la production ; forme de nouveau cadres administratifs ; organise les écoles du soir et les loisirs : sports, cinéma, théâtre « et surtout », die Zhan Guofei, « reçoit les opinions des masses pour critiquer la direction »... Ménagères et ouvrières En Chine, comme ailleurs, les ménagères restent les femmes les plus défavorisées : je ne veux pas dire les plus dénigrées, mais partageant le plus d'archaïsmes. Ce n'est pas que la 'Loi du mariage' ne leur accorde pas des droits : tout au contraire, elles en sont avantagées. Ce n'est pas qu'elles ne bénéficient pas d'inscruction politique : dans le quartier populaire de la rue du Melon à Shanghai, on les réunit une heure tous les mercredis et tous les dimanches pour discuter l'actualité politique, mais aussi des problèmes de santé, d'hygiène, d'éducation des enfants.... Parmi les ouvrières, l'âge semble jouer un rôle décisif pour la détermination de la combativité économique, politique et idéologique. Les jeunes filles et les ouvrières plus âgées me sont apparues comme les éléments les plus actifs : aussi bien pour gérer que pour critiquer... En ce qui concerne les paysannes, des efforts immenses sont déployés pour les extraire des traditions et des superstitions familiales : la 'Loi du mariage' a résolu les problèmes légaux et a détruit les clans qui se vendaient les filles ; l'envoi des jeunes à la campagne à partir de la Révolution culturelle, et le brassage de culture que cela suppose, permet visiblement non seulement de lier les jeunes citadins au peuple, mais aussi de moderniser les villages. Dans la commune populaire Marco Polo, près de Pékin, j'ai rencontré de jeunes paysannes qui font partie d'une troupe de propagande artistique, lisent Mao et quelques romans dont elles ne se rappellent pas les titres, et font des poèmes sur les thèmes politiques du jour. Les mères de famille aussi participent à cette existence collective politisée, active : trois cinémas dans la commune, cours d'alphabétisation et d'instruction politique le soir. Mme Xu Jin, qui se lève tous les jours à 5 h 30 et travaille de 6 heures jusqu'à 19 heures, avec quatre pauses (petit déjeuner ; 10 heures ; déjeuner ; 4 heures) est contente de sa vie : la maison a l'eau courante et l'électricité, le mari travaille à la fabrique de briques, les filles étudient pour devenir des secrétaires, on n'a pas de dimanches mais les femmes ne travaillent que vingt-six jours par mois et les hommes vingt-huit, tout cela rapportant 2500 yuans par an pour les cinq travailleurs de la famille, dont on peut épargner 700... Les directrices Directrices d'école (bien sûr), de cités ouvrières (évidemment), d'usines (moins évident) : elles prennent le commandement avec assurance et calme... Cao Fengchu, 40 ans, mère de trois enfants qui travaillent, après le secondaire, dans les usines et à la campagne... « La vie est stable ». Mme Cao a dit le mot que laissent entendre, sans forcément le formuler, toutes les femmes d'une quarantaine d'années, cadres ou responsables, et qui tranche avec l'image reçue d'une Chine déséquilibrée par la Révolution culturelle, exaltée, romantique, lancée à l'aventure... « Ce n'est pas parce qu'on est pauvre qu'on doit éternellement vivre mal, c'est une question de pouvroi »... Les enfants, dans les rues, la connaissent, s'écartent à son passage ou sautent dans ses bras : c'est la tante Cao, une sorte de mère collective, à laquelle on s'adresse pour tout ce qui concerne l'habitat, les loisirs, l'éducation des enfants, les retraités, les activités culturelles et politiques sur place, la contraception... A l'Ecole primaire de Changjianlu, à Nankin l'équipe dirigeante est entièrement féminine... La réforme de l'enseignement prévoit, à côté de cette liaison avec la pratique, des soins de santé plus sérieux qu'auparavant : examens réguiliers, beaucoup de sport et de jeux... Il semble que les activité nationales, centralisées, concernant les femmes, sont suspendues en ce moment : la revie « Femmes de Chine », ont on a vu des numéros calligraphiés par Mao pendant la Révolution culturelle ne paraît plus. Même si la 'Fédération des Femmes chinoises' existe à l'échelle nationale, avec des 'Associations de Femmes' pour les provinces et auprès des municipalités des villes, il apparaît, dans le récit de Wu Beijin, que toute l'activité dirigée par le Parti auprès des femmes s'effectue sur place, dans l'usine en l'occurrence, par une section spéciale du syndicat. Des cours sont organisés pour les femmes oû elles apprennent des fondements de la théorie politique ou suivent un enseignement technique nécessaire à leur qualification : ces cours ont tendance à être généralement mixtes. Aux femmes seules sont destinés des cours d'hygiène ou de contraception. Mais aussi des réunions politiques où on essaie de tirer les conséquences sur la vie concrète d'une femme des textes politiques ou philosophiques discutés en ce moment dans le pays : « Cela permet aux femmes de changer leur physionomie. Maintenant que les femmes sortent des foyers et qu'à l'usine elles ont un salaire égal avec les hommes, l'important est qu'elles prennent les pinceaux et qu'elles aillent au premier front. » Prendre les pinceaux veut dir, pour Wu Beijin, devenir cadre ou activiste... Sekundärliteratur Lisa Lowe : Kristeva represents China as a culture descending from a pre-oedipal matriarchal heritage ; her figuration of Chinese otherness is part of a strategy to subvert western ideology by positing a feminine, maternal realm outside its patriarchal system. Kriesteva's China expresses a confluence of the discourse of feminist theory, psychoanalysis, and semiotics, as well as orientalism. Kristeva's “Des chinoises” invokes the matriarch of pre-Confucian China as a means of naming and projecting a figure that occupies a space beyond the structured and determined sexuality of western Europe. She associates the period of matriarchy and matrilineality in China with the 'phase pré-oedipienn', a reconstituted period in which the child is intensely allied with the mother before its entry into the Symbolic order of socialization and language. In this sense, “Des chinoises” is a text that embodies several desires : a theoretical desire to locate a position outside French structuralism and psychoanalysis from which these paradigms may be criticized ; a feminist desire to discover and praise a figure of absolute feminine power and to locate a matriarchal society in which this power is effected ; and finally a desire, inherited from the discourse of orientalism, to find in the history of the Orient the opposite of the Occident, to find there all that is absent from and beyond the West. “Des chinoises” was written in the context of both the western Continental feminist debates of the early 1970s and the structuralist and psychoanalytic theoretical debates of the same period ; in this sense writing about 'la chinoise' was an occasion for Kristeva to critique the lack of psychoanalytic sophistication in the French and North American women's movements, as well as a means of providing a feminist critique of the Freudian and Lacanian pardigms of sexual difference. “Des chinoises” invokes the powerful figure of an ancient Chinese matriarch as the disrupting exception to western patriarchy and psychoanalysis, and the People's Republic of China is praised as a political antithesis to contemporary France. In both senses the examples of China and Chinese women are cited only in terms of estern debates, are invented as solutions to western political and theoretical problems. In the book's second section, “Femmes de Chine”, Kristeva constitutes and ancient matrilinear-matrilocal society as the historical analogue to the female-dominated pre-oedipal topos, conflating the matriarch of pre-Confucian China with the modher in pre-oedipal discourse. Both projects place the Mother at the center of their respective paradigms ; as the primary figure in child development and gender acquisition, and as the origin of social and economic organzization. Both efforts depend on the retrospective invention of a prehistorical movement, an idealized state outside society and history, created from a point located within social arrangements. Throughout “Des chinoises” a historical extravagance, which so easily establishes a correspondence between an ancient modality and a contemporary one, lack an adequately complex appreciation of the heterogeneous and contradictory forces of history ; despite an ostensible allegiance to Marxism, Kristeva finds no apparent difficulties in generalizing Chinese history in so undialctical a fashion. Kristeva justifies the mother-centered theories of the pre-oedipal phase and the pre-Confucian matriarchy in an 'analysis' of Chinese language. She argues that the independence of two linguistic systems – of tonal speech and of written ideogrammatic symbols – is particular to the Chinese language, and that the independent system of tonal speech is a preserved remnant of the matrilinear-matrilocal society, in which the mother and her bodily preverbal tones and rhythms were dominant. Chapter 2, Confucius, discusses the Confucian era, generalized and homogenized into a priod ranging from 1000 B.C. to the twentieth century. In Confucian society, the text argues, an oppressive backlash extensively excluded women by law and social hierarchy. Because Chinese women have a point of origin in which they were powerful and dominant, the repressed woman is described as both subject to authoritarian structures of obedience and simultaneously undetermined and outside those structures. Chapters 3-6 discuss the conditions of women in the People’s Republic of China. Kristeva concludes that contemporary women in China have liberated themselves and reemerged as fully autonomous political subjects in a restoration of the coequal status and power they had possessed in the original matrilinear and matrilocal society. Because of its matriarchal roots, the Chinese Revolution of 1949, the text asserts, was an antipatriarchal revolution ; the socialist revolution in China, Kristeva argues, brought a fundamental revolution in the patriarchal family and in the roles of women. “Des chinoises” erases the situations of women in contemporary China, the complex interrelation of certain qualified freedoms with remnants of centuries of sexual discrimination and oppression in family, professional, and political life. The Chinese woman is fetishized and constructed as the Other of western psychoanalytic faminism, a transcendental exception to the overstructures bind of women in western Europe. “Des chinoises” curiously reproduces the postures of desire of two narratives it stensibly seeks to subvert : the narratives of orientalism and romantic courtship, whose objects are the 'oriental' and the 'woman' Eric Hayot : It is not just what Kristeva describes about China, but how she describes it, and what she learns from it, that make “Des chinoises” a rich, troubled text. Chinese strangeness does not, for Kristeva, arise from some ancient culture, but rather comes out of a modern society that steps into the same ontological and political space as Europe and the West. Kristeva has for a long time been interested in a notion of strangeness that might bring about liberating change. Considered fully, “Des chinoises” attempts through an analysis of the conditions of Chinese women to discover and describe an economy of gender and power wholly other to the Western psyche, one in which an original matriarchy and a feminine Taoism continue to produce people who cannot fit into the Western category of 'women' or 'man'. What she proposes is not so much learning a lesson from a different culture as a different method of reading from within the West. For, what is claimed to be 'unique' to China is simply understood as the 'negative' or 'repressed' side of Western discourse. In other words, Kristeva's understanding of China simply presents it as the mirror image of the West, so that where the West has gender, China does not. Even though Kristeva argues that in China women do not have gender, China as a general concept nonetheless occupies the space of 'woman' in a larger world picture. Kristeva's claim that Chinese people have no gender in the Western sense 'feminizes' China itself as the West's negative other. Kristeva's interest in classical China and its history grounds and authorizes her general thesis about Chinese women. In general, in “Des chinoises” the deep roots of China's ungendered system are revealed to be engendered by classical texts or ancient archaeological sites, which receive the most superficial of readings. Chung, Hilary. Kristevan (mis)understandings : writing in the feminine. In : Reading East Asian writing : the limits of literary theory. Ed. by Michel Hockx and Ivo Smits. (London : RoutledgeCurzon, 2003). Contrary to its reputation, when tanken as a whole, Des chinoises gives the overriding impression not of communion with but rather distance from the women of China. Apart from a section in “Chinese women” containing an account of a series of interviews with Chinese women, inevitably staged, officially sanctioned and mediated by interpretation, the entire encounter with Chinese women is via secondary sources, unquestioningly interpreted. The most disturbing aspect of the work is its optimism. The second case of Kristevan misunderstanding relates to a later period of Kristeva's oeuvre, namely her psychoanalytic explorations of depression and melancholia ; not only does she exclude China as a true site of melancholia (Chinese people don't suffer from true depression) but she also describes Chinese civilization as one in which the semiot response to melancholy is not available to suffers (Chinese people cannot mediate their suffering). Kristeva appears to base far-reaching assuptions about the essential otherness of Chinese experience upon evidence with is unsufficiently researched. As Kristeva later recalled, her 'Chinese experience' coincided with both her encounter with feminism and the start of her training as a psychoanalyst. The impact of this experience and her constructions of China, particularly on her formulations relating to gender and feminism, were profound. Kristeva rationalizes the Chinese chastity code into a manifestation of an alternative symbolic order in which women are invested beyond an identification with the phallus. Far from offering an alternative which resists these mechanisms of exlusion, the Chinese code can readily be argued to impose very similar mechnaisms of disempowerment and exclusion. The optimism of “Des chinoises” resides in the aspiration that an embryonic form of such an alternative economy of the sexes might be emerging in China. This is precisely why Kristeva seeks out an alternative matrilinear legacy in Chinese tradition, and focuses so squarely on the Chinese marriage law whose provisions in the abstract were more beneficent than actual social practice. Kristeva's analysis of the avant-garde was founded on texts produced by male subjects. When questioned about the specificity of women's writing, she rejected the notion of assigning a specific identity to the speaking subject. The attraction of Kristevan analysis is its uncompromising anti-essentialism. Rather, in terms of literary praxis, feminity is construed as a dissident mode of discours associated with rupture and negativity. |
7 | 1974 |
Gary, Romain. La nuit sera calme : récit : l'interlocuteur de Romain Gary est François Bondy. (Paris : Gallimard, 1974).
http://wwwgribouille.blogspot.com/2008/05/romain-gary-la-nuit-sera-calme.html FRANÇOIS BONDY : La Chine te gêne, n'est-ce pas ? ROMAIN GARY : Tu te trompes. Je trouve que le communisme à été un progrès immense pour la Chine. Mais puisque la question du communisme doit se glisser continuellement dans notre entretien, je vais m'expliquer. Ce qui compte dans une société à mes yeux c'est le prix de revient en terme de souffrance humaine. Ce ne sont pas les maoïstes qui ont fait payer à la Chine ce prix : c'est le siècle qui les a précédés. Lorsqu'on sait ce qu'a été la Chine pendant un siècle, on voit que prix a été payé bien avant Mao, que la Chine a eu son communisme pour rien, comparé au prix qu'elle avait payé le capitalisme, pendant un siècle. Leu peuple chinois a fait une excellente affaire, pour le moment. À suivre. F.B. : Dans La Tête coupable, tu parlais de la Chine avec moins de détachement, à propos des violences et des tortures de la révolution culturelle... R.G. : J'ai fait un pas de plus dans la même direction, c'est tout. Du moment que les Chinois annoncent leur intention de bâtir une nouvelle civilisation, après avoir détruit l'ancienne celle de Confucius, paraît-il comme ils l'ont fait, c'est qu'ils reconnaissent ne pas avoir de civilisation du tout, pour le moment. Ce que nous voyons donc ce sont des préparatifs "en vue de". Une civilisation instantanée, bâtie en trente ans et à l'abri du "révisionnisme", ça n'existe pas, ça exclut l'avenir, ces sont des prophéties. S'ils commencent à construire une nouvelle civilisation, c'est que ni eux ni personne ne sait ce que ça va donner. C'est imprévisible. Ca n'est pas là. C'est des soucoupes volantes. Il faut attendre qu'elles atterrissent. Voilà pourquoi je suis peu enclin à critiquer la Chine. Pour l'instant, ils mangent à leur faim et ils n'ont plus d'épidémies. En Allemagne non plus. C'est beaucoup, par rapport au passé, mais cela ne dit rien de l'avenir. |
8 | 1974 |
Lin, Yutang. Memoirs of an Octogenarian. In : Chinese Culture University journal. (Taipei 1974).
"In Harvard, I registered for the School of Comparative Literature. My professors were Bliss Perry, Irving Babbitt, Von Yagerman (Gothic), Kittredge (Shakespeare) and another professor for Italian. Prof. Irving Babbitt raised a storm in literary criticism. He was for maintaining a critical standard, as against the school of J.L. Spingarn, later in the New School of Social Research New York. Babbitt was the only professor who was only an M.A. by degree. Backed by prodigious learning, he used to read from Sainte-Beuve's Port Royal and eighteenth-century French authors and quoted the modern Brunetière. He devoted a whole course, Rousseau and Romanticism, tracing the disappearance of all standards to the influence of J.J. Rousseau. It was a course in the development of the expansive appreciative criticism in Madame de Staël and other early Romantics, Tieck, Novalis etc. His influence on Chinese was far-reaching. Lou Kuang-lai and Wu Mi carried his ideas to China. Shaped like a monk, Wu Mi's love affair with his girl would make a novel… I refused to accept Babbitt's criteria and one took up the cudgels for Spingarn and eventually was in complete agreement with Croce with regard to the genesis of all criticism as 'expression'… The traditional theorists are headed by Paul Elmer More, a non-academic scholar. Others, such as Sherman and Irving Babbitt have also expressed their individual opinions. Professor Babbitt in particular has had an extensive influence on the Chinese literary world, which almost everyone is acquainted with. His students such as Mei Kuang-te, Wu Mi, and Leung Shih-chin, just to mention a few, are my personal friends. Obviously individual belief is private and depends on personal freedom. Babbitt is widely admired for his knowledge and incisive rhetoric, which is similar to Brunetière's. His basic theories also have considerable resemblance to those of Brunetière, both in essence going back to classical humanism, which regarded as the ultimate goal the appreciation of art and the ideal life. For this reason Brenetière in his old age turned toward Catholicism, but Babbitt was wiser. Although Babbitt respected religion, he did not turn in that direction, but instead toward humanism. Babbitt's humanism, however, is different from that of the Renaissance, opposed as it is to religion, on one hand, and to naturalism., on the other, something like the theories of the Sung dynasty. Babbitt, therefore, respected our saint, Confucius, and our contemporary disciples of Confucius respect him in turn. I am not saying this to make fun of Babbitt, for I myself admire him personally. He did not travel around to find an official job, nor did he offer comfort to those who failed… The conflict between the liberators of literature and the literary conformists exists in both the East and the West. Conformity is associated in Chine with writing style, sentence structure, and paragraphing and in the West with discipline or standards. This is the focal point of the controversy between the modern American humanism of Professor Babbitt of Harvard and his opponents. Professor Babbitt's contagious ideas have been imported into China by his disciples, and the notion of discipline is now arrayed against individualism as incompatible extremes. " Aldridge, A. Owen : Lin Yutang's subsequent comparison between Babbitt and Confucius is intentionally humorous but not disrespectful of either one. To the contrary, it shows Lin's admiration of the Chinese sage's political independence and of Babbitt's steadfast adherence to principle. |
9 | 1974 |
Snyder, Gary. Turtle island [ID D29320].
Snyder, Gary. Mother earth. [Auszug]. Pere David's Deer, the Elaphure, Lived in the tule marshes of the Yellow River Two thousand years ago -- and lost its home to rice - The forests of Lo-yang were logged and all the silt & Sand flowed down, and gone, by 1200 AD - Wild Geese hatched out in Siberia head south over basins of the Yang, the Huang, what we call "China" On flyways they have used a million years. Ah China, where are the tigers, the wild boars, the monkeys, like the snows of yesteryear Gone in a mist, a flash, and the dry hard ground Is parking space for fifty thousand trucks. IS man most precious of all things? - then let us love him, and his brothers, all those Fading living beings - … Fire is an old story. I would like, with a sense of helpful order, with respect for laws Of nature, to help my land with a burn, a hot clean Burn. Sekundärliteratur Joan Qionglin Tan : The image of China in the poem hints at the impending great ecological crisis on earth, because China represents the old root of civilization, the once-great Buddhist nation, and the land of mountains and rivers and yet this great cultural root is eroding. The heavy sigh 'Ah China' from the mouth of the poet indicates that an ecological revolution will be needed urgently to allow the re-inhabitation of the land as opposed to its destruction. For the benefit of the real land, Snyder pleads for people to descend following transcendence. Descending from the heights of enlightenment, he suggests, might be the best way to heal the land. The first prescription he offers his readers is to descend with healing fire. The effect of such burning is rebirth in China. |
10 | 1974 |
McCoy, Bob. Thornton Wilder in 'Our town'. In : San Juan star ; 2 Jan. (1974).
"Some people have said that my boyhood in China had an influence on my theater style, of not using scenery, since this is also the style in Chinese theater. When a man goes on a journey, he puts a broomstick between his legs to represent a horse and you believe it. But I couldn't possibly have been influenced by Chinese theater because I never saw a play there. My influence came from the world theater, from the Greek drama, Shakespeare. These were works that call for the same sort of imagination." |
11 | 1974-1993 |
Murdoch, Iris. Works.
1974 Murdoch, Iris. The sacred and profane love machine. (London, Chatto and Windus, 1974). Last night he had dreamt he was in China. In a wild mountain landscape he had seen, up a steep path, a wooden cistern fed by a warm spring… David held on. "You won't leave us, Monty, will you, you really won't ?" "I won't leave you. What do you suppose I'd do ?" "I could suppose you'd do anything. You could go to China. Anything." "A won't go to China", said Monty… Monty picked up a large blue and white Chinese vase from the table in the hall and bundled I tnto Harriet's arms… 1978 Murdoch, Iris. The sea, the sea. (London : Chatto & Windus, 1978). http://nikunjrandar.files.wordpress.com/2012/04/1978-iris-murdoch-the-sea-the-sea.pdf. I saw a little of James after the war in that rather moving time of the reunion of survivors, but then he vanished again. He was always vanishing. He came back from India and was posted to Germany. Then he was in England again at the Staff College, then back to India. Someone told me later that he was sent on a secret mission into Tibet to investigate Soviet activity there. Of course James never told me any thing about his work. I knew minimally of his travels because, with increasing regularity, he sent me picture postcards at Christmas and on my birthday. I paid him no such attentions, but if he wrote me a letter I always sent a brief reply. His letters were usually dull, always uninformative. Then he turned up in London just after the Chinese invasion of Tibet. I never saw him. before or since, display so much emotion. This was clearly for him a personal tragedy. He exclaimed bitterly about the stupidity of those who had failed to see that China, not Russia, was the real menace. But what grieved him was not this ignoring of (perhaps his own) good advice so much as the destruction of something he loved. This emotion was soon muted and he never spoke of the matter to me again… .I breakfast on delicious Indian tea. Coffee and China tea are intolerable at breakfast time, and, for me, coffee unless it is very good and made by somebody else is pretty intolerable at any time… Picture?, lamps, books, ornaments and rolled-up rugs cover the floor, together with a sinister scattering of pieces of broken glass and china… There are also a number of very exquisite have-worthy jade animals which I used to feel tempted to pocket, and plates and bowls of that heavenly Chinese grey sea-green colour wherein, beneath the deep glaze, when you have mopped the dust off with your handkerchief, you can descry lurking lotuses and chrysanthemums. On little lacquer altars, as I presume they are, stand, or sit, the Buddhas, what I take to be prayer wheels, and also miniature pagodas and curious boxes with complicated towers on top of them, some studded with coral and turquoise and other semi-precious stones… I nearly called out with vexation, but then realized that she was probably going to check on Ben’s activity and where abouts. Perhaps he was riveting china… What on earth would I do in London with a distraught weeping Hartley in that awful little flat with the chairs piled on the table and the china not unpacked?... 1992 Murdoch, Iris. Metaphysics as a guide to morals. (London : Chatto & Windus, 1992). http://books.google.ch/books?hl=de&id=dRvSFWUh3HgC&q=we+look+at+christ#v=onepage&q=buddhism&f=false. We must stop thinking of 'God' as the name of a super-person, and indeed as a name at all. Can we then be saved by a mystical Christ who is the Buddha of the west ? A Buddhist-style survival of Christianity could preserve tradition, renewing religious inspiration and observance in a vision of Christ as a live spiritual symbol. The historical Buddha became the mystical Buddha-nature ; but this process developed during a pre-scientific pre-rationalistic age… Buddhists live with the mystical Buddha in the soul… That there is no God is also God. I like too the frequent references to Buddha and to Void… We look at Christ (or Buddha or the Form of the Good) and are magnetically attracted… Can Christ, soon enough, become like Buddha, both real and mystical, but no longer the divine all-in-one man f traditional Christianity ?... But did not Christ and Buddha speak of a way ?... The Sermon on the Mount (Matthew 5.40,6.25, etc.) expresses the great truth in terms echoed by Buddha : 'throw everything away and become beggars'… Elsewhere Cupitt says that he wishes to reverse the traditional order, 'putting spirituality first and God second, somewhat as the Buddha put the Dharma above the gods… Perhaps (I believe) Christianity can continue without a personal God or a risen Christ, without beliefs in supernatural places and happenings, such as heaven and life after death, but retaining the mystical figure of Christ occupying a place analogous to that of Buddha… Southern Buddhism makes a more liberal use of spiritual images and most evidently the ideal of respect, love, for all created beings… New Testament Christianity, the ethical spirit of which is that of Brahmanism and Buddhism… Chinese and Japanese Buddhism reacts against the polymorphous highly decorated religious styles of India. Zen Buddhism uses art as religious teaching… The Buddhist removal of the ego is a spiritual achievement, however, spoken of in this sense by Schopenhauer… All my argument assumes that religion is not only a particular dogma or mode of faith and worship, but can exist, and indeed exists, undogmatically as for instance in Buddhism… Buddhism has no (literal, historical) central dogma similar to the Christian one, but has a large mythology, readily understood by simpler believers, used in a more reflective manner by the sophisticated… The transformation of Christianity into a religion like Buddhism, with no God and no literally divine Christ, but with a mystical Christ… Buddhism teaches respect and love for all things… Buddhism teaches the unreality of the world of appearance, including the apparent person… These journeys of the soul, as described in the Phaedrus and in the tale of reincarnation at the end of the Republic, are of course mythical ideas, similar to the concept of Nirvana in Buddhism… 1993 Murdoch, Iris. The green knight. (London : Chatto & Windus, 1993). http://books.google.ch/books?hl=de&id=sh0P5SVru08C&q=buddha#v=snippet&q=buddha&f=false. The Buddhists don't think so, they have a mystical Buddha – if we have a mystical Christ can that be the real Christ ?... He sat down heavily upon one of Emil's Chippendale chairs and looked at the Bohemian glass and the silver goblets and the alabaster Buddha… 'Yes. So speaks Eckart. As Buddhists speak of the Buddha in the soul. As Christians might speak of the Christ in the soul'… 'I agree', said Sefton. 'I wish him well with his Buddhism. I think it's quite the best of the world religions'… 'So he has told you he is a Buddhist ! Well, he may indeed have picked up a smattering of Buddhism on one of his trade mission to Japan… You are a learned man, what is called a polymath, and must know something, however superficially, about Buddhism, and about the use of a shock or blow to induce wisdom… 'I also have sought enlightenment, not in Christianity, but in Buddhism… Buddhism is a deep matter and one which cannot be quickly mastered… I will tell you more of this later – then, still following the Buddhist discipline, I returned to the world… 'You say he was a Buddhist', said Sefton. 'He is a Buddhist'. 'What kind of Buddhist ? Is he Zen ?' I'm afraid I don't know… 'Yes, you see he is a Buddhist', said Joan, who had for some time been wanting to speak, 'he's a spiritual person, like a holy man… Let me say here, in case you wonder how I came to be a Buddhist, that I learnt this discipline during visits to Japan, made in the course of my professional work. In fact Buddhist teaching is not at all remote from the asceticism of mystical Judaism or Christianity… If Buddhists think evil is unreal they must be mad … I was fortunate at that time to meet a holy man, a Buddhist, now alas dead, and I spent a time living far away from the world – I will tell you more of this later – then, still following the Buddhist discipline, I returned to the world… But I am also a Buddhist, and have undergone a considerable period of disciplined meditation… |
12 | 1974 ca.-1976 ca. |
Perry Link : Western fiction was not available publicly, although Jiang Qing did announce a short list of books of “recommended reading” that included Jane Eyre by Charlotte Brontë, A tale of two cities by Charles Dickens, The scarlet letter by Nathaniel Hawthorne, The red and the black by Stendhal, The count of Monte-Cristo by Alexandre Dumas, père and Gone with the wind by Margaret Mitchell. These books were available only to those with privileged access to "internal circulation" (classified) materials.
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13 | 1974- |
Far Eastern affairs : a Russian journal on China, Japan and Asia-Pacific Region. = Problemy Dal'nego Vostoka. (Mosgow : Institute for Far Eastern Studies, Russian Academy of Sciences, 1974-)
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14 | 1974 |
Giorgio Casacchia erhält das Diplom für chinesische Sprache der Beijing Yuyan Xueyuan.
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15 | 1974-1975 |
Roberto Ciarla erhält das Diplom in Chinese Language der Beijing Yu yan xue yuan (Beijing Languages Institute).
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16 | 1974-1978 |
Roberto Ciarla ist Mitglied des Projektes "Origins and evolution of the urban civilization in China".
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17 | 1974- |
Roberto Ciarla macht Ausstellungen über China und Asien.
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18 | 1974-1975 |
Alessandra Cristina Lavagnino ist Lettore di scambio del Ministero degli Affari Esteri des Shanghai Institute of Foreign Languages.
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19 | 1974 |
Ellen B. Widmer erhält den M.A. der Harvard University.
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20 | 1974-1976 |
Richard Clift ist Commercial Counsellor in China.
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