Claudel, Paul. La poésie française et l'Extrême-Orient. In : Conférencia ; 15 mars (1938). [Geschrieben 1937].
Comme il y a une marée de l'océan et une marée de l'atmosphère, il y a entre les différentes tribus de l'humanité une espèce de balance barométrique des âmes, des coeurs et des imaginations. Je veux dire qu'entre les divers peuples, entre les diverses civilisations, il y a un contact psychologique plus ou moins avoué, un commerce plus ou moins actif, un rapport comme de poids et de tensions diverses qui se traduit par des courants et par des échanges, par cet intérêt qui ne naît pas seulement de la sympathie, mais de la réalisation d'un article idéal, dont la conscience d'une certaine insuffisance en nous fait naître le besoin, un besoin qui essaye plus ou moins gauchement de se traduire par l'imitation. Tantôt la balance dont je viens de vous parler se traduit par un actif et tantôt par un passif. Tantôt un peuple éprouve la nécessité de se faire entendre, et tantôt — et pourquoi pas en même temps ? — celle de se faire écouter, celle d'apprendre et de comprendre.
De cette espèce de désir, que je me permets d'appeler interpsychique, des différentes parties de l'humanité entre elles, l'histoire des relations de l'Europe et de l'Extrême-Orient nous fournit une bonne illustration. Je ne remonterais pas jusqu'à l'ambassade des Antonins, jusqu'à la route de la soie, jusqu'aux missions nesto-riennes et franciscaines, ni même jusqu'à Marco Polo. Mais on ne saurait oublier que c'est le livre de ce dernier, le récit qu'il fait de Cathay et de Cipango, qui a suscité dans le coeur de Christophe Colomb, comme dans celui des essaims d'hirondelles à l'automne, l'idée de quelque chose d'absent et de nécessaire, celle d'une main là-bas tendue de l'autre côté de la mer, celle d'une certaine unité à récupérer, d'une richesse qui nous attend. Ces murailles qui lentement de nos jours, de tous côtés, se reconstituent, le siècle qui nous a précédés n'avait qu'une idée, qui était de les démolir, fût-ce, comme les Anglais dans la guerre de l'opium, à coups de canon.
Mais bien avant les commerçants et les conquistadors, les missionnaires, sur les pas de saint François Xavier, avaient pénétré l'Inde et la Malaisie, et la Chine et le Japon. Ils en avaient épelé la langue, étudié les moeurs, intégré l'histoire, bégayé la philosophie, goûté l'art et la littérature. Il est impossible d'oublier que la découverte de l'Extrême-Orient et le développement de l'art baroque au XVIIe et XVIIIe siècles ont été synchroniques et que c'est de la première que le second a probablement reçu l'accentuation décisive. Dans les Temples et les vieilles demeures chinoises, j'ai vu des autels, des sièges et des tables qui présentent exactement le gabarit de ces meubles et de ces fauteuils, si commodes à l'usage et si gracieux au regard que nous avons, aujourd'hui, toutes les peines du monde à en abdiquer l'habitude. L'élément essentiel en est cette courbe qui répond au bois et qui, à l'équilibre mort de deux perpendiculaires, substitue l'énergie et le ressort de la vie. N'est-ce pas la courbe, après tout, qui, à la fin du Moyen Age est venue reprendre et relayer le rôle de l'ogive ? Mais, en même temps que les comptoirs de Canton approvisionnaient l'Europe de laques et de porcelaines en échange de nos montres et de nos boîtes à musique, les Lettres édifiantes lui faisaient connaître quelque chose de l'histoire, des lois et de la philosophie de ce vaste empire qui, au regard de nos aïeux, dégageait une lumière lointaine, paisible et blafarde, assez comparable à celle de la lune. Tous les utopistes, et au premier rang Voltaire, y construisaient des châteaux, ou du moins comme on disait à l'époque des folies, des pagodes, comme celle de Chanteloup, toutes garnies, de haut en bas, de clochettes. Confucius plut à tous les rêveurs qui se plaisaient à l'idée d'une humanité insouciante du surnaturel et nageant dans un océan de bienveillance. L'histoire de Chine, mieux regardée, leur aurait appris que les plus belles théories ne changent rien à une humanité que l'on ne réforme pas de fond en comble avec de belles sentences. Même du temps des grands empereurs Kang Shi et Kien Lung, la Chine devait être telle que je l'ai connue de mon temps. Dans les moeurs, une effroyable corruption ; dans le peuple, une misère sans nom, accrue de temps en temps, par des cataclysmes ; dans l'administration, un pédantisme sinistre, une malhonnêteté générale et des mesures d'une invraisemblable stupidité. Il me suffira de rappeler que, pour mettre la population à l'abri des incursions des pirates japonais, le grand empereur Kang Shi ne trouva rien de mieux que d'ordonner à toute la population du littoral de se retirer à dix li à l'intérieur des terres. Quant à ce qu'on appelle la religion chinoise, c'est un mélange inouï de superstitions indigènes et étrangères, de rites de politesse, de recettes de sorcellerie, au milieu de quoi se joue une des philosophies les plus paradoxales, et, je dois le dire, les plus amusantes que l'esprit humain ait inventées, celle de Lao Tzeu et celle de cet homme de génie, dont malheureusement, l'oeuvre n'a pas été traduite en français, Tchouang Tzeu. Je veux parler du taoïsme.
Mais c'est de l'art de la littérature, ou plutôt de la poésie seulement, que nous nous occupons aujourd'hui. Je laisse de côté le roman qui est plutôt le domaine de nos amis anglais. Il y a les impressions très précieuses de Pierre Loti. Il y a le beau livre de Segalen sur la fin de Pékin, mais nous n'avons rien de comparable à montrer aux admirables ouvrages de Mme Pearl Buck. Et je voudrais considérer avec vous si la Chine a eu sur notre poésie une influence comparable à celle qu'elle a exercée sur notre art. Car, à côté de la Chine réelle, il y a une Chine Régence, une Chine Boucher, une Chine de Saxe, une Chine de la soie et de la laque, et de la porcelaine, une espèce de Chine au Bois Dormant, devant précisément son charme à son caraftère chimérique, et qui a, longtemps, fourni à l'imagination de nos aïeux des thèmes de rêverie et un vestiaire de travestissement assez analogues à ceux qu'ils trouvaient dans les contes de fées.
Au XIXe siècle, la planète lointaine et peuplée de fables se rapprocha de nous ; elle adhéra, si l'on peut dire, à notre système et s'y rattacha par toutes sortes de passerelles de plus en plus fréquentées. Les premiers visiteurs célestes débarquèrent à Paris tout de suite à leur aise, et l'un d'eux devient le professeur de la charmante fille de Théophile Gauthier, Judith. De ce contact qu'il lui permet de prendre avec les grands poètes de l'époque des Tang, dont, à la même époque, un professeur du Collège de France, Hervey de Saint-Denis, donnait les premières traductions, est né un recueil charmant et trop peu connu, le Livre de jade. J'y ai choisi un certain nombre de pièces dont Mme Kyriakos va vous donner lefture. Je me suis permis de changer moi-même quelque peu, et parfois même complètement, le texte de Judith Gauthier, et même celui des auteurs merveilleux dont les noms seuls : Li Tai Pé, Thou Fou, Tchang Jo Sou, font battre le coeur de ces amateurs qui, après bien des siècles révolus, se sentent nés pour être des citoyens du même clair de lune et pour raccrocher leurs propres rêves à cette onde née d'une rame exotique et lointaine, à ce chevalet brisé d'un luth dont la corde retenue est toute prête à fournir une vibration parente.
Mme Nada Kyriakos va vous faire entendre quelques-unes de ces petites odes qui appartiennent à l'âge d'or de la poésie chinoise, qui est aussi une des grandes époques de la peinture, celui des Tang :
NUAGES. — « La pleine lune sort de l'eau... »
PAYSAGE. — « Parmi les bambous qui bougent... »
LE PECHEUR. — « L'oiseau d'une aile rapide... »
LES DEUX AMANTS. — « Au bord du fleuve céleste... »
L'ombre des feuilles d'oranger...
DESESPOIR. — « Appelle ! appelle !... »
LA FEUILLE DE SAULE. — « Mon luth, cette fois, c'est drôle... »
LA LUNE A L'AUBERGE. — « La lune monte, il fait noir... »
LA MAISON DANS LE COEUR. — « Les flammes ont dévoré... »
JEUNESSE. — « Ce jeune homme qu'il est beau...»
Les petits poèmes que vous venez d'entendre ; les petits tableaux que Mme Nada Kyriakos vient de dessiner devant vous d'une voix flexible et comme d'un ongle léger, vous ont certainement rappelé qu'en Extrême-Orient le peintre et le poète usent d'un même instrument qui est le pinceau. Le caractère chinois n'est autre chose que la traduction d'un être, d'une idée, et, comme je le voyais indiqué récemment dans un excellent article de M. Fenellosa, d'une action, disons un ensemble de ces caractères juxtaposés et séparés par le blanc, une espèce de volée, non plusde cygnes blancs, comme ceux dont vous parlait tout à l'heure mon confrère Li Oey, mais d'ailes noires, établissant dans l'invisible des points de repère. L'esprit n'est plus conduit, comme chez nous, du sujet à l'objet par la ligne continue de la syntaxe, par une chaîne ininterrompue de verbes, de prépositions et d'incidentes. Le poème n'est pas livré tout fait, il se fait dans l'esprit du lecteur, à qui on laisse le soin d'établir les rapports entre une série de positions déterminées. En somme, le blanc, le désert de papier qui épouvantait Mallarmé, la page et la mise en page jouent un rôle aussi important que les jalons qui s'y trouvent plantés, que les signes écrits qui s'y trouvent placardés et qui, au lieu d'être successifs comme chez nous, sont, en quelque sorte, sortis simultanés, et, au lieu de nous donner la sensation du temps et de la mélodie, nous procurent plutôt celle de la fixité et de l'harmonie dans l'espace.
Cette idée de l'importance du vide dans toute composition philosophique ou artistique est une des plus anciennes et des plus essentielles de la pensée chinoise. C'est le patriarche taoïste Lao Tzeu qui l'a le mieux indiquée dans le dixième chapitre de cet admirable ouvrage qu'on appelle le Tao Teo King : une roue est faite de treize jantes qui sont visibles, mais la roue ne tourne qu'à raison de ce qui est non visible : dans le moyeu. Le vase est fait d'argile visible, mais son utilité provient de ce non-visible qu'il enclôt. De même les parties essentielles d'une maison sont la capacité des chambres et ces ouvertures que sont portes et fenêtres. Partout, c'est le non-visible qui donne aux choses efficacité.
La peinture chinoise fournit une admirable illustration de ces principes, dont on trouverait aussi le reflet dans la peinture hollandaise. L'artiste n'y met que l'essentiel, et la perspective y est remplacée par la justesse exquise des intervalles.
À ce propos, je trouve dans le livre d'une dame américaine de grande science et de grand goût, Mme Agnès Meyer, consacré à l'art de ce prodigieux artiste que l'on appelle Li Lung Mien, le passage suivant :
« Les artistes chinois n'intellectualisaient pas seulement la forme, mais l'espace, et, par l'adroite juxtaposition d'un plan terrestre et d'un plan céleste, arrivaient à nous suggérer de vastes distances, réalisant ainsi une perspective aérienne plutôt que terrestre. Le procédé un peu naïf de suggérer l'espace en mettant au premier plan des objets larges et d'autres de plus en plus petits dans l'éloignement leur aurait paru grossier et enfantin, car une distance de ce genre reste toujours mesurable et ce qui est mesurable en réalité n'est pas une distance. »
Dans les peintures chinoises, les plans ne se prolongent pas, ils se composent. Le spectacle, en s'élevant par degrés à la fois successifs et simultanés, se simplifie et se spiritualise.
L'étude approfondie de l'esthétique chinoise est toute récente, et je doute que les poètes dans les oeuvres de qui je vais flâner l'aient vu transparaître au travers de rares documents qui se trouvaient à leur portée et des fantaisies de leur imagination. Mais ce ne serait pas la première fois qu'une oeuvre exotique est féconde, autrement que par les copies qu'elle suggère, par une déformation pittoresque et amusante, comme sont, par exemple, les chinoiseries de Boucher ou par le coup d'éperon qu'elle donne en nous à l'émulation. Les quelques pièces que je vais vous lire montrent trois poètes dont le palais a été, si je peux dire, agacé par trois grains de poivre ou de camphre.
Le premier, et je dois dire le plus immédiat et le plus efficace, est le goût du « bibelot », du « curio », comme disent les Anglais, de la nouveauté dans l'étrange et dans le baroque. C'est à lui que nous devons les charmantes contre-rimes de Toulet que vous allez entendre. Le second est le goût de l'essentiel et du raccourci, se rattachant aux considérations que je développais devant vous. Je parlais d'un grain de poivre, il s'agissait plutôt d'une pastille d'encens qui se consume en dégageant une fumée odorante. Le troisième est le pouvoir de suggestion, l'idée exprimée n'ayant de valeur que par rapport à cet espace autour d'elle qui ne l'est pas.
A ce point de vue, les deux poèmes de Mallarmé et de Verlaine que je vais vous lire sont très caractéristiques.
Le premier se rapprocherait plutôt à ce que les Chinois appellent l'École du Nord, où le pinceau cherche l'enchantement dans une observation exquise et sévère de la règle.
Le second se rattacherait à l'École du Sud, que nous aurions tendance à qualifier de romantique, où la science n'exclut pas la fantaisie, la gaieté et une certaine liberté magistrale.
Voici le poème — ou plutôt, le fragment de poème de Mallarmé. Il m'est particulièrement cher pour l'avoir entendu souvent délicieusement déclamé par mon grand ami Philippe Berthelot :
Je veux délaisser l'Art vorace d'un pays
Cruel, et, souriant aux reproches vieillis,
Que me font mes amis, le passé, le génie,
Et ma lampe qui sait pourtant mon agonie,
Imiter le Chinois au coeur limpide et fin
De qui l'extase pure est de peindre la fin
Sur des tasses de neige à la lune ravie
D'une bizarre fleur qui parfume sa vie
Transparente, la fleur qu'il a sentie, enfant,
Au filigrane bleu de l'âme se greffant.
Et, la mort telle avec le seul rêve du sage,
Serein, je vais choisir un jeune paysage
Que je peindrai encor sur les tasses, distrait.
Une ligne d'azur mince et pâle serait
Un lac, parmi le ciel de porcelaine nue.
Un clair croissant perdu par une blanche nue
Trempe sa corne calme en la glace des eaux,
Non loin de trois grands cils d'émeraude, roseaux.
Le second est un quadruple quatrain de Verlaine où l'on trouve les qualités parfaites de ce délicieux poète, et le dernier vers de dix-sept pieds fait, à la fin du morceau, une espèce d'éblouissant paraphe :
Lourd comme un crapaud, léger comme un oiseau,
Exquis et hideux, l'art japonais effraie
Mes yeux de Français dès l'enfance acquis au
Beau jeu de la Ligne en l'air clair qui l'égaie.
Au cruel fracas des trop vives couleurs,
Dieux, héros, combats et touffus gynécées,
Je préférerais, d'entre les oeuvres leurs,
Telles scènes d'un bref pinceau retracées.
Un pont plie et fuit sur un lac lilial,
Un insecte vole, une fleur vient d'éclore,
Le tout fait d'un trait unique et génial.
Vivent ces aspects que l'esprit seul colore !
Si je blasonnais cet art qui m'est ingrat
Et cher par instants, comme le fit Racine
Formant son écu d'un cygne et non d'un rat,
Je prendrais l'oiseau léger, laissant le lourd crapaud dans sa piscine.
Et enfin, voici les pièces de Toulet que je vous ai promises et dont vous aimerez comme moi l'allure élégante et désinvolte :
LE PAON
Vous qui retournez du Cathay
Par les Messageries,
Quand vous berçaient à leurs féeries
L'opium ou le thé,
Dans un palais d'aventurine
Où se mourait le jour,
Avez-vous vu Boudoulboudour,
Princesse de la Chine ?
Plus blanche en son pantalon noir
Que nacre sous l'écaillé ?
Au clair de lune, Jean Chicaille Vous est-il venu voir ?
En pleurant comme l'asphodèle
Aux îles d'Ouac-Wac,
Et jurer de coudre en un sac
Son épouse infidèle,
Mais telle qu'à travers le vent
Des mers sur le rivage
S'envole et brille un paon sauvage
Dans le soleil levant ?
LA SOURCE
J'ai beau trouver sympathique
Feu Loufoquadio,
Ses japs en sucre candio
Son Bouddha de boutique,
J'aime mieux le subtil schéma,
Sur l'hiver d'un ciel morne
De ton aérien bicorne,
Noble Foujiyama,
Et tes cèdres noirs, et la source
Du temple délaissé,
Qui pleurait comme un cœur blessé
Qui pleurait sans ressource.
LE JAPON
Le Jap !... qui raffole, dit-on,
De chaussure vernie,
Les porte (chacun sa manie)
Au bout de son bâton.
Ainsi, l'éclat les en décore
Sans blesser leurs pieds nus,
Ainsi, sans doute, eût fait Vénus.
J'en sais d'autres encore...
Et enfin, je ne puis résister au plaisir de vous dire un assez long poème de mon ami Francis Jammes, qui donne bien l'atmosphère paisible et sentencieuse du pays de Confucius.
CONPUCIUS
Confucius rendait les honneurs qui leur conviennent
aux morts, dans l'Empire bleu du Milieu.
Il souriait parce que l'eau éteint le feu
comme la Vie éteint l'homme vers l'époque moyenne.
iL n'ornait pas ses paroles merveilleusement comme certaines coupes des Grands de l'Empire. La tanche, qui est comme un vase de pagode riche, n'a pas besoin d'être ornée artistiquement.
II allait avec une grande modestie au Palais, écoutant sans colère les joueurs de flûte
qui adoucissent les sentiments comme la lune adoucit, sur la montagne, les arbres violets.
Il parlait avec une respectueuse cérémonie aux principaux de la ville et au chef de guerre.
Il était bon, sans familiarité vulgaire, avec les gens du commun et mangeait leur riz.
Il se plaisait aux choses de la Musique,
mais préférait les instruments de simple roseau
cueilli près des marais de vase douce et jaune
où l'oiseau sans nom qui fait yu-yu se niche.
Il se permettait, pour le bien de son estomac, les épices.
Il aimait, vers le soir, à discuter de belles sentences.
Et il aurait voulu qu'on suspendit aux potences
qui servent aux lanternes, des moraleries.
Il parlait peu d'amour, davantage de la mort,
quoiqu'il déclarât que l'homme ne peut la connaître.
Il aimait voir les jeunes gens à la fenêtre,
les trouvant bien, à demi cachés par les ricins gris, mais rouges.
Le soir il allumait des baguettes de parfum
puis tournait gravement un moulinet où les prières
s'enlaçaient comme de belles pensées dans la cervelle
d'un jurisconsulte ou d'un poète de talent.
Il allait aussi voir les bâtiments de la province,
se réjouissant de leur propreté et du bon ton
des navigateurs policés dont les réflexions
étaient profondes et claires comme le désert marin.
A ceux lui demandant des choses sur la chair,
Confucius dit : « La vôtre est pareille à l'autre
Et la mienne à la vôtre; le sens de ceci est clair. »
Puis il regarda en souriant son cercueil.
Maintenant j'en ai fini avec la Chine. J'aurais voulu vous parler aussi de la poésie japonaise. Mais pour cela, il me faudrait encore toute une conférence. Je prierai simplement ma charmante collaboratrice de vous lire toute une série de petits poèmes traduits, ou plutôt inspirés, de la poésie populaire japonaise et de cette forme d'odelette très courte et formant tableau, ou plutôt vignette, que l'on appelle là-bas dodoitzu. Je me suis permis de les interpréter avec la plus grande liberté, d'après le beau recueil de M. Georges Bonneau.
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