HomeChronology EntriesDocumentsPeopleLogin

Chronology Entries

# Year Text
1 1981
Aufführung von Romeo and Juliet von William Shakespeare durch Studenten in tibetischer Sprache, basierend auf der Übersetzung von Cao Yu durch die Shanghai xi ju xue yuan (Shanghai Theatre Academy) unter der Regie von Xu Qiping xi ju xue yuan (Shanghai Theatre Academy) unter der Regie von Xu Qiping.
2 1981
Aufführung von The merchant of Venice von William Shakespeare in der Übersetzung von Fang Ping durch die Shanghai xi ju xue yuan (Shanghai Theatre Academy) unter der Regie von Zhang Zhenmin, Liu Jianping und Zhao Guobing.
3 1981
Aufführung von The merchant of Venice von William Shakespeare durch die Taiyuan shi hua ju tuan (Taiyuan City Spoken Drama Company).
4 1981
Sollers, Philippe. Pourquoi j'ai été chinois. In : Tel quel ; 88 (été 1981). [Auszüge].
[Interview zwischen Philippe Sollers und Kao Shuhsi 1980].
Ce qui m'a amené à la Chine, c'est la littérature, c'est-à-dire mon expérience personnelle. En 65 paraît de moi un petit livre, « Drame », qui est un essai de recherche de la narration la plus 'vide' possible. C'est une sort de cheminement que ja fais depuis des années déjà à ce moment-là et qui n'attend qu'une sorte de confirmation dans le tissu symbolique chinois. C'est par une expérience mentale et physique que je suis arrivé à m'intéresser à la philosophie chinoise, à la poésie chinoise et à la disposition du corps chinois par rapport au langage et à l'écriture. J'étais attiré par ce qui va être une constante dans mes intérêts à cette époque-là, par le taoïsme. Il s'agit d'abord d'une expérience érotique. « Drame » était déjà un roman chinois...
Il y a eu la grande découverte vers les années 66-67 – pour revenir aux influences culturelles ; c'est à la fois l'influence culturelle et l'expérience personnelle, les deux indissociablement – des travaux de Joseph Needham, qui a fait ce merveilleux travail encyclopédique qui s'appelle « Science and civilisation in China »...
Celui qui s'intéressait le plus à la Chine, avec qui nous avons souvent parlé du chinois comme langue et qui d'ailleurs aurait dû venir en 74 avec nous en Chine, c'est [Jacques] Lacan. Lacan est quelqu'un qui s'est approché intellectuellement de la Chine, qui a bouqiné du chinois. Donc, on peu passer par le savoir, les sciences humaines, le langage, ou alors on peut passer crrément par la poésie, c'est-à-dire par le fait de se sentir très violemment atteint par le fonctionnement poétique chinois. Il y a eu aussi, il faut bien le dire, Ezra Pound, qui a eu une très grosse influence sur nous bien avant 65...
« Nombres », dans mon fantasme à moi, est un livre qui annonce l'arrivée de la Chine. J'ai fait ça en 66-67 et « Nombres » est paru en avril 68. J'ai trouvé admirable que, à peine le livre était-il sorti, eh bien tout le monde était en train de se demander ce que c'était que l'apparition de la Chine dans l'atmosphère révolutionnaire...
Mai 68 : La vision romantique d'une Chine insurrectionnelle, qui invente un tout autre modèle pour la société, devait fatalement revenir à quelque chose qui au fond sera une simple coloration de l'expérience soviétique, ce que l'histoire chinoise elle-même a vérifié.
Tel Quel s'est trouvé ballotté dans cette affaire du mouvment 'maoïste' comme on l'a appelé. Ca a été très fort pour Tel Quel et je dirais pour la plupart des intellectuels français...
Il y a eu une sorte de déferlement très étrange dont on pourrait dire que, plus ou moins mythologiquement, le centre se trouvait en Chine. C'était quand même curieux. Curieux parce que, pour la première fois, la Chine émettait le message. Et on a reçu ce message, je crois, en fonction de la très grand morosité du modèle soviétique... La Chine paraissait être lieu où reprenait l'émission en direct, vivante, de la volonté revolutionnaire. Ce qui quand même est extraordinaire parce que jamais un message direct n'est venu de Chine vers l'Occident avant...
Il y a eu tout de suite des discussions très longues, très compliquées. Il y avait ceux qui étaient passionnés par ce qui se passait en Chine et qui trouvaient qu'il y avait là quelque chose de tout à fait nouveau : l'insurrection, l'apparition des signes chinois. Il y a eu une diffusion énorme du chinois ; les ondes transmettaient des Chinois qu'on voyait ; les Chinois avaient l'air d'exister alors qu'on ne les avait jamais vus... La Révolution Culturelle est une époque terrible pendant laquelle tout le monde a été persécuté, les artistes, les intellectuels. Cerainement c'est vrai. Mais peut-être qu'on n'aurait jamais entendu des Chinois sans ça non plus, qui seraient restés de 'braves Russes', des Russes qui ont l'air chinois, des Russes qui sont habillés de corps chinois. Moi, ce qui m'intéressait, c'est que les Chinois soient chinois, et que ça ne soit pas des Russes habillés de corps chinois. Je crois que ça reste la chose fondamentale aujourd'hui...
La Révolution Culturelle : Mao Zedong était trop purement chinois. Il ne connaissait pas suffisamment la science. Tant qu'on n'arrive pas à dépasser le point de vue de la science, on reste sous la domination de la science... Mon point de vue est hégélien à ce moment-là, ou marxiste, mais d'un marxisme très particulier puisque je pense que la science n'épuise pas du tout l'ensemble du réel. Ce qui s'est passé pour la Chine, c'est que ce qui a essayé de se faire était en deçà de la science, tout en étant plein d'éléments probablement très nouveaux mais qui sont légués aux générations pour qu'elles les interprètent comme elles le veulent... On était maoïste par souci de révolte. A ce moment-là, on rentrait immédiatement en contradiction avec les maoïstes eux-mêmes, c'est-à-dire avec les cohortes de maoïstes qui pensaient sur un modèle archaïque que le maoïsme c'était le retour à la tradition pure et dure du marxisme, c'est-à-dire au stalinisme. Le 'telquéliste maoïste' de l'époque se trouvait triplement isolé : il comprenait qu'il y avait là un phénomène très important mais il ne pouvait pas du tout faire partager son interprétation par d'autres maoïstes ou alors il rentrait immédiatement en contradiction avec eux parce que ce qu'il proposait, par exemple sur le plan littéraire, était une technique et un produit hautement élaborés, un laboratoire très important dont les autres ne voyaient absolument pas l'utilité... Donc, le telquéliste maoïste était en contradiction avec les maoïstes. C'est une contradiction très profonde qu'il ne faut pas masquer du tout aujourd'hui parce qu'elle a eu lieu. Moi je l'ai vécue très profondément et c'était peine perdue. J'ai perdu deux ou trois ans à essayer d'expliquer les choses et puis j'ai vu que c'était dans le désert...
Il y avait au départ une contradiction entre l'appréciation du nouveau et le retour à des archaïsmes, c'est-à-dire l'interprétation du phénomène chinois comme étant le symptôme de quelque chose de très nouveau, planétaire, au lieu d'être au contraire le retour à une source qui aurait été trahie en route, voilà les deux interprétations, l'une moderne, finalement allant de l'avant, l'autra au contraire se repliant et revenant à des positions archaïques, l'interprétation archaïque étant largement majoritaire...
Epoque de la pensée de Mao Zedong : Cette espèce d'intervention brusque de la Chine dans l'histoire occidentale avait à mon avis deux intérêts : premièrement, manifester sous une forme ultra-mythologique, quelque chose comme un défi à la planète. Je me rappelle très bien un moment très vif, très lumineux, qui a été cette fameuse baignade de Mao Zedong, où j'ai eu l'impression que quelque chose s'écrivait vraiment dans le réel, dans le geste, dans la façon d'opérer. J'ai trouvé ça tout à fait étonnant comme mode d'intervention, que quelqu'un soit assez fou ou assez extravagant pour faire une sorte de passage à l'acte en direct et de jeter son défi à la planète tout entière et notamment par rapport à l'Union soviétique. Je crois que, dans sa sensibilité, il y avait ce côté utopique et anarchiste. C'était une façon d'essayer de faire sortir la Chine de l'histoire... Il y a eu un point de crise extraordinairement dramatique dans cette affaire de la Révolution Culturelle. Je ne connais rien de plus pathétique en un sens que cette tentative de Mao Zedong à l'époque pour essayer de percevoir une autre logique possible. Et à mon avis ça a été un échec parce que, pour inventer une extension logique du continent marxiste, il fallait abandonner les prémisses. Or les prémisses étant ce qu'elles sont, ça ne peut donner qu'un spasme sur place, très violent, qu'on appelle la Révolution Culturelle, dont à mon avis l'essentiel est quand même ce qu'on oublie toujours de dire aujourd'hui : la rupture avec l'Union soviétique, une sorte d'écart par rapport à l'empire soviétique, portant par là même la crise dans le marxisme lui-même puisque c'est la première fois qu'il n'y avait plus d'unité dans le camp en question... Mao Zedong a tué le marxisme. C'est probablement la raison pour laquelle il va être désormais refoulé ou critiqué ! La vraie interprétation, peu-être, de Mao, c'est d'avoir poussé le marxisme à son point d'incandescence pour le supprimer. Moi je rêvait d'une chose : que Mao, en 68-69, réunisse une grande manifestation de masse place Tian-An-Men et annonce au peuple chinois le dépassement ou la dissolution du marxisme, et ça aurait alors donné une crise gigantesque dans la vicilisation chinois... Finalement, le vrai enjeu de la Révolution Culturelle, on ne le vit plus du tout aujourd'hui puisque la Chine a rabasculé dans l'orbite de l'histoire, au sens uniquement occidental du mot, c'est-à-dire qu'elle va se colorer selon la grande expérience de l'empire mondial actuel qui est l'empire américo-russe, composé de deux puissances qui à mon avis 'entendent très bien pour gérer la terre. Donc, il aurait fallu que la Chine ait une conscience technique plus élaborée. C'est cette conscience technique qui est en train de se mettre en place par la rationalisation technique elle-même, c'est-à-dire les oléoducs, le gaz, le pétrole, le machines-outils, etc. L'expérience chinoise prouve que pour faire consister le corps social on peut utiliser une vulgate marxiste très pauvre, mais que les vrai enjeux restent les enjeux économiques, techniques et scientifiques. Je crois que la pure gestion technique du continent chinois par le marxisme est désormais acquise.
Pour l'instant, ce qui me paraït très intéressant, c'est ce qui revient en Chine et qui est d'ailleurs probablement inéliminable dans toute société humain... Ce qui me paraït tout à fait symptomatique, récemment, c'est que finalement ça devient une histoire de femmes, l'histoire de la Chine. Le symptôme est devenu un symptôme féminin... Et puis, on a trouvé probablement, à mon avis, le bon bouc émissaire, c'est celui qui va servir à la modernisation de la Chine, ce sera Jiang Qing, et c'est une femme !...
[Le commencement de l'intérêt pour la Chine] : C'était plus particulièrement le taoïsme. Il y avait la lecture de livres comme ceux de Maspero ou de Marcel Granet, « la Pensée chinoise ». Mais il y avait quelque chose qui n'était pas seulement du savoir mais une sorte d'expérience personnelle qui faisait rupture pour moi très fortement avec la culture occidentale avec sa façon de se centrer, de faire axe sur une sorte de complétude, d'unité substantielle.
Je crois que la question sexuelle, ce qui est perceptible, quoique de façon très discrète et probablement toujours refoulée, de la tradition érotique chinoise est une chose qui a déterminé beaucoup l'intérêt de certains vers la Chine, en tout cas le mien. Il est certain que la technique érotique chinoise, ce qu'on peut deviner de l'utilisation, tout à fait hors de toute culpabilité, de l'érotique chinoise me aparît, dans ses rapports avec la poésie, la peinture, la mystique, quelque chose de très particulier. Je n'en trouve pas trace dans les autres cultures.
Ce qui m'intéressait aussi, pour répondre d'une expérience très particulière, c'était la recherche vers la Chine de cette tradition taoïste, c'est-à-dire quelque chose de l'ordre du vide. Parce qu'il faut trouver un vide qui ne soit pas un plein déguisé, n'est-ce-pas, qui soit un vrai vide, et ça, c'est très difficile. Ce qu'on prend généralement pour le vide, notamment dans les théories matérialistes, n'est qu'une sorte de substantialisme déguisé... Ce qui m'intéressait à l'époque c'était de voir, par exemple, que la catégorie dite du phallus n'avait absolument pas sa correspondance en Chine ou en Chinois ; il s'agit d'un phénomène restreint à un type de culture méditerranéenne ou indienne. Mais en Chine, bizarrement, on a l'impression que les coordonnés s'inversent et que là où il y avait du vide. Donc, c'est quelque chose qui propose, du corps et du rapport entre le corps et le sexe, et entre le sexe, le corps et le symbolique, comme une autre logique que vous retrouvez fonctionnant et qui intrigue tout le monde dans ce qu'on appelle la pensée chinoise, pensée qui passe pour être d'un autre ordre ou d'une autre nature...
Ce qui me préoccupe à ce moment-là, c'est-à-dire vers les années 67-68, c'est en effet de trouver – je sentais que la rhétorique occidentale ne marchait plus – une construction de langage qui serait susceptible d'intégrer cette expérience chinoise et de fabriquer une autre phrase de part en part...
Traductions de certains poèmes de Mao Zedong : J'ai fait ces traductions-là de façon très provocatrice pour en partie démontrer que la façon dont le chinois était traduit d'habitude par les lents professeurs occidentaux restait prisonnière de formes académiques et qu'elle ne donnait pas la traduction littérale, directe, de cette espèce de condensation télégraphique, de cette longueur d'ondes différente du fonctionnement. Je crois que c'est une des premières fois où on a traduit du chinois d'une façon qui essayait d'être le trait même de la chose sur la page, en supprimant les pronoms, les indéfinis, les 'le', les 'de'. L'effet à produire était celui d'une 'nappe de ciel sans couture'...
J'ai toujours ce rêve que la première écriture est chinoise, la chose la plus fondamentale, la tortue qui sort de l'eau avec ses signes qui apparaissent sur la surface, qui au départ ne sont même pas tracés mais qui ressortent de la surface elle-même. Donc, pour moi, le chinois c'est vraiment le point limite où on ne peut pas distinguer entre le support et la marque. La marque est en même temps le support, le support est la marque. Ca revient justement à cette logique très particulière du plein et du vide, qui fait que vous n'avez pas quelque chose d'écrit sur une surface mais une gravitation qui contient son propre support au moment même où ça s'écrit. C'est le type d'écriture mythique que je cherche, c'est-à-dire une voix qui raconte la façon dont ça s'écrit pour bien marquer que ça n'est pas quelque chose qui s'écrit sur une surface mais que l'on est dans un milieu tout à fait étrange où le fait même de s'écrire produit un espace. Le déploiement d'un espace ou d'une surface est absolument concomitant au fait que quelque chose y soit tracé. Il y a simultanéité. C'est pour ça d'ailleurs que ça interroge tellement la philosophie. Trace et support. Mais vous ne pouvez pas distinguer l'un de l'autre. Et le chinois me sert à faire sentir ça. Ce que raconte le reste, le récit tout entier de « Nombres » raconte ce que le signe chinois est chargé d'indiquer. C'est pour cela que je vous parle de résumé. Le fonctionnement même de l'idéogramme chinois pour moi c'est tout ce qu'il y a à raconter ; il n'y a pas à raconter autre chose...
5 1981
Sate yan jiu. Liu Mingjiu bian xuan [ID D12359].
The publication not only offered the Chinese academe the most complete and comprehensive material for further research, but provided multi-dimensional approach for the intellectuals as well as general public to know, to understand and to grow intimate with Jean-Paul Sartre. The concept of 'freedom' and 'free choice' which is the essence of Sartre's existentialist philosophy is prone to misunderstanding.
6 1981
Feng, Hanjin. Dang dai Faguo wen xue liu pai pi she [ID D24279].
Feng conducted a thorough study on the evolution of existentialism, on the ideological trends of Jean-Paul Sartre, on the basic principles of existentialism and on Sartre's theories of methods and techniques of novel-writing. Feng managed to give a fairly objective comment on Sartre and existentialism by pointing out both their active factors and passive factors.
7 1981
Habermas, Jürgen. Theorie des kommunikativen Handelns. (Frankfurt a.M.: Suhrkamp, 1981).
Tong Shijun : In his writings, Habermas has rarely mentioned devloping countries in general and China in particular, except in his discussion of Max Weber's conception of occidental rationalism. This essay tries to show, however, that his theory of modernity and modernization based on his theory of communicative action is, compared with other current social theories, more relevant to China. Habermas criticizes Max Weber for observing Chinese culture only from the perspective of ethical rationalization, and suggests that we also observe it from the perspective of cognitive rationalization, and compare it with the Greek tradition insead of the Judeo-Christian tradition. In doing so Habermas refers to Joseph Needham's study of the history of science and technology of ancient China.
8 1981-1996
Quellen Pascal Quignard :
Cao, Xueqin. Le rêve dans le pavillon rouge [ID D6925].
Entretiens de Lin-tsi. Trad. du chinois et commentés par Paul Demiéville [ID D5335].
Granet, Marcel. La pensée chinoise [ID D3346].
Kou, Pao-koh Ignace. Deux sophistes chinois, Houei Che et Kong-souen Long (Paris : Presses universitaires de France, 1953). [Hui Shi, Gongsun Long].
Li, Shangyin ; Bonmarchand, Georges. Les notes de Li Yi-chan (Yi-chan ts-ts'ouan) traduit du chinois : étude de littérature comparée. (Tokyo : Maison franco-japonaise, 1955).
Philosophes taoïstes : Lao-tseu, Tchouang-tseu, Lie-tseu [ID D6810].
Pu Songling
Wou, King-tseu [Wu, Jingzi]. Chronique indiscrète des mandarins : Rulin waishi. Trad. du chinois par Tchang Fou-jouei, introd. d'André Lévy. T. 1-2. (Paris : Gallimard, 1976). (Connaissance de l'Orient).

Francis Marcon : La littérature selon Quignard a quelque chose à voir avec le bouddhisme, même s'il prononce rarement le mot, ce bouddhisme qui permet d'unir en une même sagesse l'Inde, le Japon ou la Chine, et croit en la multiplicité infinie des temps et des espaces. La Chine, c'est aussi le pays de la sagesse et de la méditation. Il semble naturel et presque redondant de dire « Les anciens sages de la Chine ».

Philippe Postel : Quignard considère la langue classique chinoise, le 'wenyan', comme une langue modèle car elle n'est pas employée comme parole, mais uniquement comme moyen d'écriture et de lecture : il s'agit donc d'une langue qui a su, en quelque sorte, s'affranchir du pouvoire aliénant propre au langage oral et qui peut donc servir à son tour d'instrument de libération, par la pratique de la lecture ou de l'écriture. C'est du reste le propre de toutes les langues dites mortes comme « le sumérien pour les scribes assyriens, l'assyrien pour les scribes phéniciens, l'araméen, l'hébreu, le grec, le latin durant des millénaires en Occident, le sanskrit et le pali durant des millénaires en Asie ».
9 1981-1984
Quignard, Pascal. Petits traités. T. 1-3. (Paris : Clivages, 1981-1984).
Er schreibt :
« La scène de Cao Xueqin... souligne cet étrange pouvoir que présente l'écrit de fragmenter le tissu oral, d'immobiliser, de disséquer, de piquer le flux de parole... »
« Cao Queqin dit que les livres purifient les oreilles. D'abord, les livres médiocres purifient les oreilles par l'absence de son. Puis les bons livres purifient les oreilles, par-delà l'absence de son, par l'appréhension d'une 'sorte de son dont on se souvient'. Ce souvenir de son, qui nous émeut, n'est pas sonore. Il ne souille pas l'oreille, et la tête en est le réceptacle. »
« Les arbres qui sont éloignés sont dépourvus de branches. (Wang Wei précise que, tout d'abord, - pour peu que nous les prenions à l'improviste en nous retournant brusquement – aussitôt avec violence, avec splendeur, ils paraissent nier qu'au terme de leurs branches ils aient jamais porté des fleurs. Puis, si nous nous éloignons davantage – et à la condition que nous regardions de côté - c'est à peine s'ils souffrent l'idée de se dresser, de s'épanouir, et de présenter à nos yeux la plus vague apparence d'un minuscule feuillage. Peu après, ils ne supportent même plus leur ombre. Ils effacent leur ombre sur la terre. Si nous marions un peu encore, et si nous nous retournions de nouveau brusquement, alors ils n'admettraient plus du tout qu'ils aient pu être des arbres. De leur propre mouvement ils seraient anéantis, et ils se confondraient au silence, et à l'invisibilité. Ils se reposent alors). »
« Po-chang dit : 'Il est inutile de chercher la compréhension à travers le langage et les valeurs dans les mots. La compréhension appartient à la gourmandise et la gourmandise mène à la maladie. »
« Le nom de Lao-tseu est composé des caractères 'vieux' et 'enfant'. Le lettré est l'enfant du vieux. Mais la langue est l'aïeule. (Il tenta en écrivant des livres de recouvrer un plaisir immédiat de langue (une lallation muette), de 'retoumer' l'écho d'une voix entendue dans l'enfance (sont il rêvait qu'il l'avait entendue chanter près de son corps, le long de son corps, dans sa chambre d'enfant... »
10 1981
Macé, Gérard. Leçon de chinois [ID D21763].
Quellen :
Chen, Fou. Récits d'une vie fugitive. (Paris : Unesco, 1967 ; Garis : Gallimard, 1977).
Cheng, François. Vide et plain. (Paris : Le Seuil, 1979).
Elisseeff, Danielle ; Elisseeff, Vadime. La civilisation de la Chine classique [ID D6602].
Jaeger, Georgette. Les lettrés chinois : poètes T'ang et leur milieu [ID D24920].
Quignard, Pascal. Un lipogramme d'Appius Claudius. In : Argile ; vol. 18, hiver (1978-1979).
Segalen, Victor. René Leys [ID D3084].
Besoin de Chine. In : Armand Robin multiple et un. In : Plein chant, automne (1979).

C'est la face entière, et non seulement la bouche, qui apprend à prononcer les sons, dont la vibration cesse aussitôt, percutés presque tous entre le palais et les dents – contre l'os et l'ivoire.
Derrière ce masque, c'est la voix qu'il faudrait imiter, au lieu d'un « accent ». Et le visage d'un autre qu'il faudrait apprivoiser.
Premières pages d'écriture. Pour que la main apprenne à reconnaître les caractères. Car c'est elle qui commandera au cerveau.
Défi à l'homme gauche, à l'Européen manchot.
J'apprends à tracer des signes et à prononcer, comme un enfant qui pressent le vieillard en lui, et se souvient du nourrisson. Apprendre le chinois, c'est rééduquer une main morte, en paralysie depuis toujours à l'orient de soi-même. Mais pour réveiller quoi, dans un coin perdu de quel hémisphère ?
Méandres d'un « peu profond ruisseau ».
Quatre tons, plus un ton léger : chacune des quatre cents syllabes est une corde pincée sur cette gamme rudimentaire. Un peu plus haut, un peu plus bas, le cri d'amour est changé en injure, et le chanvre en cheval.
Les mots montent et descendent sur la courte échelle des significations.
Il faudrai apprendre aussi l'intonation qui veut tout dire : ironie, périphrases, fausses questions et sous-entendus... La colère et ses discours, l'allitération et ses ruses.
Ici la corde et l'archet, là-bas la cloche et le gong.
Toute langue est pauvre au commencement, même le chinois. De là vient la saveur de la première leçon : quatre mille ans de « réel réalisé », mais aucune mémoire personnelle.
A quand les souvenirs de ce moi étranger ?
Les mots qui désignent les nombres : cent, mille et un million ici ; bâi (cent), qiân (mille), et wàn (dix mille) en Chine. Pour nous les zéros se comptent par trois, pour les Chinois par quatre. Passer d'une langue à l'autre implique donc une opération de change – qui est aussi une conversion mentale, car il s'agit du « change » de l'espace et du temps.
Entre ciel et terre, c'est-à-dire entre le cercle et le chiffre neuf, la quadrature et le carré.
Tout est quantifiable en Chine : poids, mesures, mérites et démérites. Mais aussi les signes : mille, deux mille, six mille, et le savoir est mesuré comme le reste. Pour devenir lettré, savant, poète ou moine, il suffirait donc d'ouvrir le dictionnaire. Qui, mais à condition d'avoir aussi la connaissance du vide, à l'origine et au coeur de tout. Comme les ancêtres parmi nous, et les démons partout présents.
La Chine est familière des grands nombres. Mais l'immensité mesurable n'est pas encore l'infini. D'où une hiérarchie très précise, et une divinité partout sans nom.
3 e jour du 3e mois : fête du printemps. 5e jour du 5e mois : fête de la 5e lune. 7e jour du 7e mois : fête de la femme. 15e jour du 8 e mois : fête de la mi-automne. 9e jour du 9e mois : fête du double neuf. Les fêtes font partie de cet empire du nombre. Le dictionnaire aussi, dans son principe de classement : d'abord les caractères formés d'un seul trait, puis de deux, puis de trois, puis de quatre... De même autour de la table, où l'on place d'abord la personne dont le nom de famille est composé d'un seul trait, et ainsi de suite, du plus simple au plus compliqué.
Du langage à la table, cosmogonie partout : à partir du moindre élément, on engendre un univers. Comme en peinture, où il suffit d'un unique trait pour séparer le ciel et la terre.
Le boulier dispense les Chinois d'écrire pour effectuer les quatre opérations. Dans un espace asymétrique et restreint (un cadre de bois très ordinaire) des formules dont la valeur est muette glissent sous les doigts d'un maître trop humain, comme les points cardinaux d'un univers encore en mouvement, avant de se loger dans lVendroit prévu où ils serviront de mémoire.
Ainsi, l'écriture en Chine fut au cours des siècles d'un usage réservé. Etendre aujourd'hui cet usage en le simplifiant, c'est peut-être asservir tout un peuple à des règles vulgaires, et c'est donner naissance à une langue morte.
Nous avons volé le feu au ciel, les Chinois lui ont volé les signes ; mais on s'est partout servi du feu pour brûler les livres.
Le premier empereur (T'sin che-houang ti) qui plaça son règne sous les signes de l'eau, de la couleur noire, du chiffre six, du yin et de l'hiver, de l'ombre et de l'ubac, fit fermer la grande muraille pour mieux se protéger des barbares – et c'est le même qui ordonna de brûler tous les livres afin de réduire au silence les lettrés. La première stèle, élevée pour avoir force de loi, est un instrument de torture et de mort. Elle est encore dans nos mémoires (comme la marque au fer rouge sur le corps des lettrés qui voulurent conserver leurs livres) pour nous reppeler que le pur souci de la grammaire ne préserve pas des sacrifices, et que le langage pris à la lettre attise la haine des tyrans. Qu'en tous les siècles et de toutes les manières il fallut payer de sa personne pour défendre les mots.
Pressé de questions, comme le voyageur à son retour : alors, vous apprenez le chinois ? Comment ? Et surtout, pourquoi ? Or, le chinois vous prend parce qu'un but quelconque (un progrès encore plus) est hors de question.
Un apologue tout de même : aujourd'hui qu'il n'y a plus d'ailleurs (sinon dans une forêt fraîchement abattue, ou un livre déniché par hasard), Marco Polo ne quitterait pas Venise, il apprendrait des langues. Ou travaillerait à les oublier toutes, mais dans une chambre convenablement orientée, aussi difficile à trouver aujourd'hui que le Pays des Licornes jadis.
Un Chinois reconnaît un étranger à son écriture aussi : à ce tracé grêle et tremblant, qui ne crée aucune présence, ni aucun vide. Traits sans épaisseur et sans mémoire, sans haine et sans ciel.
Méprisant les désinences et les parlers divers, mais liés à l'espace de l'empire, les caractères chinois, dans le carré qu'ils occupent, retracent les fleuves et les défilés du Milieu, le feu du ciel et les labours de la terre. Ils nous proposent un rôle avant même d'être disposés en recettes ou sentences, et font danser devant nos yeux l'illusion d'une langue naturelle.
La plupart des idéogrammes, tributaires d'une convention qu'ils brisent, amorcent un récit en nous invitant à lire leurs histoire. Où se retrouvent les veines du dragon et le carré de la terre, l'esclavage de la femme et le cadavre de l'homme.
L'eau et le coeur, l'arbre et le feu, la porte et le toit... Agrippée au ciel où elle imprime un sens, l'écriture chinoise est une liane enroulée autour du vide, une tresse autour de la pensée.
L'homme toujours debout, la femme toujours assise : le poignet libre pour l'un, les pieds bandés pour l'autre.
Nuages enroulés. Chanvre effiloché. Fagot emmêlé. Corde détortillée. Et face de diable, crâne de squelette ou grains de sésame, or et jade ou cavité ronde : ce sont les noms des rides et reliefs qu'impriment au paysage les traits d'un pinceau plus ou moins sec.
Pauvres pleins et pauvres déliés, d'une écriture que nous continuons malgré tout de flatter.
Un calligraphe digne de ce nom se donne amoureusement à son art. Elan ou retenue, effleurement ou pression : l'écriture est une caresse, un toucher sensuel. Ecriture heureuse que le poète occidental entrevoit (dans le plaisir, parfois, de recopier sans rature, ou comme Goethe écrivant de son doigt sur le dos de sa maîtresse...), mais presque toujours désespère d'atteindre : ce pourquoi sa main si souvent s'affole, se raidit ou se crispe.
Le célèbre calligraphe Zheng Xie, raconte François Cheng, échoua jusqu'à l'âge de quarante ans à tous les examens de lettré auxquels il se présenta. Non par manque de connaissances (seule raison d'échec en Occident), mais à cause de sa mauvaise calligraphie : l'épreuve la plus importante lui était fatale à chaque fois. Il se mit donc à imiter les modèles, en calligraphiant à toute heure du jour, en toutes circonstances. Et même la nuit : une fois qu'il traçait ainsi des caractères, avec le bout du doigt, sur le ventre de sa femme enceinte, celle-ci s'écria furieuse : « A chacun son corps. » Et comme le caractère qui désigne le corps est aussi, en chinois, le caractère qui désigne le style, la remarque de sa femme fut un éclair dans l'esprit de Zheng Xie : il sut à partir de ce moment qu'au lieu d'imiter, il devait en lui seul apprendre le recueillement, éprouver le geste, créer la tension nécessaire. Pour devenir le calligraphe le plus grand de son siècle.
Une tournure de la langue natale (involontaire comme une position du corps dans le sommeil), un mot à mot traduit viennent souvent s'insérer dans une phrase étrangère : la « faute » est ici proche du lapsus. L'objet premier du désir, par un accroc ou une échancrure dans la langue apprise, vient reppeler ses droits, et fait tenir à l'autre un propos décousu.
Sous l'habit d'emprunt, un dessous dépasse : la doublure sous le manteau chinois, et j'entends des rires dans mon dos.
L'imaginaire a son idiome à lui, qu'il impose à la moindre erreur ; mais si j'apprends une langue aussi étrangère, n'est-ce pas pour le laisser parler ?
Pourquoi les liens de parenté dans une autre langue sont-ils si malaisés à retenir, si souvent mélangés et confondus, nécessitant si je veux m'en souvenir un effort de clarté – mais avant tout dans ma propre langue et ma mémoire ? Comme si je retrouvais là ce qui fut d'abord si nébuleux en français – facile à prononcer ou savoir, mais si difficile à admettre vraiment.
Quant je trébuche en chinois, je recompose une parenté, je refais une généalogie ; or, les termes chinois sont d'une infinie précision (distinguant le côté paternel et le côté maternel, les cadets et les aînés, etc.) et la famille est toujours innombrable, étagée dans l'espace et le temps. (Ce sont les parents du côté maternel qui sont affublés du caractère désignant l'étranger : le père est d'ici, la mère vient d'ailleurs. J'aurais pourtant juré le contraire.)
Dans le caractère qui désigne la médecine générale, on retrouve la clé qui signifie le « dedans » ; et dans celui qui désigne la chirurgie, la clé du « dehors ». D'une langue à l'autre, l'anatomie est donc la proie d'un imaginaire qui dépend de chaque écriture ou de chaque idiome (ainsi, la mort est bien « masculine » en allemand).
Mais dehors ou dedans, je sens trop se racornir en moi la vieillesse et l'avarice – les cailloux du scrupule au lieu d'un « coeur limpide et fin ».
Je rêve d'une langue (et je crois la parler quelquefois, à l'orée du sommeil ou au bord de l'insomnie) où le moindre signe, dans ses vides et ses pleins, dans le déchirement de l'air à le prononcer, nous dirait les méandres de son apparition et la lente approche de sa mort ; une langue où tout roman serait comme nié d'avance, car il réclamerait pour être lu ou pour être écrit un peu plus d'une vie humaine.
Le chinois lui-même a failli à cette tâche. Le japonais parfois, comme un art d'emprunt porté à son comble, et sur la corde unique d'un vieil instrument, réuissit à ne faire plus jouer, dans de brefs récits, que la neige, une lettre, un lacet, ou quelque fériche nommé d'un mot. Mais la poésie seule, vraiment inouïe, redevient « chinoise » comme je l'entends.
Vieil écolier, éternel apprenti (et trop réel fabulateur), je réinvente une enfance en apprenant le chinois. Devant ces caractères d'abord illisibles, en écoutant ce babil dont je ne parviens qu'avec peine à isoler les sonorités, revit l'enfant sous la table qui tâchait de trouver un peu de sens à la conversation des adultes, lointaine et perdue comme un continent à la dérive.
La fascination devant la langue la plus étrangère est parente encore du premier éblouissement devant le poème : offert et chiffré, lui aussi.
Je peux lire un caractère sans savoir le prononcer, je peux le prononcer sans savoir l'écrire. Son et sens éloignés, miroirs sans reflets, comme le français que j'appris à l'école, séparé des miens et livré à un autre que moi-même (on lisait et on écrivait si peu, autour de moir, que le français m'est à jamais une langue 'apprise' – sans rien à voir avec les mots écorchés, le patois pudique des femmes qui m'aimaient).
Le bavard qui dans ses rêves ne parle plus que par proverbes voit au matin la vérité s'enfuir, et lui manquer comme un mot sur le bout de la langue. Ainsi, en chinois, c'est répondre par oui ou par non qui laisse interdit. Dans la tournure qu'on va choisir tient toute la réponse, orientée déjà par la question de l'autre.
Cette hésitation devant l'évidence, et le mot qui se dérobe alors qu'il est déjà inscrit en nous, on ne l'éprouve jamais que 'poétiquement' dans sa langue natale. Car tout poème, « traduit d'un chinois qui ne fut pas », est une navigation entre les « oui » et les « non » qu'on cherche à éviter : Ulysse finit ainsi par faire des phrases...
D'un rêve ancien, à Rome, me reste le souvenir d'un village à la frontière « italo-chinoise » : une cité lacustre à l'est de Venise.
Langues natales, et prêtes à vous venger au moindre oubli, vous savez des frontières ignorées des géographes : entre Luberon et Tibet, Bretagne et Si-chuan. Quant à mois, je sais des femmes en noir dans les rizières de Padoue, ou sosie qui s'éloigne et une femme sans nom dans un jardin botanique, où l'on essaie de 'naturaliser' des paroles étrangères.
La disposition des caractères sur la age, l'ordre des mots dans la phrase : du français au chinois, tout est presque toujours inversé.
Ecriture en miroir, et parole prise à revers : la bibliothèque tourne sur ses gonds, et je retrouve dans mon dos le jumeau qui me dévisageait.
Segalen face aux stèles, Mallarmé perdu dans les fumées de sa conversation, Armand Robin goûtant l'opium d'une parole enfin vraie, ont-ils gagné là-bas le paradis des signes ?
La pierre et l'os, le bambou et la soie, le papier enfin : sur un support de plus en plus fragile, avec des signes maintenant simplifiés, c'est une langue qui s'amenuise, un tracé qui se perd.
Autrement dit l'ailleurs introuvable.
Le chinois, parlé à Paris en poursuivant un rêve, devient vite aussi imprononçable qu'une langue morte. Morte de l'éloignement dans l'espace, comme d'autres du recul dans l'histoire. Le chinois que j'apprends échappe non seulement à toute valeur d'usage, à toute volonté d'échange, mais encore à tout désir de savoir.
J'écoute la conversation sans bruit des signes entre eux.
C'est en français que j'apprends le chinois.
Considérées à partir d'une autre langue, les figures entre la vitre et le tain ne seraient pas les mêmes. Les animaux du miroir non plus : grenouille et boeuf, coq et serpent, dragon et liconre...
Qu'on ne me jette pas la pierre si je renonce – si je renonce à me perdre dans ces signes millénaires et cependant mortels, comme tel peintre chinois se perdant dans la brume, ou dans le chaos qu'il a fait naître de son encre.
Apprendre une langue, c'est avoir du goût pour l'erreur, comme d'autres pour les aléas du voyage ; croire qu'on « avance » alors qu'on est ramené en arrière le plus souvent. Ainsi, en chinois, les signes d'un jardin sec n'étaient que le vois mort d'une enfance. D'où je suis revenu par le sentier qu'il a fallu jadis frayer en français. Le chinois que je continue d'ignorer s'inscrit pourtant comme un pli dans ma mémoire – derrière la transparence d'un papier huilé qui donne sa lumière blanche à l'oubli.
Dans les 'Récits d'une vie fugitive', l'épouse du narrateur est vouée à un caractère fautif, le caractère 'po' (dérivé de « bai », qui signifie le blanc) qu'elle retrouve dans le nom de son poète préféré, celui de son premier maître, celui de son mari, et qu'elle craint à l'avenir de recopier en toute occasion.
C'est en français qu'il me faut recopier sans fin ce caractère fautif, en devinant quelquefois sa signification. Car le français, sauf orgueil ou folie, est bien notre lot : de hasard et d'oubli, de leurres et d'éblouissements.
Que ferions-nous d'une langue « sans substantif, sans adjectif, sans pronom, sans verbe, sans adverbe, sans singulier, sans pluriel, dans masculin, sans féminin, sans neutre, sans conjugaison, sans sujet, sans complément, sans proposition principale, sans subordonnée, sans ponctuation », ce chinois parlé nulle part que nous décrit Armand Robin, idiome inconnu qui ne s'entend que dans la bouche des morts, et qui ressemble peut-être au breton de son enfance, quand il s'imagine retrouver père et mère après minuit ?
(Mont père au nom de hasard, mon père emêtré dans sa parole ne parlait même pas breton : le vent n'entrait pas dans les écoles en pays gallo, le sabot porté au cou n'a jamais résonné aussi loin. Je n'ai donc pas connu cette langue pourtant natale, où s'entend partout le 'z', la lettre de la mort selon les latins qui la déportèrent à la fin de leur alphabet. Langue aux initiales changeantes, dont il nous reste aujourd'hui des noms propres lavés par la mer, des pierres levées qu'une marée basse a laissées derrière elle, bretonnante et retirée).
Le temps est enfin venu de me confier à une seule langue, celle des contes de nourices et es messes basses dont bourdonne mon oreille. Un français hanté par l'allitération et la rime des barbares, et qui se laisse aller à l'assonance. Un « fredon » qui nous revient de loin (à défaut d'une langue morte dont j'ai dû faire aussi mon deuil) et qui cherche à couvrir le bruit fêlé des origines. Une écriture où se déchiffre encore, sous les remords et les hésitations du copiste, un signe recopié de travers : une faute d'orthographe ancienne, une erreur d'état civil, bref tout ce qui vient rappeler le mensonge des souvenirs, la honte d'un enfant, mille débuts de romans et la mémoire des noms qu'on craint de perdre malgré tout. Si la poésie veut bien de moit, je retourne à la page blanche et au « parlar materno », comme à un ruisseau clair-obscur où viennent encore boire quelques animaux malades de la parole. Et mon frère de lait le lecteur.

Sekundärliteratur
Qin Haiying : Macé s'est mis à apprendre le chinois sans aucun but pratique, mais tout simplement, dit-il, parce que le chinois le 'prend', parce qu'il veut y voir clair et voir mieux, à ce miroir, les mots de son propre patois. Il fait cette confidence apparemment paradoxale qui résume la subitilité du jeu translinguistique : « C'est en français que j'apprends le chinois ».

Houbert, Olivier. Gérard Macé ou le désir d'Orient. In : Critique ; 658 (2002).
Dans l'ouvrage Détour par l'Orient Macé explore sa fascination pour la langue et la culture chinoises. Chez Macé on se promène dans l'alignement des signes comme dans la mémoire, avec le même tremblement, le même vacillement qui peut à tout moment renverser ou dynamiter le sens. Dans les pages consacrées à l'apprentissage d'une langue étrangère, on retrouve les préoccupations de l'écrivain par rapport à sa propre vérité, à son propre dédoublement, à l'aspect fictif de toute existence. La langue, pour l'écrivain, est bien une machine à réinventer le monde et à remonter le temps.
11 1981
Aufführung von Gong di = En folkefiende = Ein Volksfeind = An enemy of the people = 公敵 von Henri Ibsen durch das Xianggang hua ju tuan (Hong Kong Repertory Theatre) in der Übersetzung von Zhang Kejian und Mai Qiu unter der Regie von Mai Qiu.
12 1981
Gu, Zhongyi. Bian ju li lun yu ji qiao [ID D26264].
Tam Kwok-kan : Gu cited scenes from Henrik Ibsen's Nora and The pillars of society to stress that many of the events and characters in these two plays originated from real life. Gu believed that some of Ibsen's plays were based on real persons and real events ; Ibsen only developed real events into art. Gu claimed, that Nora is a dramatization of the social contradictions between a male society and the advocacy of women's emancipation. Gu gave many examples to illustrate the technical aspect of playwriting. The dramatic techniques used by Ibsen in his social problem plays are treated as indispensable elements for good playwriting.
13 1981
Xiao, Qian. Yibusheng de Pei'er Jinte [ID D26267].
Tam Kwok-kan : Xiao Qian completely revised his view of the play Peer Gynt and admired it as a remedy for the lack of individuality among the Chinese. In 1949 Xiao Qian thought that Peer Gynt was an attack on individualisms and could serve as a weapon against bourgeois ideas in the intellectual reform movement. In 1978 he read the play from a different perspective. Expressing his contempt of the Gang of Four in 1978 when he completed the Chinese translation of acts one and five of the play. He considered it a ridicule of political opportunists, the play's theme provided a contrast between the human and the devil : "a human being shouls have his own self, have beliefs and principles, and is not opportunistic, whereas a devil does not and will avoid difficulties and yield to temptation. The devil's judgement is purely based on advantages, not on the consideration of what is right and what is wrong". In 1981, Xiao was able to notice that all his previous interpretations of the play and of Ibsen, were very much affected by his personal emotions and political naiveté which, he now thought, was not a correct attitude toward a literary work. Refuting his previous position, Xiao recommended a re-reading of Ibsen in terms of a broader philosophical perspective that could shed light on ideals in life and personal integrity.
14 1981
Zheng, Min. Yingguo lang man shi ren Huazihuasi de zai ping jia [ID D26489].
Chu Chih-yu : Zheng Min made the first attempt to rehabilitate Wordsworth. Although she still used a Marxist approach, the critic discussed with an attention to detail the poet's artistic achievements rarely found in discussions of Byron.
15 1981
Pan, Yaoquan. Bailun de Qiaerde Haluode you ji [ID D26475].
Pan schreibt : "The narrator and Childe Harold are both opposite and complementary to each other ; they embody the complete Byron. After all, Byron is a bourgeois fighter, so in certain aspects he has something in common with Childe Harold, and from time to time reveals certain traits of his individualistic world outlook. Thus it is not difficult for us to understand why the first two cantos sold so well immediately after its publication – he shook the whole of European society with one single book ! And Byron became famous overnight. In the broad reading public of the time, different social classes had different interpretations of the poem, and each took what he or she needed."
16 1981
Performance of Anna Christie (Act 3) by Eugene O'Neill by the Directing Department of the Central Academy of Drama in Beijing and Shanghai. Broadcasted by the China Central Television Network.
17 1981-1982
Two Symposia on Eugene O'Neill by the Chinese Theatre Association. Young and middle-aged playwrights from around the country took part. Cao Yu lectures on both occasions on O'Neill's dramatic art.
18 1981
Yuan Kejia changed his stance of 1964 and included his translation of Nestor, episode 2 of Ulysses by James Joyce in Wai guo xian dai pai zuo pin xuan [ID D16726].
19 1981
Xu, Ruci. [The real Mark Twain]. [ID D29605].
Xu challenged the long and widely held critical view of Twain as a pessimist. He insisted on a 'positive' image of the American writer – more passionate, cheerful, and upbeat than pessimistic and misanthropic.
20 1981
Wang, An-yan Tang. Subjectivity and objectivity in the poetic mind : a comparative study of the poetry of William Butler Yeats and Tu Fu [ID D30271].
The purpose of this thesis is to examine how a poet's concept of man, the world, and reality determines the degree of subjectivity and objectivity in the process of poetic creation. The discussion centers on a comparison of two poets from two distinctly different cultural traditions: Tu Fu (712-770) from the Chinese classical tradition, and William Butler Yeats (1865-1939) from the Western post-Romantic tradition. Each poet's idea of man, the world, and reality is considered against the background of his own cultural tradition, whether the poet accepts that tradition in to or devises his own ways of reacting against it. In the Western tradition reality is seen dualistically, with the ideal world of spirit opposed to the actual world of matter. Chinese philosophy, however, recognizes a reality which is an unified whole of spirit and matter existing here and now. Then these concepts are shown to govern the reflection of the external world in the works of each poet: while Yeats emphasizes the supremacy of the poetic mind over the objective world, Tu Fu aims at a harmonious communion between the mind and the objective world. Finally, the thesis explores the temporal and spatial dimensions of the "world" created by each poet, comparing Tu Fu's and Yeats's treatment of history and of landscape. The conclusion reached is that : when a poet sees intrinsic value in man and in the objective world, and accepts these as realities - as in the case of Tu Fu - his poetry aims at representing life in all its immediacy. His poetic world, therefore, corresponds quite closely to the objective world, indicating a mind more charitably inclined towards objectivity. A harmony develops between his mind and the external world, and the expression of this harmony in poetry is often lyrical and produces a poetry that is naturally metaphysical. Such a harmony between the mind and the world tends to become diminished when a consciousness of separation of the mind and the matter takes place. This loss of harmony is often accompanied by a conviction that the physical world and human life is absurd and insignificant. But a great poet does not turn away in loathing from human life and the world. He insists on finding a way of bridging the gulf between the ideal and the actual, and to justify life's struggles. Thus Yeats's poetry often points toward the redemption of man through conflict. In this attempt his poetry is often subjective, demonstrating a mind working to overpower and manipulate what the poet sees as shortcomings of the world as well as his own self. The poetic world so constructed reveals the conscious workings of a subjective mind. The poetry is thus frequently characterized by conflict and power, whose effect is dramatic.

1 2 ... 1424 1425 1426 1427 1428 1429 1430 ... 1815 1816