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Chronology Entries

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1 1957
Aufführung von Much ado about nothing von William Shakespeare in der Übersetzung von Zhu Shenghao [ID D23403] durch die Shanghai xi ju xue yuan (Shanghai Theatre Academy) unter der Regie von Yevgeniya Konstantinovna Lipkovskaya und Hu Dao in Shanghai und Beijing.
2 1957
Aufführung von Twelfth night von William Shakespeare in der Übersetzung von Zhu Shenghao [ID D23382] durch die Beijing dian ying zhu an ke xue xiao (Beijing Film School) unter der Regie von Gennadi Kazansky.
3 1957
Film : Qing chang ru zhan chang = 情场如战场 [Battle of love] unter der Regie von Griffin Yue Feng nach Shulman, Max ; Smith, Robert Paul. The tender trap : a comedy. (New York, N.Y. : Random House, 1955).
4 1957
Film : Hun gui li hen tian = 魂归离恨天 [Love singers on] unter der Regie von Zuo ji nach Bell, Ellis [Brontë, Emily]. Wuthering heights : a novel. (London : T.C. Newby, 1847). = A new ed. rev., with a biographical notice of the authors, a selection from their literary remains, and a preface, by Currer Bell [Charlotte Brontë]. (London : Smith, Elder, 1850).
5 1957
Film : Xiao fu ren = 小妇人 [Four daughters] unter der Regie von Wu Hui und dem Drehbuch von Cheng Kang nach Alcott, Louisa May. Little women, or, Meg, Jo, Beth, and Amy. (Boston : Roberts, 1868)].
6 1957
Film : Wang hun gu = 亡魂谷 [The valley of lost soul] unter der Regie von Yan Jun und dem Drehbuch von Chen Dieyi nach Busch, Niven. Duel in the sun. (New York, N.Y. : Hampton ; distributed by W. Morrow and Co., 1944).
7 1957
Film : Yue luo wu ti shuang man tian = 月落乌啼霜满天 [The frosty night] unter der Regie von Yan Jun und dem Drehbuch von Huang Feng nach Gorky, Maxim. Na dne. (Moskau : Aprelevskii zavod, 1902). [The lower depths].
8 1957.2
Beauvoir, Simone de. La longue marche : essai sur la Chine [ID D3679].
Sekundärliteratur
Julia Kristeva : Il convient de rappeler que Simone de Beauvoir fut parmi les premiers intellectuels occidentaux à visiter la Chine (pendant quatre semaines selon certains de ses biographes, six semaines selon l'auteur elle-même), en septembre-octobre 1955. Reportage sur le vif et essai d'explication d'un pays tout aussi mystérieux qu'en plein développement que l'auteur salue avec enthousiasme, le livre de Beauvoir est-il un « voyage en utopie », comme le dit le philosophe et politologue israélien Denis Charbit ? Le pathos de Beauvoir le laisse penser. En pleine guerre froide et animée d'un marxisme revu et corrigé par son existentialisme, Beauvoir découvre-t-elle en Chine une nouvelle terre d'élection ? Si c'était le cas, serait-ce pour ne pas désespérer Billancourt après les révélations sur l'URSS et les événements en Hongrie ? Ou est-ce parce que le cadre d’une « invitation » (par Chou Enlai lui-même !) impose à la philosophe une vision de réconciliation avec les dirigeants chinois plutôt qu'une critique franche et loyale à laquelle nous a habitué l'esprit de Beauvoir ? Aucune de ces hypothèses, qu'on n'a pas manqué d'évoquer, ne me semble correspondre ni au livre ni à la pensée de Beauvoir. En effet, l'auteur ne manque pas d'exprimer ses doutes, ses incertitudes et ses désaccords : tous cependant si savamment distillés et parfois lourdement étouffés tout au long de son voyage, que sa « Longue marche » passe encore pour un pèlerinage vers la nouvelle Terre Promise. Et l'on ne manque pas d'évoquer pêle-mêle de nombreux intellectuels qui auraient succombé, avant et après elle, à cette naïveté, séduits parait-il par l'immensité de la future grande puissance : de la figure tutélaire de la sinophilie française que fut André Malraux aux militants prochinois de 68 comme Maria-Antoinnette Macciochi. À y regarder de près cependant, c'est la spécificité de la culture (toujours énigmatique !) du continent chinois qui surprend les observateurs et qui attise aussi bien l'enthousiasme pathétique des uns que la peur panique des autres, - faute d'être soutenue par une connaissance rigoureuse de la pensée chinoise ainsi que de l'histoire culturelle, sociale et politique du pays. C'est ce manque qu'on peut reprocher aussi à Beauvoir, elle-même consciente que La Longue Marche est « le moins bon de ses livres », sans pour autant lui enlever ni le bénéfice de la curiosité intellectuelle, ni la finesse des observations psychologiques croquant avec bonheur portraits et caractères, ni le courage politique d'ouvrir à un Occident frileux et à son socialisme en danger d’épuisement les promesses et les risques d’une humanité différente... L'expérience anthropologique, offerte à l'intuition de l'écrivain, fait ainsi irruption à chaque page du raisonnement politique mal (parce que trop ?) assuré qui guide le voyage, de telle sorte que Beauvoir semble accomplir une troisième « longue marche », la sienne, en suivant celle de la Chine en train de se moderniser suite à la révolution communiste de 1949, après la « longue marche » de Mao de 1934-34... La longue marche n'est en aucun cas une de ces « dégradations » de la « mystique en politique », pour reprendre le mot de Péguy, comme certains ont pu le lui reprocher. Sans connaître le chinois, et en ne faisant que très sommairement allusion à l'histoire politique, culturelle et religieuse de la Chine, Beauvoir s'enthousiasme surtout pour le « scénario chinois d'une disparition progressive et pacifique du capitalisme », à l'opposé de la violence dictature communiste en URSS. Aujourd'hui encore, certains déchiffrent le même « scénario pacifique » dans la disparition progressive du socialisme chinois au profit du néo-capitalisme. Nouvelle utopie ? Ou, plutôt, constat d'une diversité culturelle qui reste à comprendre, dans ses contradictions, dans ses promesses et dans ses dangers ?
Séduite par les apparences de la civilité populaire et institutionnelle, Beauvoir néglige la réalité répressive, et tout particulièrement la soumission des individus à la répression intériorisée et acceptée par une culture aux longues habitudes féodales, paysannes et confucéennes. Chemin faisant, l'auteur ne manque cependant ni de « retenue », ni de « vigilance », ni de « lucidité ». Surtout lorsque son flair d'écrivain conduit l'observatrice subtile à insister par exemple sur la manière plastique et mobile qu'auraient les Chinois à effectuer étape par étape leur processus dynamique de croissance et d'expansion : Joseph Needham, l'éminent connaisseur des tours « dialectiques » propres la « pensée chinoise » en aurait été comblé ! Ce modèle plastique et mobile (mais au prix de quelles contraintes ?) ne continue-t-il pas d'intriguer aujourd'hui encore, avec son endroit et son envers, et d'embarrasser les commentateurs soucieux de voir émerger plus vite et plus massivement des individus libres et une démocratie à la hauteur de leurs droits universels ?
9 1957.1
Beauvoir, Simone de. La longue marche : essai sur la Chine [ID D3679]. [Auszüge über die Reise ohne historische Einführungen].
I. Découverte de Pékin
... Si bien que la ville que nous voyons aujourd'hui n'est guère vieille que de deux cents ans ; mais elle se conforme à un plan dressé à des époques bien antérieures. Ce plan a été rigoureusement concerté ; il n'existe pas de ville qui soit plus artificielle que Pékin ; on a élevé à main d'homme les collines qui protègent du côté la 'Cité interdite' où résidait l'empereur ; ceinte de murs, ouverte seulement à de rares privilégiés, celle-ci occupait le centre de la capitale et leurs axes se confondaient... De la chaussée monte une odeur de terre, aigre, un peu fermentée, qui me ferait reconnaître Pékin les yeux fermés. Aucun véhicule n'y passe, sinon de loin en loin une bicyclette, et des petits enfants y jouent tranquillement. On entend parfois la clochette d'un vendeur de nouilles ou de légumes : il transporte sa marchandise dans des paniers, aux deux bouts d'un fléeau, ou bien sur une espèce de poussette... J'ai visité plusieurs intérieurs pékinois, rien ne distingue extérieurement la plus luxueuse des résidences d'un pauvre logement ; au premier cas, la porte est souvent peinte d'un beau rouge sang de boeuf, et dans le second elle est grise : mais de jour, les portes sont ouvertes, on ne voit pas leur couleur. On n'aperçoit pas non plus l'intérieur de la maison ; le regard est arrêté par un écran de briques, ordinairement blanc, le 'tchao-p'ping' ; il était destiné naguère à protéger la demeure contre les mauvais esprits, et il la défend contre la curiosité des passants... Par mauvais temps, cet agencement a des inconvénients : les pièces ne communiquent pas entre elles, il faut traverser la cour pour passer de l'une à l'autre ; l'avantage, c'est que chaque famille possède un morceau de terre et de ciel à soi. Au milieu de cette espèce de patio, il y a souvent une fontaine fournissant de l'eau potable. La plus pauvre de ces demeures comportait quatre pièces : une cuisine, et trois chambres à peine meublées. La famille comprenait un ménage, une belle-mère et cinq enfants. C'était petit pour huit personnes, mais propre et ordonné... Les plus joies des maisons privées que j'ai vues – celle de Lao Che, de Ting Ling – ne comportaient qu'une seule cour. Les bâtiments sont tous construits selon la tradition antique. Le toit repose directement sur les piliers de bois ; les murs ne sont pas un soutènement, ils jouent seulement un rôle protecteur : c'est pourquoi les cloisons intérieures sont si légères ; ce sont de frêles lacis de bois dont les interstices sont comblés, dans les maisons pauvres avec de vieux journaux, dans les maisons élégantes avec du papier de riz. Le luxe se marque surtout dans les fleurs qui ornent les cours – certaines sont de vrais parterres de chrysanthèmes – et dans le mobilier.
La population de Pékin est aujourd'hui, comme autrefois, essentiellement composée de fonctionnaires, de marchands et d'artisans. Aussi les rues commerçantes y ont-elles beaucoup d'importance. A rien dire, rien n'y indique à première vue qu'on se trouve dans un pays en marche vers le socialisme : il semble au contraire qu'on ait fait un bond en arrière ; on croit se promener dans ce monde semi-féodal qu'était la Chine d'hier. Le long des avenues et des petites rues s'alignent des multitudes de boutiques, les une protégées par des vitres que décorent des caractères rouges, les autres s'ouvrant sans porte ni fenêtre sur le trottoire ; beaucoup de ces échoppes sont en même temps des ateliers où l'on fabrique à la main poteries, vêtements, souliers, meubles, cercueils, objets de vannerie, instruments de musique... Au bout de la rue, en face d'un grand magasin d'Etat en construction, un portrait de Mao Tsé-toung annonce l'entrée d'un marché ; c'est un dédale d'allées couvertes qui se croisent à angle droit et où on vend de tout : bibelots, disques, vaisselle, mercerie, bonneterie, tabac, fruits confits au vinaigre, galettes de pain d'ange fourrées de purée de pois rouge, fleurs et papillons de velours, papeterie, porcelaine, jades et laques travaillés, articles de vannerie, terres cuites et bijoux ; là aussi il y a des objets affreux, d'autres charmants. Dans une des allées s'alignent des éventaires chargés de livres d'occasion : beaucoup de livres étrangers, des récits de missionnaires, des dictionnaires et de vieux 'livres oeufs' qui contiennent plus d'images que de texte et qui sont répandus par millions dans les campagnes... Les magasins les plus jolis sont peut-être les magasins de thé ; avec leurs tiroirs en bois peint qui couvrent les trois murs, et les coffrets soigneusement étiquetés alignés derrière le comptoir, ils évoquent d'antiques pharmacies ; on y débite toute espèce de thé rouge, vert, parfumé, et même ces briques de thé solidifié que consomment les Thibétains. Les vraies pharmacies sont de deux espèces : les unes modernes, et pareilles aux nôtres ; dans d'autres se vendent les remèdes traditionnels : à l'étalage il y a des poudres et des pilules singulières, et ces curieuses racines de gin-seng, torturées comme des racines de mandragore, qui sont censées guérir quantité de maladies et coûtent leur poids d'or...
Pour passer dans la 'ville chinoise' on franchit une porte fortifiée, Ts'ien Men... Seuls les marchands capables de payer des patentes élevées furent autorisés à s'installer aux environs de la Ville interdite ; les autres restèrent dans la 'ville chinoise'. C'est là que se trouvaient naguère les lieux de plaisir et de débauche : des théâtres, des établissements de bains, des restaurants renommés qui existent encore ; et des fumeries d'opium, des bordels qui n'existent plus... Aujourd'hui, il n'y a plus ni odeur d'opium, ni prostituées dans ces rues : seulement des airs d'opéra, diffusés par la radio, les enseignes qui flottent, rouges et noires, au-dessus des échoppes...
La Chine est encore trop pauvre pour répudier son passé : elle l'utilise. L'originalité de son attitude, c'est que tout en le conservant, elle l'aménage. A l'intérieur des murs, Pékin n'a presque pas changé pendant ces cinq années, et pourtant il s'est transformé.
C'est cette politique à la fois active et prudente qui explique l'aspect quasi médiéval de la ville. Si les dirigeants avaient prétendu exproprier d'un trait de plume marchands et artisans, ils auraient provoqué un terrible gâchis et gravement compromis l'économie chinoise. Fidèle à une thèse qu'il avait exposée pendant des années, Mao Tsé-toung a déclaré en juillet 1949 : « Pour affronter la pression impérialiste et sortir de sa situation économique inférieure, la Chine soit utiliser tous les éléments du capitalisme urbain et rural qui constituent pour l'économie nationale un bénéfice et non un danger ». Il s'est assuré la collaboration des commerçants et des artisans en leur reconnaissant la possession de leurs fonds. En septembre 1955, le nombre des marchands opérant à titre privé s'élevait encore à sept millions et les magasins d'Etat – assez rares – alignaient leurs prix sur ceux du petit commerce afin de ne pas le ruiner...
Quant aux artisans, on les encourage à former des coopératives ; en septembre 1955 celles-ci groupaient seulement à travers la Chine entière 1.130.000 membres ; mais le mouvement allait s'accélérer ; en janvier 1956 tous les artisans de Pékin appartenaient à des coopératives. Les avantages de cette collectivisation sont multiples. Immédiatement, elle entraîne un accroissement de la productivité et la hausse des bénéfices réalisés par les ouvriers ; elle permet en effet une réduction des frais généraux et la rationalisation du travail, elle fournit la possibilité d'engager dans l'entreprise des capitaux importants. Son objectif lointain, c'est l'accomplissement de la révolution socialiste : la notion de propriété collective se substitue à celle de propriété privée, ce qui achemine les travailleurs vers l'idée de socialisation.
J'ai visité à Pékin plusieurs coopératives artisanales : entre autres une fabrique de 'cloisonné'. Une quantité de vases, potiches, coupes, cendriers sont façonnées selon cette technique qui fut importée d'Arabie au XIVe siècle...
Les avantages de la rationalisation du travail sautent ici aux yeux. Chaque étape de la fabrication réclamant un temps différent, un entrepreneur privé aura du mal à coordonner les diverses opérations des ouvriers : en particulier dans la journée du préposé à la cuisson il y aura beaucoup de temps mort. Ici au contraire, on peut répartir la main-d'oeuvre de façon à éviter les moments creux et le surmenage. Chacun touche des bénéfices beaucoup plus élevés que s'il travaillait isolément...
Les rues sont moins peuplées que je ne l'imaginais, mais – sauf la nuit – toujours animées. Ce qu'il y a de plus frappant dans la foule tranquille et gaie qu'on y coudoie, c'est son homogénéeité. Il existe en Chine des différences de condition et cependant Pékin offre une parfaite image d'une société sans classe. Impossible de distinguer un intellectuel d'un ouvrier, une ménagère pauvre d'une capitaliste. Cela tient en partie à cette fameuse uniformité vestimentaire qui désole tant M. [Robert] Guillain ; les Chinois sont les premiers à en rire ; une caricature, souvent reproduite, représente une famille dont les membres se donnent la main : « Grand-père, grand-mère, papa, maman, moi, ma petite soeur », dit la légende ; tous sont identiquement habillés du classique ensemble en cotonnade bleue. On engage aujourd'hui les femmes à porter des jupes et des pull-over, ou des robes inspriées de la robe chinoise traditionnelle ; les usines textiles fabriquent des cotonnades à fleurs. Le fait est qu'à Pékin le bleu des vestes et des pantalons semble aussi inéluctable que le noirceur des cheveux... Mais l'unité de cette foule vient de plus loin : personne ici n'est arrogant, personne n'est revendicant, personne ne se sent supérieur ni inférieur à personne ; les gens ont tous un air de dignité sans morgue, ils semblent à la fois réservés et ouverts...
Naturelle, détendue, souriante et diverse, la foule pékinoise est sage. Les Occidentaux, les Français surtout, déplorent qu'on n'y rencontre jamais d'amoureux. Si par hasard on aperçoit un bras qui enlace familièrement une épaule, il s'agit toujours de deux camarades d'un même sexe. Garçons et filles ne se touchent pas du bout des doigts ; un baiser public paraîtrait une obscénité. Cette austérité n'est pas imputalbe au régime : c'est le confucianisme qui pendant des siècles a dressé entre l'homme et la femme un minutieux système de tabous...
A dix heures du matin, les employés se rassemblent devant la porte des administrations pour une séance de gymnastique. Rien de plus raisonnable que le principe : culture physique obligatoire... La plupart des Pékinois aujourd'hui savent lire et le tirage des journaux est insuffisant : on en placarde des exemplaires sur des panneaux dressés aux carrefours et sur les grandes avenues. Les passants s'arrêtent longuement pour les consulter.
Quelques panneaux plus vastes portent des affiches : ce sont des réclames de films chinois ou étrangers, ou des images illustrant les plus récents slogans : Libérons Formose – Economisons la nourriture – Vive la plan quinquennal...
Je remarque qu'on rencontre très peu d'animaux dans les rues : les chats et les chiens ont été supprimés comme porteurs de germes. D'ailleurs l'entretien en est coûteux et les Chinois n'aiment pas assez les bêtes pour leur sacrifier un peu de leur pain quotidien...
Pour établir ce qu'un Chinois gagne et dépense, il est nécessaire d'abord de définir la valeur du yen, qui est aujourd'hui l'unité monétaire... Le yen s'échange aujourd'hui dans les banques contre 150 francs français ; son pouvoir d'achat est, dit-on, d'environ 500 francs. Par mois, un ouvrier gagne de 40 à 80 yens : 40 s'il est manoeuvre, 80 s'il est qualifié, Tsai gagne comme interprète 70 yens ; c'est le salaire de beaucoup de fonctionnaires et d'employés. Un professeur d'université touche environ 140 yens. Les bénéfices des commerçants, industriels, écrivains, et. ne sont pas limités.
Un logement modeste, pour une famille, revient à 8 ou 10 yens par mois. Pour la nourriture, il faut compter de 5 à 10 yens par tête et par mois ; ce chiffre suppose une alimentation très simple : vermicelle, riz, légumes, avec un tout petit peu de viande ou de poisson qu'on mélange au plat de céréales. Une douzaine d'oeufs coûte ½ yen, un poulet 1 yen ou même ½ dans certaines régions. Un costume de cotonnade revient à 8 yens : on en use ordinairement deux par an. Une couverture en coton, matelassée, et fourrée de coton, coûte environ 20 yens. Une paire de souliers de toile, 10 yens. Beaucoup plus onéreux sont les souliers de cuir : 39 à 45 yens ; tous les objets de cuir sont d'un prix élevé ; et aussi les lainages. Un complet en toile de laine vaut 80 yens. Les stylos sont très bon marché : 7 yens. Un livre vaut 1,20 yen. Une très bonne place de théâtre : 1 yen. Une place de cinéma : 0,25. Un bon repas au restaurant : 1 yen. Une bicyclette : 150 yens...
Nous avons demandé à rendre visite à une famille de condition moyenne et on nous a emmenés chez un ménage de professeurs d'école secondaire. Ils ont trois enfants et possèdent la maison qu'ils habitent : une assez grande maison, modestement meublée. Si elle ne leur appartenait pas, elle leur reviendrait à 20 yens par mois. Ils dépensent 50 yens de nourriture : 40 yens pour le riz et la farine, 10 yens de légumes et de viande. Ils portent des vêtements de cotonade, ils sortent peu ; ils vont parfois au cinéma, rarement au théâtre et reçoivent chaque semaine leurs parents, mais peu d'amis. Ils n'ont pas les moyens de quitter Pékin pendant les vacances...
Dans l'ensemble, les Chinois les plus riches mènent une vie presque aussi simple que les pauvres. D'abord ils n'oseraient pas faire de leur fortune un étalage qui susciterait de sévères critiques ; et beaucoup y répugnent spontanément. Et puis il est aujourd'hui peu de privilèges qu'on puisse acheter avec de l'argent. Les autos sont des instruments de travail. Il n'existe pas de lieux de plaisir. Aller souvent au théâtre, au restaurant, bien se nourrir, porter chez soi de beaux vêtements en soie, acheter des tableaux, des meubles, des bibelots : c'est le maximum de luxe qui soit accessible. D'ailleurs, les inégalités inhérentes au capitalisme sont appelées à rapidement disparaître ; et les avantages qu'assure à certains l'éventail des salaires, impliquent des contreparties...
La Ville interdite est devenue un lieu public ; les gens se promènent à loisir dans ses cours, prennent du thé sous ses portiques ; des pionniers cravatés de rouge visitent les expositions qui s'abritent dans ses halls ; certains bâtiments ont été transformés en palais de la culture, en bibliothèque ; dans un des quartiers siège le Gouvernement... Les parcs qui entourent le Palais impérial sont intimement intégrés à la vie pékinoise. Créés par les empereurs, on les entretient aujourd'hui avec soin ; les allées sont pavées, les étangs dragués, les arbres et les poissons rouges tendrement choyés... La colline qui supporte la Dagoba est enturée par le lac Pei-hai, la mer du Nord. Sur cette mer voguent des barques, au fond plat et rectangulaire, qui portent chacune une dizaine de personnes et que les hommes font avancer en godillant...

II. Les paysans
... 1947 une 'Conférence agraire national' élabora la loi qui fut édictée le 28 juin 1950. Les propriétaires fonciers qui exploitaient leur domaine sans y travailler ont été expropriés ; les biens appartenant à des temples, monastères, églises, écoles missionnaires, ont été réquisitionnés. Les paysans riches ont conservé la portion de terre qu'ils travaillaient eux-mêmes ; celle qu'ils faisaient cultiver par des salariés leur a été ôtée. Les champs des paysans moyens n'ont pas été touchés. Les terres confisquées ont été réparties entre les paysans pauvres et les ouvriers agricoles, à raison d'environ trois 'mous' par tête, les femmes et les enfants en bas âge ayant été inclus dans la distribution. On partagea aussi entre eux les instruments agricoles, bêtes de somme, meubles, bâtiments, etc., ayant appartenu aux propriétaires fonciers. Cette réforme s'est effectuée avec un minimum de violence ; seuls les fonciers qui avaient à payer une 'dette de sang' ont été exécutés, ou emprisonnées à vie...
Un des aspects les plus intéressants de la réforme, c'est que les dirigeants l'ont utilisée pour éveiller chez les paysans une conscience de classe...
Les coopératives commencèrent à se développer à partir de 1951... Cependant, à la fin de 1953, le Gouvernement décida qu'une accélération de la socialisation agricole était nécessaire... Instruits par l'expérience, les cadres s'efforcèrent de ne pas effaroucher les paysans, ils les aidèrent à régler de manière plus satisfaisante le problème des indemnités et des point de travail ; d'autre part, l'augmentation du rendement, consécutive à l'organisation coopérative, était un appât convaincant... E septembre 1955 13 % de la population étaient organisés en coopératives...
J'ai visité deux villages organisées en coopératives semi-socialistes. Dans l'un et l'autre, le nombre des familles intégrées aux coopératives était très supérieur à la moyenne ; il s'agissait donc de deux cas exceptionnels : mes guides m'en ont prévenue. Ce n'est pas pour me leurrer sur la situation présent qu'ils me les ont montrés : c'est pour me faire pressentir la société de demain.
Aux environs de Pékin, un grand paysan d'une quarantaine d'années, le chef du village, et un autre qui était le chef de la coopérative nous ont reçus dans un hangar meublé d'une table et de banes de bois ; tous deux étaient d'anciens ouvriers agricoles, ne possédant naguère pas un pouce de terre. Tout en fumant des pipes au long tuyau, au fourneau minuscule, bourrées d'un tabac fortement aromatisé qu'ils râpent et mélangent eux-mêmes, ils m'ont expliqué en détail comment la collectivisation entraîne une rationalisation du travail... A présent, la récolte globale étant divisée entre tous, on peut grouper les cultures et choisir pour chacune le terrain qui lui est le plus favorable...
J'ai fait un tour dans le village. Plus un détritus, plus une mare, plus une odeur : je n'avais pas imaginé qu'un village pût être aussi propre. Tous les habitatns, enfants et adultes, sont vêtus de cotonnade bleue d'une parfaite netteté. Nous entrons successivement dans deux maisons ; chacune est précédée d'une cour, qu'entour un mur de terre ; des épis de maïs sèchent sur le sol impeccablement balayé. Les habitations sont, comme toutes les maisons du nord, faites de brique mélangée de paille. Pour fabriquer les toits, on étale des plaques de boue sur une espèce de matelas en tiges de kaoliang, reposant sur des chevrons que supportent les poutre maîtresses... Des châssis garnis de papier servent de fenêtres. Je vois enfin de mes yeux ce qu'est le 'k'ang' dont parlent tous les romans paysans : une plate-forme de briques, sous laquelle courent des tuyaux ; l'hiver, le feu qui brûle dehors ou dans la cuisine réchauffe l'eau qui y circule ; on les déconnecte l'été. C'est sur cette espèce d'estrade qu'on prend ses repas, que les femmes s'installent pour coudre et travailler ; la nuit, les membres de la famille s'y étendent, enveloppés dans leurs couvertures... « Avant, nous n'avions qu'une vieille couverture rapiécée : maintenant, nous en possédons quatre, toutes neuves », nous disent nos hôtes. Ils disent aussi que maintenant enfin, ils ne connaissent plus la faim : ils mangent du sorgho ou du millet bouilli, des légumes, du vermicellet et du pain de froment, du fromage de fève et de soja ; de temps en temps, rarement, un peu de viande et des oeufs. Pas d'électricité dans les maisons, mais des postes à galène permettent de prendre Pékin. Dans un coin de la cuisine, je remarque une bicyclette : beaucoup de paysans en possèdent. On a bâti des maisons, en pierre, pour y installer les coopératives de vente, et d'autres pour reloger les paysans dont les demeures sont les plus misérables. La coopérative a acheté des pompes qui facilitent considérablement les travaux d'irrigation. Les impôts sont peu élevés : 12 % des recettes. Les prix sont stalbes. En cas de besoin, l'Etat consent des prêts sans intérêt. Une caisse de secours permet d'aider les malades et les vieillards. Des soins médicaux sont dispensés gratuitement. Les paysans ne connaissent pas encore la prospérite ; du moins possèdent-ils un bien précieux et tout neuf : la sécurité.
Le second village que j'aie vu de près était situé entre Moukden et Fou-chouen, au bord d'un fleuve. Il s'appelait Kao Kan. Nous avons été accueillis par le chef de la coopérative dont le visage portait des marques de petite vérole, maladie autrefois très répandue, et par la présidente de l'association des femmes. L'agglomération comprend, nous dit-on, 160 familles, c'est-à-dire 778 habitants, cultivant 2.442 nous de terre. Les riches ont gardé une petite partie de leurs domaines ; l'ensemble des terres a été distribué aux pauvres... Au lieu d'une seule citerne, il existe à présent 53 puits. Les paysans ont en outre bâti à titre privé 65 pièces d'habitation. Chaque famille possède en privé 1 porc ½, et 15 à 16 poulets. La coopérative groupe 116 familles. Les 44 'individuels' sont les anciens 'fonciers' et paysans riches, et aussi des paysans qui sont en même temps ouvriers à Fou-chen ou qui font du commerce : leur horaire ne leur permet pas de se plier au rythme du travail collectif.
Je visite la coopérative de vente, où les paysans trouvent à peu près tout ce dont ils ont besoin. Il y a deux écoles primaires à Kao Kan et peu d'analphabütes. Tous les enfants vont à l'école, et 32 à l'école secondaire, ouverte seulement, avant, à deux fils de paysans riches. Il n'y a plus personne ici qui pratique la religion : Kao Kan est à proximité d'une ville, et utilise des machines aratoires, l'esprit nouveau y règne sans conteste. Deux des habitants sont inscrits au P.C., et vingt jeunes gens sont membres des jeunesses démocratiques.
Aux environs de Hang-tcheou, j'ai vu un village où l'une des coopératives appartenait au type 'supérieur', c'est-à-dire entièrement socialiste. Le cas est encore assez rare. La différence avec la coopérative semi-socialiste, c'est que le propriétaire ne touche plus d'indemnité pour la terre qu'il concède à la communauté ; les bénéfices se calculent uniquement sur la base du travail fourni ; pour les paysans dont les champs sont étendus et de bonne qualité, la suppression de la rente entraîne une perte : mais celle-ci est compensée par l'augmentation générale du rendement. En effet, j'ai signalé les inconvénients de la coopération semi-socialiste : il y a de nombreuses contestations touchant la valeur des terres et des instruments fournis, les calculs sont compliqués ; et chaque paysan est tenté de réclamer un traîtement de faveur pour le domaine qui lui appartient en propre : il veut le faire valoir tout particulièrement pour pouvoir exiger une indemnité plus élevée ; bref, il y a encore conflit entre les intérêts particuliers et l'intérêt collectif et cela rend difficile la planification. Dans la coopérative socialiste, la terre appartient encore au paysan ; il peut se retirer et reprendre son bien. Mais tant qu'il adhère à la coopérative, il n'a plus aucun rapport particulier avec cette parcelle du domaine collectif. Il s'ensuit de tels avantages qu'on espère que bientôt toutes les coopératives accéderont à ce stade.
Les paysans de ce village se consacraient essentiellement à la culture du thé : c'est celle qui rapporte les plus gros bénéfices ; chacun gagne environ 250 yens par an ; possédant sa maison, se nourrissant des produits de son jardin, le paysan qui touche une pareille somme est considéré comme à son aise...
Le village, au fond d'un vallon où verdoient les buissons de thé, est nettement plus riche que ceux que j'ai vus dans le nord. Les maisons sont plus grandes. Les jeunes filles portent des jaquettes fleuries, elles sont habillées et coiffées avec une certaine coquetterie. La communauté comprend 213 familles, soit 1,013 habitants... 96 familles ont formé deux coopératives semi-socialistes, et une coopérative socialiste... On distribue les engrais de manière que la fertilisation soit rationnelle, selon les besoins de chaque parcelle de terrain. Au lieu que chacun, au moment de la récolte, cueille son thé, tout le monde se concentre dans les zones où le thé atteint sa maturité. Les terrains sont consacrés à la culture du riz, du thé ou de céréales selon qu'ils y sont plus ou moins propices. Pour établir en chaque saison le programme du travail, ou se base sur les expériences passées ; chacun propose son avis et on discute. Pour la distribution des bénéfices, on utilise le système des points de travail. Chaque groupe évalue en fin de journée le travail de chacun de ses membres, en tenant compte de la quantité et de la qualité... Le salaire est réparti selon les points obtenus...
Aujourd'hui, pour la première fois, la Chine possède dix grandes usines qui préparent le thé vert par des moyens mécaniques. Mais c'est encore peu et la plupart des villages le traitent eux-mêmes...
Le village possède une coopérative d'achat et de vente, une station sanitaire où réside en permanence une infirmière que se charge essentiellement des accouchements, de la vaccination et des maladies bénignes. Un médecin visite régulièrement le village et en cas de besoin, quelqu'un va à bicyclette le chercher. Des crèches reçoivent des enfants pendant que les mères travaillent aux champs. Il y a des cours pour les analphabètes, et d'autres pour les paysans plus instruits. Un groupe théâtral donne des représentations les jours de fête. Dans tous les villages, la campagne pour l'hygiène a transformé les conditions sanitaires. On a combattu les superstitions nuisibles et supprimé ou simplifié les coûteuses cérémonies auxquelles étaient naguère astreints les villageois...
Des agronomes étudient scientifiquement le sol, le climat, les méthodes de production. Dans plusieurs régions on a introduit la méthode soviétique de la 'plantation serrée', c'est-à-dire qu'on sème les céréales à 6 pouces de distance au lieu de 9, ce qui augmente de 20 % le rendement. De nombreux instituts de recherche agricole ont été créés, ainsi que 32 stations expérimentales et 34 collèges d'agriculture. On développe la production et l'usage des insecticides : les sauterelles, la plupart des parasites, sont à présent vaincus.
Un 'Programme du développement de l'agriculture' dresse le plan des tâches à accomplir entre 1956 et 1967 : production de charrues modernes, d'engrais chimiques, de pompes, lutte contre les maladies qui affectent les animaux et les plantes...
Mao Tsé-toung met pleinement en lumière les deux objectifs visés : enrichissement de l'Etat et des paysans, lutte contre le capitalisme L'industrialisation socialiste ne peut pas être séparée de la coopérativisation agricole ni être entreprise isolément. Le développement accéléré des coopératives est lié à la résistance des éléments capitalistes des campagnes et à l'intensification de la lutte entre le développement capitaliste et le développement socialiste dans les districts ruraux...

III. La famille
... Dans les régions libérées, les communistes avaient instauré de nouvelles lois, de nouvelles moeurs. La 'loi du mariage' promulguée en 1950 les a entérinées et codifiées. Elle affirme la liberté de l'individu au sein de la famille et la radicale égalité des sexes. Elle abolit les mariages d'enfants et interdit l'adoption des burs-enfants, elle exige le libre consentement des époux qui doivent faire enregister par écrit leur union, elle condamne l'infanticide, défend le concubinage, autorise le remariage des veuves, accorde à la femme comme à l'homme le droit de demander le divorce et ne reconnaît aucune prééminence au père sur la mère : le nom de l'homme ni sa famille ne sont privilégiés par rapport a ceux de la femme. En cas de divorce, l'enfant est confié, s'il est encore au berceau, à la mère, et plus dard, selon son intérêt, à la mère ou au père... Pour l'instant, le caractère 'transitoire' de la société rurale est évident. Les familles continuent à vivre sous un même toit. Cependant les ventes d'enfants et les pseudoadoptions n'existent à peu près plus ; la femme n'est plus battue par ses beaux-parents, ni par son mari : les associations de femmes, la communauté dans son ensemble ne le toléreraient pas. Meurtres et suicides sont devenus excptionnels...
En 1955, le jour de la 'fête des femmes', le gouvernement a officiellement déclaré : « Dans beaucoup de villages, les gens en sont encore à un stade où le mariage est arrangé par l'intermédiaire d'un tiers. Il faut admettre que cela peut constituter aussi une forme de mariage volontaire, car un grand nombre de villageois n'ont pas encore une vie collective suffisante. » Le rôle d'intermédiaire est souvent joué par les Associations de femmes, par des membres du parti ou des jeunesses communistes. Il est moins utile dans les villes : étudiants, employés, ouvriers, jeunes communistes travaillent ensemble et aprennent à se connaître. Mais même dans la ville, les jeunes sont encore paralysés par la longue tradition de passivité et de pudeur qui leur a été inculquée...
Il est claire que l'indépendance économique et la liberté vont de pair. Une des raisons de la campagne d'émancipation, c'est de rendre utilisable la force de travail des femmes. Inversement, tant que la villageoise se confine dans les corvées domestiques, elle demeure, aux yeux de la famille et aux siens propres, un demi-parasite, bien que la réforme agraire lui ait conféré sa part de terre... C'est par l'extension des coopératives que s'accomplira l'émancipation de la paysanne chinoise... Dans les villes, la majorité des femmes sont encore des ménagères ; mais celles-ci en de nombreux endroits se sont organisées...
Quant aux ouvrières, leur salaire est égal à celui des hommes ; des crèches accueillent leurs enfants et celles peuvent les y allaiter ; ells ont des congés de grossesse et touchent un retraite à partir de quarante-cinq ans...
La catégorie la plus radicalement affranchie de la vieille mentalité, c'est celle des étudiantes ; elles se sentent exactement les mêmes responsabilités, la même indépendance que les hommes, elle les assument avec aisance... Jamais en Chine les édutiantes n'envisagent d'abandonner leur travail quand elles seront mariées ; elles ont reçu de l'Etat éducation et entretien, et veulent payer leur dette... Mme Lo Ta-kang [Luo Dagang], qui est professeur à l'Université de Pékin, me dit qu'entre étudiants et étudiantes, le flirt n'existe pas : 'Ils sont très sérieux', ajoute-t-elle. 'Peut-être même un peut trop sérieux'. Il y a de nombreux mariages qui se décident à l'Université, mais ils ne sont précédés d'aucun désordre sentimental : le travail demeure l'essentiel.Quand deux étudiants ont résolu de se marier, ils en avisent l'administration qui enregistre leur décision : on s'efforcera de leur donner un poste double quand ils sortiront de l'Université... Il est certain que l'amour ne paraît pas jouer un grand rôle dans la vie des jeunes Chinois... Le regime est loin de proscrire l'amour comme manifestation d'individualisme ; l'individualisme est au contraire encouragé puisqu'on cherche à liberer les personnes des groupes dont elles étaient traditionnellement prisonnières ; du même coup, l'amour est tenu pour un sentiment progressiste. Assumer un amour, c'est répudier l'ancien conformisme, c'est faire preuve d'autonomie : quiconque en est capable apparaît comme un élément 'avancé'...
Dans les écoles, on n'inflige pas non plus de punitions. Et on inculque ces principes aux parents. La mère, affranchie des anciens, a retrouvé un rapport direct avec ses enfants. Dans les rues de Pékin, je n'ai ajamais vu un adulte frapper un enfant, ni entendu un enfant crier ; tous semblent heureux... A la fin de 1954, il y avait dans les écoles primaires 51 millions d'élèves et 3 millions et demi dans les classes secondaires. On leur fournit une abondante littérature. Depuis la libération on a publié 2.800 nouveau ouvreages qui ont tiré à 60 millions. On a écrit pour eux des romans d'anticipation, des histoires en images, toute espèce de récits. On a traduit 850 livres et vendu 12 millions de copies de Pouchkine, Mark Twain, Andersen, etc...
Les anticommunistes accusent la Chine nouvelle à la fois d'anéantir la famille et d'annihiler l'individu : ces deux allégations sont mensongères. La famille est conservée et respectée dans la mesure oû elle se fonde sur de libres relations inter-individuelles ; ce qu'on a aboli c'est l'aliénation de la personne à une institution oppressive et impérieusement sacralisée...

IV. L'industrie
... En 1955 il existait un grand nombre d'entreprises privées fabriquant des machines, des produits chimiques et pharmaceutiques, du caoutchouc, du papier, des textiles. A Shanghaï, on en comptait 30.000 dont 10.000 employant plus de 16 ouvriers... On a encouragé les Chinois d'outre-mer à investir des capitaux dans les entreprises de la République chinoise... Tout en conservant le capitalisme et le profit, le régime n'en a pas moins amorcé la marche vers le socialisme ; il n'a maintenu ni la liberté d'entreprise, ni la concurrence. Le secteur privé lui-même est planifié et sévèrement contrôlé... Les profits ne sont pas fixés de façon immuable. Quand les agences commerciales de l'Etat passent des contrats avec les industries privées, les prix qu'elles offrent permettent des bénéfices de 10 à 30 % ou même davantage : ces bénéfices ont beaucoup augmenté depuis 1953. Le profit est divisé en quatre parties : 1. une part va aux impôts. 2. Une partie est versée à un fonds de séserve. 3. Une autre est consacrée au bien-être des ouvriers et au bonus. 4. Le capitaliste garde comme dividende environ 25 % du profit net, et parfois davantage. Il peut à son gré le réinvestir ou le dépenser...
Les usines textiles, qui ont toujours été la principale richesse de Shanghaï, se sont beaucoup développées depuis la libération ; on en a ouvert de nouvelles, et les anciennes ont été équipées de façon moderne. Jusqu'en 1950, presque toutes les machines étaient importées ; mais on a transformé des stations de réparation en fabriques, et une grande usine de machines à tisser vient de se créer dans le Chan-si...
« Pour voir la Chine nouvelle, il faut aller en Mandchourie » m'ont dit les Chinois. La Chine a commencé à édifier à l'intérieur du pays, et en particulier dnas le Sikiang, de vastes combinats. Mais pour l'instant, l'industrie lourde est presque entièrement concentrée dans le Nord-Est. J'ai donc pris un soir le train pour Chen-yang - l'ancien Moukden – capital de cette province au destin singulier. A neuf heures, je débarquais à Moukden...
Un écrivain de Moukden, une jeune secrétaire de l'Association, un photographe nous accompagnent à travers la ville... Cependant la ville me paraît bien laide ; les rues sont droites et ternes, les magasins tristes ; il y a quelques artères commerçantes, vivantes et colorées ; mais la plupart des avenues courent entre de sombres murs de brique, derrière lesquels fument des usines, entre des immeubles aux vitres noires, parfois birsées, où sont installés des bureaux. De loin en loin poussent timidement quelques arbres. Il y a un parc aux portes de la ville : des bosquets, des étangs, des lotus, de petits ponts. Les seuls monuments de Moukden, ce sont les tombeaux des premiers empereurs mandchous. L'architecte qui les a édifiés avait visité Pékin et il a imité le style des sépultures chinoises. Une large allée funéraire, plantée d'ifs et de cyprès, bordée d'éléphants de pierre, conduit à des pavillons surélevés par des terrasses, et dont l'architecture est identique à celle du palais de Pékin. Dans le dernier se trouve le tombeau impérial : mais, selon la coutume, le cadavre – afin de déjouer les mauvais esprits, et les éventuels violeurs de sépultures – a été enseveli hors de l'enceinte sacrée, dans un tumulus caché quelque part dans la montagne.
J'étais venue en Mandchourie pour voir des usines : j'en ai vu. A Chen-yang, j'ai visité une usine de machines-outils, une autre d'outils à air comprimé. Dans une micheline spécialement frêtée pour transporter une délégation de femmes allemandes, je me suis rendue à An-chan, à 120 kilomètres au sud de Chen-yang... Le 26 décembre 1953, trois grandes usines furent ouvertes : une laminerie où l'on fabrique de grandes plaques d'acier, une usine entièrement automatisée où l'on fabrique des tubes d'acier sans soudure, et les hauts fourneaux automatiques qu'on désigne sous le chiffre : No 7...
La journée la plus intéressante, ç'a a été celle que j'ai passée à Fou-chouen... Fou-chouen fait un sombre contraste avec cette campagne aimable. C'est une ville fumeuse et triste, comme toutes les grandes villes industrielles. On y a bâti depuis la libération quelques cités ouvrières ; mais dans l'ensemble les quartiers d'habitation rappellent les noirs corons du nord de la France. Il y a à Fou-chouen d'importantes raffineries où on fabrique du pétrole, et diverses espèces d'usines. Mais sa plus grande richesse, ce sont les mines : les plus anciennes du pays... La grande attraction de Fou-chouen, c'est la mine ouverte : une immense faille de 500 mètres de large, 6 kilomètres de long et 200 mètres de profondeurs... Pour mieux voir la mine, on nous fait descendre par un wagon à crémaillère jusqu'à une terrasse située à peu près à mi-hauteur : la descente, quasi verticale, est impressionnante...
Le journaliste L. m'a décrit l'usine de Tchang-tch'ouen, commencée en 1953 et qui a sorti au cours de l'année 1956 la première automobile chinoise...
Dans toutes les usines, qu'elles soient ultra-modernes ou encore inachevées, les travailleurs sont signeusement protégés contre les accidents et les maladies professionnelles. Toutes les machines ont des dispositifs de sécurité... Les Chinois sont, me dit-on, d'excellents ouvriers ; ils sont adroits, ils savent travailler ; ils aiment leurs machines ; ils les démontent et les remontent volontiers, ils s'intéressent à leur fonctionnement et veulent les connaître à fond...

V. La culture
...En tant que religion, le taoïsme garde droit de cité. Il existe encore des temples taoïstes, gardés par des prêtres célibataires ou mariés qui peuvent recevoir – à condition qu'elles soient modestes – des contributions des fidèles. Dans l'ensemble, la population les méprise. On trouve encore dans certains villages des sorciers que parfois la nuit des paysans vont clandestinement consulter ; mais leurs clients se font de plus en plus rares. En ce qui concerne les bonzes bouddhistes, la politique du gouvernement a été plus complexe. On a pourchassé et interdit ceux qui étaient des sorciers déguisés. Les bonzesses ont été libérées ; elles sont rentrées dans le monde et généralement s'y sont mariées. Les sectes bouddhistes ayant un caractère contre-révolutionnaire ont été dissoutes ; elles étaient moins nombreuses que les sectes taoïstes. Cependant, comme le bouddhisme est la religion pratiquée par de nombreuses minorité nationales, il a été à ce titre respecté...
La formation culturelle que, par-delà la lutte contre l'analphabétisme, on s'efforce d'assurer au peuple chinois est d'abord d'ordre politique. C'est essentiellement à la presse qu'est dévolu le rôle de faire participer les citoyens à la vie du pays... Puisqu'il n'existe pas en Chine de parti d'opposition, il est évident qu'on ne trouvera jamais dans la presse des critiques 'négatives' de la politique suivie par le régime. L'idée de 'dictature populaire' est difficilement compatible avec celle de la liberté de la presse telle que la conçoivent les démocraties bourgeoises...
... Les librairies sont nombreuses à Pékin ; dans les parcs, il y a des kosques pleins de livres et de revues ; les gens, surtourt les jeunes, les feuillettent, et parfois les lisent longuement, debout....
Il y a aujourdhui en Chine quantité de jeunes ouvriers, soldats, paysans qui sont avides de s'exprimer, sans en avoir techniquement les moyens : dans les usines, à l'armée, des groupes d'écrivains de chargent de les instruire et de les diriger. On a crée un 'Institut central de l'ittérature' patronné par l'Association, qui permet aux débutants d'acquérir la culture qui leur manque et de développer leur taltne s'ils en ont... Quant aux écrivains de métier, l'Association n'intervient pas dans leur travail. Il n'existe pas de censure préventive. La preuve que les éditeurs et les directeurs de revue choisissent sans contrôle officiel les textes qu'ils impriment, c'est le scandale suscité par certains de ceux-ci et la sévérité des blâmes que leur ont infligés les critiques....
... A la fin de mon voyage, il y a eu au Palais impériale une grande exposition des sculptures et des fresques de Touen Houang ; je l'ai parcourue avec quelque mauvaise humeur. Je regrettais qu'on ne me montrât pas, plutôt que ces copies d'une valeur incertaine, de grandes et sûres reproductions photographiques. Mais cette réaction de citoyenne d'un pays riche était for injuste. Les Chinois n'ont pas de matériel photographique ; leur pauvreté se manifeste sur le plan culturel comme ailleurs, et là aussi l'ingéniosité pallie leur déficiences... Les collections de peinture du Musée impérial ne sont pas souvent exposées : les soies fragiles craignent la lumière du soleil ; on ne les montre que pendant quelques semaines chaque année...
Actuellement, en Chine, le problème de l'extension de la culture passe encore avant celui de son élévation : à juste titre. La valeur d'un écrivain, d'un artiste, d'un savant dépend étroitement de la qualité de la masse dont il émerge et qui constitute son audience. C'est seulement le jour où le savoir et la faculté de juger seront largement développés que la Chine pourra devenir comme l'a promis Mao Tsé-Toung 'un pays de grande culture'...

VII. Le 1er octobre
Les visiteurs habituellement dispersés du nord au sud de la Chine se retrouvent tous à Pékin pour les fêtes du 1er octobre. J'y reviens, moi aussi, à la fin de septembre, après un voyage en Mandchourie. La physionomie de la ville a changé. L'aile neuve de l'hôtel est achevée, les échafaudages ont disparu...Tout en échangeant des rensiegnements, j'observe les réactions des divers visiteurs. J'ai compris qu'en Chine, plus que partout ailleurs, il y a une erreur à éviter : c'est de juger les choses comme si elles étaient arrêtées. Dans ce pays qui ne cesse pas de bouger, le présent tire son sens du passé qu'il dépasse, de l'avenir qu'il annonce...
29 septembre. Ce soir, Chou En-laï donne un banquet en l'honneur du corps diplomatique et des délégués étrangers ; il y a 2.200 convives. La moitié d'entre eux se rassemblent dans l'immense salle des fêtes aménagée pendant ces derniers mois dans l'aile neuve de l'hôtel de Pékin. Les autres se répartissent dans les halls et les pièces environnantes : tout le rez-de-chaussée est envahi. Entre la porte principale de la salle des fêtes et le petit théâtre qui en occupe le fond est dressée une longue table de cent couverts ; à droite et à gauche, il y a une centaine de tables rondes, de neuf couverts chacune... La table est chargée de nourritures froides. De chaque côté de la porte d'entrée est installé un orchestre : ils jouent à tour de rûle, l'un de la musique chinoise, l'autre de la musique occidentale. A sept heures, ils entonnent l'hymne national : Chou En-laï s'assied à un bout de la table, près de la scène ; à l'autre extrémité, prend place un des maréchaux, revêtu d'un uniforme flambant neuf, bleu vif et or... Chou En-laï prononce, sous le feu des projecteurs, un discours où il nous remercie de notre visite à la Chine : il termine en portant un toast à l'amitié des peuples et à la paix...
Pékin est illuminé ! Des lampions dessinent les arêtes et les corniches des toits, ils soulignent les façades ; les silhouettes des monuments publics et des portes fortifiées s'enlèvent, scintillantes et plates sur le ciel sombre ; cette absence de relief, cet exact dessin donnent l'impression d'un décor factice : on croirait voir briller non une vraie ville, mais les pavillons de quelque grande exposition...
1er octobre. Nous quittons l'hôtel dès 9 heures, en auto, bien que T'ien An Men soit si proche : nous nous y rendons par un chemin détourné, l'avenue étant interdite aux voitures ; nous contournons le palais impérial ; dans les petites rues, nous voyons des chars, portant des maquettes de machinese, des statues, des panneaux ; il y a aussi des groupes de gens en attente : nous sommes dans les coulisses de ce grand théâtre que constitute aujourd'hui le centre de Pékin. Nous entrons dans la Ville interdite par la porte nord, et nous traverson le pard de part en part. Le service d'ordre nous dirige vers la tribune de gauche. Sous les gradins sont aménagés de petits salons où on sert du thé, de la limonade, des sandwiches : on peut y descendre au cours du défilé pour fumer, boire, se reposer. Nous prenons place, au premier rang, car nous sommes arrivés tôt et la tribune est encore à demi vide. Derrière nous, un peu à droite, le pavillon, dressé sur la terrasse, nous domine ; le portrait de Mao Tsé-toung est suspendu juste au-dessus de la voûte d'entrée. Sur les murs rouges s'étalent en énormes caractères chinois les slogans : « Vive la République de Chine – Vive l'unité de tous les peuples – Vive le marxisme-léninisme - vive la paix »...
La tribune se remplit ; il y a douze mille personnes sur l'ensemble des gardins qui entourent la place... A dix heures, l'orchestre attaque l'hymne national ; des applaudissements éclatent : Mao Tsé-toung, accompagné de Tchou Tö, Lieou Chaa-ki, Chou En-laï, Soon Ching-ling, la veuve de Sun Yat-sen - d'autres ministres et maréchaux, apparaît sous la colonnade qui court le long de la terrasse ; il prend place juste au-dessus de son portrait. Il porte le classique costume en drap de laine d'un gris verdâtre, et une casquette, qu'il enlèvera pendant le défilé, aux acclamations de la foule... Le canon tonne, je ne sais combien de fois, avec un fracas terrible : on dirait qu'il va crever le ciel ; la place se couvre de fumée. Puis il se fait un grand silence ; deux longues autos découvertes, venant des deux côtés de l'avenue, se croisent lentement devant T'ien An Men ; dans chacune se tient debout, un homme vêtu d'un uniforme bleu et r : le maréchal P'ong Tö-houai passe rapidement les troupes en revue, puis il remonte sur la terrasse de Tien An Men d'où il lit un ordre du jours. Alors l'auto du commandant en chef s'ébranle dans hâte suivie par des soldats, des tanks, des canons : le défilé est commencé... Quelques avions à réaction passent bruyamment dans le ciel et tout de suite le défilé des civils commence. D'abord s'avance une formation de gardes d'honneur, apparenant aux diverses minorités ; ils portent d'immenses banderoles rouges sur lesquelles se détachent en lettres d'or les slogans : 'Vive le premier plan quinquennal – Libérons Formose – Vive la Paix'. Viennent ensuite des panneaux, semblables à ceux qu'on voit dans les parades de Moscou : les portrait de Mao Tsé-toung, Chou En-laï, Sun Yat-sen, Marx, Engels, Lénine, Staline, ceux aussi de Molotov, Malenkov, Boulganine, Khrouthchev se dressent au-dessus des têtes noires. Soudain, c'est un immense jardin qui marche vers nous : des milliers d'enfants agitent au-dessus de leurs têtes des bouquets, couleur d'aubépines en fleur ; ils arrivent devant T'ien An Men, et brusquement lâchent des nuées de colombes qui semblent sortir du chapeau d'un prestidigitateurs ; elles d'envolent à tire d'ailes ; des grappes de ballons multicolores d'élèvent au-dessus de la foule, entraînant avec eux des bouquets, des drapeaux, des étendards rouges où se déploient les slogans. Le ciel se transforme en un grand champ de foire.
Les enfants sont suivis par quinze cents activistes qui viennent de clôturer leur congrès. Alors le gros du défilé commence : par rangées de quatre-vingts veronnes, divisées chacune en six ou sept groupes, et occupant toute la largeur de l'avenue, s'écoule pendant trois heures un flot ininterrompu d'hommes vêtus de cotonnade bleu sombre : les ouvriers, employés, étudiants, artisans, commerçants de Pékin et les paysans des environs... Derrière viennent les travailleurs culturels : huit mille acteurs et danseurs. C'est le clou du spectacle : le voià le 'théâtre dans la rue' dont rêvaient les surréalistes...
Quatre heures se sont écoulées ; nous sommes tous restés debout ; et nous n'avons senti ni le temps, ni la fatigue tant était fascinant ce défilé qui commençais par une parade militaire et se terminait par un cirque...
Pendant la journée, le ciel s'est dégagé ; c'est par une soirée fraîche mais claire que nous montons à 7 h. ½ l'escalier qui conduit à la terrasse de T'ien An Men... Pékin brille de tous ses feux : les milliers de lampions scintillent, les lampadaires illuminent l'avenue. Nous nous asseyons à de petites tables couverte de tasses à thé, de cigarettes, de fruits, de bonbons ; pendant que je cause avec Mao Touen et avec sa femme, Chou En-laï passe parmi les invités, serrant les mains avec une aimable désinvolture ; puis, sans pompe, sans escorte, Mao Tsé-toung à son tour se promène de table en table. Ce qu'il y a de sympathique, chez tous les dirigeants chinois, c'est qu'aucun d'entre eux ne joue un personnage ; ils sont habillés comme tout le monde, et leurs visages ne sont déformés ni par des tics de classe, ni par ceux qu'entraîne si souvent l'exercice du pouvoir ou le souci de représenter : par rien ¸ce sont des visages tout uniment et pleinement humains...

VIII. Villes en Chine
J'étais curieuse de voir les trains chinois d'aujourd'hui. On met vingt heures pour aller de Pékin à Moukden, trente heures de Pékin à Nankin, trois jours de Nankin à Canton : je les ai vus. Ils comportent des classes ; les sièges, disposés des deux côtés d'un couloir central, sont soit en bois dur, soit rembourrés. Dans les trains de nuit il y a en outre différentes catégories de wagons-lits. Je dormais dans un compartiment à quatre couchettes, superposées deux par deux ; chaque voyageur installe lui-même la literie que la compagnie lui fournit : un drap qui tient lieu de sommier et une couverture de leine, protégée par une housse blanche... Dans tous les cas, les cabinets de toilette collectifs sont installés au milieu du wagon...
Je part pour Nankin vers six heures du soir et je traverse de nuit le fleuve Jaune. Je me réveille de bonne heure, au milieu d'une plaine qu'encadrent à droite et à gauche des montagnes de faible altitude. Toute la journée le train roule, l'horizon indéfiniment recule, et le même paysage se déploie : il me semble à la fois familier, et très insolite. Ni landes, ni forêts, ni rochers : pas un pouce de nature brute ; presque pas d'arbres...
[Beauvoir décrit] Nankin – Shanghaï – Hang-tcheou – Canton.
10 1957
[Shaw, Bernard]. Yibusheng xi ju de xin ji qiao. Pan Jiaxun yi. [ID D30757].
In his essay, Shaw illustrates the technique of 'discussion' by using Nora as an example. Shaw's criticism of Ibsen was of the most important references in Chinese Ibsen research.
Shaw schreibt : "Up to a certain point in the last act, A doll's house is a play that might be turned into a very ordinary French drama by the excision of a few lines, and the substitution of a sentimental happy ending for the famous last scene... But at just that point in the last act, the heroine very unexpectedly (by the wiseacres) stops her emotional acting and says : We must sit down and discuss all this that has been happening between us'. And it was by this new technical feature : this addition of a new movement, as musicians would say, to the dramatic form, that A doll's house conquered Europe and founded a new school of dramatic art."
11 1957
Zhang, Yuechao. Yingguo de ge ming de lang man shi ren Bailun [ID D26468].
The text is an enthusiastic endorsement of Byron's progressive thought and political activities.
12 1957
Yang, Jiang. Feierding zai xiao shuo fang mian di li lun he shi jian [ID D26620]
Han Jiaming : Yang Jiang was the first in foreign literature studies in China to carefully examine Fielding's narrative theory, its specific content, traditional heritage, and new development.
13 1957
Zhang, Yuechao. Fei'erding [ID D26618].
Er schreibt : "Fielding inherits and develops the satiric tradition in European literature and creats superb satiric novels. Instead of representing human life with absurd visions as Rabelais and Swift did, he describes it realistically ; he is a more conscientious realist than Cervantes."
14 1957
Wai guo wen xue can kao zi liao [ID D28810].
Includes mostly essays translated from critics in the Soviet Union. Eugene O'Neill was labeled 'a corrupted element in the American literary circle' and his plays were said to be 'full of totally decadent ideas of life, inhuman and one hundred percent fascist'.
15 1957
Liang, Shiqiu. Guan yu Baibide xian sheng ji qi. [ID D28821].
"The often celebrated idea of 'élan vital' (vital impulse) in Bergson's philosophy is, according to Irving Babbitt, not worth mentioning. 'Elan vital' should give way to 'frein vital (vital control). To do a thing would require strength, but to refrain oneself from doing something would require greater strength. This kind of attitude seems very compatible with what Confucians called 'Refrain oneself and return to the ritual' (ge ji fu li)."
"Though Babbitt has been said not to have shed his puritan thinking, I must say that he retained a great deal of elements of stoicism. I translated Marcus Aurelius' Meditations a few years ago because, inspired by Babbitt's implicit instruction, I wished to express my infinite respect for this great stoic philosopher."
"When Xue heng was started, I was still a university student, one who was swept up in the wave of so-called modern thought. At that time I had a negative reaction after reading Xue heng, in which the classical Chinese characters scrawled all over the paper kept people from further probing into its content. In this way, Babbitt and his thought were cold-shouldered in China."
"Those people like Lu Xun had never read Babbitt, Lu Xun could never understand Babbitt.
Hou Chien : Starting out as a romantic and nationalist, Liang Shiqiu recalls that he went to Babbitt's class with an ax to grind. He went as a challenger but came out a convert to Babbittian classicism. He said nothing at all about Babbitt's Chinese scholarship, though in a private communication. Liang thinks that, in his respect for and promotion of classicism, and in his emphasis on reason, Babbitt shows an affinity of Confucian thinking. Liang does point out, though that Babbitt, in his insistence on the dualistic view of human nature, is inclined to say nothing about the Confucian creed of a human nature innately good.
Bai Liping : Liang wrote about Babbitt's conception of three possible levels of human life : naturalistic, humanistic, and religious. Liang argued that the naturalistic life, though in a sense inevitable, should be subject to balance and restraint ; the life maintaining truly human nature is what we should always try to attain ; the religious way of life is, of course, the most sublime, but, being also the most difficult and beyond the realistic capability of most people, should not serve as an excuse for the latter to live life less than fully at the humanistic level. Liang remarked that Babbitt's New humanism was considered by many Americans to be 'reactionary, fogeyish, and impractical' and to have had a limited influence during his lifetime'.
16 1957
Frye, Northrop. An anatomy of criticism. (Princeton : Princeton University Press, 1957).
On the literal level of meaning, metaphor appears in its literal shape, which is simple juxtaposition. Ezra Pound, in explaining this aspect of metaphor, uses the illustrative figure of the Chinese ideogram, which expresses a complex image by throwing a group of elements together without predication. Predication belongs to assertion and descriptive meaning, not to the literal structure of poetry.
17 1957
Ezra Pound reads Forgotten kingdom by Peter Goullart. He learned about the connection between the Naxi and Confucius. The book is dedicated to Dr. Josphe F. Rock. Goullart's dediction was sufficient to set Pound on the course of collecting and studying Rock's articles and books and the theme of the Naxi in The cantos comes directly from Rock's studies. Pound quarried the poetry out of Rock, quoting so carefully that we can match dozens of gemlike descriptions and powerful incantatory images, from Canto 98 on, with Rock He learned about the connection between the Naxi and Confucius.s words.
He wrote in his Notebook, Nov. 8 : "Rock's land and Goullart's paradise ; air blown into word-form."
18 1957
Letter from William Carlos Williams to Ezra Pound ; Febr. 1957.
Williams praised David Rafael Wang's eight classic Chinese poems in the Poundian journal Edge : "I do enjoy EDGE – the last translations from the chink by / of David Rafael Wang are worth the trip half way round the world to have encountered."
19 1957
Williams, William Carlos. Two new books by Kenneth Rexroth [ID D29177].
One hundred poems from the Chinese
Kenneth Rexroth has recently translated One Hundred Poems from the Chinese, one of the most brilliantly sensitive books of poems in the American idiom it has ever been my good fortune to read.
It must be amazing to the occidental reader, acquainted we'll say with Palgrave's Golden Treasury, to realize that the Chinese have a practice and art of the poem, which in subtlety of lyrical candor, far exceeds his own. I am grateful to him. Nothing comparable and as relaxed is to be found I think in the whole of English or American verse, and in French or Spanish verse, so far as I know. So that it constitutes a unique experience to read what has been set down here.
Womanhood has been engraved on our minds in unforgettable terms. Oh, I know that women can be bitches, you don't have to be a homo'sexual to learn that, but the exact and telling and penetrant realization of a woman's reality, of her lot, has never been better set down. It is tremendously moving, as none of our well known attempts, say, throughout the Renaissance have ever succeeded in being.
This is a feat of overwhelming importance. It is not a question of a man or woman's excess in experience or suffering, for whatever this amounted to, they have had to do; but that in their mutual love they have been made to bear their fates. What does it matter what a woman and a man in love will do for themselves? Someone will succeed and someone will die. In the poem suddenly we realize that we know that and perceive in a single burst of vision, in a flash that dazzles the reader.
The poet Tu Fu (713-770) was the first, with him it begins. Homer and Sappho with their influence on our poetry had been dead for over a thousand years. The use of the metaphor, pivotal in our own day, had not been discovered by the Chinese in these ancient masterpieces. The metaphor comes as a flash, nascent in the line, which flares when the image is suddenly shifted and we are jolted awake just as when the flint strikes the steel. The same that the Chinese poet seeks more simply when the beauty of his images bursts at one stroke directly upon us.
Dawn over the Mountains
The city is silent,
Sounds drains away
Buildings vanish in the light of dawn,
Cold sunlight comes on the highest peak,
The dust of night
Clings to the hills,
The earth opens,
The river boats are vague,
The still sky—
The sound of falling leaves.
A huge doe comes to the garden gate,
Lost from the herd,
Seeking its fellows.
(Tu Fu)
Where is the poem? without metaphor among these pages so effortlessly put down. Occidental art seems more than a little strained compared to this simplicity. You cannot say there is no art since we are overwhelmed by it. The person of the poet, the poetess, no, the woman herself (when it is a woman), speaks to us... in an unknown language, to our very ears, so that we actually weep with her and what she says (while we are not aware of her secret) is that she breathes. . . that she is alive as we are.
Where is it hidden in the words? Our own clumsy poems, the best of them, following the rules of grammar . . . trip themselves up. What is a sonnet of Shakespeare beside this limpidity but a gauche, a devised pretext? and it takes fourteen lines rigidly to come to its conclusion. But with bewildering simplicity we see the night end, the dawn come in and a wild thing approach a garden. . . . But the compression without being crowded, the opposite of being squeezed into a narrow space, a few lines, a universe, from the milky way . . . vividly appears before us.
But where has it been hidden? because it is somewhere among the words to our despair, if we are poets, or pretend to be, it is really a simple miracle, like that of the loaves and the fishes. . . .
Where does the miracle lodge, to have survived so unaffectedly the years translation to a foreign language and not only a foreign language but a language of fundamentally different aspect from that in which the words were first written? The metaphor is total, it is overall, a total metaphor.
But there are two parts to every metaphor that we have known heretofore: the object and its reference—one of them is missing in these Chinese poems that have survived to us and survived through the years, to themselves also. They have been jealously, lovingly guarded.. .Where does it exist in the fabric of the poem? so tough that it can outlast copper and steel ... a poem?
—and really laughs and cries! it is alive.
—It is as frightening as it is good.
And the Chinese as a race have built upon it to survive, the words of Tu Fu, a drunken poet, what I mean is DRUNK! and a bum, who did not do perhaps one constructive thing with himself in his life—or a Bodenheim.
I go to a reception and find a room crowded with people whom 1 cannot talk with except one, a man (or a woman perhaps) or one who wearies me with his insistencies. . . . When a few miraculous lines that keep coming into my head transport me through space a thousand years into the past....
"A magic carpet" the ancients called it. It costs nothing, it's not the least EXPENSIVE!
Look at the object: an unhappy woman, no longer young, waking in her lonely bed and looking over a moonlit valley, that is all. Or a man drunk or playing with his grandchildren who detain him so that he can¬not keep an appointment to visit a friend. . . . And what? A few fragile lines which have proved indestructible!
Have you ever thought that a cannon blast or that of an atomic bomb is absolutely powerless beside this?—unless you extinguish man (and woman), the whole human race. A smile would supersede it, totally.
I raise the curtains and go out
To watch the moon. Leaning on the
Balcony, I breathe the evening
Wind from the west, heavy with the
Odors of decaying Autumn.
The rose-jade of the river
Blends with the green-jade of the void.
Hidden in the grass a cricket chirps.
Hidden in the sky storks cry out.
I turn over and over in
My heart the memories of Other days. Tonight as always
There is no one to share my thoughts.
(Shu Chu Senn)
or this:
The Visitors
I have had asthma for a
Long time. It seems to improve
Here in this house by the river.
It is quiet too. No crowds
Bother me. I am brighter here
And more rested. I am happy here.
When someone calls at my thatched hut
My son brings me my straw hat
And I go out to gather
A handful of fresh vegetables.
It isn't much to offer.
But it is given in friendship.
(Tu Fu)
These men (a woman among the best of them) were looking at direct objects when they were writing, the transition from their pens or brushes is direct to the page. It was a beautiful object (not always a beautiful object, sometimes a horrible one) that they produced. It is incredible that it survived. It must have been treasured as a rare phenomenon by the people to be cared for and reproduced at great pains.
But the original inscriptions, so vividly recording the colors and moods of the scene . . . were invariably put down graphically in the characters (not words), the visual symbols that night and day appeared to the poet. The Chinese calligraphy must have contributed vastly to this.
Our own 'Imagists' were right to brush aside purely grammatical conformations. What has grammar to do with poetry save to trip up its feet in that mud? It is important to a translator but that is all. But it is important to a translator, as Kenneth Rexroth well knows. But mostly he has to know the construction of his own idiom into which he is rendering his text, when to ignore its more formal configurations.
This is where the translations that Kenneth Rexroth has made are brilliant. His knowledge of the American idiom has given him complete freedom to make a euphonious rendering of a text which has defied more cultured ears to this date. It may seem to be undisciplined but it is never out of the translator's measured control. Mr. Rexroth is a genius in his own right, inventing a modern language, or following a vocal tradition which he raises here to great distinction. Without a new language into which the poems could be rendered their meaning would have been lost.
Finally, when he comes to the end of introduction, he says, "So here are two selections of poetry, one the work of a couple of years, the other the personal distillate of a lifetime. I hope they meet the somewhat different ends I have in view. I make no claim for the book as a piece of Oriental scholarship. Just some poems."
At the very end there are data, notes, ten pages of them, annotated page for page, on the individual poems. And two and a half pages of Select Bibliography. The translations into English began in 1870 with The Chinese Classics, James Legge. Included is a mention of Ezra Pound's Cathay, 1915.
In the French there is, dating from 1862, the Poesies Chinoises de I'Epoque Thang, and, among others, that of Judith Gautier's, 1908, Livre de Jade. The German versions are still those of Klabund.
20 1957-1961
William Carlos Williams and David Rafael Wang
1957 First meeting between William Carlos Williams and David Rafael Wang. Wang brought up the idea of working together on a group of Chinese poems.
Letter from William Carlos Williams to David Rafael Wang ; March 16 (1957).
"For heaven's sake ! I've been looking for you everywhere since I read those Chinese translations in the last EDGE. Pound wrote me one of his unnecessarily cryptic cards telling me you were in New York. I thought you were merely passing through the city. Now I find out that you are a friend of Gil Sorrentino. Of course come out and see us. It will have to be after the middle of next week – if you will be free. Come in the afternoon unless you are not free then when you can make it Saturday or Sunday. I'm not much good evenings. Let me hear from you. I'm awfully glad you wrote."
Letter from William Carlos Williams to David Rafael Wang ; Sept. 28 (1957).
"I am fascinated by the prospect of working with you on the Chinese translation – and we will of course do it together and soon but not now."
1958 William Carlos Williams felt that his health was beginning to fluctuate and he returned all of David Raphael Wang's translations of Chinese poems. Wang continued to send him version after version. Williams reviewed most of Wang's offerings, but only occasionally did he make comments or suggest revisions.
After a long silence in 1960 Wang wrote to Williams ; Jan. 27 (1961) : "I would appreciate if I only get a card from you".
Qian Zhaoming : In refashioning China for American literature, the two partners were pulled by conflicting desires – to be modernist, and to be Chinese. Despite its actual assimilation of Chinese images, themes, and styles. Wang had his own motivations for the project. First, the undertaking would provide a once-in-a-lifetime opportunity to study creative writing with a leading modernist poet. Second, whatever result came of it was likely to send him on the way to an illustrious career. From Williams's revisionary suggestions, Wang learned a great deal about the handling of the poetic form in an effort to be modernist. Williams also learned from Wang. For Williams it was a chance to use 'China' for poetic restructuring and renewal, a chance to fulfill his dream of competing favorably against Pound and Fenollosa. Wang's versions of Wang Wei and Li Bo rekindled his passion for the minimal, painterly style of classic Chinese poetry and inspired him to take a new direction formally in his last book. Together the two poets created an English line of economy, understatement and power.

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