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1948.6

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Claudel, Paul. Sous le signe du dragon [ID D3550]. (6)
CHAPITRE VII
LES FINANCES ET LA MONNAIE
§ I. LES FINANCES.
Nous avons souvent insisté dans les chapitres précédents que le Gouvernement, jusqu'ici en Chine, a été moins une administration qu'un système d'exploitation, dont les fonctionnaires ne sont que les soumissionnaires patentés. Il serait donc vain de chercher rien qui ressemble à un budget : parmi les nombreuses réformes auxquelles les caprices de la mode donnaient une vogue momentanée, celle-ci parut toujours une des moins goûtées, bien qu'elle fût la condition de toutes les autres, une de celles qui heurtaient le plus d'intérêts et se heurtaient elles-mêmes au plus de mauvaise volonté. Cependant, en nous aidant des travaux remarquables qui ont été publiés au cours de ces dernières années par MM. Parker, Jamieson et Morse, nous allons essayer de nous rendre compte, d'une manière certes bien vague et bien insuffisante, de ce que sont chaque année les ressources et les besoins de l'Empire.
Pour bien comprendre la valeur des chiffres avarement avoués par les rares documents officiels que ces auteurs ont pu consulter, il ne faut pas oublier qu'ils déterminent des contributions fixes et en quelque sorte forfaitaires dont les agents de perception assument la charge. Souvent l'emploi de ces fonds est prévu au moment de leur répartition, qui doit être assurée par le fermier lui-même. « Une province par exemple est taxée à 500.000 taëls pour sa contribution annuelle sur les likins. Elle reçoit l'ordre d'envoyer directement 100.000 taëls au taotaï de Shanghaï pour le service de la dette étrangère, 50.000 taëls au même fonctionnaire pour le compte des légations à l'étranger, 200.000 au Honan pour le fonds contre les inondations du Fleuve Jaune, 50.000 taëls pour les réparations aux fortifications de la Province, 50.000 taëls à Pékin pour la maison de l'Empereur et 50.000 autres taëls pour la réparation des tombes impériales » (Morse). On voit combien un pareil système de trésorerie facilite l'ordre et le contrôle! Toutes ces taxes, celles qui sont indiquées sur le papier et celles beaucoup plus nombreuses qui font l'objet avec l'amodiataire principal de Pékin d'un marchandage de gré à gré, une fois fixées, le percepteur se débrouille et s'arrange fort bien pour que l'opération financière dont il prend l'entreprise ne se termine pas pour lui par une perte. Les appétits légitimes satisfaits, personne ne met le nez dans sa comptabilité. C'est à lui de s'arranger avec le troupeau qu'il tond pour respecter les usages et pour éviter les clameurs.
D'ailleurs à tout regard trop curieux la complication inextricable des changes, dont nous essayerons de donner une idée dans la seconde partie de cette étude, suffirait à opposer un obstacle invincible. « Prenons par exemple le cas tout à fait ordinaire d'une somme perçue dans le Kiangsou et destinée à servir de subside à la province de Kansou. La taxe sera fixée en taëls du Trésor, e'ie sera payée en taëls locaux; le résultat sera converti en Tsaoping taëls pour l'envoi à Shanghaï; puis de nouveau on aura à acquitter les frais de change en Tsaoping taëls de la traite sur le Kansou; puis conversion en taëls du Trésor pour l'état de comptes avec le Kansou, puis en taëls locaux pour le dépôt dans une banque, puis de nouveau en taëls du Trésor pour les comptes avec la Trésorerie Impériale, et de nouveau en taëls locaux et en sapèques pour les paiements aux particuliers. Soit neuf transactions dont chacune en dehors du péage légal de 1/2 ou 1 % laisse de nombreuses chances à des artifices de comptabilité. [Morse (Directeur de la Statistique des douanes impériales maritimes), The Trade and Administration of thé Chinese Empire]. » Deux sources de revenus seules peuvent être considérées comme strictement impériales : les tributs, et les recettes des douanes maritimes. Toutes les autres ont le caractère de reliquats versés au Trésor après solde des frais de perception et de toutes les dépenses de l'administration locale [Morse].
Nous chercherons à évaluer, avec l'aide des écrivains que nous venons de citer, en premier lieu quel est actuellement (1910) le revenu utile de l'Empire, celui qui entre réellement dans les caisses et qui est réellement employé aux besoins d'un service public; en second lieu quelle est la somme réellement débouisée par le contribuable.
D'après un document officiel publié par M. Parker [I. China — Past and Présent], les recettes de l'Empire se répartissent comme il suit :
T.
1. Taxe foncière (payée en argent). 25.887.000
2. Tributs (représentés ou non en argent). 7.400.000
3. Douanes indigènes. 4.160.000
4. Gabelle du sel. 12.600.000
5. Taxes diverses 3.856.000
6. Douanes maritimes (1905). 35.111.000
7. Likins sur les marchandises et l'opium. 15.890.000
Total : T. 104.904.000
De ces chiffres celui qui est attribué aux douanes maritimes, entièrement contrôlées par une administration étrangère, est le seul qui présente des garanties à peu près rigoureuses d'exactitude. C'est d'ailleurs le revenu de ce service qui a servi à gager les premiers emprunts étrangers souscrits par la Chine.
Quant aux autres chiffres, on peut dire qu'ils ne représentent qu'une portion minime, un dixième au plus, des sommes réellement versées aux agents du fisc par les contribuables.
La taxe foncière était autrefois la principale source des revenus de l'État, et il y a cent ans elle représentait encore près des deux tiers des recettes. Elle a été établie à son taux actuel par la dynastie mandchoue, à un moment où celle-ci avait intérêt à se concilier la bienveillance de ses nouveaux sujets. De là sa modération, de là aussi le fait que dans les cédules dressées les provinces éloignées sont beaucoup plus ménagées que celles qui sont rapprochées de Pékin. En 1713 l'Empereur publia un décret aux termes duquel l'impôt foncier par tout l'Empire serait dorénavant arrêté d'une manière fixe et immuable pour tous les temps à venir au total de ladite année. C'est donc le cadastre et le tarif de 1713 qui, en principe, servent encore aujourd'hui de base à la taxation de la terre chinoise. Mais bien entendu ils ne fournissent qu'un cadre, à une toile qui peu à peu par les soins du fisc s'est colorée d'une riche peinture.
Les achats de terrains auxquels se livra le Syndicat du Honan entre 1901 et 1904 par l'intermédiaire de M. Jamieson, ancien Consul général d'Angleterre, et dont celui-ci a publié les résultats dans son livre Land Taxation in the Province of Honan éclairent le sujet de lumières assez vives. D'après les chiffres officiels fournis par les autorités locales au Syndicat qui avait à opérer des achats importants de terrains miniers, la taxe foncière dans un premier cas, avait subi des « accrétions parfaitement régulières et légales », pour change et frais de perception de 71 %, tandis que le tribut des graisses subissait de son côté une accrétion de 220 % ; dans un second cas l'accrétion était de 82 % et pour le tribut des grains de 210 %. Si ce taux « officiel » est en vigueur comme il est probable, pour toute la Province, M. Jamieson calcule qu'à elle seule, celle-ci payerait, sur pièces, aux agents du fisc une somme qui n'est pas inférieure à 28 millions de taëls, soit le chiffre indiqué, sur le tableau reproduit plus haut, pour l'Empire tout entier. Mais en fait, on doit admettre que le cultivateur chinois paye une somme bien supérieure à celle imposée sur des papiers administratifs à une puissante Société européenne; et l'on reste dans les limites de la plus sobre vraisemblance en admettant que les chiffres de M. Jamieson, pour répondre à la réalité, doivent au moins être triplés ou quadruplés. Cependant, même en s'en tenant aux chiffres des tableaux officiels et à l'évaluation la plus modérée des termes imposables du Honan, on arriverait encore pour l'impôt foncier de cette province au chiffre de T. 6.969.050. Sur les mêmes bases le rendement de l'impôt pour tout l'Empire serait de T. 102.461.852. « Mais en fait et en estimant la superficie totale de tous l'Empire à 2.400.000, moins j'estime, dit M. Jamieson, que le montant total de la somme payée par les contribuables n'est pas inférieur à T. 450 millions (un milliard et demi de francs). Dans le mémoire adressé par Sir Robert Hart au Gouvernement chinois pour lui recommander certaines réformes fiscales, les mêmes chiffres sont à peu près atteints, quoique par une autre voie ».
Ainsi sur un revenu de 450 millions de taëls, moins d'un quart parvient effectivement au Trésor pour y être employé au service de l'État, — et encore sous les restrictions que nous verrons au chapitre des Dépenses !
Tribut. - Le tribut consiste en principe dans les envois en nature (grains, cuivre, fourrures, thé, soie, etc.) que les différentes provinces faisaient autrefois au Gouvernement de Pékin et dont l'expédition constitua longtemps le principal trafic du Grand Canal. La plupart de ces tributs sont aujourd'hui payables en argent. Nous avons vu au paragraphe précédent quelques exemples des énormes augmentations que les anciens chiffres ont subies. M. Morse cite un autre cas, également constaté par une quittance officielle, dans lequel le principal de cet impôt a été grevé de cinq fois et demie de sa valeur.
Douanes intérieures.
Les mêmes majorations, s'élevant parfois à 10 pour 1 ont été constatées dans les douanes indigènes, depuis qu'à la suite des traités de 1900, certaines d'entre elles, la douane de Tientsin par exemple, ont été confiées à une administration européenne.
Sel. - Le régime du sel qui constitue un monopole de l'État et qui a toujours été considéré, ainsi que dans tous les pays à vaste domaine continental comme une espèce de monnaie, est en Chine très divers, très obscur et très compliqué. On peut prendre comme exemple la gabelle du Yangtze dite Hwai, dont le chef est le Vice-Roi de Nankin, à la tête d'une armée de percepteurs et de contrôleurs. La production, le transport et la vente sont entre les mains des particuliers moyennant patentes émises par l'administration. Le montant payé à titre d'impôt par les consommateurs est d'environ T. 2,67 par picul. En prenant ce chiffre minimum comme base et en évaluant la consommation de la Chine à la même quantité que celle de l'Inde, soit 243 millions de piculs, on voit que les contribuables payent sur ce chapitre une somme.
Divers.- La nomenclature de ces impôts, dont le nombre a considérablement augmenté depuis 1900 et dont les uns sont d'État, les autres purement locaux, ne peut guère être donnée complètement. L'un des plus importants est le droit d'enregistrement sur les mutations de propriété. D'après les prix que le Syndicat du Honan a dû payer et en estimant que la propriété change de mains tous les soixante ans, M. Jamieson évalue le revenu total de cet impôt à 2 millions de taëls. Le chiffre porté sur les tableaux officiels est 200.000 taëls !
Likins. - Nous avons vu les conditions dans lesquelles s'est étendu à toute la Chine, après la guerre des Taïpings, le réseau aux mailles de plus en plus serrées des likins. La somme qui revient de ce chef au Trésor impérial est fixée dans le tableau donné plus haut (y compris les droits sur l'opium indigène) à T. 13.890.000. En ce qui concerne les perceptions réellement opérées, les évaluations les plus élevées risquent de rester au-dessous de la vérité. Mais les quittances et documents font défaut. En un cas particulier cependant une station de likin donna un reçu de T. 4 pour 12.000 sapèques (1 taël= 1200 sapèques environ) expliquant que ces 12.000 sapèques étaient la représentation des 4 taëls, une fois parvenus à Pékin! M. Parker estime les adjonctions à faire au chiffre officiel à 162 %, ce qui porterait le chiffre total perçu à T. 42.537.320. Chiffre certainement encore inférieur à la réalité.

DÉPENSES.
Le tableau auquel nous avons déjà emprunté les chiffres des recettes du Trésor impériales, donne pour les dépenses ceux qui suivent :
T.
1. Numéraire envoyé à Pékin. 9.131.000
2. Grain (ou son équivalent en argent) et frais de transport. 5.780.000
3. Défense des frontières. 5.415.000
4. Fonds général de l'amirauté. 1.450.000
5. Armée, marine et fortifications. 25.200.000
6. Arsenaux. 3.385.000
7. Fleuve Jaune et autres commissions d'entretien. 1.389.000
8. Frais des Douanes maritimes et entretien des phare. 3.042.000
9. Douanes indigènes. 370.000
10. Diverses caisses de Pékin. 3.842.000
11. Fonds de développement des chemins de fer. 550.000
12. Subsides impériaux pour l'administration provinciale. 34.042.000
13. Intérêts et amortissements des emprunts étrangers. 42.000.000
Total : T. 135.696.000
Comme on le voit, les dépenses sont supérieures aux recettes de T. 30.792.000, ce qui, dès le premier abord, indique une certaine élasticité dans les budgets chinois!
Quant au montant exact des sommes réellement dépensées, il est impossible de s'en faire une idée. Les chiffres donnés plus haut ne tiennent aucun compte des énormes accré-tions que nous avons signalées (en partie régulières et légales) et qui servent pour la moindre portion aux besoins des administrations locales, et pour la plus grosse à ceux des administrateurs. D'autre part les observations suivantes de Parker sont toujours exactes :
« La tâche de déterminer le montant à ce jour des dépenses pour chaque chapitre n'est rien moins que facile, car tous les procédés de perception et de comptabilité en Chine semblent avoir été arrangés de manière à présenter autant de recoins, de détours, et de complications que possible, de sorte que l'argent, rencontrant sur son chemin tant d'obstacles, ait plus de chances de s'arrêter avant de parvenir à sa destination nominale. Ainsi il y a des frais prévus pour la fonte, pour l'usure, pour le transport, pour l'escorte, pour le « riz » des fonctionnaires qui le reçoivent, pour les poids locaux, les fournitures de bureau etc. Autant de charges (et nous en avons vu le nombre), autant d'occasions de « squeezes ». Puis il y a à tenir compte des avances et des arriérés, des prêts à d'autres Provinces, des prélèvements pour les besoins immédiats, tels que famines, guerres, emprunts étrangers, mariages impériaux, funérailles, jours de fête etc. Les remises de taxes causent beaucoup de désordre car ceux qui ont déjà payé ne revoient jamais leur argent, tandis que les agents de perception ont une merveilleuse occasion de tripoter en se servant de la date de remise qu'ils avancent ou retardent à leur gré. »
Du court exposé que nous venons de faire découlent les conclusions suivantes :
1° Les ressources financières actuelles ou potentielles, de la Chine, sont considérables et suffiraient à faire face soit à d'importants emprunts étrangers, soit à un vaste programme de travaux publics et de réformes, tel que celui que suggérait Sir Robert Hart;
2° Ces ressources sont actuellement, pour la majeure partie, dévorées, sans aucun profit pour le pays, par une prodigieuse armée d'oisifs et de parasites, qui tous naturellement sont intéressés au maintien d'un état de choses si favorable pour eux;
3° L'état de désordre et de chaos des finances chinoises est en grande partie la conséquence de la mauvaise circulation monétaire qui empêche l'argent de courir aisément d'un bout à l'autre du pays et l'oblige à se résorber sur place;
4° II ne faut pas oublier, chaque fois qu'un nouvel impôt est établi en Chine, que le montant réellement perçu est huit ou dix fois supérieur à celui qu'indiquent les tableaux officiels. De là la haine excitée contre les étrangers par toutes les mesures fiscales auxquelles le règlement de la guerre des Boxers a servi de prétexte.

§ 2. LA MONNAIE.
On parle souvent de la Chine comme d'un pays à étalon d'argent. C'est une manière de s'exprimer très inexacte. Il faut dire que la Chine est un pays à monnaies multiples sans aucun étalon de valeur fixe et absolue.
Cette notion si étrange pour nous, habitués que nous sommes aujourd'hui à la simplicité presque abstraite des échanges, se comprend cependant dans un pays où la monnaie, d'usage d'ailleurs récent du moins en tant que véhicule de sommes élevées, dépourvue d'ailleurs de toute valeur légale ou fiduciaire, n'est qu'une denrée comme une autre. Sa forme et son pouvoir d'achat varient donc suivant les régions et les besoins. Que l'on se rappelle la condition de notre système de mesures avant la Révolution, alors que chaque province avait la sienne, que chaque marchandise pour ainsi dire comportait ses divisions propres de capacité et de poids. Cette même variété existe encore en Chine pour la monnaie. L'esprit oriental s'est jusqu'ici refusé à comprendre la nécessité d'une unité de valeur commune et abstraite. De même que l'on combine des moyens de transport différents suivant la nature de la marchandise que l'on fait voyager, celle des lieux qu'on traverse et la distance qu'on doit parcourir, de même pour la circulation des valeurs le Chinois utilise des véhicules différents et qui n'ont entre eux que des rapports changeants et arbitraires. Comme on se sert tour à tour du cheval, de la brouette, du sampan et du portefaix, il y a en Chine une monnaie de gros et une monnaie de détail, une monnaie de vente et unemonnaied'achat, une monnaie pour la ville, pour l'extérieur et pour l'étranger, une monnaie comptant et une monnaie à terme, et, comme dans tout marché il y a un vainqueur et un vaincu, une monnaie qui permette d'accentuer la victoire ou au contraire de sauver la face de la partie défaite, d'ouvrir jour à mille multiples et délectables pactes et stratagèmes, en un mot de constater pratiquement la balance des forces opposées.
Entre toutes ces monnaies existe une échelle de changes toujours variable et qui permet au Chinois d'exercer cette passion de « 1'écorniflage » dont nous avons donné d'autres exemples. A chacune de ses transformations, l'argent laisse un peu de sa substance aux ongles avides qui s'y attachent. Tout Chinois d'ailleurs est né changeur, et jongle, rapide et imperturbable, avec des décimales qui se rapprochent de l'infini. Le mendiant qui achète quelques pépins de melon torréfiés connaît le cours de la sapèque réelle par rapport à la sapèque fiduciaire. Le boy qui est chargé de payer les autres domestiques réalise un bénéfice d'escompte en se procurant du papier chez le changeur.
Monnaie de cuivre.
La monnaie véritablement nationale de la Chine, celle que jusqu'à ces temps derniers on trouvait la même sur toute l'étendue du territoire et qui servait de base à toutes les transactions, c'est la pièce de cuivre, d'une valeur inférieure à celle de nos anciens liards que nous appelons sapèque et les Anglais cash. Tout le monde a vu ces belles pièces marquées de quatre caractères, qui sont rondes avec un trou carré au milieu (pour représenter l'union du ciel et de la terre, du yang et du yiri). Leur nombre immense autrefois s'est aujourd'hui bien réduit. On s'est aperçu en effet, en premier lieu, qu'à la suite des cours élevés atteints par le cuivre, leur valeur réelle dépassait leur valeur nominale, en second lieu, qu'à raison de leur mauvais raffinage les pièces antiques contenaient une certaine proportion d'argent et d'or. Aussi l'ancienne sapèque disparaît-elle rapidement et se trouve-t-elle remplacée par un mauvais jeton de zinc ou de plomb. C'est une cause de grandes souffrances pour le peuple, car cette poussière de monnaie lui permettait d'acheter les doses quasiment infinitésimales de marchandises qui suffisaient à ses humbles plaisirs et à l'entretien de sa pauvre vie, une petite pipée de tabac, deux morceaux de canne à sucre, un mince gâteau. Aujourd'hui, à part quelques tentatives isolées, les monnaies impériales ne frappent plus que des cents de cuivre. Le cent est en théorie la centième partie du dollar (1 = 2,20 environ). Mais par suite des bénéfices que les premières opérations de frappe procurèrent, on les étendit démesurément et le cent avili tomba au-dessous du rapport de 155. Ces variations de change ont causé le plus grand dommage au commerce, spécialement dans le Nord de la Chine.
L'unité de mesure, pour les sapèques, telle qu'on les trouve chez tous les marchands, enfilés par longues guirlandes de dix, est la ligature ou tiao. Bien entendu ce chiffre de dix est purement idéal et varie suivant les régions. Ce qui manque représente le prix de la ficelle, le bénéfice du changeur, etc...
Monnaie d'argent.
L'ancien principe chinois, qui d'ailleurs prévaut encore aujourd'hui, est que l'argent n'est pas une monnaie, c'est une denrée. L'unité d'après laquelle on la débite n'est pas une unité de valeur, c'est une unité de poids, le taël (du malais tahel et de l'indoustani tola) que les Chinois appellent liang. Cet argent brut se trouve chez tous les banquiers en lingots qui affectent vaguement la forme d'un soulier. De là le nom de shoe ou sabot que lui donnent les Anglais. L'autre nom, sycee, est la prononciation cantonaise du terme hsisze (argent pur). Le lingot nominal pèse environ 50 taëls. Le lecteur pourra se faire une idée de cette monnaie barbare en allant au Louvre et en regardant l'étalon en airain du talent de Milet que les vainqueurs de la ville ionienne emportèrent à Suze et que M. de Morgan a découvert dans ses fouilles. La teneur en argent pur de cette masse est certifiée par un « bureau d'essai », selon les méthodes rudimen-taires du creuset et de la pierre de touche. Elle varie, suivant les régions de 980 à 992 %. (Dans ces dernières années de notables détériorations ont été constatées.)
Dans beaucoup de régions de la Chine, le lingot d'argent sert même aux paiements de détail. Le voyageur le transporte avec lui et coupe dedans suivant ses besoins comme dans du saucisson.
Il existe en Chine trois taëls ayant une valeur générale pour tout l'Empire et un nombre qui ne peut guère être calculé (M. Morse en compte près de 270) de taëls locaux. Chacun de ces taëls diffère de l'autre par le poids et par le titre.
Les trois taëls qu'on peut appeler impériaux sont le Haikwantaël (taël de la douane) le Kuping (taël des impôts) et le Tsaoping (taël du tribut). Ils ont bien entendu, une existence purement idéale et se caractérisent uniquement par la plus ou moins grande quantité de monnaie locale qu'il faut verser à la banque pour en obtenir la représentation.
Cependant par la pratique courante les Chinois n'ont pas été sans s'apercevoir rapidement de l'avantage que présentaient les pièces européennes. Nous avons vu que dès la fin du xviii6 siècle, ils commençaient à importer les pièces espagnoles, dites Carolus, que l'on trouve encore aujourd'hui en usage dans la vallée du Yangtze. Puis vinrent les piastres mexicaines encore aujourd'hui très répandues. Mais, toujours méfiant, le Chinois n'a jamais accepté de donner à ce petit disque d'argent une valeur purement fiduciaire. C'est pour lui un jeton qui n'acquiert sa valeur définitive que par l'endos d'une banque. (Dans toutes les banques et maisons de commerce existent des sonneurs de monnaie ou shroffs, qui, d'un rapide tintement, éprouvent la valeur des pièces qui entrent dans la caisse.) Cet endos est donné, soit par un lambeau de papier, soit par une marque à l'encre de Chine, soit, comme dans les ports du Sud, par un poinçon. La pièce prend alors le nom de « chop dollar ». Les poinçons finissent par tellement se multiplier et se superposer qu'à force d'être garantie la valeur de l'écu est endommagée. La pièce, creusée, informe et comme grignotée par mille dents acérées est envoyée à la fonte.
A côté des pièces que je viens de décrire, on trouverait dans les grands sacs de paillasson qui contiennent les trésors des banques des piastres anglaises de Hongkong et de Singapour, des yens japonais et quelques dollars de frappe indigène, bien que ce numéraire soit toujours regardé avec méfiance.
En revanche la monnaie divisionnaire, composée uniquement de pièces de 20 cents et de 10 cents sort exclusivement des établissements impériaux. Bien entendu entre le dollar et les pièces divisionnaires il existe un change au détriment de ces dernières.
Entre les différentes places de Chine les changes varient, non seulement suivant la valeur intrinsèque des monnaies, mais suivant la situation des marchés par rapport l'un à l'autre et suivant le plus ou moins d'abondance des contreparties.
Monnaie de papier.
Pendant toute une période de son histoire, sous la dynastie mongole des Yuan et sous les premiers Ming, la Chine a connu une monnaie de papier ayant cours par tout l'Empire. Marco-Polo en parle avec admiration. [Au moment du second pillage du Palais d'Été, des soldats, renversant une statue de Bouddha, trouvèrent sous le socle tout un paquet de ces banknotes antiques.] Cette pratique causa de grands abus et finit par être abandonnée. Aujourd'hui, en dehors des traites émises par les marchands, il existe deux espèces de valeurs-papier, indigènes et étrangères. Les premières sont des billets à quelques jours de vue émis par les banques indigènes et dont le rayon d'emploi varie suivant l'importance de l'établissement qui les a émis. Les autres billets, payables à vue, sont émis par les banques étrangères, chaque coupure représentant un nombre plus ou moins grand de dollars locaux, variant de 10 à 100. Les billets n'ont de valeur que pour le port ouvert dont ils portent le nom, et sont soumis dans les autres ports, même ceux où la banque a une succursale, à un change onéreux. Pratique qui lui vaut l'abondante malédiction des infortunés et ignorants globetrotters.
Sur ces bases mouvantes et disparates s'élève l'énorme et hasardeux édifice du crédit. Car il est surprenant de voir l'importance des opérations de toutes natures dans lesquelles le spéculateur indigène n'hésitera pas à s'engager avec un capital insignifiant. Il ressemble au cuisinier son compatriote qui fait toute une cuisine compliquée sur un seul mauvais fourneau de terre.
Cet état vraiment chaotique de la monnaie chinoise que nous venons de décrire offre naturellement poui le commerce européen les plus graves inconvénients. D'une part il le bloque complètement dans les ports dits ouverts et lui interdit les échanges directs avec l'intérieur. D'autre part dans ses relations avec l'étranger, il l'expose au danger toujours présent des dénivellations de change les plus brusques et les plus déconcertantes. On joue à Shanghaï sur la hausse et la baisse du dollar comme on jouerait aux petits chevaux. Naturellement on a souvent cherché le moyen de remédier à cette situation désastreuse et différents plans ont été proposés, mais aucun ne répond aux difficultés presque inextricables de la situation. Il ne s'agit pas en effet de raccorder un système monétaire à un autre, il s'agit d'en créer un de toutes pièces, de substituer à la circulation lente et pour ainsi dire capillaire du métal la course rapide et à longue portée du crédit. C'est la vapeur et l'électricité qui doivent remplacer le sampan et la brouette. Le succès de cette entreprise ne sera pas l'œuvre d'un jour !
Pour donner une idée des difficultés de la situation et pour résumer en même temps les pages qui précèdent, je ne crois pouvoir mieux faire que de traduire ici les conclusions par lesquelles M. Morse termine son excellent chapitre sur The Currency.
« En Chine la monnaie est comme une pyramide au sommet de laquelle se trouve le poids pur et simple, au milieu une combinaison du poids et du jeton fiduciaire, et à la base une pièce qui se suffit à elle-même et ne reçoit support d'aucune des autres unités de la série comme elle ne lui en fournit aucun. Au sommet est le taël (disons l'once, pour mieux nous faire comprendre), suivant lequel les paiements sont faits exactement à la manière dont on livrerait des barres d'argent. Puis vient le dollar qui n'a pas cours en tant que pièce, et dont les spécimens venant des fabriques indigènes ne portent même pas le nom « yuen » ou dollar, mais seulement l'indication : 72 centièmes de i taël; cette inscription ne suffit d'ailleurs nullement à leur donner une valeur proportionnelle fixe; leur change avec le taël, gouverné par la loi de l'offre et de la demande, varie dans une limite de 5 à 6 %. Puis viennent les monnaies divisionnaires d'argent (fractions de dollars), également soumises à un change qui varie de 95 à 100 cents pour un dollar. Puis le « cent » de cuivre, marqué à certaines monnaies pour une valeur d'un centième de dollar, à d'autres pour 10 sapèques, mais qui n'a aucune corrélation pratique avec le dollar : qu'on le prenne du côté dollar ou du côté sapèque il ne représente guère jamais plus que la moitié de sa valeur. Enfin vient la sapèque qui est la monnaie du peuple. Dans cette série de monnaies indépendantes, où chaque unité se trouve dans un état d'équilibre instable, sans nulle fixité ni en elle-même ni par rapport aux autres unités, on veut maintenant que la Chine introduise un ordre uniforme et systématique et donne au numéraire qu'elle adoptera un cours légal, alors que la Chine ne comprend et n'a jamais rien compris aux valeurs fiduciaires et fait de toute pièce de métal précieux un objet d'échange et de marchandage. Par où va-t-elle commencer ? Va-t-elle prendre la pièce fondamentale, la sapèque, avec sa valeur actuelle de la dix millième partie d'une livre sterling et construire dessus son édifice ? C'est la manière de faire qui semblerait la plus naturelle si l'on considère avant tout la nécessité et le bien-être de cette patiente et industrieuse population, où des familles entières vivent pour deux sous par jour et dont l'existence dépend en grande partie du maintien de cet atome de monnaie. Ou considérera-t-elle avant tout l'intérêt plus vaste de ses échanges internationaux et du puissant corps de négociants et de banquiers qui distribuent les marchandises à travers l'Empire ?
« Quelles sont donc les classes de la population qui bénéficieraient d'une réforme de la monnaie dans un sens unitaire? Au premier rang il faut mettre le marchand étranger qui a un besoin urgent d'un change fixe entre l'or et l'argent et pour cela d'une unité monétaire également fixe. Puis viennent les banques étrangères qui peuvent mettre en balance de leurs profits actuels, résultant du nombre des changes et de leurs fluctuations, les avantages qui résulteraient pour elles d'un commerce florissant grâce à l'emploi d'une monnaie unique et saine. Le Gouvernement chinois sera heureux d'une mesure qui lui permettra d'arrêter d'une manière fixe le montant de l'indemnité qu'il doit verser chaque année aux Gouvernements étrangers : et, administraivement parlant, il sera sensible aux avantages que présente une monnaie uniforme, au point de vue de la perception des recettes et de leur emploi. Mais là s'arrête notre liste. A ces exceptions près, tous les intérêts existants seront contre la réforme. Les membres du Gouvernement, en tant qu'individus, depuis le ministre d'État jusqu'au plus humble secrétaire d'un magistrat de district, lui offriront une opposition plus ou moins avouée, mais résolue. Le percepteur entouré de sa troupe de recors et de clients, appuyé de toutes les familles jusqu'à la troisième et quatrième génération qui vivent de l'argent qu'il grappille, luttera avec la dernière énergie contre l'obligation qu'on veut lui imposer de verser au Trésor la somme exacte qu'il aura reçue du contribuable. Le corps puissant des banquiers chinois n'acceptera le changement que s'il est bien convaincu d'y trouver des avantages. Les compradors et les shroffs, tout le peuple des manieurs d'argent s'opposeront désespérément à toute mesure qui réduirait leurs privilèges et leurs profits. Le marchand indigène qui cependant réalisera d'énormes profits par la simplification de la monnaie sera hostile à cette réforme qui ne lui permettra plus des marchandages dont il espère toujours être le bénéficiaire. Enfin le prolétaire lui-même accueillera sans enthousiasme une réforme qui le priverait de son principal plaisir : car le plus humble couli qui gagne dix sous par jour pour un travail pénible sacrifiera sans hésiter une heure de son temps afin de se procurer par le change l'équivalent de dix minutes de travail ».
Le tableau semble en effet effrayant, et cependant vers 1840 on en a fait de non moins redoutables de tous les intérêts coalisés contre l'établissement des chemins de fer. Malgré tout, je crois que la simplification graduelle du change sera une conséquence forcée d'une circulation désencombrée, de la rapidité nouvelle et de l'intensité des échanges. Dans quelle mesure le Gouvernement chinois, qui, par le traité Mackay et par le récent emprunt dit des Quatre Puissances, s'est engagé à entrer dans la voie des réformes, pourra-t-il agir efficacement, c'est ce qu'il est difficile encore de prévoir. Avant de se préoccuper de régler ces changes avec l'étranger, le premier soin de la Chine devrait être de se faire une monnaie nationale et de lui donner l'uniformité et la stabilité. A mon avis la base du système à adopter devrait être le poids. Il faudrait que sur toute l'étendue du territoire de l'Empire, on constituât des dépôts d'argent ayant un titre uniforme et qu'à tous les moments de l'année, sur tous les points du pays, tout détenteur d'un dollar ou d'un billet au porteur fût assuré de pouvoir retirer la même quantité du même métal. Ce seul progrès qui serait énorme est la condition de tous les autres.

CHAPITRE VIII
LA POSITION ACTUELLE DES PUISSANCES
Comme nous le disions à la fin du chapitre V de cet ouvrage, la crise de 1900 a fait paraître un double résultat dont l'expression semble contradictoire. D'une part elle a fait éclater l'impuissance du Gouvernement Impérial au regard des Puissances et pour ainsi dire l'état de minorité du Gouvernement Impérial, n'ayant dû son maintien qu'à l'acceptation des conditions qui lui étaient dictées par les étrangers. D'autre part elle a manifesté solennellement, comme par une espèce de déclaration publique, l'impuissance des États de l'Occident à s'entendre pour imposer à leur pupille une réforme qui prévoit les convulsions comme celles dont les Légations venaient d'être victimes. De là le nouveau classement des Puissances qui s'est depuis lors opéré. Dans le premier groupe je placerais les.Puissances que j'appellerais le Conseil de famille du Vieillard Jaune, et qui, sans cesse attentives à sa succession future, cherchent, au mieux de leurs intérêts et même de ceux de leur malade, à lui vendre la sagesse, à lui inspirer quelques désirs d'amendement et d'hygiène politiques, à devenir à la fois ses mentors et ses fournisseurs. [De ce groupe font partie l'Angleterre, la France, l'Allemagne et les États-Unis : les « puissances » signataires des derniers emprunts.] D'autre part les Puissances qui n'ont aucun intérêt à voir le malade guérir et qui sont désignées par la nature et par les faits comme prétendant à une part plus ou moins large de ses possessions : ce dernier groupe est formé de la Russie et du Japon. Nous allons essayer de déterminer quel est au jour actuel la position au regard de la Chine de chacun des États que nous venons de nommer.
Pendant de longues années, jusqu'à la période qui suit la guerre sino-japonaise, l'Angleterre eut en Chine un ascendant incontesté. C'est sa flotte qui avait ouvert l'Empire aux nations, c'est son armée avec celle de la France qui avait forcé les murs de Pékin, c'est un de ses soldats, Gordon, qui avait abattu l'insurrection triomphante. Un de ses nationaux, Robert Hart, prenait la direction des douanes, dont le personnel était aux quatre cinquièmes britannique. Presque tout le commerce, tout le cabotage à vapeur se trouvaient entre ses mains. La population des ports ouverts était composée presque exclusivement des sujets de Sa Gracieuse Majesté. Enfin le grand port maritime et militaire de Hong-Kong était le seul entrepôt et la seule citadelle que l'Europe possédât dans les murs de Chine.
Cette situation s'est aujourd'hui grandement modifiée. Le commerce extérieur n'est plus uniquement entre les mains des Anglais, dans certains ports les maisons américaines, allemandes eu japonaises les contrebalancent en importance et en clientèle. L'indigène a chassé les étrangers des petits ports et les bloque étroitement dans les grands. La navigation où sévit une concurrence effrénée, soutenue par des subventions d'État ne rapporte plus de bénéfices. Certains articles hier considérés comme des « staple products » hier le thé, demain l'opium prennent une place de plus enpluslimitée dans les statistiques. Dans certaines branches où la Grande-Bretagne se considérait comme maîtresse exclusive, par exemple les tissus et filés de coton, la concurrence indienne, japonaise et américaine se fait de plus en plus apparemment sentir. Si au point de vue économique et surtout dans l'enceinte des grands ports ouverts, le Royaume-Uni occupe encore une situation prépondérante, il le doit en premier lieu à ses banques, dont l'une, la Hongkong et Sh'i B'g Co est une admirable institution dirigée par une longue suite d'hommes de premier ordre; en second lieu aux propriétés foncières que ses négociants arrivés les premiers ont pu acquérir dans des conditions excellentes et qui ont bénéficié ainsi des énormes plus-values survenues ultérieurement, en même temps qu'ils s'assuraient les meilleurs emplacements [Les plus grands propriétaires fonciers des ports ouverts ne sont pas des Anglais de pure race, mais des marchands d'opium juifs, originaires de Bagdad, les Sussoon.] Au point de vue politique les modifications d'équilibre se montrèrent encore plus profondes. L'Angleterre en 1895 et dans les années suivantes se montra également impuissante à défendre la Chine soit contre l'agression du Japon, soit contre la politique d'extensions territoriales qui fut un instant à la mode parmi les Puissances et à laquelle elle finit par s'associer. Le coup le plus grave porté à son hégémonie fut la cession à bail de Port-Arthur à la Russie et la concession du Transsibérien. La politique anglaise vacillante, incertaine, donna à un moment le spectacle d'une véritable faiblesse. La flotte anglaise esquissa une démonstration contre la Russie, puis se retira sans rien faire, laissant face à face de chaque côté des mers de Corée les deux champions de l'avenir en Extrême Orient dont les forces rivales n'allaient pas tarder à se mesurer. Bientôt la lamentable guerre sud-africaine absorba toutes les forces du pays. L'Angleterre après 1900 se trouvait impuissante à faire prévaloir ses vues et jouait dans le règlement de la guerre un rôle secondaire et effacé. Le conflit russo-japonais lui offrait une merveilleuse occasion de prendre sa revanche et de jouer un magnifique rôle d'arbitrage : elle ne sut pas la saisir. Tout entière à sa rancune et à l'absurde chimère d'une invasion de l'Inde par la Russie, elle ne sut que se jeter dans les bras du Japon et lui servir de second inerte et docile. Jamais l'Angleterre n'aurait dû laisser les choses arriver à ce point, la prise de Port-Arthur lui offrait l'occasion d'une intervention qu'elle aurait dû saisir et qui l'aurait rendue maîtresse de la situation. Elle laissa sans rien faire l'Amérique jouer ce rôle d'intermédiaire, avec quelle incompétence d'ailleurs et quelle maladresse. Elle se borna à signer avec le Japon un traité d'alliance parfaitement inutile, qui est un aveu de faiblesse et un véritable monument d'imbécillité. C'est le seul mot qu'on puisse employer en lisant la clause (aujourd'hui supprimée) d'après laquelle en cas de besoin, le Japon est requis d'envoyer deux corps d'armée dans l'Inde! En même temps l'Angleterre qui a toujours besoin d'un cauchemar se laissait terrifier par les menaces de débarquement allemand, retirait la plus grande partie de sa flotte des eaux de la Chine et laissait à son allié le Japon le soin de tenir sa place et de défendre ses intérêts. Ainsi affaiblie et déconsidérée, sans prise aucune sur le Gouvernement de Pékin, qui est la condition d'une action politique efficace, l'Angleterre incapable de faire prévaloir ses vues générales, ne joua plus qu'un rôle en quelque sorte suburbain. Grâce à sa position de Hong-Kong, elle domine encore la riche et populeuse région de Canton, qui est peut-être appelée à devenir un jour un état séparé sous son protectorat.
Cette situation momentanément effacée de la Grande-Bretagne peut d'ailleurs être modifiée en quelque mesure, le jour où ce pays prendra une autre vue de la politique internationale.
La France a aujourd'hui en Chine un ordre double d'intérêts, un intérêt financier et un intérêt colonial. Nous ne parlons que pour mémoire de ses intérêts commerciaux, car malheureusement bien que notre pays figure au premier rang des clients de la Chine, ses achats, principalement de soieries se font surtout par l'intermédiaire de maisons étrangères, anglaises ou allemandes. Mais sur les rives de la Mer Jaune comme partout ailleurs nous sommes devenus les grands bailleurs de fonds et les grands acheteurs de papier. Il n'est pas un des emprunts étrangers que la Chine a contractés depuis 1895 dans lequel nous ne soyons intéressés dans une mesure plus ou moins large et suivant des modes plus ou moins directs. De ce grand mouvement d'argent il n'est pas sûr que nous ayons tiré pour notre influence et pour notre industrie tout le parti possible. Sans doute la grande œuvre du Pékin-Hankeou que nous avons engagée, avec un esprit de décision et d'initiative qu'il faut reconnaître, a beaucoup contribué à la diffusion de notre langue : II faut avoir voyagé sur le Grand Central Chine pour se rendre compte des résultats magnifiques qui ont été obtenus de ce côté. (Malheureusement la direction de cette entreprise n'est plus aujourd'hui entre nos mains.) Mais au point de vue industriel, nos établissements de France, dont l'outillage est toujours étroitement limité aux besoins présents, sans aucune vue de l'avenir, sévèrement séparés des banquiers qui ne leur prêtent aucun concours, n'ont pu bénéficier dans la mesure possible des avantages que la diplomatie s'était assurés. Celle-ci a toujours fait ce qu'elle pouvait et plus qu'elle ne pouvait pour que les affaires financières bénéficiassent à notre travail national. Son mérite était d'autant plus grand que ce point de vue était moins partagé. Il faut avoir été mêlé à ce genre de négociations pour savoir ce qu'elles comportent de déceptions et d'écœurement.
Au point de vue colonial, l'occupation de l'Indo-Chine en 1895 n'a pas donné à notre pays le poids dans les conseils de l'Empire qu'a confié, par exemple à la Russie, la construction du Transsibérien. Le Tonkin occupe une position exorbitante à la sphère chinoise : II n'a point pour ainsi dire de contact avec elle, séparé qu'il en est par une vaste région de montagnes et de quasi-solitudes. La construction si coûteuse du chemin de fer du Yunann n'a pas bien sensiblement modifié cette situation. Sans le large budget qui lui serait nécessaire pour s'assurer une clientèle sur ses confins, l'Indo-Chine se borne à assurer ses frontières que ses vues ne dépassent pas. Un voyage que j'ai fait autrefois au Tonkin m'a montré que la Chine y est aussi inconnue qu'en France ce qui n'est pas peu dire. Les quelques tentatives pour la création d'une politique étrangère qui ont été faites du temps de M. Doumer n'ont pas été suivies. Et cependant nous aurions intérêt à regarder parfois ce qui se passe chez nos voisins. Nous pourrions nous éclairer par la vue comparée de leur passé et de leur présent, des dangers d'une instruction d'ailleurs forcément rudiment aire et dérisoire, dispensée à des cerveaux qui ne sont pas faits pour la recevoir. L'Asiatique a toujours admis les conquérants, il est toujours disposé à payer à la force le plus large tribut auquel elle a droit. Mais il demande qu'on ne vienne pas le tracasser dans ses mœurs et ses habitudes. Bien des esprits chimériques et généreux de notre pays devraient à ce propos se pénétrer des paroles du sage Laotzeu que je cite plus haut et qui sont un véritable bréviaire de bonne administration asiatique. « Que vos sujets aient le ventre plein et la tête sans rêves. » Tout est dit en deux mots. Le danger pour toute autorité ne vient que des inadaptés.
Il y a peu à dire de l'Allemagne qui en Chine comme partout ailleurs poursuit surtout, avec l'âpreté et la rudesse qu'on lui connaît, la défense et la promotion de ses intérêts économiques. Il est douteux que l'occupation de Kiaotcheou, opérée si brutalement en 1895, malgré beaucoup d'efforts intelligents, rapporte jamais au Gouvernement Impérial les avantages qu'il espérait en tirer.
Si d'autres nations exercent sur la Chine un ascendant politique plus grand dû à la supériorité de leurs forces matérielles, aucune d'entre elles n'a exercé sur l'âme même de son peuple, grâce à ses missions, une action morale plus profonde que laFrance. Si ce pays est capable d'une transformation, c'est par les missions catholiques qu'elle se fera; des hommes comme le P. Chevalier à Chinkiang. le P. Limons à Nan-King, Mgr. Jaslin ou Mgr. Favier à Pékin, Mgr. Mutel en Corée, jouissent dans toute la région qu'ils habitent d'une influence et d'une autorité incomparables. Ce sont des conducteurs de peuples. Il n'y a qu'à les voir à l'œuvre pour se rendre compte de ce que devaient être au milieu des Barbares les grands évê-ques des premiers siècles, les Martin et les Boniface.
Depuis le traité de Portsmouth, les États-Unis qui s'étaient plutôt jusque-là tenus à l'écart de la politique chinoise, y ont fait une entrée bruyante et même tapageuse, essayant de reprendre le rôle que l'Angleterre paraît pour un temps abandonner et se posant en champions de la « Porte Ouverte » et de l'indépendance du pays. L'Amérique tire son intérêt à la Chine autant du gros chiffre de son commerce qui ne fait que s'accroître de jour en jour, bien que placé en d'autres mains que celles de ses nationaux, que de l'importance incontestable qu'a pour elle dans l'avenir « l'Inde du Pacifique ». Jusqu'ici ses vues nouvelles se sont traduites, plutôt que par des actes, par des gestes emphatiques, mais demeurés inachevés : l'envoi de sa flotte qui après avoir traversé deux océans, rebrousse chemin sans être entrée dans un port de Chine, la circulaire mandchourienne de M. Knox qui maladroitement lancée a rencontré auprès des chancelleries le succès que l'on sait. Enfin elle a su s'imposer aux trois puissances qui négociaient il y a deux ans un emprunt avec l'Empire, sans leur apporter autre chose qu'un concours financier problématique. Les États-Unis sont-ils capables de jouer en Asie autre chose qu'un rôle de bluff tapageur? Sont-ils prêts à envisager dans toute leur étendue les conséquences d'une attitude qui les mettrait en conflit ouvert avec le Japon? C'est ce dont il est permis de douter. L'Amérique a des gages entre les mains d'un tel adversaire, elle n'a contre lui que des armes inefficaces.
Nous passons aux deux Puissances réellement capables d'exercer une action puissante sur la Chine, parce qu'elles ont avec elle des rapports non pas accidentels et précaires, mais essentiels et organiques, parce qu'elles embrassent et enveloppent l'énorme masse, la Russie du côté de la terre, le Japon sur le front de mer.
De Yermak à Mouravieff et aux constructeurs du Transsibérien, la Russie a mis quatre siècles à prendre possession de tout le nord du vieux continent et à recueillir l'héritage de ces nomades contre lesquels la vieille Chine édifiait sa Muraille. Ce ne sont plus maintenant quelques vols de pillards qu'il s'agit d'arrêter, c'est un Empire qui sur tous les points à la fois fait sentir sa pression systématique. La politique de la Russie à l'égard de la Chine présente avec celle des autres puissances cette différence qu'elle est commandée non par les vues ou les caprices de diplomates plus ou moins avisés ou intelligents disposant de moyens d'action irréguliers, mais par la nature des choses. En un mot la politique chinoise des autres puissances est une politique exotique, une politique de luxe, celle de la Russie est une politique vivante et vitale, inflexible comme un instinct naturel et ne connaissant guère plus que lui l'erreur. C'est une force incluse qui cherche son issue et qui la trouve naturellement là où la résistance opposée est la plus faible.
Sans aucun combat, avec une poignée de cosaques, Mouravieft en 1860 atteint le Pacifique et achève le grand travail de circon-vallation entamé au temps d'Ivan et de Pierre. On put croire un instant qu'à aussi peu de frais la diplomatie russe allait avancer encore ses têtes de ligne et assurer ses positions sur la Méditerranée extrême-orientale. L'opposition victorieuse du Japon est venue pour un temps au moins contrecarrer ces plans grandioses et prématurés. Mais ils étaient légitimes et bien conçus et l'on ne peut refuser son admiration aux hommes qui ont entrepris de les exécuter. La partie valait la peine d'être jouée.
Aujourd'hui même on ne peut dire que la guerre de 1904-1905, avec toutes ses défaites et ses humiliations ait été sans fruit pour la Russie. Que l'on compare sa situation actuelle dans ce qu'on peut appeler l'annexe mandchourienne de la terre chinoise à celle dont elle jouissait avant le traité de Portsmouth. Elle n'avait alors qu'une occupation de fait, ardemment contestée et dangereusement menacée par l'opposition des autres puissances. Aujourd'hui la garde du chemin de fer qui passe par toutes les villes de quelque importance et qui est l'organe vital, l'axe politique et économique de tout le pays lui est officiellement confiée par une convention internationale et Kharbine est en fait une ville aussi russe que Vladivostock. Elle exerce une hégémonie de fait, comme sur un domaine réservé, sur ces vastes régions de la Mandchourie du Nord où les millions d'âmes qui augmentent chaque année la population de l'Empire moscovite pourront venir se déverser mieux que sur les pauvres terres de la Transbaïkalie. Les larges vallées de la Nonna et de la Sungari sont des terres à blé d'une richesse prodigieuse, et les mines à peine explorées laissent cependant prévoir d'inépuisables richesses. Riche en terre, en combustibles et en hommes, cette marche d'une double race deviendra peut-être un jour une des régions les plus favorisées du globe. La possession indiscutée d'un tel domaine, sans doute amoindri mais consolidé, valait les sacrifices qu'elle a coûtés.
Là d'ailleurs ne se limitent pas sans doute les horizons de la Russie. Les vastes plaines de la Mongolie et du Turkestan chinois, où déjà son influence contrebalance celle de Pékin, sont ouvertes sans défense à ses soldats et à ses pionniers. Là sans doute un jour ou l'autre de nouvelles lignes de chemin de fer viendront remplir le rôle joué dans l'Est par le Transsibérien. C'est tout un empire en quelque sorte vacant qu'elle aura dans le courant de ce siècle à prendre et à digérer.
De tous les grands États le Japon est le plus rapproché de la Chine, le seul qui par la nature des choses ait son orientation politique entièrement dirigée vers ce pays. A peine est-il sorti des luttes de la Restauration qu'il commence sa politique d'enveloppement. En 1874 il s'empare des îles Riu-Kiu. En 1885 si l'intervention des Trois Puissances l'oblige provisoirement à lâcher les positions maîtresses qu'il avait prises à l'entrée du golfe du Petchili, il garde Formose, en attendant que le traité de Portsmouth lui rende la partie méridionale de Sakhaline. Aujourd'hui la chaîne de ses possessions maritimes est complète et l'on voit que depuis le Kamtchatka toutes les îles du côté du Pacifique formant une barrière aux mers séquestrées de l'ouest lui appartiennent. Sur le continent même les positions maîtresses qui dominent les détroits, Port-Arthur, la Corée, voient flotter son pavillon. Pour fermer définitivement la chaîne, il ne lui reste plus qu'à occuper sur le côté du Fokien le magnifique port d'Amoy. (Le seul port chinois qui soit en eau profonde, à l'abri des typhons et accessible par tous les temps.) Et ce n'est un secret pour personne que depuis longtemps ses regards sont dirigés de ce côté et qu'en 1900 l'occupation a bien failli devenir un fait accompli.
Ainsi inverti d'une situation maritime de premier ordre, à peu près inattaquable dans son domaine insulaire, le Japon dont les ressources naturelles ne suffisent pas aux besoins de sa population sans cesse croissante est pour ainsi dire contraint et voué à une politique d'agression et de conquête économique et militaire. Cette politique se dessine après la guerre de 1904-1905 qui oblige son principal concurrent à reculer. Le Japon débarque sur le continent, ^ur cette péninsule de Corée qui ressemble à une jetée tendue vers les conquérants de la mer, ils prennent possession de la Mandchourie du Sud et commandent les accès de la capitale chinoise dont leurs troupes ne sont plus qu'à quelques jours de marche. En dépit d'une opposition impuissante, ils rattachent Moukden par un chemin de fer à leurs possessions de Corée et l'accord qu'ils signent avec la Russie leur permet, comme l'a prouvé la tentative impuissante des États-Unis en 1908, de se croire désormais dans ce nouveau domaine à l'abri de toute intervention internationale.
Là certainement ne s'arrêtent pas leurs ambitions. Comme le montrent les intéressants rapports de M. Pila, le Japon, pays de pauvre agriculture et dont le sous-sol paraît moins riche qu'on ne le croit communément, ne trouve pas dans son propre territoire les énormes ressources qui lui sont nécessaires s'il veut continuer à jouer le rôle d'un grand État. C'est donc à l'industrie et au commerce qu'il doit demander de combler le déficit causé dans un pays sans épargne par les énormes achats d'un peuple qui en quelques années a dû s'armer et s'outiller de pied en cap. Or ces bénéfices économiques ce n'est guère l'Europe qui peut les lui procurer. Il n'y a pour lui qu'un client possible et indispensable, c'est la Chine, c'est le marché Chinois qu'il faut à tout prix conquérir et purger de la concurrence. Or à cet effet gigantesque les efforts des particuliers n'auraient pas suffi. Le Japonais tel qu'il était au moment de la Restauration, frugal, prolifique et médiocre négociant n'avait pas de capitaux [Si l'on excepte quelques sociétés familiales de forme assez curieuse, telles que « Mitsui ».], et c'est le Gouvernement qui a dû lui-même les faire sortir d'un sol ingrat à coups d'impôts. On peut dire aujourd'hui que tout l'outillage moderne du pays, ses chemins de fer, ses bateaux, ses banques, ses grandes usines, est plus ou moins la propriété de l'État ou subventionné par lui. Le Japon industriel dans son ensemble ne forme qu'une firme colossale dont l'État est le gérant. Ce sont toutes les forces de cet atelier centralisé qui s'emploient aujourd'hui à la conquête des marchés chinois. Certains succès ont été remportés, mais tant que les traités serviront encore à tenir la balance égale entre les concurrents, tant que la pression politique exercée par les agents du Mikado ne pourra être accentuée d'une manière plus décisive, les progrès resteront lents et disproportionnés aux besoins et à l'effort de la nation.
De là vient que, encore aujourd'hui, le Japon place les dépenses militaires au premier rang de ses nécessités budgétaires.
Il est clair que le pays ne s'impose pas un effort démesuré qui tend jusqu'aux dernières limites les forces du corps social et le fait pour ainsi dire craquer dans toutes ses jointures, si elles n'avaient pour but que la défense des possessions actuelles qui ne sont menacées par personne. Il est clair que le Japon a d'immenses visées d'avenir. La situation est celle-ci. D'un côté un État puissant, formidablement armé et pauvre; de l'autre et face à face un état immense, plein de richesses et dépourvu de toutes forces militaires sérieuses. Les conclusions s'imposent en évidence. Pour penser que des convoitises ne s'éveilleraient pas du côté du plus fort, il faudrait bien peu connaître la nature humaine.
II est évident que dans une entreprise d'agression ouverte sur la Chine le Japon trouverait contre lui toutes les autres puissances. Mais il sait aussi que dès que ses antennes financières se seront un peu élargies il pourra aller très loin avant que la patience échappe à ses rivaux et qu'ils se risquent à un conflit ouvert. Que l'on se rappelle les énormes dépenses financières et militaires, la gêne politique et économique, qui résultent de toute campagne d'outremer, conduite à une grande distance des bases d'opération, celle de l'Angleterre contre les Boers par exemple, ou simplement notre guerre d'Indo-Chine. Or au Japon, ce qu'un Etat européen aurait en face de lui, ce ne serait pas quelques indigènes ou une poignée de paysans, mais une nation dont les forces militaires et maritimes se comparent à celle de l'Allemagne. Les chances de succès seraient bien douteuses et les moyens de récupérer les frais absolument nuls, le Japon n'ayant qu'à se retirer dans ses îles pour être invincible. Il peut donc un jour ou l'autre se permettre beaucoup.
De quelle nature sera l'action dont le développement est dès maintenant dans ses desseins, c'est le secret de l'avenir. Le Japon n'a pas jusqu'ici montré des facultés d'organisation et d'assimilation portionnées à ses qualités militaires. Aucun peuple, moins que ce peuple jaune, ne paraît avoir le sens ou le souci ou le respect des traditions et des moeurs. De ses tentatives poursuivies jusqu'à Formose ou en Corée on ne peut pas dire que le résultat ait été jusqu'ici bien brillant (poursuivies avec une extrême brutalité). En Chine même par ses procédés violents et vexatoires, il a réussi en quelque années à perdre l'ascendant et le prestige que ses victoires sur un grand peuple européen lui avaient acquis. Il n'est pas sûr que le Japon puisse jamais jouer dans le vaste Empire un autre rôle que celui de Chien du Jardinier, et il est possible que ce rôle même en présence de certains faits tels que le percement du Canal de Panama et l'invention des Dreadnoughts ne lui soit pas facile à garder.

Mentioned People (1)

Claudel, Paul  (Villeneuve-sur-Fère-en-Tardenois 1868-1955 Paris) : Dichter, Dramatiker, Schriftsteller, Diplomat

Subjects

History : China : General / Literature : Occident : France

Documents (1)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 1948 Claudel, Paul. Sous le signe du dragon. (Paris : Ed. La table ronde, 1948). [Datiert 1909-1911]. Publication / Clau4
  • Cited by: Internet (Wichtige Adressen werden separat aufgeführt) (Int, Web)