Claudel, Paul. Livre sur la Chine [ID D21908]. [Auszüge (2)].
Chap. 5 : L'Européen et le commerce en Chine
L'Européen, c'est le commerçant, il n'y en a pas d'autres ; ses rapports avec la Chine, c'est son commerce, les moyens sont les traités (Voir] Bard ; Bavier, North China Daily News 1898, Baie ; Écho de Chine, 2 articles de Bottu sur le régime de la concession, juillet 1898 ; Mayers, chez Nils (pas de bibliothèque étrangère à Paris !). Le principe des Européens en Chine étant donné qu'ils ont deux civilisations disparates, l'une basée sur le règlement impersonnel, et l'autre sur le marchandage et le compromis continuel, c'est que l'Européen a dû emporter sa loi avec lui (c'est ce qu'on appelle le principe d'exterritorialité, dont la définition restreinte en droit a dû être développée). 1° Exterritorialité de son séjour: (concession où il habite) ; 2° Exterritorialité de la personne : dans les commencements, on a délimité un périmètre spécial destiné à la résidence des Européens dans tous les ports ouverts ; quels que soient les accroissements ultérieurs, successifs, l'Européen réside dans un coin spécial, loin des Chinois et reste différent sans se mélanger. Ce coin est régi par des lois, une police, une voirie européenne, c'est un coin d'Europe transporté en Chine, une petite découpure.
2° Exterritorialité de la personne : comme conséquence du fait que l'Européen emporte partout sa loi avec lui, là où il échappe complètement à la juridiction locale ; il faut préciser et distinguer soigneusement entre la police et la juridiction. Dans l'intérieur où le consul ne peut pas étendre son pouvoir, un criminel est soumis à la répression chinoise : il ne faut pas confondre comme le font les Japonais, le droit d'empêcher de commettre un crime et le droit de le juger ; le consul a sa police restreinte et ne peut mettre la main au collet d'un malfaiteur dans l'intérieur. L'Européen emporte sa juridiction, son administration, son régime fiscal (impôts auxquels il est soumis), et est soustrait à la juridiction locale. Les Français continuent à appliquer les ordonnances surannées de 1778, 1833, 1852 non préparées pour ces cas là ; l'appareil de juridiction est compliqué et encombrant ; au lieu d'avoir une sorte de juridiction de juge de paix étendue, nous avons des tribunaux composés du Consul et de deux assesseurs, appareil difficile à mouvoir pour des cas souvent peu importants : aussi est-on obligé de recourir à l'arbitrage, ce qui présente des inconvénients. Nos consuls ne sont pas préparés à ce rôle et ne sont pas magistrats : il y a dans les concessions des intérêts très graves se chiffrant par millions : ce sont des villes de 100 000 habitants, comme Shanghai, qui nécessitent un homme très au courant, un magistrat imbu de l'esprit juridique français (les Anglais ont un spécialiste). Le consul français est seul maître sur la concession française et a mêmes droits que tous les autres sur la concession internationale. Il y a un Conseil Municipal avec des pouvoirs très peu définis, l'administration d'une ville de 100 000 habitants ; il faudrait un consul suppléant spécial très versé dans le droit, ou un Consul à demeure à qui l'on ferait une situation brillante et qui y ferait toute sa carrière. Il est difficile d'ailleurs de diviser ces attributions disparates : administrateur, magistrat, rôle politique important. Le régime des concessions soulève tant de questions multiples, très compliquées, qu'on peut se contenter ici de poser le point d'interrogation ; d'ailleurs en Chine il ne faut jamais renoncer à rien. La situation politique du Consul Général de Shanghai entre la concession internationale et la Cité chinoise indigène est magnifique, capitale. Il y faut un homme très prudent, de grand bon sens, réfléchi, timoré un peu, un homme âgé sans initiative, rassis, ayant beaucoup de relations et voyant clair.
Le régime français est suranné : la concession est exploitée par un régime coutumier qui change d'après les lubies du Consul ; les principes ne sont jamais clairement définis. Les Anglais ont un régime, une législation toute spéciale à laquelle ils sont soumis par les « Orders in Council », qui répond aux besoins spéciaux de la petite communauté établie dans les ports ouverts. Ils ont un chief-justice à compétence très étendue allant jusqu'à la Cour d'assises et des vice-consuls spécialement chargés des attributions [pour les] tribun[aux]. Ils ont fait un travail judiciaire et administratif spécial qui nous manque complètement. Nous avons une juridiction consulaire avec un appel devant la Cour de Saïgon. La loi française, le Code civil tel qu'il existe à Fouilly-les-oies, sont appliqués en Chine. Quand les Européens disent « actio sequitur forum rei » il s'agit avant tout d'avoir la position du défendeur en Chine, la situation est la meilleure puisqu'on est jugé par la loi de son pays et non sans partialité. Les rapports avec les Chinois au point de vue judiciaire sont mal prévus dans les traités, les textes sont assez vagues dans les traités français et anglais. Si le Chinois est défendeur la justice stricte exigerait qu'on applique la loi chinoise. L'action purement diplomatique ou consulaire s'exerce dans la plupart des cas civils. Sur la concession juridique spéciale de la Cour mixte, qui est en dehors des traités et a été précisée par les Anglais par des actes spéciaux, par une entente avec les Chinois, les Français ont appliqué l'organisation anglaise sans acte écrit ; le principe c'est qu'un magistrat est délégué par le taotai et a à côté de lui un assesseur français.
Ainsi, 3 cas : 1° Affaires entre Chinois domiciliés n'importe où et un Européen : action diplomatique. - 2° dans les concessions : action d'un Européen contre un Chinois, Cour mixte, résultat de la coutume, avec un magistrat chinois qui est censé juger seul, et près de lui un assesseur. - 3° La Cour mixte juge tout ce qui intéresse la police intérieure de la concession (dans la concession internationale, l'assesseur est désigné par le corps consulaire).
Tels sont les rapports entre Chinois et Européens : rapports purement personnels. En dehors de ces cas, les traités prévoient des cas où les Chinois ont des rapports avec les Européens : si les domestiques, employés, gens ayant des rapports avec les Européens, étaient livrés à la juridiction chinoise, il en résulterait une gêne pour les Européens ; aussi ceux-là sont-ils dérobés en partie à la juridiction chinoise après entente. Cette action exercée par les consuls, cette protection, les Chinois y attachent un prix énorme : c'est la vraie raison de la situation, de l'existence même des Européens en Chine et le service le plus appréciable qu'ils rendent aux indigènes. Les rapports entre les Européens constituent un des plus importants avantages ; les Consuls ont la main large à ce sujet : ils exercent une action officielle individuelle dans beaucoup de cas : boy arrêté, caution ; de même si un Européen a un créancier chinois, on exerce une action sur le débiteur : les traités reconnaissent ce droit. C'est une question très importante dans le cas des Banques et dont découlerait la reconnaissance des créances chirographaires. Le créancier protège son débiteur, ayant intérêt à ce qu'il ne soit pas ruiné dans ses affaires ou gêné par d'autres. Les traités reconnaissent également les droits de propriété dans les ports ouverts, sans préciser que ce soit uniquement dans les concessions ; on a tendance à restreindre à une emphytéose, mais en fait la propriété est reconnue : c'est une question très importante pour les droits hypothécaires (propriété de la racine et de la surface, toute une étude à faire sur la propriété foncière, livre du P. Hoang (Var[iétés] Sinologiques).
Le traité de Tchefou constitue un recul, mais il n'a pas été ratifié51 et le dernier traité japonais ne parle plus que de bail, cependant les premiers traités sont formels ; 2 ou 3 laissent place à un doute sur le droit absolu de propriété : c'est le traité américain le plus net à cet égard «.
Avec la question des rapports d'affaires on entre dans la question commerce.
Position extérieure de l'Europe en Chine. - La première question est le régime sous lequel les marchands européens entrent en Chine. Il était impossible de laisser subsister l'ancien système douanier chinois, à cause de l'arbitraire et de la lenteur funeste de ce système. Il fallait une administration européenne pour les rapports de douanes entre Chinois et Européens. Les Douanes sont soumises à un régime administratif unique qui règle l'entrée et la sortie des marchandises : remarquez qu'elles perçoivent non seulement un droit d'entrée, mais un de sortie, originalité par rapport aux douanes du monde entier. Le régime des entrepôts n'existe pas : les « bonded ware houses » n'existent qu'à Shanghai et n'y rendent aucun service. Il n'y a pas d'admission temporaire : on connaît le draw back qui est difficile et ennuyeux (une marchandise entrant et réexportée plus tard, on laisse une caution appelée draw back). De plus un droit spécial s'applique à toutes les marchandises allant d'un port à l'autre, égal à 1/2 droit d'entrée, soit 2 1/2, qui a pris une grande importance depuis 1900 où toutes les marchandises européennes sont taxées, cela constitue une surcharge très sérieuse. C'est un droit de transit. Ainsi 7 ½ % constitue un minimum pour toutes marchandises entrant en Chine non prévues au tarif 5%. Tracasseries [blanc] par les Consulats, même cotés fort.
La 2ème question : c'est ce que l'on a fait pour que les ports soient réellement ouverts ; c'est la question des likins. Histoire de la lutte des Européens contre toutes les entraves successives. Malice des Chinois qui rendent illusoires toutes les précautions des traités. Les passes de transit s'appliquent aux marchandises qui ont besoin d'être rapidement transportées ; on rend l'examen très difficile et l'on paye un nouveau droit pour hâter cet examen : en définitive, le nouveau droit de transit vient se superposer à l'ancien qui a pour lui d'être traditionnel. (Il ne faut jamais accepter de nouveaux droits se substituer aux anciens). Le droit de transit sert de garantie aux emprunts et est perçu par la Douane tandis que les administrations locales perçoivent le likin, aussi s'arrangent-elles pour les rendre inférieurs aux droits de transit. D'ailleurs c'est une précaution vaine : les likins n'existent que depuis 1840 et ont été inventés contre l'étranger ; les passes de transit n'existent d'ailleurs que pour les marchandises de provenance ou à destination exclusivement européenne ; les droits de likin retombent de tout leur poids dès que les marchandises redeviennent chinoises. C'est donc très précaire. Il y aurait une curieuse étude à faire sur les passes de transit, mais elle serait très technique et il faudrait les suivre sur les tables des Douanes. D'autres précautions ont été prises contre les coalitions de commerçants contre les Européens, interdites par l'art. 33 les coalitions de marchandises et fournisseurs chinois contre les Européens, les boycottages : Marty à Pakhoi obtint grosse indemnité, les chargeurs chinois ayant refusé de fournir du fret. C'est un des seuls exemples, c'est là un privilège considérable. Mais il est difficile de mettre en mouvement l'action diplomatique à Pékin. Les Anglais se sont basés sur cet article pour protester contre le monopole du camphre.
L'Européen enfermé dans sa concession et son exterritorialité a beaucoup de peine à commercer dans l'intérieur. Combien peu de racines dans le pays, quelles faibles attaches, quels médiocres moyens d'exercer son influence ! En Europe quelle est la raison du commerce ? C'est un besoin mutuel de production qui se complète, une division du travail entre les divers états ; l'Angleterre, par exemple, s'est spécialisée dans certaines productions industrielles ; elle a un besoin absolu d'autres États pour lui fournir des produits qu'elle s'est mise hors d'état de fabriquer. En Chine cette réciprocité de besoins avec l'Europe n'existe pas (Bavier, Taylor, dans ses rapports annuels des Douanes). Le commerce entre l'Europe et la Chine a toujours un caractère de commerce de luxe ; d'une part, l'Europe demande à la Chine des produits dont elle n'a pas un besoin absolu ; le thé, la soie (celle-ci fournie de plus en plus par le Japon et le Levant) de même, les peaux, les soies de porc, tresses de paille, huiles de bois, articles peu nombreux qu'elle demande à la Chine. De même, la Chine demande à l'Europe un certain nombre de produits dont elle n'a pas un besoin absolu, qu'elle trouve plus avantageux, plus économique de ne pas produire. Mais le commerçant ne doit jamais oublier que la marge sur laquelle il peut jouer est excessivement étroite ; une différence de prix très minime suffit à arrêter net une importation, de même le changement des conditions de la vie, un impôt nouveau (cela surtout), un fléau suffit à arrêter les achats. En Chine, après 1900 les importations ont considérablement augmenté et de plus, l'administration est d'une incompétence absolue. La Chine trouve plus avantageux de les fabriquer dès qu'une certaine limite est dépassée ; si le pétrole dépasse un certain prix, il se resservira des huiles de haricots, de thé ou de n'importe quoi. L'acheteur, le vendeur chinois n'est pas compressible, la marge est vite mangée.
Ce commerce qui a si peu de racines et de marge est empêché par de nombreuses causes. Dans les rapports entre Etats européens, le commerçant peut aller dans l'intérieur se rendre compte des besoins, causer avec les producteurs, étudier les marchés, créer des industries spéciales. En Chine ces facilités indispensables n'existent pas. Le Chinois a besoin de vivre d'abord et produit pour se nourrir, se vêtir, ce qu'il lui faut ; s'il lui reste quelque chose en surplus, il le vend. Pas d'industrie spécialisée ; c'est la production familiale dont le surplus seul arrive à être vendable, est mis sur le marché. Conséquences inévitables : 1° précarité de la fourniture, il suffit d'une mauvaise récolte ou de diminution de ressources de la famille pour que le produit manque à l'acheteur. À Nankin, une année il y a eu vente de 100 000 dollars de graines de sésame, l'année suivante, rien ; 2° difficulté de faire des marchés importants et pour de longues périodes ; 3° diversité des intérêts des producteurs : de l'état de la division de la propriété toujours répartie en une multitude de petits producteurs ayant entre eux tous les rapports compliqués des Chinois (question des familles, de clans, créances des uns à l'égard des autres, superstitions) ; la production est disséminée et sans variété entre eux. 4° Étendue du périmètre dans lequel la cueillette doit être faite, puisque c'est un produit de luxe. Tout cela rend la position de l'Européen très précaire.
Les Européens ne connaissent pas la langue du pays, ils ne sont pas connus du consommateur ou acheteur qui, par conséquent, se défie toujours de lui. En outre, leur paresse d'esprit, leurs habitudes routinières, ils ont pris les habitudes chinoises ; ils estiment qu'on a toujours fait ainsi, qu'il n'y a pas moyen de faire autrement. Il y a des Européens qui vivent depuis 30 ans dans la concession sans en être sortis ; cela indique le peu de mélange ; la paresse d'esprit des uns, la difficulté de faire une chose nouvelle, il ne sort pas du coin où il est cantonné et l'on s'étonne d'entendre les vieux résidents réciter des âneries toujours les mêmes sur les Chinois : l'ignorance est complète.
Ainsi, par la nature des choses, il n'y a pas de nécessité rigoureuse d'un commerce européen avec les Chinois, et d'autre part, en fait, il n'y a pas de contact. Si l'Européen vit complètement isolé dans son coin, il est dans l'ignorance complète de la masse ambiante qui se trouve autour de lui, de ses besoins, de ses produits. Il attend simplement sur sa concession, déballe ses marchandises, attend qu'on vienne lui acheter. On aperçoit de là le rôle immense joué par le compradore qui est tout le commerce européen, seul chargé du contact avec les Chinois. Ce rôle est actuellement nécessaire : il use et abuse de cette connaissance des conditions. Le compradore résume en lui une bande énorme d'intermédiaires : pour le thé il y en a soixante-dix entre le producteur de la feuille et l'acheteur dans un magasin de la rue St-Honoré. L'Européen au lieu de s'adresser à cette foule énorme, s'adresse au compradore, intermédiaire unique ; les questions de change rendent la situation plus inextricable encore. Rôle du compradore : il sert de garantie à la fois des deux côtés, l'Européen pour l'exécution des marchés et le Chinois pour la solvabilité. Pourquoi les Chinois ne font-ils pas des affaires directes avec l'Européen ? d'abord l'ignorance des maisons européennes qui ne les connaissent pas. Le rôle capital du commerçant européen en Chine c'est qu'il fournit l'argent à bon marché ; tout le commerce consiste en ceci : le Chinois apporte des marchandises dans un magasin et l'Européen obtient des banques un prêt sur ces marchandises à un taux inférieur à celui du Chinois.
Ainsi : rôle précaire, aucun contact avec l'intérieur et pas de besoin réciproque d'un pays par rapport à l'autre. Pas besoin de l'étranger qui apporte plutôt du trouble. Il manquait deux choses à cette masse spongieuse : organes d'épargne générale, organes de circulation ; les banques qui ont des quantités d'argent considérables (le Chinois est incapable de mettre de côté) et fournissent l'argent à bon marché. La circulation plus rapide, les organes de grande circulation fournis par la navigation à vapeur européenne qui établit des rapports réguliers et rapides entre les extrémités de cet immense corps, qui va se compléter par les chemins de fer.
Les habitudes du commerce chinois, les questions de crédit sont à développer dans un chapitre spécial « questions monétaires et financières » - de même « Géographie commerciale de la Chine ».
Quelles sont les marchandises prises par l'Europe à la Chine : étude de la place occupée par les différentes nations.
Par suite de l'impossibilité d'établir des rapports directs avec le consommateur, celui-ci n'a souvent pas le produit qu'il désire ; il est impossible de faire produire un progrès : par exemple, il n'y a pas moyen d'améliorer le thé, ce qui a fait baisser beaucoup ce commerce ; de même pour les tresses de paille impossible d'obtenir les qualités demandées, aussi a-t-on cessé d'acheter et la plus forte partie va-t-elle au Japon. C'est là une grande cause d'infériorité pour la Chine, qui s'oppose au développement de son commerce.
Exportations. - L'Europe demande à la Chine le thé (vert uniquement) ; la soie chinoise filée brute, d'une qualité supérieure à toutes les autres ; des peaux, soies de porc, huile de bois, graines de sésame, musc, laine du Nord (Tien-tsin) ; l'exportation chinoise tend à diminuer ; elle est continuellement menacée : le sucre brun est détruit par le sucre blanc de Java manufacturé à Hongkong ; partout on arrache les champs de canne à sucre à Swatow qui représentent une exportation de 100000 tonnes ; comme il est impossible de modifier la culture pour l'adapter aux nécessités du commerce, la canne disparaît ; de même pour la ramie et le chanvre.
Importations. - Les tissus de coton où les Américains ont remplacé en grande partie les Anglais, les tissus de laine, les riblons, déchets de fer envoyés à Shanghai par bateaux énormes, les [blanc] les transformant en outils à leur manière. Pétrole, farine américaine se développent énormément, le sucre blanc produit par les deux énormes raffineries de sucre de Hongkong, Jardine et Butterfield, (Rapports Réau et Claudel 1903). Le Chinois est amateur de produits européens, mais limité par ses ressources. La disproportion s'accroît de temps en temps entre importations et exportations. La Chine achète plus qu'elle ne vend, point assez grave, mais qui indique plus de ressources qu'on ne le signale généralement. Rien n'a le caractère d'un échange nécessaire, régulier comme il en existe entre l'Angleterre et la France qui ne peuvent pas se passer l'une de l'autre. Il y a des éléments de désordre, de trouble qui produit des changements, de là des années de désastre. Le Chinois est très joueur, très spéculateur : autre élément de trouble ; il joue et parie à la manière américaine, sans étude. En septembre 1897 il y a eu ainsi une saute du dollar, tombé à 1 Fr. 92, remonté à 2 Fr. ; la Banque russo-chinoise a prêté à 32 % par mois à cette époque ; c'est un autre élément qui vient désorganiser le commerce et empêcher les rapports normaux réguliers. Quelle place se sont faits malgré cela les différents États ?
L'Angleterre : Elle a eu la priorité, établie en Chine depuis l'ouverture ; elle a fondé de très vieilles et très solides maisons ayant très bonne réputation auprès des Chinois qui aiment faire des affaires avec elle ; elles sont soutenues par des banques considérables qui donnent du crédit à ses négociants et aidées par un service de navigation établi partout. Ce qu'elle a contre elle c'est que ses commerçants assez loyaux en affaires, sont très peu travailleurs, peu intelligents, peu d'initiative, très routiniers et en somme très loin d'avoir tiré parti de la situation unique et des avantages de toute nature qu'ils ont entre les mains. D'autre part, l'aide qu'ils reçoivent de leur gouvernement, ministre et consuls, est très considérable : c'est un corps composé de gens honorables, instruits, mais ayant mêmes défauts que leurs administrés : corps fermé, avancement très lent, carrière assez peu brillante offrant peu de champ aux activités qui veulent se développer : les gens une fois arrivés à une situation plantureuse, large, ne cherchent plus qu'à employer leurs loisirs à la sinologie, travaux de vieux garçons sans but, d'autres font des rapports très instructifs, consciencieux, intéressants : la série de leurs rapports a une valeur considérable, littérature de première main, très intéressante, mais renseignements noyés. Ils ont beaucoup de nationaux et ne peuvent pas favoriser les uns aux dépens des autres ; ils ont une administration très collet monté, des attributions rigoureuses et ne peuvent pas recommander un commerçant spécialement, c'est une règle administrative inflexible et une cause d'infériorité. Ils font strictement leur métier, des rapports, de juge, d'administrateur et informateur, n'essayent pas de développer le commerce anglais, d'étudier de nouvelles entreprises, ils n'ont pas de rôle de pionnier actif, de créer de nouveaux débouchés comme les Allemands.
Les Américains ont pris beaucoup de développement et ne vendent uniquement que des produits américains sans l'interférence de grandes maisons en Chine (n'ayant que American Trading Co et Fearon et Daniel, tissus) et comme banque, l'« International Banking Co ». Cependant ils se développent énormément pour importer entre les mains de commerçants anglais (machines, farines, tissus de coton, pétrole). C'est l'Angleterre qui vend le plus, la France qui achète le plus. Cela alimente cette grosse navigation qu'ils sont en train de créer de San Francisco à Shanghai. On peut prévoir que quand la Chine aura développé ses énormes ressources de combustible, elle fournira la côte américaine dépourvue de charbon et recevra en échange des denrées alimentaires nécessaires puisqu'elle est toujours à la limite de la disette. C'est l'Amérique qui a le plus d'intérêt à se réserver ce marché-là. Roosevelt, en esprit politique, attache une importance énorme à l'Extrême-Orient.
L'Allemagne : C'est elle qui a compris pour la 1ère fois que les affaires de Chine reposaient entièrement sur le crédit ; ils ont commencé à étendre les crédits accordés aux Chinois et fait connaissance directement avec les mandarins locaux pour leur prêter de l'argent, des fournitures d'armes ; ils ont capté leur confiance par des emprunts provinciaux en 1887 (Karlberg, Carlowitz, Melchen and Co) faits au vice-roi des deux Kouang, à Tchang Tche-tong pour l'organisation de ses filatures de coton, des usines de Han-yang. Ils sont très travailleurs, ont d'excellents clerks, une banque très bien dirigée, fondée par les anciens employés allemands du Comptoir d'Escompte français qui possédait une grosse position avant 1870 : ce sont ces employés qui ont fondé la Deutsche Bank, soutenue par Bliichroder ; ils ont développé leurs intérêts par des lignes de navigation. Toujours épargne et circulation appuyées l'une sur l'autre. Lignes de navigation sur l'Europe alimentées par ligne [blanc], fluviales Réseau complet comme celui de l'Angleterre, deux lignes sur le Yang-tzé, Kiao-tcheou, Tien-tsin, deux lignes de Swatow sur le Siam, une ligne de Hongkong sur Haïphong [blanc] quantité de bateaux irréguliers. Ils sont soutenus par un corps consulaire et diplomatique très énergique, travaillant en bras de chemise, ne croyant aucune besogne au-dessous d'eux, très bien renseignés, très brutaux, ce qui n'a que des avantages, servis par des desseins bien formés et bien suivis. Ils avancent à pas de géants. Actuellement ils possèdent les intérêts et les positions les plus considérables entre le Fleuve Jaune et le Yang-tzé. Politique intelligente, soutenant les mandarins, plaçant dans tous les postes des créatures à eux. Aucune politique de luxe (de faste comme la France) s'occupant peu d'écoles, de développer leur influence. Magnifique concession de Hankéou, un mille de frontage sur la rivière.
Les Français : Ils ont l'Indo-Chine, tenue à l'écart volontairement sauf du temps de Doumer. Initiative intéressante, efforts mal coordonnés. Des Français au courant des affaires nouvelles, mais pas d'esprit de suite. Position superbe des Messageries, ont vendu leur frontage à Shanghai sans raison, doivent emprunter les [blanc] des autres compagnies, ont abandonné toutes leurs positions aux malles allemandes qui en ont hérité (« Tant qu'il y aura un de ces gredins de payants dans la salle, nous ne serons pas sûrs du succès » dit le chef de claque). Voilà l'esprit. (Comme Delcassé qui ne veut nommer personne « jugeant inutile de faire quatre-vingt-dix-neuf mécontents et un seul ingrat »). Dès 1895 tous les Consuls répétaient qu'il fallait des cargo-beats, des lignes annexes : maintenant sur le Yang-Tzé il y a deux lignes allemandes, deux japonaises, chinoise, anglaise ; elles se décideront à la fin et gagneront encore. Comme la Banque de l'Indo-Chine qu'on a eu tant de mal à décider à venir à Shanghai où elle gagne de l'or, qu'il a fallu contraindre par le Ministère à établir des succursales à Hankéou pour un an, etc. Le Comptoir d'Escompte avait une position superbe en Chine, étranglé par des statuts imbéciles, cède la place à la russo-chinoise, quitte l'agence de Shanghai ; la Banque russo-chinoise capitaux français employés à la politique russe, Directeur français subordonné à ses collègues russes, tout ce qui est important est secret et très [blanc].
Tout ce qui s'est fait à Shanghai résulte des efforts de jeunes gens, entreprenants, courageux, d'initiative, peu de capitaux, Olivier, Racine, Bouchard, les [blanc] constituent une aristocratie dédaigneuse, ne voyant rien d'autre que leurs affaires. Tout le commerce français s'est concentré sur Shanghai et Hankéou, Canton pour la soie, Tientsin pour [blanc] mais les épiciers font des affaires magnifiques (Mondon et Gaillard). Le corps consulaire a les défauts de ses administrés ; longtemps une fantasia de ministres et de consuls venus de tous les pays du monde, ce qui n'est pas absolument mauvais ; mais il faudrait une juste moyenne et que les désirables agents de Chine puissent retourner à Paris et faire bénéficier de leurs connaissances l'Administration centrale, qu'il y ait un roulement établi ; c'est le meilleur personnel qu'il y ait en Chine. Légation mauvaise, ne travaille pas autant, ne répond pas aux lettres.
Conclusion : C'est à regretter qu'il n'y ait pas plus de consuls, pas plus de postes créés, [blanc] consul doit suivre le commerce ; en Chine, doit précéder le commerce et ouvrir les voies, multiplier les consulats dans les ports du sud où sont nos principaux intérêts. Partout à étudier la création des deux agents, capitaux de l'influence française en Chine : Banque et circulation. Etudier les questions de crédit à donner aux Chinois et développer cela dans des limites où les autres nations européennes moins favorisées au point de vue de l'épargne anonyme ne peuvent pas nous suivre. Développer les voies de commerce en s'appuyant sur l'Indo-Chine comme base surtout pour la navigation et les chemins de fer.
Résumé des idées de ce chapitre :
1. - Situation des Européens en Chine : exterritorialité et ce n'est qu'un pied à terre.
2. - Le commerce est dans la même situation que le commerçant, précaire, à la merci des intermédiaires chinois.
3. - double utilité pour les Chinois : épargne et circulation.
4. - Revue de chaque pays européen étudié au double point de vue argent et circulation ;
5. - France : ce qu'elle peut faire dans cette double direction.
Chap. 6 : Géographie commerciale de la Chine
Quand on voyage dans la campagne chinoise ce qui frappe le plus c'est la disparité entre la plaine toujours cultivée et la montagne qui en émerge comme un îlot sans culture (réservé en général aux tombeaux ou à une population très différente de celle de la plaine ; cependant on y voit souvent des champs de riz, de patates, s'élever à une certaine hauteur) ; également dans des pays comme le Chen-si et le Chan-si, spéciaux grands marchés [blanc] cultivés en escaliers descendant de la Mongolie aux bords du Fleuve Jaune, fertiles et aménagés en [blanc].
D'une manière générale, si on pouvait faire des cartes tant au point de vue agricole qu'ethnographique (densité de la population), entre les parties montagneuses et la plaine on verrait des contrastes frappants. Le Chinois est seulement un homme de plaine, il n'a jamais su aménager les parties montagneuses de son domaine. Il en résulte que la Chine a été divisée ipso facto en un certain nombre de compartiments séparés entre eux par des seuils montagneux plus ou moins infranchissables. La partie principale de la Chine consiste en une immense cuvette qui va des monts du Kouang-toung et du Kouei-tcheou jusqu'aux steppes de Mongolie et dont le débouché sur la mer est séparé en deux par le bloc du Chantoung ; cette partie de la Chine a d'ailleurs été dépeuplée, ravagée dans le courant du siècle dernier, d'une part au Nord par les débordements chroniques du Fleuve Jaune et dans le Sud par les épouvantables destructions de la guerre des Taipings ; néanmoins c'est encore la partie la plus riche et la plus fertile de la Chine. Le Kiang-si en est pour ainsi dire le grenier. De chaque côté de ce vaste bassin sont installés une série de compartiments d'une richesse plus ou moins grande ; le plus important est celui du Setchuen, presque complètement fermé celui-là, qui n'a de communication avec la dépression centrale que par une étroite et dangereuse fissure, le boyau du Yang-tzé. Du côté de la mer se trouve également une série de compartiments échelonnés le long de la côte dans les plaines formées par le bassin et l'estuaire des fleuves, délimitées par l'écran naturel des montagnes : formation régulière tout le long de la côte. Le plus important est celui de Canton, formé par l'éventail de rivières ayant leur débouché dans la Rivière des Perles. On trouve ensuite les plaines de Swatow, avec les villes de Tchang-tcheou dans l'intérieur, d'Amoy, de Pagoda et Foutchéou. Partout la situation est la même : petit port où vont les bateaux et grande ville chinoise dans l'intérieur des terres... La montagne s'arrête à quelque distance et envoie de petits chaînons vers la mer ; dans la plaine intérieure isolée vit une population autochtone, ayant des mœurs, un langage spécial, séparée de la Chine propre par une muraille ; le seuil de Canton est très mince.
En ce qui concerne les deux issues de la grande plaine centrale, les ports qui commandent leur accès à la mer se trouvent dans la même situation : Shanghai et Tien-tsin ; ils commandent une grande étendue (Fleuve Bleu et Pei-ho).
Ainsi, le 1er fait général, c'est un grand bassin central et de chaque côté, une série de compartiments plus ou moins fermés.
Le 2ème fait général : Toutes les routes commerciales de la Chine sont dirigées de l'Ouest à l'Est ; la plus importante est le Fleuve Bleu, puis la Rivière de l'Ouest, la Rivière des Perles, Hoangho, etc. Le plus souvent, à l'exception du Fleuve Bleu, ces voies naturelles sont obstruées et rendues inutiles sur une grande partie de leur parcours, enfermées du côté de la mer par des bancs ; donc grande gêne au point de vue de la circulation de ce côté-là. Aucune communication naturelle du Sud au Nord, ce qui est pourtant la direction naturelle des échanges, puisque les zones climatiques s'espacent d'après les degrés de latitude. Pour y remédier, les anciens empereurs avaient fait ce travail admirable du Canal Impérial, maintenant inutilisé. Il résulte de ces deux considérations que le principal besoin de la Chine pour le développement de ses richesses intérieures économiques, serait la création de grandes voies internationales de communication, de grands troncs artériels, d'une part, pour mettre les compartiments en communication les uns avec les autres ; d'autre part, la création de voies de communication dans le sens de l'axe économique. Ces voies de communication sont très indiquées ; elles sont en réalité doubles, partant en fuseau de Canton pour se réunir en un point quelconque situé sur le Golfe du Petchili, probablement à Tsing wan tao, le seul port libre, l'une par le Poyang, l'autre par le Toung ting (c'est le seul port, de navigation du moins, ce qui est autre chose que commercial). C'est de ce manque de communication dont souffre la Chine et que mettra en lumière l'étude des différents ports que nous allons passer sommairement en revue.
Setchuen. - Bassin fermé ayant débouché simplement sur Fleuve Bleu, dans des conditions très onéreuses, difficiles, les compagnies d'assurances prenant 500% de la valeur des marchandises. Il est riche en soie, opium, musc et produits originaux. En ce qui concerne l'espoir de détourner le commerce du Setchuen par le Tonkin, c'est chimérique. Un chemin de fer qui a des dénivellations de 1500 mètres, quelle marchandise pourrait supporter un tarif kilométrique pareil ?, De plus, le Tonkin n'offre pas de contrepartie, tandis que Shanghai est un grand port où les relations d'échanges sont depuis longtemps établies. Le Tonkin ne peut pas même conserver le commerce du Yunnan qui va à Hongkong. C'est donc chimérique pour l'instant, peut-être en serait-il autrement d'un chemin de fer qui doublerait le Yang-tzé ou irait vers le N[ord] - E[st]. Au Nord du Fleuve Bleu et du Fleuve Jaune se trouve une région d'une richesse agricole très grande, potentielle au moins, qui aurait besoin d'une issue vers la mer intérieure chinoise pour développer leurs ressources et combler leur déficit, ce qui leur manque. Impossible actuellement d'arrêter la famine, par manque de communications. Au centre de la grande cuvette chinoise, se trouve un point d'une importance capitale qui est Hankéou, point terminus de la navigation où les plus gros bateaux peuvent arriver à 1200 kilomètres de la mer, à l'issue de toutes les voies fluviales qui convergent là de tous les côtés et des chemins de fer ; véritable Chicago, centre des industries de transformation future, appelé à une importance incalculable.
(Quand on pense qu'après 1900, après avoir occupé Pékin, la Cour en fuite, les vice-rois isolés, on en est maintenant réduit à mendier des concessions de mines que la Chine nous refuse !) À l'issue du même bassin se trouve Shanghai, port de toute la Chine, au bout de la grande voie commerciale et digestive qui aboutit là, point d'escale pour les bâtiments, si médiocre et peu commode que soit son port, capitale d'un district très riche par lui-même, produisant la soie en abondance, avec une population très dense, très bien desservi par un système de canaux qui n'est comparable qu'à celui de la Hollande. Au Nord, se trouve un port infiniment moins bien servi par la nature, Tien-tsin, d'un accès très difficile, malgré tous les efforts faits pour l'améliorer, qui commande un hinterland infiniment moins riche et moins peuplé.
Le plus important des compartiments est Canton ; autrefois sa grande importance résultait de ce qu'il servait de voie d'accès du Sud au Nord. Cela a fait l'énorme importance de Canton pour les Européens, et sa fortune. Cela se retrouvera quand les chemins de fer seront créés et partiront de Canton. Le portage est facile du Meilin pour correspondre avec le bassin central ; la branche de la Rivière du Nord et celle de Tchang-cha ne sont séparées que par un isthme très mince. La population est à l'étroit, le caractère commun de tous ces compartiments est caractérisé par deux faits : émigration énorme (chiffres des Rapports des Douanes) et d'autre part, déficit chronique dans les récoltes, caractérisé ici par des importations de riz : il y aurait matière à des relations normales et importantes avec notre colonie d'Indo-Chine ; on parle depuis de longues années d'établir un service de navigation français de Saigon à tous les ports de la côte jusqu'à Shanghai. Mais c'est un principe d'interdire à notre colonie toute relation avec la Chine, de la claquemurer. Cependant, nous devrions être comme une menace à peser constamment sur la Chine ; dans tous les pays limitrophes on ne devrait jamais nommer un mandarin sans notre approbation, c'est un principe absolu que les Allemands au Chantoung, les Anglais à Canton mettent en pratique : nous lâchons nos protégés comme le Général Sou par Beau.
Swatow, capitale commerciale d'un pays extrêmement riche, spécialement en cannes à sucre, 100000 T de sucre brun exporté sur les ports du Nord, à Nioutchouang, qui lui envoie les tourteaux de haricots [beancake] servant d'engrais : ce commerce est actuellement menacé par la guerre qui empêche l'approvisionnement des tourteaux et la concurrence européenne des grandes raffineries de Hongkong qui remplace la cassonade par le sucre blanc. Caractéristique de Swatow : c'est un commerce exclusivement chinois où les maisons européennes n'ont qu'une très petite importance. Centre d'un mouvement d'émigration énorme aux mains des lignes de navigation allemande. On peut comparer les gens de Swatow aux Italiens de la Basilicate et du Piémont qui vont gagner leur vie à l'étranger, mais toujours avec esprit de retour : aller travailler six mois aux mines d'étain des settlements et revenir passer les six autres mois dans le pays. Ce mouvement sert de support à une quantité d'autres industries de toute nature, vêtements chinois etc., tout cela prospère malgré un énorme désordre, une gabegie incroyable, un gaspillage insensé, un véritable pillage. Quand un bateau arrive, il est pris d'assaut, ses marchandises éventrées, ballots arrachés à cause de l'incurie chinoise ; les compagnies de bateliers sont les maîtresses et prélèvent leur part en nature sous les yeux impassibles des propriétaires et destinataires chinois des marchandises.
Amoy, centre également, vie commerciale, mouvement d'émigration intense.
Foutchéou, deux caractéristiques : commerce du thé qui va tout entier sur l'Europe, irrégularité d'échantillonnage, droit de sortie exorbitant, réorganisé (trop tard) depuis deux ans, frets doubles de ceux de Ceylan dont le thé a une décoction double, goût plus fort, décoction bien plus étendue.
Commerce des bois très important, purement indigène, Européens pas mêlés. (Une compagnie de chemin de fer pourrait, au lieu de garantie, obtenir le droit d'exploiter les réserves forestières de l'État. Dans les dossiers du consulat Claudel a laissé des provisions d'idées pour 50 ans, sur les mines, les chemins de fer, water works, émigration, ligne de navigation, relation avec l'Indo-Chine).
Tchefou, centre petit, commerce spécial du tussor, soie de chêne, petit mouvement d'émigration, coolies du Chantoung.
En somme, la situation de la Chine, au point de vue du commerce est : deux grands ports d'importation, Shanghai et Hongkong, placés aux deux issues de la grande masse peuplée et cultivée de la Chine, tous les petits ports venant s'y approvisionner sans l'intermédiaire des maisons européennes.
D'une part, au centre, une grande étendue dont les potentialités sont énormes et qui, par suite de malheurs politiques ou physiques, est bien loin de répondre à ce qu'elle pourrait être. Telle qu'elle est, elle est le grenier de la Chine, celle qui approvisionne les parties moins prospères. Cette plaine manque d'aménagement, de communication, bien que la nature semble solliciter la main de l'homme pour établir des communications faciles à faire. De chaque côté de cette plaine, d'une part un petit monde très prospère, mais difficilement accessible jusqu'ici : le Setchuen ; d'autre part, du côté de la mer, une série de compartiments composés de populations extrêmement disparates, souffrant à la fois de pléthore de population et de manque de moyens de subsistance, d'alimentation, ce qui produit une émigration énorme au dehors. De l'une à l'autre, les communications ne pouvant se faire que par des détours, coûteux, hasardeux, longs, des transbordements continuels et ce qui en est la conséquence, moyens de banque insuffisants ; contrepartie mal assurée, tous les paiements et transports d'argent rendus très onéreux, souvent pas inférieurs à 10 ou 15% (les deux véhicules matériel et banque, lettre de change qui est la contrepartie de l'autre). La Chine se présente sous la forme d'un immense cloisonné dont les cloisons sont à peu près imperméables et qui n'a d'issue que vers la mer où tout se passe. Les contreparties n'existent pas, n'ayant pas lieu aux mêmes époques et les choses ne se nivellent pas ; quelle que soit l'insuffisance des statistiques des Douanes auxquelles échappe complètement tout ce qui se passe par les jonques (bien qu'elle en soit chargée maintenant, elle les garde). On est frappé de la difficulté des communications d'une partie de la Chine à l'autre. C'est ainsi que certains produits européens font concurrence sur les marchés chinois à des produits de la Chine même, aussi difficiles à se procurer que d'Europe ou d'Amérique, à venir d'un port chinois, sucre, coton.
L'œuvre à faire par l'Europe de travaux publics se pose naturellement, comme d'elle-même :
1° Création de grandes voies de communication du Sud au Nord, aussi important que le Canal de Suez.
2° Percement de ces différentes cloisons, communication des différentes parties de la Chine entre elles.
La réserve centrale, le grand bassin central est comme le grand plat de riz médian dans un repas, entouré de toute une série de petits plateaux contenant les produits spéciaux variés.
Exagération folle des chiffres de la population ; travaux fantaisistes de Sir Robert Hart sur le rendement possible des impôts. Toutes les grandes idées chinoises de lui comme des autres vrais Chinois imprégnés de la culture locale, s'expliquent par une intrigue obscure, personnelle, profonde ; les grands plans, les écoles normales, les établissements techniques, ne sont que des moyens de soutirer de l'argent, de squeezer.
Nous aurions intérêt à avoir un Consul sur tous les points capitaux de la Chine. Deux séries à ouvrir 1° urgents sur les points appelés à avoir des rapports avec l'Indo-Chine ; ces relations se sont établies comme d'elles-mêmes ; capitales, Amoy-Swatow.
2° Nécessité dans l'état actuel de la Chine d'avoir des représentants dans toutes les capitales de provinces qui sont ouvertes, étudier la création de consulats à Nankin (où toutes les puissances en ont), à Tchang-cha, à Nantchang. Ce sont aux centres des provinces qu'il faut s'établir : tout y va au centre toujours. Il est regrettable que l'état de nos finances ne nous permette pas de faire comme les Anglais, d'établir un Consul partout où il y a des ports ouverts. Le commerce suit le Consul en Chine. Il y a place pour les interprètes et pour les consuls sortant des concours. D'une manière générale, il est mauvais d'avoir des consuls limités à la Chine, on les prive du meilleur moyen d'introduction qui est la comparaison ; c'est la raison de l'infériorité relative (au point de vue seulement technique des connaissances) du corps consulaire anglais.
Canton. Deux choses : aboutissement d'un éventail de rivières drainant un pays très riche, soie, culture, population très intelligente qui lui donne son importance d'aujourd'hui. Autrefois seul point de contact avec l'Europe et terminus de la voie de communication ; tout prêt à se transformer en république sous l'influence anglaise quand l'Angleterre le voudra ; tout le Kouang-toung passera en république sous le protectorat anglais.
Economics and Trade
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History : China : General
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Literature : Occident : France
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Periods : China : Qing (1644-1911)