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1753.4

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Encyclopédie, ou dictonnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Mis en ordre et publié par [Denis] Diderot [ID D 20381]. K-M
KAALING
S. m. (Hist. nat.) espece d'étourneau fort commun dans la Chine & dans les îles Philippines. Il est noir, mais ses yeux, ses pattes & son bec sont jaunes. Il s'apprivoise facilement, & apprend à parler & à siffler ; on le nourrit de pain & de fruits. Supplément de Chambers.

KALKAS
(Géog.) nom d'une nation Tartare, parmi les Mungales ou Monguls, qui sont soumis au roi de la Chine.

KAN
Quoique le kan des Tartares mongules de l'ouest soit sous la protection de la Chine, cette soumission n'est au fond qu'une soumission précaire, puisque loin de payer le moindre tribut à l'empereur chinois, il reçoit lui-même des présens magnifiques de la cour de Péking, & en est fort redouté, car s'il lui prenoit jamais fantaisie de se liguer avec les Calmouks, le monarque qui siége aujourd'hui dans l'empire de la Chine, n'auroit qu'à se tenir bien ferme sur le trone.

KAOCHEU
(Géog.) ville de la Chine, septieme métropole de la province de Quanton ; elle est dans un terroir où se trouvent beaucoup de paons, de vautours excellens pour la chasse, & de belles carrieres de marbre. Long. 129. lat. 22. 23. (Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KAOLIN
S. m. (Hist. nat. Minéral.) c'est ainsi que les Chinois nomment une substance terreuse blanche ou jaunâtre ; elle est en poudre, entremêlée de particules brillantes de talc ou de mica, & l'on y trouve des petits fragmens de quartz ou de caillou. Cette terre jointe avec le petuntse, forme la pâte ou composition dont se fait la porcelaine de la Chine ; mais on commence par laver le kaolin pour en séparer les matieres étrangeres, talqueuses & quartzeuses qui sont mêlées avec lui, & qui le rendroient peu propre à faire de la porcelaine. Voyez PORCELAINE. Il se trouve une terre tout-à-fait semblable au kaolin des Chinois, & qui a les mêmes propriétés, aux environs d'Alençon, & dans plusieurs autres endroits de la France ; les Anglois en emploient aussi dans leur porcelaine de Chelsea ; mais on ne sait d'où ils la tirent : ce qu'il y a de certain, c'est qu'on a trouvé une charge très-considérable de kaolin, sur un vaisseau qui fut pris sur eux pendant la derniere guerre. M. de Reaumur, dans les Memoires de l'académie royale des Sciences, année 1727, paroît croire que le kaolin est une substance talqueuse, & a fait différentes expériences, pour voir si les différents talcs du royaume pourroient y suppléer ; mais la matiere talqueuse qui se trouve mêlée avec le kaolin, ne peut point être regardée comme la partie qui le rend propre à faire de la porcelaine, attendu que toutes les pierres talqueuses résistent au feu, & ne sont point susceptibles du degré de fusibilité convenable pour prendre corps & faire une pâte solide. Les endroits où le kaolin se trouve en France, les différentes parties qui le composent, donnent lieu de conjecturer avec beaucoup de vraisemblance, que cette terre est formée par la destruction ou la décomposition d'une espece de roche ou de faux granit, qui se trouve en beaucoup de pays, & qui est composé d'un spath calcaire & rhomboidal, formé par l'assemblage de plusieurs feuillets, de particules de quartz ou de caillou, & de paillettes de talc. C'est le spath qui forme seul la terre propre à la porcelaine ; les deux autres substances y nuiroient, c'est pourquoi on les en dégage. Voyez PORCELAINE. Les Chinois préparent le kaolin avant que de s'en servir pour faire de la porcelaine : il y a lieu de croire qu'ils le dégagent en le lavant, des particules de quartz avec lesquelles il est mêlé ; ils en forment ensuite des especes de pains & de briques. (-)

KINSU
S. m. (Botan.) espece de lin qui croit à la Chine : on en tire une filasse blonde, très-fine ; on en fabrique des toiles très-estimées dans le pays, & très-commodes en été. On n'en trouve que dans le Xansi ; la rareté en augmente encore le prix.

KITAI
S. m. (Comm.) sorte de damas qui se fabrique à la Chine. Les femmes des Ostiaques en font des voiles, dont elles se couvrent le visage par modestie. Les kitais sont apportés par les Tartares voisins de la grande muraille, & quelquefois par les Caravanes qui vont de Moscou à Pekin. On appelle du même nom des toiles de coton de la Chine, les unes blanches, les autres rouges & d'autres couleurs.

KIU-GIN
S. m. (Hist. mod.) c'est le nom que l'on donne à la Chine au second grade des lettrés ; ils y parviennent après un examen très-rigoureux, qui se fait tous les trois ans en présence des principaux mandarins & de deux commissaires de la cour, qui se rendent pour cet effet dans la capitale de chaque province. Les kiu-gin portent une robbe brune avec une bordure bleue, & un oiseau d'argent doré sur leur bonnet. Ils peuvent être élevés au rang des mandarins ; c'est parmi eux que l'on choisit les lettrés du troisieme ordre, appellés tsin-sé ou docteurs. Voyez TSIN-SE.

KOUAN-IN
S. f. (Hist. de la Chine) c'est dans la langue chinoise le nom de la divinité tutélaire des femmes. Les Chinois font quantité de figures de cette divinité sur leur porcelaine blanche, qu'ils débitent à merveille. La figure représente une femme tenant un enfant dans ses bras. Les femmes stériles vénérent extrèmement cette image, persuadées que la divinité qu'elle représente a le pouvoir de les rendre fécondes. Quelques Européens ont imaginé que c'étoit la vierge Marie, tenant notre Sauveur dans ses bras ; mais cette idée est d'autant plus chimérique, que les Chinois adoroient cette figure longtems avant la naissance de J. C. La statue, qui en est l'original, représente une belle femme dans le goût chinois ; on a fait, d'après cet original, plusieurs copies de la divinité Kouan-in en terre de porcelaine. Elles different de toutes les statues antiques de Diane ou de Venus, en ces deux grands points, qu'elles sont très modestes & d'une exécution très-médiocre. (Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KHANBLI ou KHANBALIG
(Géog.) nom de la ville que nos Historiens & nos Géographes ont appellée Cambala, & qu'ils ont placée dans la grande Tartarie, au septentrion de la Chine ; mais suivant les Géographes & les Historiens orientaux, il est constant que c'est une ville de la Chine. Ebn-Saïd, dans Abulféda, lui donne 130d de longitude, & 35d 25' de latitude septentrionale. Ebn-Saïd ajoûte qu'elle étoit fort célebre de son tems par les relations des marchands qui y alloient trafiquer, & qui en apportoient des marchandises. La premiere conquête de Gengis-Kan, après s'être rendu maître de la grande Tartarie, fut celle de Khanbalig, qu'il prit par ses lieutenans sur l'empereur de la Chine. Khanbalig, Khanblig, Cambala & Pékin, sont autant de noms d'une même ville. Voyez PEKIN.

KI
(Géog.) nom de diverses villes de la Chine. Il paroît par l'atlas sinensis, qu'il y a au moins six villes de la Chine, en diverses provinces, qui s'appellent ainsi.

KIA
S. m. (Hist. mod.) nom de plusieurs mois du cycle de cinq ans des Chinois. Le kia-çu est le premier ; le kia-sio, l'onzieme ; le kia-shen, le vingt-unieme ; le kia-u, le trente-unieme ; le kia-shin, le quarante-unieme ; le kia-yin, le cinquante-unieme.

KIAM
(Géogr.) ou JAMCE, grand fleuve de la Chine, qui prend sa source dans la province de Junnan, traverse celles de Poutchueu, de Hunquam, baigne la capitale, qui est Nanquin ; & après avoir arrosé près de quatre cent lieues de pays, se jette dans la mer orientale, vis-à-vis l'île de Tçoummin, formée à son embouchure par les sables qu'il y charrie. Cette riviere dans son cours, qui est un des plus rapides, fait naître un grand nombre d'îles, utiles aux provinces, par la multitude de joncs de dix à douze piés de haut qu'elles produisent, & qui servent au chauffage des lieux voisins ; car à peine a-t-on assez de gros bois pour les bâtimens & les vaisseaux. Voyez sur ce fleuve M. Delisle, dans sa Carte de la Chine, & les Mémoires du P. le Comte. (Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KIANGNAN
(Géographie) ou NANQUIN & NANKIN ; province maritime de la Chine, qui tenoit autrefois le premier rang lorsqu'elle étoit la résidence de l'empereur ; mais depuis que le Pekeli, où est Pekin, a pris sa place, elle n'a plus que le neuvieme. Elle est très-grande, très-fertile, & d'un commerce presque inconcevable. Tout ce qui s'y fait, sur-tout les ouvrages de coton & de soie, y est plus estimé qu'ailleurs. Il y a quatorze métropoles, cent dix cités, & près de dix millions d'ames au rapport des Jésuites. Le Kiangnan est borné à l'est & au sud est par la mer ; au sud par le Chekian ; au sud-ouest par le Kiansi ; à l'ouest par le Huquang ; au nord-ouest par le Haunan ; & au nord par le Quantong. Le fleuve Kiam la coupe en deux parties, & s'y jette dans la mer : la capitale est Nankin.
(Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KIANSI
(Géogr.) ou KIAMSI, ou KIANGSI. vaste province de la Chine, où elle tient le huitieme rang, bornée au nord-est par celle de Kiangnan ; au nord & au couchant par celle de Huquang ; à l'orient par celle de Chékiand ; au sud-est par celle de Fokien ; & au midi par celle de Quantung ou Canton. Elle est très-peuplée, & produit abondamment tout ce qui est nécessaire à la vie ; elle a des montagnes pour boulevards, & des rivieres & des lacs qui sont remplis d'excellens poissons. On y fait, dans un seul endroit, la plus belle porcelaine dont l'Asie soit fournie. Cette province a treize métropoles, soixante-sept cités, & plus de six millions d'ames, au rapport de nos missionnaires. Nanchang en est la capitale.
(Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KIECHANG
(Géogr.) ville de la Chine, sixieme métropole de la province de Kiansi, avec un beau palais, & deux temples consacrés à la mémoire des hommes illustres. On y fait avec le riz un excellent breuvage, appellé macu. On y fabrique aussi de belles étoffes. Long. 132. 30. lat. 28. 12.
(Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KIM -TE-TCHIM
(Géog.) vaste & magnifique bourg de la Chine, dans la province de Kiansi, & dans la dépendance de Feuleangi. C'est ce lieu qui lui-seul fournit presque toute la belle porcelaine de la Chine. Quoiqu'il ne soit pas entouré de murailles, il vaut bien une grande ville pour la beauté de ses rues qui sont tirées au cordeau, pour le nombre de ses habitans que l'on fait monter à un million, & pour le commerce qui y est prodigieux.
Kim-Te-Tchim est placé dans une plaine environnée de hautes montagnes ; & peut-être cette enceinte de montagnes forme-t-elle une situation propre aux ouvrages de porcelaine. On y compte trois mille fourneaux qui y sont destinés ; aussi n'est-il pas surprenant qu'on y voye souvent des incendies ; c'est pour cela que le génie du feu y a plusieurs temples : mais le culte & les honneurs que l'on prodigue à ce génie, ne rendent pas les embrasemens plus rares. D'un autre côté un lieu si peuplé, où il y a tant de richesses & de pauvres, & qui n'est point fermé de murailles, est gouverné par un seul mandarin, qui par sa bonne police, y établit un ordre & une sûreté entiere. Voyez de plus grands détails dans les lettres édifiantes, tome XII. page 255. & suiv.
(Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KIN-KI
ou POULE D'OR, (Hist. nat.) c'est le nom que les Chinois donnent à un oiseau d'une beauté merveilleuse qui ne se trouve qu'à la Chine, & sur-tout dans la province de Quang-si. Cet oiseau a un plumage si éclatant, que lorsqu'il est exposé au soleil, il paroît tout d'or, mêlé de nuances les plus vives & les plus belles ; on assure de plus qu'il est d'un goût délicieux. On en a quelquefois apporté en Europe, pour orner les volieres des curieux opulents d'hollande & d'autres pays.

KING
(Hist. mod. Philosoph.) ce mot signifie doctrine sublime. Les Chinois donnent ce nom à des livres qu'ils regardent comme sacrés, & pour qui ils ont la plus profonde vénération. C'est un mélange confus de mysteres incompréhensibles, de préceptes religieux, d'ordonnances légales, de poésies allégoriques, & de traits curieux tirés de l'histoire chinoise. Ces livres qui sont au nombre de cinq, font l'objet des études des lettrés. Le premier s'appelle y-king ; les Chinois l'attribuent à Fohi leur fondateur ; ce n'est qu'un amas de figures hiéroglyphiques, qui depuis long-tems ont exercé la sagacité de ce peuple. Cet ouvrage a été commenté par le célebre Confucius, qui, pour s'accommoder à la crédulité des Chinois, fit un commentaire très-philosophique sur un ouvrage rempli de chimeres, mais adopté par sa nation ; il tâcha de persuader aux Chinois, & il parut lui-même convaincu, que les figures symboliques contenues dans cet ouvrage renfermoient de grands mysteres pour la conduite des états. Il réalisa en quelque sorte ces vaines chimeres, & il en tira méthodiquement d'excellentes inductions. Dès que le ciel & la terre furent produits, dit Confucius, tous les autres êtres matériels existerent ; il y eut des animaux des deux sexes. Quand le mâle & la femelle existerent, il y eut mari & femme, il y eut pere & fils ; quand il y eut pere & fils ; il y eut prince & sujet. Delà, Confucius conclut l'origine des lois & des devoirs de la vie civile. Il seroit difficile d'imaginer de plus beaux principes de morale & de politique ; c'est dommage qu'une philosophie si sublime ait elle-même pour base un ouvrage aussi extravagant que le y-king. Voyez CHINOIS, Philosophie des.
Le second de ces livres a été appellé chu-king. Il contient l'histoire des trois premieres dynasties. Outre les faits historiques qu'il renferme, & de l'authenticité desquels tous nos savans européens ne conviennent pas, on y trouve de beaux préceptes & d'excellentes maximes de conduite.
Le troisieme qu'on nomme chi-king, est un recueil de poésies anciennes, partie dévotes & partie impies, partie morales & partie libertines, la plûpart très-froides. Le peuple accoûtumé à respecter ce qui porte un caractere sacré, ne s'apperçoit point de l'irréligion, ni du libertinage de ces poésies ; les docteurs qui voyent plus clair que le peuple, disent pour la défense de ce livre, qu'il a été altéré par des mains profanes.
Le quatrieme & le cinquieme king ont été compilés par Confucius. Le premier est purement historique, & sert de continuation au chi-king ; l'autre traite des rites, des usages, des cérémonies légales, & des devoirs de la société civile.
Ce sont là les ouvrages que les Chinois regardent comme sacrés, & pour lesquels ils ont le respect le plus profond ; ils font l'objet de l'étude de leurs lettrés, qui passent toute leur vie à débrouiller les mysteres qu'ils renferment.

KING-KI-TAO
(Géog.) c'est le nom que les Tartares qui régnent présentement à la Chine ont donné à la capitale de la Corée ; les Chinois l'appellent Pingiang, tandis que les Japonois & les Hollandois qui ont long-tems séjourné dans ce pays-là, la nomment Sior. Que d'erreurs cette multiplicité de noms si dissemblables, doit-elle causer dans la Géographie, pour des lieux qui ne sont pas aussi fameux que la capitale d'un si grand pays ? Sa longitude, suivant le P. Gaubil, est 133d. 33'. 30''. lat. 37 deg. 30' 19''.
(Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KINGTUN
(Géog.) ville de la Chine, septieme métropole de la province d'Iunnan, à dix lieues de la ville de ce nom, entre de hautes montagnes fort serrées, & au-dessus d'un vallée très-profonde. Longitude 119. 40. lat. 26. 10.
(Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KINHOA
(Géog.) c'est-à-dire, fleuve de Vénus ; ville de la Chine, cinquieme métropole de la province de Chékiang. On y fait de ris & d'eau la meilleure boisson qui se boive dans toute la Chine. Long. 136. 55. lat. 28. 57.
(Le Chevalier DE JAUCOURT.)

KO-LAOS
S. m. (Hist. mod.) c'est ainsi que l'on nomme à la Chine les grands mandarins ou ministres, qui, après avoir passé par les places les plus éminentes de l'empire, sont appellés par l'empereur auprès de sa personne, afin de l'aider de leurs conseils dans les tribunaux supérieurs, établis à Pékin, ou pour présider en son nom à ces tribunaux, & pour veiller à la conduite des autres mandarins qui les composent, de la conduite desquels ils rendent compte à l'empereur directement. L'autorité des ko-laos est respectée même par les princes de la maison impériale.

LAMA
S. m. (terme de Relation.) Les lamas sont les prêtres des Tartares asiatiques, dans la Tartarie chinoise.
Ils font voeu de célibat, sont vêtus d'un habit particulier, ne tressent point leurs cheveux, & ne portent point de pendans d'oreilles. Ils font des prodiges par la force des enchantemens & de la magie, récitent de certaines prieres en maniere de choeurs, sont chargés de l'instruction des peuples, & ne savent pas lire pour la plûpart, vivent ordinairement en communauté, ont des supérieurs locaux, & audessus de tous, un supérieur général qu'on nomme le dalai-lama.
C'est-là leur grand pontife, qui leur confere les différens ordres, décide seul & despotiquement tous les points de foi sur lesquels ils peuvent être divisés ; c'est, en un mot, le chef absolu de toute leur hiérarchie.
Il tient le premier rang dans le royaume de Tongut par la vénération qu'on lui porte, qui est telle que les princes tartares ne lui parlent qu'à genoux, & que l'empereur de la Chine reçoit ses ambassadeurs, & lui en envoie avec des présens considérables. Enfin, il s'est fait lui-même, depuis un siecle, souverain temporel & spirituel du Tibet, royaume de l'Asie, dont il est difficile d'établir les limites.
Il est regardé comme un dieu dans ces vastes pays : l'on vient de toute la Tartarie, & même de l'Indostan, lui offrir des hommages & des adorations. Il reçoit toutes ces humiliations de dessus un autel, posé au plus haut étage du pagode de la montagne de Pontola, ne se découvre & ne se leve jamais pour personne ; il se contente seulement de mettre la main sur la tête de ses adorateurs pour leur accorder la rémission de leurs péchés.
Il confere différens pouvoirs & dignités aux lamas les plus distingués qui l'entourent ; mais dans ce grand nombre, il n'en admet que deux cent au rang de ses disciples, ou de ses favoris privilégiés ; & ces deux cent vivent dans les honneurs & l'opulence, par la foule d'adorateurs & de présens qu'ils reçoivent de toutes parts.
Lorsque le grand lama vient à mourir, on est persuadé qu'il renaît dans un autre corps, & qu'il ne s'agit que de trouver en quel corps il a bien voulu prendre une nouvelle naissance ; mais la découverte n'est pas difficile, ce doit être, & c'est toujours dans le corps d'un jeune lama privilégié qu'on entretient auprès de lui ; & qu'il a par sa puissance désigné son successeur secret au moment de sa mort.
Ces faits abrégés, que nous avons puisés dans les meilleures sources, doivent servir à porter nos réflexions sur l'étendue des superstitions humaines, & c'est le fruit le plus utile qu'on puisse retirer de l'étude de l'Histoire. (D.J.)

LANCU
(Hist. mod.) nom que les Chinois donnent à une secte de leur religion. L'auteur de cette secte étoit un philosophe contemporain de Confucius, & qui fut appellé Lançu ou Lanzu, c'est-à-dire philosophe ancien, parce qu'on feint qu'il demeura quatre-vingt ans dans le ventre de sa mere avant que de naître. Ses sectateurs croient qu'après la mort leurs ames & leurs corps sont transportés au ciel pour y goûter toutes sortes de délices. Ils se vantent aussi d'avoir des charmes contre toute sorte de malheurs, de chasser les démons, &c. Kircher, de la Chine.

LANTERNES fête des
(Hist. de la Chine) fête qui se célebre à la Chine le quinzieme jour du premier mois, en suspendant ce jour-là dans les maisons & dans les rues un très-grand nombre de lanternes allumées. Nos missionnaires donnent pour la plûpart des descriptions si merveilleuses de cette fête chinoise, qu'elles sont hors de toute vraisemblance ; & ceux qui se sont contentés d'en parler plus simplement, nous représentent encore cette fête comme une chose étonnante, par la multiplicité des lampes & des lumieres, par la quantité, la magnificence, la grandeur, les ornemens de dorure, de sculpture, de peinture & de vernis des lanternes. Le P. le Comte prétend que les belles lanternes qu'on voit dans cette fête, sont ordinairement composées de six faces ou panneaux, dont chacun fait un cadre de quatre piés de hauteur, sur un pié & demi de large, d'un bois verni, & orné de dorures. Ils y tendent, dit-il, une fine toile de soie transparente, sur laquelle on a peint des fleurs, des rochers, & quelquefois des figures humaines. Ces six panneaux joints ensemble, composent un hexagone, surmonté dans les extrémités de six figures de sculpture qui en font le couronnement. On y suspend tout autour de larges bandes de satin de toutes couleurs, en forme de rubans, avec d'autres ornemens de soie qui tombent par les angles sans rien cacher de la peinture ou de la lumiere. Il y a tel seigneur, continue le voyageur missionnaire, qui retranche toute l'année quelque chose de sa table, de ses habits & de ses équipages, pour être ce jour-là magnifique en lanternes. Ils en suspendent à leurs fenêtres, dans leurs cours, dans leurs salles & dans les places publiques. Il ne manquoit plus au R. P. le Comte, pour embellir son récit, que d'illuminer encore toutes les barques & les vaisseaux de la Chine, des jolies lanternes de sa fabrique. Ce qu'on peut dire de vrai, c'est que toutes les illuminations qui de tems immémorial se font de maniere ou d'autre par tout pays, sont des coutumes que le monde conserve des usages du feu, & du bien qu'il procure aux hommes. (D.J.)

LAO-KIUN
(Hist. mod. & Philosophie) c'est le nom que l'on donne à la Chine à une secte qui porte le nom de son fondateur. Lao-Kiun naquit environ 600 ans avant l'ere chrétienne. Ses sectateurs racontent sa naissance d'une maniere tout-à-fait extraordinaire ; son pere s'appelloit Quang ; c'étoit un pauvre laboureur qui parvint à soixante & dix ans, sans avoir pu se faire aimer d'aucune femme. Enfin, à cet âge, il toucha le coeur d'une villageoise de quarante ans, qui sans avoir eu commerce avec son mari, se trouva enceinte par la vertu vivifiante du ciel & de la terre. Sa grossesse dura quatre-vingt ans, au bout desquels elle mit au monde un fils qui avoit les cheveux & les sourcils blancs comme la neige ; quand il fut en âge, il s'appliqua à l'étude des Sciences, de l'Histoire ; & des usages de son pays. Il composa un livre intitulé Tau-Tsé, qui contient cinquante mille sentences de Morale. Ce philosophe enseignoit la mortalité de l'ame ; il soutenoit que Dieu étoit matériel ; il admettoit encore d'autres dieux subalternes. Il faisoit consister le bonheur dans un sentiment de volupté douce & paisible qui suspend toutes les fonctions de l'ame. Il recommandoit à ses disciples la solitude comme le moyen le plus sûr d'élever l'ame au-dessus des choses terrestres. Ces ouvrages subsistent encore aujourd'hui ; mais on les soupçonne d'avoir été altérés par ses disciples ; leur maître prétendoit avoir trouvé le secret de prolonger la vie humaine au-delà de ses bornes ordinaires ; mais ils allerent plus loin, & tâcherent de persuader qu'ils avoient un breuvage qui rendoit les hommes immortels, & parvinrent à accréditer une opinion si ridicule ; ce qui fit qu'on appella leur secte la secte des Immortels. La religion de Lao-Kiun fut adoptée par plusieurs empereurs de la Chine : peu-à-peu elle dégénera en un culte idolâtre, & finit par adorer des demons, des esprits, & des génies ; on y rendit même un culte aux princes & aux héros. Les prêtres de cette religion donnent dans les superstitions de la Magie, des enchantemens, des conjurations ; cérémonies qu'ils accompagnent de hurlemens, de contorsions, & d'un bruit de tambours & de bassins de cuivre. Ils se mêlent aussi de prédire l'avenir. Comme la superstition & le merveilleux ne manquent jamais de partisans, toute la sagesse du gouvernement chinois n'a pu jusqu'ici décréditer cette secte corrompue.

LEAOTUNG
(Géog.) vaste contrée de la Chine, dont elle est séparée par la grande muraille & le golfe de Cang, tandis que la Corée & les montagnes d'Yalo la séparent du pays des Tartares Bogdois du Niuchèz. Ses habitans, plus guerriers & moins industrieux que les Chinois, n'aiment ni le Commerce ni l'Agriculture, quoique leur pays y soit propre.
Les Tartares ayant perdu leur empereur Taitsong en 1642, nommerent pour chef un de ses neveux encore enfant, qui s'appelloit Changti. Sous ce chef, qui périt à l'âge de 24 ans en 1661, & sous Cham-hi, qu'ils élurent pour maître à l'âge de 8 ans, ils conquirent pié-à-pié tout le vaste empire de la Chine. Le tems n'a pas encore confondu la nation conquérante avec le peuple vaincu, comme il est arrivé dans nos Gaules, en Angleterre & ailleurs ; mais les Tartares ayant adopté sous Cham-hi les lois, les usages & la religion des Chinois, les deux nations n'en composeront bien-tôt qu'une seule.

LEGISLATEUR
La conduite des Chinois à cet égard me paroît excellente. Des philosophes sont ministres du prince, & les provinces sont couvertes de pagodes & de dieux : on n'use jamais de rigueur envers ceux qui les adorent ; mais lorsqu'un dieu n'a pas exaucé les voeux des peuples & qu'ils en sont mécontens au point de se permettre quelque doute sur sa divinité, les mandarins saisissent ce moment pour abolir une superstition, ils brisent le dieu & renversent le temple.

LETTRES Litradas
(Littérat.) nom que les Chinois donnent à ceux qui savent lire & écrire leur langue. Voyez CHINOIS. Il n'y a que les lettrés qui puissent être élevés à la qualité de mandarins. Voyez MANDARINS. Lettrés est aussi dans le même pays le nom d'une secte qu'on distingue par ses sentimens sur la religion, la Philosophie, la politique. Elle est principalement composée de gens de lettres du pays, qui lui donnent le nom de jukiao, c'est-à-dire les savans ou gens de lettres. Elle s'est élevée l'an 1400 de J. C. lorsque l'empereur, pour réveiller la passion de son peuple pour les Sciences, dont le goût avoit été entierement émoussé par les dernieres guerres civiles, & pour exciter l'émulation parmi les mandarins, choisit quarante-deux des plus habiles docteurs, qu'il chargea de composer un corps de doctrine conforme à celle des anciens, pour servir desormais de regle du savoir, & de marque pour reconnoître les gens de lettres. Les savans préposés à cet ouvrage, s'y appliquerent avec beaucoup d'attention ; mais quelques personnes s'imaginerent qu'ils donnerent la torture à la doctrine des anciens pour la faire accorder avec la leur, plutôt qu'ils ne formerent leurs sentimens sur le modele des anciens. Ils parlent de la divinité comme si ce n'étoit rien de plus qu'une pure nature, ou bien le pouvoir & la vertu naturelle qui produit, arrange & conserve toutes les parties de l'univers. C'est, disent-ils, un pur & parfait principe, sans commencement ni fin ; c'est la source de toutes choses, l'espérance de tout être, & ce qui se détermine soi-même à être ce qu'il est. Ils font de Dieu l'ame du monde ; il est, selon leurs principes, répandu dans toute la matiere, & il y produit tous les changemens qui lui arrivent. En un mot, il n'est pas aisé de décider s'ils réduisent l'idée de Dieu à celle de la nature, ou s'ils élevent plutôt l'idée de la nature à celle de Dieu : car ils attribuent à la nature une infinité de ces choses que nous attribuons à Dieu. Cette doctrine introduisit à la Chine une espece d'athéïsme raffiné, à la place de l'idolatrie qui y avoit régné auparavant. Comme l'ouvrage avoit été composé par tant de personnes réputées savantes & versées en tant de parties, que l'empereur lui-même lui avoit donné son approbation, le corps de doctrine fut reçu du peuple non seulement sans contradiction, mais même avec applaudissement. Plusieurs le goûterent, parce qu'il leur paroissoit détruire toutes les religions ; d'autres en furent satisfaits, parce que la grande liberté de penser qu'il leur laissoit en matiere de religion, ne leur pouvoit pas donner beaucoup d'inquiétude. C'est ainsi que se forma la secte des lettres, qui est composée de ceux des Chinois qui soutiennent les sentimens que nous venons de rapporter, & qui y adherent. La cour, les mandarins, les gens de qualité, les riches, &c. adoptent presque généralement cette façon de penser ; mais une grande partie du menu peuple est encore attachée au culte des idoles. Les lettrés tolerent sans peine les Mahométans, parce que ceux-ci adorent comme eux le roi des cieux & l'auteur de la nature ; mais ils ont une parfaite aversion pour toutes les sectes idolâtres qui se trouvent dans leur nation. Ils résolurent même une fois de les extirper, mais le desordre que cette entreprise auroit produit dans l'empire les empêcha ; ils se contentent maintenant de les condamner en général comme autant d'hérétiques, & renouvellent solemnellement tous les ans à Pékin cette condamnation.

LI-P ou LI-POU
(Hist. mod.) c'est ainsi qu'on nomme à la Chine la cour supérieure ou le grand tribunal, composé des premiers magistrats qui sont au-dessus de tous les mandarins & ministres de l'empire chinois. On pourroit les nommer assez justement les inquisiteurs de l'état, vu que ce tribunal est chargé de veiller sur la conduite de tous les officiers & magistrats des provinces, d'examiner leurs bonnes ou mauvaises qualités, de recevoir les plaintes des peuples, & d'en rendre compte à l'empereur, auprès de qui ce conseil réside ; c'est de ses rapports & de ses décisions que dépend l'avancement des officiers à des postes plus éminens, ou leur degradation, lorsqu'ils ont commis des fautes qui la méritent ; le tout sous le bon plaisir de l'empereur qui doit ratifier les décisions du tribunal.
Les Chinois donnent encore le nom de li-pu à un autre tribunal chargé des affaires de la religion. Voyez RITES, tribunal des.

LICHI
S. m. (Botan. exot.), fruit très-commun & très-estimé à la Chine ; je trouve son nom écrit lici, letchi, litchi, lithi, ou bien en deux syllabes séparées, li-chi, li-ci, let-chi, lit-chi, li-thi ; ce ne seroit rien, si j'en trouvois des descriptions uniformes & instructives dans les relations de nos missionnaires, mais il s'en faut de beaucoup ; la plûpart seulement s'accordent à dire, que c'est le fruit d'un arbre grand & élevé, dont les feuilles ressemblent à celles du laurier ; & que c'est aux extrémités des branches, qu'il produit ce fruit comme en grappes, beaucoup plus claires que celles du raisin, & pendant à des queues plus longues.
Le lichi est de la grosseur d'un petit abricot, oblong, mollet, couvert d'une écorce mince, chagrinée, de couleur ponceau éclatant, contenant un noyau blanc, succulent, de très-bon goût & d'une odeur de rose ; le P. Boym a fait graver la figure de ce fruit dans sa flora sinensis, mais elle ne s'accorde point avec d'autres descriptions plus modernes.
Le lichi vient dans les provinces de Canton, de Fokien, & autres provinces méridionales. Les Chinois l'estiment singulierement pour le goût & pour les qualités bienfaisantes ; car ils assurent qu'il donne de la force & de la vigueur sans échauffer, hormis qu'on n'en mange avec excès. Le P. Dentrecolles ajoute dans les lettres édifiantes, tome XXIV. qu'il en est de ce fruit comme de nos melons de l'Europe, que pour l'avoir excellent, il faut le manger sur le lieu même, & le cueillir dans son point de maturité, très-difficile à attraper, parce qu'il n'a qu'un moment favorable. Cependant comme dans tout l'empire on fait grand cas de ce fruit sec, on le laisse sécher dans sa pellicule, où il se noircit & se ride comme nos pruneaux. On en mange toute l'année par cette méthode ; on le vend à la livre, & l'on en met dans le thé pour procurer à cette liqueur un petit goût aigrelet.
Les lichi qu'on apporte à Péking pour l'empereur, & qu'on renferme dans des vases pleins d'eau-de-vie, où l'on mêle du miel & d'autres ingrédiens, conservent bien un air de fraîcheur, mais ils perdent beaucoup de la finesse, & de l'excellence de leur goût.
Le noyau du lichi un peu roti & réduit en poudre fine, passe chez les Chinois pour un spécifique contre les douleurs de gravelle & de colique néphrétique. On voit par-là, que l'on met sa confiance à la Chine, ainsi qu'en Europe, dans tous les remedes de bonnes femmes ; les maux finissent, & les remedes inutiles ou ridicules se maintiennent en crédit. (D.J.)

LINKIO
S. m. (Botan. exotiq.) plante aquatique de la Chine. Son fruit est blanc & a le goût de la châtaigne, mais il est trois ou quatre fois plus gros, d'une figure pyramidale & triangulaire ; il est revêtu d'une écorce verte, épaisse vers le sommet, & qui noircit en séchant. La plante qui le porte, croît dans les eaux marécageuses ; elle a les feuilles fort minces, & elle les répand de toutes parts, sur la surface de l'eau. Les fruits viennent dans l'eau même ; c'est du moins ce qu'en dit Hoffman dans son dictionnaire universel latin ; celui de Trévoux, a fait de ce lexicographe, un auteur anonyme qui a écrit de la Chine. (D.J.)

LIPOU
S. m. (Hist. de la Chine) le lipou, dit le pere Lecomte, est l'un des grands tribunaux souverains de l'empire de la Chine. Il a inspection sur tous les mandarins, & peut leur donner ou leur ôter leurs emplois. Il préside à l'observation & au maintien des anciennes coûtumes. Il regle tout ce qui regarde la religion, les sciences, les arts & les affaires étrangeres. Voyez LI-POU. (D.J.)

LON-YE ou LUM-YEN
s. m. (Botan. exot.) nom d'un fruit de la Chine, qui ne croît que dans les provinces australes de l'empire, à un arbre sauvage ou cultivé, lequel est de la grandeur de nos noyers. Le lon-yen est de la grosseur de nos cerises, d'une figure ronde, d'une chair blanche, aigrelette, pleine d'eau, & d'un goût approchant de celui de nos fraises. Il est couvert d'une pelure mince, lisse, d'abord grisâtre, & jaunissant ensuite, à mesure que le fruit mûrit. Les Chinois des provinces australes, & en particulier les habitans de Focheu, font la récolte de ces fruits en Juillet, & les arrosent d'eau salée pour les conserver frais ; mais ils en sechent la plus grande partie pour les transporter pendant l'hiver, dans les autres provinces, ils en font aussi du vin agréable, en les pilant, & les laissant fermenter ; la poudre des noyaux de ce fruit est d'un grand usage dans leur médecine. Plus la nature a caché le germe de ses productions, plus l'homme ridiculement fin, s'est persuadé d'y trouver la conservation de sa vie, ou du moins le remede à ses maux. (D.J.)

LY
(Hist. mod.) mesure usitée parmi les Chinois, qui fait 240 pas géométriques ; il faut dix ly pour faire un pic ou une lieue de la Chine.

MACAO
(Géog.) ville de la Chine située dans une île à l'embouchure de la riviere de Canton. Une colonie de portugais s'y établit il y a environ deux siecles, par une concession de l'empereur de la Chine, à qui la nation portugaise paie des tributs & des droits pour y jouir de leur établissement. On y compte environ trois mille portugais, presque tous métis. C'étoit autrefois une ville très-riche, très-peuplée, & capable de se défendre contre les gouverneurs des provinces de la Chine de son voisinage, mais elle est aujourd'hui entierement déchue de cette puissance. Quoiqu' habitée par des portugais & commandée par un gouverneur que le roi de Portugal nomme, elle est à la discrétion des Chinois, qui peuvent l'affamer & s'en rendre maîtres quand il leur plaira. Aussi le gouverneur portugais a grand soin de ne rien faire qui puisse choquer le moins du monde les Chinois. Longitude, selon Cassini, 130. 39'. 45''. lat. 22. 12. Long. selon les PP. Thomas & Noël, 130. 48'. 30''. lat. de même que Cassini. (D.J.)

MALEBRANCHISME
Tandis que Malebranche souffroit tant de contradictions dans son pays, on lui persuada que sa philosophie réussissoit à merveille à la Chine, & pour répondre à la politesse des Chinois, il fit en 1708 un petit ouvrage intitulé, Entretien d'un philosophe chrétien & d'un philosophe chinois sur la nature de Dieu. Le chinois prétend que la matiere est éternelle, infinie, incréée, & que le ly, espece de forme de la matiere, est l'intelligence & la sagesse souveraine, quoiqu'il ne soit pas un être intelligent & sage, distinct de la matiere & indépendant d'elle. Les Journalistes de Trévoux prétendirent que le philosophe européen avoit calomnié les lettrés de la Chine, par l'athéisme qu'il leur attribuoit.

MANDARIN
S. m. (Hist. mod.) nom que les Portugais donnent à la noblesse & aux magistrats, & particulierement à ceux de la Chine. Le mot mandarin est inconnu en ce sens parmi les Chinois, qui au-lieu de cela appellent leurs grands & leurs magistrats quan, ou quan-fu, ce qui signifie serviteur ou ministre d'un prince. Il y a à la Chine neuf sortes de mandarins ou degrés de noblesse qui ont pour marque divers animaux. Le premier a une grue, pour marque de son rang ; le second a un lion ; & le troisieme a un aigle ; le quatrieme a un paon, &c. Il y a en tout 32 ou 33 mille mandarins ; il y a des mandarins de lettres & des mandarins d'armes. Les uns & les autres subissent plusieurs examens ; il y a outre cela des mandarins civils ou de justice. Depuis que les Tartares se sont rendus maîtres de la Chine, la plûpart des tribunaux sont mi-partis, c'est-à-dire aulieu d'un président on en a établi deux, l'un tartare & l'autre chinois. Ceux de la secte de Confucius ont ordinairement grande part à cette distinction. Dans les gouvernemens qu'on leur confie, & qui sont toujours éloignés du lieu de leur naissance, pour éviter les injustices que l'amitié, la proximité du sang pourroient leur faire commettre, ils ont un vaste & riche palais ; dans la principale salle est un lieu élevé où est placée la statue du roi, devant laquelle le mandarin s'agenouille avant que de s'asseoir sur son tribunal. On a un si grand respect pour les mandarins qu'on ne leur parle qu'à genoux ; les voyageurs vantent fort leur intelligence & leur équité. Le mandarinat n'est pas héréditaire, & l'on n'y éleve que des gens habiles. Voyez LETTRES. MANDARIN (Littérat.) est aussi le nom que les Chinois donnent à la langue savante du pays. Voyez LANGUE. Outre le langage propre & particulier de chaque nation & de chaque province, il y en a un commun à tous les savans de l'empire, qui est ce qu'on appelle le mandarin, c'est la langue de la cour : les officiers publics, comme les notaires ou greffiers, les jurisconsultes, les juges, les magistrats écrivent & parlent le mandarin. Voyez CHINOIS.



MANIERE
A la Chine les enfans rendent d'extrèmes honneurs à leurs parens ; ils leur donnent sans cesse des marques extérieures de respect & d'amour : il est vraisemblable que dans ces marques extérieures, il y a plus de démonstration que de réalité ; mais le respect & l'amour pour les parens sont plus vifs & plus continus à la Chine, qu'ils ne le sont dans les pays où les mêmes sentimens sont ordonnés, sans que les lois prescrivent la maniere de les manifester. Il s'en manque bien en France, que le peuple respecte tous les grands qu'il salue ; mais les grands y sont plus respectés, que dans les pays où les manieres établies n'imposent pas pour eux des marques de respect.
Le président de Montesquieu reproche aux législateurs de la Chine d'avoir confondu la religion, les moeurs, les lois & les manieres ; mais n'est-ce pas pour éterniser la législation qu'ils vouloient donner, que ces génies sublimes ont lié entr'elles des choses, qui dans plusieurs gouvernemens sont indépendantes, & quelquefois même opposées ? C'est en appuyant le moral du physique, le politique du religieux, qu'ils ont rendu la constitution de l'état éternelle, & les moeurs immuables. S'il y a des circonstances, si les siecles amenent des momens où il seroit bon qu'une nation changeât son caractere, les législateurs de la Chine ont eu tort.
La muraille de la Chine est un de ces édifices orientaux qui figurent dans la mappemonde, & dont la description paroîtroit fabuleuse, si la muraille elle-même ne subsistoit aujourd'hui.

MAS ou MASE
s. m. (Com.) espece de petit poids dont on se sert à la Chine, particulierement du côté de Canton, pour peser & distribuer l'argent dans le négoce. Le mas se divise en dix condorins : dix mas font un tael. Voyez TAEL. Le mas est aussi en usage dans plusieurs endroits des Indes orientales ; mais sur différens piés ; il sert à peser l'or & l'argent. Dictionnaire de comm. (G)

MIAO-FSES LES
(Géog.) peuples répandus dans les provinces de Setchuen, de Koeittcheon, de Houquang, de Quangsi, & sur les frontieres de la province de Quangtong.
Les Chinois, pour les contenir, ont bâti d'assez fortes places dans plusieurs endroits, avec une dépense incroyable. Ils sont sensés soumis lorsqu'ils se tiennent en repos ; & même s'ils font des actes d'hostilité, on se contente de les repousser dans leurs montagnes, sans entreprendre de les forcer : le viceroi de la province a beau les citer de comparoître, ils ne font que ce que bon leur semble.
Les grands seigneurs Miao-fses ont sous eux de petits seigneurs, qui, quoique maîtres de leurs vassaux, sont comme feudataires, & obligés d'amener leurs troupes, quand ils en reçoivent l'ordre. Leurs armes ordinaires sont l'arc & la demi-pique. Les selles de leurs chevaux sont bien faites, & différentes des selles chinoises, en ce qu'elles sont plus étroites, plus hautes, & qu'elles ont les étriers de bois peint. Ils ont des chevaux fort estimés, soit à cause de la vîtesse avec laquelle ils grimpent les plus hautes montagnes, & en descendent au galop ; soit à cause de leur habileté à sauter des fossés fort larges. Les Miao-fses peuvent se diviser en Miao-fses soumis & en Miao-fses non soumis.
Les premiers obéissent aux magistrats chinois, & font partie du peuple chinois, dont ils se distinguent seulement par une espece de coëffure, qu'ils portent au-lieu du bonnet ordinaire, qui est en usage parmi le peuple à la Chine.
Les Miao-fses sauvages, ou non soumis, vivent en liberté dans leurs retraites, où ils ont des maisons bâties de briques à un seul étage. Dans le bas ils mettent leurs bestiaux, se logent au-dessus. Ces Miao-fses sont séparés en villages, & sont gouvernés par des anciens de chaque village. Ils cultivent la terre ; ils font de la toile, & des especes de tapis qui leur servent de couverture pendant la nuit. Ils n'ont pour habit qu'un caleçon, & une sorte de casque, qu'ils replient sur l'estomac. (D.J.)

MIENCHO
(Géog.) ville de la Chine dans la province de Suchuen, & la premiere métropole de cette province, sous le 31 degré de latitude, & plus occidentale que Péking de 12. 55. (D.J.)

MONTAGNES
Le Junnan & autres provinces de la Chine, sont situés dans un appendice de cette montagne. Le Tangut, le Thibet, la Tartarie Chinoise, toute la Tartarie russienne, y comprise la grande presqu'île de Kamtschatka, & la Sibérie & toute la côte de la mer Blanche, sont hérissées de cette même chaîne de montagnes qui, par diverses branches qu'elle jette dans la grande Tartarie, va se rejoindre à l'Imaüs.

MORDEXIN
S. m. (Médecin) c'est un mot chinois qui a passé en Médecine, par lequel on désigne une espece de cholera morbus qui est fréquente à la Chine, à Goa, & dans le Brésil, où on l'appelle mordechi.
Il y a lieu de présumer que ce remede souverain à la Chine, auroit les mêmes avantages en France ; mais la délicatesse naturelle à ses habitans, la nouveauté de ce secours, la quantité d'autres plus doux, sont des préjugés très-forts contre son usage, & qui dans les cas ordinaires méritent d'être respectés. Mais quand on a épuisé tous les remedes inutilement, qu'on est réduit à cette affreuse nécessité de voir périr des malades sans savoir de quel côté se tourner pour les secourir, je serois d'avis qu'on eut recours à un remede qui quoique cruel, l'est bien moins qu'un désespoir fatal.

MUDE
S. m. (Commerce) étoffes faites d'écorces d'arbres, qu'on fabrique à la Chine. Il y en a de plus fines les unes que les autres. Les plus fines se vendent un tail trois mas ; les plus communes un tail. Elles portent cinquante-six cobres chinoises de long, sur treize pouces de large. Elles sont propres pour le commerce de Tunquin, où l'on a quatre mas de gain sur les unes, & cinq sur les autres.

MUIGINLI
(Bot. exot.) espece de prune que les habitans de Fochen dans la Chine, appellent prunes de la belle femme. Elles sont de forme ovoïde, beaucoup plus grosses, & meilleures que nos prunes de damas. Les missionnaires qui en font de grands éloges, auroient dû décrire le prunier même. (D.J.)

MURAILLE
MURAILLE DE LA CHINE ; (Architect. ancienne) fortification de l'empire Chinois, monument supérieur par son immensité aux pyramides d'Egypte, quoique ce rempart n'ait pas empêché les Tartares Mantcheoux de subjuguer la Chine. Cette grande muraille, qui séparoit & défendoit la chine des Tartares, bâtie 137 ans avant l'ere chrétienne, subsiste encore dans un contour de 500 lieues, s'éléve sur des montagnes, descend dans des précipices, & a presque par-tout 20 de nos piés de largeur, sur plus de trente de hauteur. (D.J.)

MUSC
Les lieux de la Chine où l'on en trouve davantage sont la province de Xanxi, particulierement aux environs de la ville de Leao : la province de Suchum, celle de Hanhungfu, celle de Paoningfu, près de Kiating, & de la forteresse de Tiencinen, & dans quelques endroits de la province de Junan ; mais il n'y a point de pays où il soit plus commun que dans les royaumes de Boutan & de Tunquin.

Mentioned People (3)

Diderot, Denis  (Langres, Champagne-Ardenne 1713-1784 Paris) : Philosoph, Schrifsteller
[Diderot siehe unter Philosophie Frankreich].

Holbach, Paul Henri Thiry d'  (Edesheim bei Landau 1723-1789 Paris) : Deutsch-französischer Philosoph, Naturwissenschaftler

Jaucourt, Louis de  (Paris 1704-1779 Compiège) : Enzyklopädist, Arzt

Subjects

History : China : General / Philosophy : Europe : France

Documents (2)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 1753 Encyclopédie, ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers. Mis en ordre et publié par [Denis] Diderot et quant à la partie mathématique par [Jean-Baptiste le Rond] d'Alembert. (Paris : Briasson, 1753).
http://diderot.alembert.free.fr/C.html.
Publication / Did1
  • Cited by: Worldcat/OCLC (WC, Web)
  • Person: Alembert, Jean-Baptiste le Rond d'
  • Person: Diderot, Denis
2 1997 Roberts, J.A.G. L'image de la Chine dans l'Encyclopédie. In : Recherches sur Diderot et sur l'Encyclopédie ; vol. 22, no (1997).
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rde_0769-0886_1997_num_22_1_1378.
Publication / Did2
  • Source: Yang, Jialuo. Encyclopedia quatuor bibliothecarum. = Si ku quan shu xue dian. (Shanghai : Shi jie shu ju, 1946). (Universalis encyclopedia). [Als Vorbild benutze er die Encdyclopédie von Denis Diderot].
    四庫全書學典 (Did37, Publication)
  • Cited by: Internet (Wichtige Adressen werden separat aufgeführt) (Int, Web)