Voltaire. Histoire de l'empire de Russie sous Pierre le Grand. [ID D20017].
Voltaire pourchasse 'l'idée puérile' que les Egyptiens allèrent enseigner aux Chinois à lire et à écrire. C'est Voltaire qui a raison contre tous ceux qui s'efforçaient de nier l'originalité ou l'antiquité de la Chine : Cornelius Pauw, Athanasius Kircher, Michael Boym, Pierre Daniel Huet, John Turberville Needham ; Mairan, Jean-Jacques Dortous de. Lettres de M. de Mairan au R.P. Parrenin contenant diverses questins sur la Chine ; Guignes, Joseph de. Memoire dans lequel on preuve, que les chinois sont une colonie egyptienne [ID D1841] ; Recueil d'observations curieuses [ID D19098].
Voltaire schreibt : "L'entreprise de négocier avec la Chine semblait devoir être la plus avantageuse. Deux états immenses qui se touchent, et dont l'un possède réciproquement ce qui manque à l'autre, paraissaient être tous deux dans l'heureuse nécessité de lier une correspondance utile, surtout depuis la paix jurée solennellement entre l’empire russe et l'empire chinois."
"Voici, par exemple, comment on s'y prend aujourd'hui pour prouver que les Egyptiens sont les pères des Chinois. Un ancien a conté que l'Egpytien Sésostris alla jusqu'au Gange : or, s'il alla vers le Gange, il put aller à la Chine qui est très loin du Gange, donc il y alla ; or la Chine alors n’était point peuplée, il est donc clair que Sésostris la peupla. Les Egyptiens, dans leur fêtes, allumaient des chandelles ; les Chinois ont des lanternes, donc on ne peut douter que les Chinois ne soient une colonie d'Egypte. De plus, les Egyptiens ont un grand fleuve ; les Chinois en ont un. Enfin il est évident que les premiers rois de la Chine ont porté les noms des anciens rois d'Egypte : car, dans le nom de la famille d'Yu, on peut trouver les caractères qui, arrangés d’une autre façon, forment le mot Menès. Il est incontestable que l'empereur Yu prit le nom de Menès, roi d'Egypte, et l'empereur Ki est évidemment le roi Atoës en changeant K en a et i en toës".
Chapitre VII
Congrès et traité avec les Chinois.
"On doit d'abord se représenter quelles étaient les limites de l'empire chinois et de l'empire russe. Quand on est sorti de la Sibérie proprement dite, et qu'on a laissé lin au midi cent hordes de tartares, calmouks blancs, calmouks noirs, monguls mahométans, mongols nommés idolâtres, on avance vers le cent trenième degré de longitude, et au cinquante-deuxième de latitude sur le fleuve d'Amur ou d'Amour. Au nord de ce fleuve est une grande chaîne de montagnes qui s'étend jusqu'à la mer Glaciale par-delä le cercle polaire. Ce fleuve qui coule, l'espace de cinq cents lieues, dans la Sibérie et dans la Tartarie chinoise, va se perdre après tant de détrous dans la mer de Kamshatka. On assure qu'à son embouchure dans cette mer on pêche quelquefois un poisson monstrueux, beaucoup plus gros que l'hippopotame du Nil, et dont la mâchoire est d'un ivoire plus dur et plus parfait. On prétend que cet ivoire se fait autrefois un objet de commerce, qu'on le transportait par la Sibérie, et que c'est la raison pour laquelle on en trouve encore plusieurs morceaux enfouis dans les campagnes. C'est cet ivoire fossile dont nous avons déjà parlé ; mais on plétend qu'autrefois il y eut des éléphans en Sibérie, que des tartares vainqeurs des Indes amenèrent dans la Sibérie plusieurs de ces animaux dont les os se font conservés dans la terre.
Ce fleuve d'Amour est nommé le fleuve Noir par les Tartares mantchoux, et le fleuve du Dragon par les Chinois.
C'était dans ces pays si long-temps inconnus que la Chine et la Russie se disputaient les limites de leurs empires. La Russie possédait quelques forts vers le fleuve d'Amour, à trois cents lieues de la grande muraille. Il y eut beaucoup d'hostilités entre les Chinois et les Russes au sujet de ces forts : enfin les deux Etats entendirent mieux leurs intérêts ; l'empereur Cam-hi préféra la paix et le commerce à une guerre inutile. Il enovy sept ambassadeurs à Nipchou, l'un de ces établissemens. Ces ambassadeurs menaient environ dix mille hommes avec eux, en comptant leur escorte. C'était-là le faste asiatique ; mais ce qui est très-remarquable, c'est qu'il n'y avait point d'exemple dans les annales de l'empire d'une ambassade vers une autre puissance : ce qui est encore unique, c'est que les Chinois n'avaient jamais fait de traité de paix depuis la fondation de l'empire. Deux fois subjugués par les Tartares, qui les attaquèrent et qui les domptèrent, ils ne firent jamais la guerre à aucun peuple, excepté a quelques hordes, ou bientôt subjuguées, ou bientôt abandonnées à elles-mêmes sans aucun traité. Ainsi cette nation si renommée pou la moreale ne connaissait point ce que nous appelong 'droit des gens', c'est-à-dire ces règles incertaines de la guerre et de la paix, ces droits des ministres publics, ces formules de traités, les obligations qui en résultent, les disputes sur la préféance et le point d'honneur.
En quelle langue d'ailleurs les Chinois pouvaient-ils traiter avec les Russes au milieu des déserts ? Deux jésuites, l'un portugais nommé Pereira, l'autre français nommé Gerbillon, partis de Pékin avec les ambassadeurs chinois. Leur applanirent toutes ces difficultés nouvelles, et furent les véritables médiateurs. Ils traitèrent en latin avec un allemand de l'ambassade russe, qui savait cette langue. Le chef de l'ambassade russe était Gollovin gouverneur de Sibérie ; il étala une plus grande magnificence que les Chinois, et par-là donna une noble ifée de son empire à ceutx qui s'étaient crus les seuls puissans sur la terre. Les deux jésuites réglèrent les limites des deux dominations ; elles furent posées à la rivière der Kerbechi, près de l'endroit même où l'on négociait. Le midi resta aux Chinois, le nord aux Russes. Il n'en coûta à ceux-ci qu'une petite forteresse qui se strouva bâtie au-delà des limites ; on jura une paix éternelle ; et après quelques contestations les Russes et les Chinois la jurèrerent (aa) au nom du même Dieu en ces termes ; 'Si quelqu'un a jamais la pensée secrète de rallumer le feu de la guerre, nous prions le Seigneur souverain de toutes choses, qui connaît les cœurs, de punir ces traîtres par une mort précipitée'.
Cette formule, commune à des chinois et à des chrétiens, peut faire connaître deux choses importantes ; la première que le gouvernement chinois n'est ni athée ni idolâtre, comme on l'en a si souvent accusé par des imputations contradictoires ; la seconde que tous les peuples qui cultivent leur raison reconnaissent en effet le même Dieu, malgré tous les égaremens de cette raison mal istruite. Le traité fut rédigé en latin dans deux exemplaires. Les ambassadeurs russes signèrent les premiers la copie qui leur demeura ; et les Chinois signèrent aussi la leur des premiers, selon l'usage des nations de l'Europe qui traitent de couronne à couronne. On observa un autre usage des nations asiatiques et des premiers âges du monde connu : le traité fut gravé sur deux gros marbres qui furent posés pour servir de bornes aux deux empires. Trois ans après, le czar envoya le danois Ilbrand Ide en ambassade à la Chine, et le commerce établi a subsisité depuis avec avantage jusqu'à une rupture entre la Russie et la Chine en 1722 ; mais après cette interruption il a repris une nouvelle vigueur."
Song Shun-ching : Voltaire parle des relations entre les Russes et les Chinois ; ainsi, il signale une guerre entre les deux peuples. Dans le chapitre 'Du commerce', il consacre son attention aux avantages d'un rétablissement des échanges commerciaux entres les deux empires, et il fait ressortir l'importance du marché potentiel.
Literature : Occident : France