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“Génie du christianisme” (Publication, 1802)

Year

1802

Text

Chateaubriand, François-René de. Génie du christianisme. (Paris : Migneret, 1802). Vol. 1 : Dogmes et doctrine. Vol. 2 : Poétique du christianisme. Vol. 3 : Beaux-arts et littérature. Vol. 4 : Culte. Vol. 5 : Appendice.
http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k101356c.r=.langFR. (Chat2)

Type

Publication

Contributors (1)

Chateaubriand, François-René de  (Saint-Malo 1768-1848 Paris) : Schriftsteller, Politiker, Diplomat

Subjects

Literature : Occident : France : Prose / References / Sources

Chronology Entries (1)

# Year Text Linked Data
1 1802 Chateaubriand, François-Fené de. Génie du christianisme [ID D22989].
Er schreibt : "Le Jésuite qui partait pour la Chine, s'armait du télescope et du compas. Il paraissait à la cour de Pékin avec l'urbanité de la cour de Louis XIV, et environné du cortège des sciences et des arts. Déroulant des cartes, tournant des globes, traçant des sphères, il apprenait aux mandarins étonnés, et le véritable cours des astres, et le véritable nom de celui qui les dirige dans leurs orbites. Il ne dissipait les erreurs de la physique que pour attaquer celles de la morale ; il replaçait dans le coeur, comme dans son véritable siège, la simplicité qu'il bannissait de l'esprit ; inspirant à la fois, par ses moeurs et son savoir, une profonde vénération pour son Dieu, et une haute estime pour sa patrie."
"Lorsque les Jésuites firent paraître la correspondance connue sous le nom de Lettres édifiantes, elle fut citée et recherchée par tous les auteurs. On s'appuyait de son autorité, et les faits qu'elle contenait passaient pour indubitables. Mais bientôt la mode vint de décrier ce qu'on avait admiré. Ces lettres étaient écrites par des prêtres chrétiens : pouvaient-elles valoir quelque chose ? On ne rougit pas de préférer, ou plutôt de feindre de préférer aux Voyages des Dutertre et des Charlevoix ceux d'un baron de La Hontan, ignorant et menteur. Des savants qui avaient été à la tête des premiers tribunaux de la Chine, qui avaient passé trente et quarante années à la cour même des empereurs, qui parlaient et écrivaient la langue du pays, qui fréquentaient les petits, qui vivaient familièrement avec les grands, qui avaient parcouru, vu et étudié en détail les provinces, les moeurs, la religion et les lois de ce vaste empire, ces savants, dont les travaux nombreux ont enrichi les Mémoires de l'Académie des Sciences, se virent traités d'imposteurs par un homme qui n'était pas sorti du quartier des Européens à Canton, qui ne savait pas un mot de chinois et dont tout le mérite consistait à contredire grossièrement les récits des missionnaires. On le sait aujourd'hui, et l'on rend une tardive justice aux Jésuites. Des ambassades faites à grands frais par des nations puissantes nous ont-elles appris quelque chose que les Duhalde et les Le Comte nous eussent laissé ignorer, ou nous ont-elles révélé quelques mensonges de ces Pères ?
En effet, un missionnaire doit être un excellent voyageur. Obligé de parler la langue des peuples auxquels il prêche l'Evangile, de se conformer à leurs usages, de vivre longtemps avec toutes les classes de la société, de chercher à pénétrer dans les palais et dans les chaumières, n'eût-il reçu de la nature aucun génie, il parviendrait encore à recueillir une multitude de faits précieux. Au contraire, l'homme qui passe rapidement avec un interprète, qui n'a ni le temps ni la volonté de s'exposer à mille périls pour apprendre le secret des moeurs, cet homme eût-il tout ce qu'il faut pour bien voir et pour bien observer, ne peut cependant acquérir que des connaissances très vagues sur des peuples qui ne font que rouler et disparaître à ses yeux.
Le Jésuite avait encore sur le voyageur ordinaire l'avantage d'une éducation savante. Les supérieurs exigeaient plusieurs qualités des élèves qui se destinaient aux missions. Pour le Levant, il fallait savoir le grec, le copte, l'arabe, le turc, et posséder quelques connaissances en médecine ; pour l'Inde et la Chine, on voulait des astronomes, des mathématiciens, des géographes, des mécaniciens ; l'Amérique était réservée aux naturalistes [Voyez les Lettres édifiantes et l'ouvrage de l'abbé Fleury sur les qualités nécessaires à un missionnaire]. Et à combien de saints déguisements, de pieuses ruses, de changements de vie et de moeurs n'était-on pas obligé d'avoir recours pour annoncer la vérité aux hommes ! A Maduré, le missionnaire prenait l'habit du pénitent Indien, s'assujettissait à ses usages, se soumettait à ses austérités, si rebutantes ou si puériles qu'elles fussent ; à la Chine, il devenait mandarin et lettré ; chez l'Iroquois, il se faisait chasseur et sauvage. Presque toutes les missions françaises furent établies par Colbert et Louvois, qui comprirent de quelle ressource elles seraient pour les arts, les sciences et le commerce. Les pères Fontenay, Tachard, Gerbillon, Le Comte, Bouvet et Visdelou, furent envoyés aux Indes par Louis XIV : ils étaient mathématiciens, et le roi les fit recevoir de l'Académie des Sciences avant leur départ."
"La Chine nous fut connue comme la France ; nous eûmes les manuscrits originaux et les traductions de son histoire ; nous eûmes des herbiers chinois, des géographies, des mathématiques chinoises ; et pour qu'il ne manquât rien à la singularité de cette mission, le père Ricci écrivit des livres de morale dans la langue de Confucius et passe encore pour un auteur élégant à Pékin."
"Si la Chine nous est aujourd'hui fermée, si nous ne disputons pas aux Anglais l'empire des Indes, ce n'est pas la faute des Jésuites, qui ont été sur le point de nous ouvrir ces belles régions. Ils avaient réussi en Amérique, dit Voltaire, en enseignant à des sauvages les arts nécessaires ; ils réussirent à la Chine en enseignant les arts les plus relevés à une nation spirituelle."
"Si tu pouvois, par un seul désir, tuer un homme à la Chine, et hériter de sa fortune en Europe, avec la conviction surnaturelle qu'on n'en sauroit jamais rien, consentirois-tu à former ce désir ? J'ai beau m'exagérer mon indigence ; j'ai beau vouloir atténuer cet homicide, en supposant que, par mon souhait, le Chinois meurt tout à coup sans douleur, qu'il n'a point d'héritier, que même à sa mort ses biens seront perdus pour l'état ; j'ai beau me figurer cet étranger comme accablé de maladies et de chagrins ; J'ai beau me dire que la mort est un bien pour lui, qu'il l'appelle lui-même, qu'il n'a plus qu'un instant à vivre : malgré mes vains subterfuges, j'entends au fond de mon coeur une voix qui crie si fortement contre la seule pensée d'une telle supposition, que je ne puis douter un instant de la réalité de la conscience."
  • Person: Chateaubriand, François-René de

Cited by (1)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 2007- Worldcat/OCLC Web / WC