# | Year | Text |
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1 | 1912 |
John Barr Affleck wird Vize-Konsul der britischen Gesandtschaft in Beijing.
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2 | 1912-1916 |
Alwyne George Neville Ogden ist Dolmetscher-Schüler der britischen Gesandtschaft in Beijing.
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3 | 1912-1919 |
Vincenzo Filetti ist Konsul in Tianjin.
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4 | 1912-1913 |
George C. Hanson ist Vize-Konsul und handelnder Konsul des amerikanischen Konsulats in Yantai.
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5 | 1912 |
Segalen, Victor. Notes bibliophiliques sur l'édition de 'Stèles' [ID D21836].
Qin Haiying : Le volume entier est composé d'un long papier imprimé d'un seul côté, non découpé, mais plié en 'portefeuille', toute page tournée soulevant la suivante. Avec ce mode de pliage, Stèles ne ressemble pas à la forme la plus courante du livre classique chinois, mais rejoint celle qu'on utilisait pour des albums d'estamages de stèles ou des tirages lithographiques. Segalen explique, que c'est le seul mode de reliure qui convient à son recueil 'en raison du parti pris : Stèles. |
6 | 1912 |
Segalen, Victor. [Essai sur la peinture chinoise].
Qin Haiying : Segalen avait envisagé, de rédiger un essai d'érudition sur la peinture chinoise. De ce projet initial, il n'a laissé qu'un brouillon inédit dans lequel il s'interroge notamment sur l'origine de la peinture chinoise ; il estime que, par-delà les peintures 'calligraphique', 'bouddhiste' et 'taoïste', trois catégories qu'il reconnaît à la pleine peinture chinoise. |
7 | 1912 |
Segalen, Victor. Stèles [ID D2937].
Die erste Auflage von 1912 ist Paul Claudel gewidmet : "Ma liberté de vous dédier Stèles serait inexcusable si je ne l'avais depuis longtemps considéré comme un devoir de fidélité envers vous. Je vous prie, Maitre, d'accueillir en très profond hommage toute ma reconnaissance lointaine pour vos oeuvres, dont je me nourris ici, et pour vous." Segalen schreibt im Vorwort : "Elles sont des monuments restreints à une table de pierre, haut dressée, portant une inscription. Elles incrustent dans le ciel de Chine leurs fronts plats. On les heurte à l'improviste : aux bords des routes, dans les cours des temples, devant les tombeaux. Marquant un fait, une volonté, une présence, elles forcent l'arrêt debout, face à leurs faces. Dans le vacillement délabré de l'Empire, elles seules impliquent la stabilité. Épigraphe et pierre taillée, voilà toute la stèle, corps et âme, être au complet. Ce qui soutient et ce qui surmonte n'est que pur ornement et parfois oripeau. Le socle se réduit à un plateau ou à une pyramide trapue. Le plus souvent c'est une tortue géante, cou tendu, menton méchant, pattes arquées recueillies sous le poids. Et l'animal est vraiment emblématique ; son geste ferme et son port élogieux. On admire sa longévité : allant sans hâte, il mène son existence par-delà mille années. N'omettons point ce pouvoir qu'il a de prédire par son écaille, dont la voûte, image de la carapace du firmament, en reproduit toutes les mutations : frottée d'encre et séchée au feu, on y discerne, clairs comme au ciel du jour, les paysages sereins ou orageux des ciels à venir. Le socle pyramidal est aussi noble. Il représente la superposition magnifique des éléments : flots griffus, à la base ; puis rangées de monts lancéolés ; puis le lieu des nuages, et sur tout, l'espace où le dragon brille, la demeure des Sages Souverains. — C'est de là que la Stèle se hausse. Quant au faîte, il est composé d'une double torsade de monstres tressant leurs efforts, bombant leurs enchevêtrements au front impassible de la table. Ils laissent un cartouche où s'inscrit la dévolution. Et parfois dans les Stèles classiques, sous les ventres écailleux, au milieu du fourmillement des pattes, des tronçons de queues, des griffes et des épines : un trou rond, aux bords émoussés, qui transperce la pierre et par où l'œil azuré du ciel lointain vient viser l'arrivant. Sous les Han, voici deux mille années, pour inhumer un cercueil, on dressait à chaque bout de la fosse de larges pièces de bois. Percées en plein milieu d'un trou rond, aux bords émoussés, elles supportaient les pivots du treuil d'où pendait le mort dans sa lourde caisse peinte. Si le mort était pauvre et l'apparat léger, deux cordes glissant dans l'ouverture faisaient simplement le travail. Pour le cercueil de l'Empereur ou d'un prince, le poids et les convenances exigeaient un treuil double et par conséquent quatre appuis. Mille années avant les Han, sous les Tcheou, maîtres des Rites, on usait déjà du mot « Stèles » mais pour un attribut différent, et celui-là sans doute original. Il signifiait un poteau de pierre, de forme quelconque mais oubliée. Ce poteau se levait dans la grand'salle des temples, ou en plein air sur un parvis important. Sa fonction : « Au jour du sacrifice, dit le Mémorial des Rites, le Prince traîne la victime. Quand le cortège a franchi la porte, le Prince attache la victime à la Stèle." (Afin qu'elle attende paisiblement le coup.) C'était donc un arrêt, le premier dans la cérémonie. Toute la foule en marche venait buter là. Tout les pas encore s'arrêtent aujourd'hui devant la Stèle seule immobile du cortège incessant que mènent les palais aux toits nomades. Le Commentaire ajoute : "Chaque temple avait sa stèle. Au moyen de l'ombre qu'elle jetait, on mesurait le moment du soleil." Il en est toujours de même. Aucune des fonctions ancestrales n'est perdue : comme l'œil de la stèle de bois, la stèle de pierre garde l'usage du poteau sacrificatoire et mesure encore un moment ; mais non plus un moment de soleil du jour projetant son doigt d'ombre. La lumière qui le marque ne tombe point du Cruel Satellite et ne tourne pas avec lui. C'est un jour de connaissance au fond de soi : l'astre est intime et l'instant perpétuel. Le style doit être ceci qu'on ne peut pas dire un langage car ceci n'a point d'échos parmi les autres langages et ne saurait pas servir aux échanges quotidiens : le Wên. Jeu symbolique dont chacun des éléments, capable d'être tout, n'emprunte sa fonction qu'au lieu présent qu'il occupe ; sa valeur à ce fait qu'il est ici et non point là. Enchaînés par des lois claires comme la pensée ancienne et simples comme les nombres musicaux, les Caractères pendent les uns aux autres, s'agrippent et s'engrènent à un réseau irréversible, réfractaire même à celui qui l'a tissé. Sitôt incrustés dans la table, — qu'ils pénètrent d'intelligence, — les voici, dépouillant les formes de la mouvante intelligence humaine, devenus pensée de la pierre dont ils prennent le grain. De là cette composition dure, cette densité, cet équilibre interne et ces angles, qualités nécessaires comme les espèces géométriques au cristal. De là ce défi à qui leur fera dire ce qu'ils gardent. Ils dédaignent d'être lus. Ils ne réclament point la voix ou la musique. Ils méprisent les tons changeants et les syllabes qui les affublent au hasard des provinces. Ils n'expriment pas ; ils signifient ; ils sont. Leur graphie ne peut qu'être belle. Si près des formes originales, (un homme sous le toit du ciel, — une flèche lancée contre le ciel, — le cheval, la crinière au vent, crispé sur ses pattes, — les trois pics d'un mont ; le cœur, et ses oreillettes, et l'aorte), les Caractères n'acceptent ni l'ignorance ni la maladresse. Pourtant, visions des êtres à travers l'œil humain, coulant par les muscles, les doigts, et tous ces nerveux instruments humains, ils en reçoivent un déformé par où pénètre l'art dans leur science. — Aujourd'hui corrects, sans plus, ils étaient pleins de distinction à l'époque des Yong- tcheng ; étirés en long sous les Thang, larges et robustes sous les Han ; ils remontaient combien plus haut, jusqu'aux symboles nus courbés à la courbe des choses. Mais c'est aux Han que s'arrête l'ascendance de la Stèle. Car la table aveugle des caractères a l'inexistence ou l'horreur d'un visage sans traits. Ni ces tambours gravés ni ces poteaux informes ne sont dignes du nom de Stèle ; moins encore l'inscription de fortune qui, privée de socles et d'espace et d'air quadrangulaire à l'entour, n'est plus qu'un jeu de promeneur fixant une historiette : bataille gagnée, maîtresse livrée, et toute la littérature. La direction n'est pas indécise. Face au midi si la Stèle porte les décrets ; l'hommage du Souverain à un Sage ; l'éloge d'une doctrine ; un hymne de règne ; une confession de l'Empereur à son peuple ; tout ce que le Fils du Ciel siégeant face au midi a vertu de promulguer. Par déférence, on plantera droit au nord, pôle du noir vertueux, les Stèles amicales. On orientera les amoureuses, afin que l'aube enjolive leurs plus doux traits et adoucisse les méchants. On lèvera vers l'ouest ensanglanté, palais du rouge, les guerrières et les héroïques. D'autres, Stèles du bord du chemin, suivront le geste indifférent de la route. Les unes et les autres s'offrent sans réserve aux passants, aux muletiers, aux conducteurs de chars, aux eunuques, aux détrousseurs, aux moines mendiants, aux gens de poussière, aux marchands. Elles tournent vers ceux-là leurs faces illuminées de signes ; et ceux-là, pliés sous la charge ou affamés de riz et de piment, passent en les comptant parmi les bornes. Ainsi, accessibles à tous, elles réservent le meilleur à quelques-uns. Certaines, qui ne regardent ni le sud ni le nord, ni l'est ni l'occident, ni aucun des points interlopes, désignent le lieu par excellence, le milieu. Comme les dalles renversées ou les voûtes gravées dans la face invisible, elles proposent leurs signes à la terre qu'elles pressent d'un sceau. Ce sont les décrets d'un autre empire, et singulier. On les subit ou on les récuse, sans commentaires ni gloses inutiles, — d'ailleurs sans confronter jamais le texte véritable : seulement les empreintes qu'on lui dérobe. Sekundärliteratur 1975 Eva Kushner : In Stèles, stone comes to life, while life lends itself to the stilness and silidity of stone so that its message will endure ; once more Segalen's poetry, in what is considered his best work, feeds upon a tao-like paradox. The imaginary sculpture assumes the formal rigour of those poetic genres which are limited and disciplined by their brevity. With its phonic qualities it also constantly appeals to the visual, but only to negate it. The symbolic, rather than the anecdotic, is stressed. There is no attempt to ‘transpose’ sculpture. The poem is to the real monument as a sign to meaning. The stele exists because through it the self becomes abolished : "Pour atteindre l’être, le cinquième, Centre et Milieu. Qui est moi. Perdre le midi quotidien". 1986 Wolfgang Geiger : Segalens Stèles sind in verschiedener Hinsicht repräsentativ für sein Exotismusverständnis und seine Haltung zum alten und neuen China. Die Form dieser Gedichte hat er den Inschriften altchinesischer Grabstelen enlehnt. Ihre Erstveröffentlichung ein Jahr nach dem Sturz der Monarchie machen sie zur symbolischen Grabstele des alten China, dem letzten Land, in dem Segalen noch die Behauptung des Autochthonen gegen den Zugriff der Kolonialmächte sah. Sein archäologisches Interesse an der Ausgrabung der alten, von den zeitgenössischen Chinesen vergessenen Monumente geht mit der ästhetischen Rekonstruktion der geistigen Welt des alten China einher. Eine Stele, die dem in bsonderer Weise gerecht wird, ist die von ihm zuletzt verfasste 'Table de sagesse'. Von einer Anekdote bezüglich eines Traums des Kaisers U-ting aus den chinesischen Geschichtsbüchern ausgehend, hat Segalen in mehreren Versionen etappenweise den konkreten Bezug eliminiert und die Aussage verallgemeinert. Das im Feld untergehende Steinmonument versinnbildlicht die Lage Chinas, wie Segalen sie vorfang, beziehungsweise, wie er sie wertete. Dem entspricht der Weise, der unerkannt unter dem gemeinen Volk lebt. Dass der Fürst nach ihm suchen lässt um ihn in seine Verwaltung zu berufen, ist nicht nur eine historische Vorlage für dieses Gedicht, sondern war in China immer wiederkehrende Praxis. Das Thema des sich der Macht verweigernden Philosophen ist also sehr politisch. Am weitesten gingen darin die Taoisten mit ihrer radikalen Kritik an Staat und Zivilisation. Der chinesische Epigraph, den Segalen jeder Stele beigesellt hat, ist das Zitat über Liezi : 'Niemand kennt ihn'. 1988 / 1993 Yvonne Y. Hsieh : The main sources of inspiration for Segalen are bilingual editions of classical Chinese texts by Séraphin Couvreur and Léon Wieger. The image of China presented in Stèles is a rich and complex one, since Segalen draws on Chinese history, legends, myths, religion, literature, philosophy, architecture, social customs, political tradtitions, and human relations. The first part of the poems introduces us to the functions and forms of traditional Chinese steles. A stele serves to honour sages, enumerate the righteous, sing praises of noble, virtuous men. The seond part announces the poet’s own choice of subjects in composing his personal steles. Instead of describing real people and epochs, Segalen proposes to write about thins not yet said or accomplished. He is not attempting a mere translation of Chinese texts or to present the Chinese world in its real historical past or actual state. He is concentrated on potential sayings, edicts, and events. Even as he denies the real Chinese world, his language exudes a distinctive Chinese flavour. The third part returns to the real Chinese world with a lengthy enumeration of the major dynasties. The fourth part includes personal reign of every man over himself. 1990 Anne-Marie Grand : L'influence du chinois sur l'écriture de Segalen a beaucoup été glosée, mais a longtemps été négligé ce fait patent qu'il écrit en français pour des lecteurs français. Il conviendrait de reconsidérer l'introduction des caractères dans Stèles. Les épigraphes de ce recueil ont souvent été remaniées pour des raisons esthétiques (effets de miroirs, en particulier) et si l'effort de traduction nécessaire pour en atteindre le sens enrichit la lecture, il ne faut sans doute pas oublier pour autant la dédicace à Claudel, ingnorant le chinois. Stèles renoue la trame des mots impériaux. De nombreux poèmes reprennent la thématique déjà explorée dans Le fils du ciel. La structure est bien connue qui ordonne soixante-quatre poèmes selon les cinq orients de la tradition chinoise : est-sud-ouest-nord-centre, en réintroduisant l'axialité occidentale dans l'opposition association du sud au nord, de l'est à l'ouest et en brisant la continuité d'un groupe de huit poèmes rassemblés sous le titre 'Stèles du bord du chemin'. Les 'Stèles du midi' rassemblent la trajectoire d'un Empereur, parangon de l'homme qui va, déprotégé de ses dieux, vers une mort, clôture et origine, dont la méditation du poète aux tombeaux des Qing puis des Ming avait suggéré les grandes lignes, conservées dans la première version, en prose de 'Décret'. Au sud, pouvoir sur soi et solitude, succède le Nord où se rangent les stèles consacrées à l'amitié, comme l'Est recevra les stèles élevées à l'amour, pour des raisons échappant, explicitement du moins, à la théorie chinoise des orients. Les stèles de l'amitié sont orientées vers le Nord puisque nouées à la mort. Stèles offre dans chacune de ses parties une progression valide en soi quoique jouant son rôle dans l'itinéraire global conduisant au plus secret du moi, là où dans les miroitements de la fantaisie et de la terreur, quelqu'un dit 'Je'. De 'Décret' tout entier écrit sur le monde négatif jusqu'à la 'Stèle du chemin de l'âme' ouvrant une nouvelle fois la route de la tombe dans son écriture inversée ; de 'Vampire' qui dans la nuit, narre la relation interdite avec celui, ni vivant, ni mort. 1996 Elisabeth Démiroglou : Cette étude entend présenter une lecture de Stèles de Victor Segalen, qui se fonde à la fois sur les faits et sur les considérations philosophiques et psychanalytiques, la stèle constituant une forme libidinale par où se manifeste l'interrogation essentielle de Segalen sur le monde et sur lui-même. Le dialogue ainsi établi entre une pensée, une psychologie et une écriture thématico-pulsionnelle avait déjà été suggéré par des observations antérieures. On trouvera une tentative pour appréhender une pente d'écriture dans son tissu le plus fin, avec des commentaires détaillés sur l'ordre secret des configurations sensorielles et à travers le trajet d'un imaginaire que peuvent revendiquer plusieurs disciplines différentes : médecine, archéologie, ethnologie, sinologie, navigation, poésie, prose, peinture, musique, aventure. Les propos de Segalen lui-même, dans la conclusion d'Équipée, résument tout son itinéraire : "Dans ces centaines de rencontres quotidiennes entre l'Imaginaire et le Réel, j'ai été moins retentissant à I'un d'entre eux, qu'attentif à leur opposition". Segalen poursuit avec le lecteur de ligne en ligne - comme de poème en poème - une conversation tissée de silences et de demi-mots d'où surgit le plus profond - et le plus grave - de son être. L'herméneutique allégorique répond ainsi fort bien à la fiction chinoise de 'Stèles', puisqu'un des procédés les plus remarquables de la littérature chinoise consiste à donner à des expressions et des proverbes connus des applications particulières toujours nouvelles. C'est dire que leur signification reste toujours ouverte et leur pouvoir de suggestion intense. Leur valeur réside ainsi moins dans les mots eux-mêmes que dans les sous-entendus qu'on y implique. C'est un véritable exercice psychologique imposant, une gymnastique perpétuelle de l'esprit. Sous le couvert de la fiction chinoise, l'allégorie invite Segalen à lui rendre son prestige effacé, tout en lui laissant la possibilité de traduire son monde intérieur dans cette "route vers l'impossible". Cependant 'Stèles' diffère des autres oeuvres de Segalen en ce qu'il nécessite un acte visuel de la part du lecteur, prouvant que "la part d'exprimé et d'inexprimé, ainsi que les formes d'expression et leurs nuances, dépendent très subtilement des circonstances qui ont entouré la création du poème". Les soixante-quatre stèles qui s'érigent verticalement sur les soixante-quatre cases de l'échiquier montrent que l'ordre de l'érection monumentale fait contrepoids, comme une compensation au vertige vertical de la fouille ; et si la stèle est un 'moment chinois', la souffrance qu'elle impose est féconde, car "pour qui sait voir, la Licorne est partout présente. Il n'est que d'ajuster son regard. L'essentiel est moins dans le spectacle que dans l'interprétation du spectacle". On peut affirmer que 'Stèles' d'une part s'efforce de montrer le refus de l'insertion sociale, idée qui parcourt d'ailleurs toute l'oeuvre de Segalen ; de l'autre, il radicalise le souci de l'artiste de découvrir dans un paysage, sous une morphologie géographique précise, une structure profonde. L'univers de la pierre, métaphore excellente de la minéralité, révèle une image de stabilité, proposant de la sorte une littérature d'affirmation qui renoue les relations rompues entre l'homme et le monde. Segalen devait, non pas se laisser prendre à l'histoire, mais la déborder, saisir dans le récit l'allusion, l'ellipse possible, l'allégorie et l'ineffable. Il s'est inspiré des textes sans cesser de les trahir, en leur prêtant une richesse insoupçonnée de tous, la sienne propre. Ils n'ont été pour lui que les négatifs du poème, des clichés sans images que la grâce poétique développait le temps d'un éclair. Il éprouva sans doute les joies merveilleuses à distinguer dans les chroniques de l'Empire de Chine les chroniques de l'Empire du sol, et c'est le souvenir de ces joies qu'il s'achame à fixer par les ruses du langage et la subtilité des réticences. Il s'agit des monuments réels, d'une réalité extra-linguistique, que celui qui parle désigne comme existante, qui continueraient d'exister, si l'on cessait d'en parler et qui servent de référent au discours. Il s'agit, en d'autres termes, d'une oeuvre que régit, du début à la fin, une stratégie d'ensemble et non d'une succession de poèmes dont chacun exercerait sa fascination propre. La stèle avec son idéogramme est un signe d'activité, d'être, de vie et de mort. La stèle représente pour Segalen la matérialité et la rêverie que l'accompagne, le jeu du hasard et de la nécessité, du volontaire et de l'involontaire, de la vie nerveuse et affective des objets, la relation monde extérieur - oeil et musique intérieure - âme. La stèle chinoise est le lieu du présent qui conjugue simultanément deux activités contraires : la référence à la civilisation antique et la rêverie de l'imaginaire qui transcende la réalité matérielle. Segalen est beaucoup plus sensible au contraste des différents objets qu'aux objets eux-mêmes. Le Réel n'a jamais plus de saveur et de valeur que dans la confrontation des différences. La beauté est moins dans la plaine ou la montagne que dans le passage de la plaine à la montagne. Cette phénomène implique que la beauté des choses n'est pas uniquement dans les choses, mais dans le rapport d'opposition qu'on établit entre elles. La sensation du Divers suppose une opération intellectuelle, et par là même exclut du domaine de l'art la pure et simple reproduction du réel. Du premier au dernier poème, les circonstances extérieures changent et, par conséquent, le sujet du poème varie ; mais son réseau d'associations ne change nullement et l'étude des textes révèle que la solidité de la stèle est une faire-semblant qui cache une fragilité foncière, de la même façon que "l'écriture de l'inconscient suppose tout à la fois l'ancrage et la dérive". Le monde réel, comme le monde imaginaire, cache dans son épaisseur des sens multiples et, à mesure que la perspective critique s'enrichit, ces sens se déplacent. Les procédés structuraux permettent au poète, de passer du Réel à l'Imaginaire, procurent les moyens de percevoir l'indicible, l'invisible, l'inouï, tout en indiquant l'inquiétude personnelle de la faille, de la chute. La poésie de Segalen s'inscrit dans la tradition de ceux qui ont fait au XIXe siècle de la poésie française un moyen de connaissance : connaissance de soi, mais aussi tentative continuelle d'accès aux suprêmes vérités, évitant toutefois l'idéalisme subjectif de certains symbolistes. Bien loin de rejeter la tentation de l'inconnaissable, les 'Stèles' fournissent les moyens d'explorer le mystère de l'Etre, et la vie spirituelle de Segalen tient dans cette marche sans espoir, dans cette quête vers le domaine interdit de la transcendance. 2000 Marc Gontard : A Pékin 1910, après avoir lu Havret, Henri. La stèle chrétienne de Si-ngan fou [ID D6859], que l'idée vient à lui d’en tirer un modèle littéraire. Mais son intérêt pour la stèle rmonte aux tout premiers jours de son arrivée, lorsqu'il visite les tombeaux Ming de Nanjing. Il photographie une stèle au Temple de la Grosse Cloche et un autre cliché de l'entrée de Ping-leang-fou, montre au premier plan une stèle monumentale. Le temple confucéen de Houa-yin-miao, il visite avec 'une grande émotion' une cour 'peuplée de stèles' dont il emportera des estampages réalisés par les moines. C'est là qu'il écrit ses premières notes sur les caractères chinois. A Si-ngan-fou, deux missionnaires franciscains l'emmènent visiter le Pei-lin, la célèbre 'Forêt des tablettes' qui comporte 11'000 stèles. Il y découvre la stèle nestorienne étudiée par Havret : il écrit à sa femme 'Vénérable et beau' et il affirme son intention d'écrire un 'Essai sur les caractères' : 'Il faut révéler cette sorte d’art – ni peinture ni littérature, vraiment inconnu à l'Europe'. 2001 http://www.steles.net/page.php?p=75 [ID D2937]. Pierre-Jean Remy considère qu'il est un contresens majeur à faire sur la lecture des Stèles : celui de croire que Segalen est un poète de la Chine, qu'il en est l'interprète ou qu'il s'en est directement inspiré. Selon l'auteur de la préface à l'édition NRF Gallimard, Segalen s'est servi de ce qu'il trouvait en Chine comme de matériau de construction pour exprimer ce qu'il avait à dire. Le poète parle de moule dans lequel il a fondu son art. Mais quel est ce moule ? Segalen l'explique dans son avant-propos. 'Sous les Han, voici deux mille années', les stèles étaient des montants destinés à faciliter la mise en terre des cercueils. On y inscrivait des commentaires en guise d'oraison funèbre. Elles sont maintenant des plaques de pierre, montées sur un socle, dressées vers le ciel et portant une inscription. Leur orientation est significative. Les stèles donnant au sud concernent l'Empire et le pouvoir, celles vers le nord parlent d'amitié, celles vers l'est d'amour, les stèles vers l'ouest concernent les faits militaires. Plantées le long du chemin, elles sont adressées à ceux qui les rencontrent, au hasard de leurs pérégrinations ; les autres, pointées vers le milieu, sont celles du moi, du soi... A chaque partie correspond un idéogramme chinois, et une phrase en chinois est portée en tête de chaque poème. 2003 Qin Haiying : De toutes les particularités de Stèles, la plus frappante est la présence des épigraphes chinoises en tête des poèmes français. Le lecteur francophone non sinisant peut lire les poèmes, et se laisser impressionner par l'exotisme visuel des idéogrammes, comme le voulait dans doute l'auteur lui-même qui s'adressait surtout 'aux lettrés d'Extême-Occident'. Mais si ce lecteur est sinisant, il ne lui suffit certainement plus de voir les épigraphes comme calligraphie, il lui faut encore les lire comme texte. D'ailleurs, le titre chinois du livre : Gu jin bei lu, plus précis que le titre français, fait entendre déjà que le vrai jeu auquel le lecteur est invité réside dans les rapports de sens variés qui relient les 'stèles anciennes', épigraphes chinoises, et les stèles 'd'aujourd’hui', poèmes français, comme les deux parties d'un même texte pluriel. Selon Segalen lui-même, les caractères chinois de Stèles jouent un rôle d'orientation pour l'interprétation de ses poèmes : 'Parfois empruntés aux Livres, aux Histoires ou aux Annales apocryphes, ils ont déterminé la Stèle qui les suit. Le plus souvent ils furent composés pour illustrer de leurs allusions anciennes ces poèmes d'aujourd'hui.' Stèles relèvent de quatre catégories, selon leur provenance ; les premières, une trentaine, sont extraites des éditions bilingues des oeuvres classiques chinoises traduites par Léon Wieger et Séraphin Couvreur, leurs allusions historiques et littéraires sont assez précises ; les deuxièmes, une dizaine, sont des expressions chinoises courantes ou figées (clichés, proverbes, noms propres, formules rituelles) ; le troisième groupe d'épigraphes, au nombre de trois, provient directement de vraies stèles de pierre. Enfin dix-huit épigraphes environ sont écrites par Segalen lui-même grâce à sa connaissance du chinois classique. S'il éprouve le besoin de s'écarter de la référence chinoise et d'inventer son propre chinois, c'est que son poème contient dans ce cas une pensée trop personnelle, trop occidentale, à laquelle aucune citation chinoise ne convient, de quelque manière que ce soit. C'est surtout le cas des seize poèmes ajoutés à l'édition de 1912. Il s'agit souvent des poèmes sans source chinoise et dont le contenu est entièrement personnel. La stèle, d'origine chinoise, est ici occidentalisée, devenue 'poème-stèle' de Segalen. Cette oeuvre ni chinoise ni occidentale, à la fois chinoise et occidentale, est sans doute étrangère et nouvelle pour l'Occidental aussi bien que pour l'Oriental. Le lecteur, qu'il soit occidental ou oriental, pour l'évaluer, doit adopter des critères qui ne sont pas ceux de sa propre tradition. Le vrai goût de Segalen n'est ni dans la nostalgie du passé, ni dans la recherche archéologique. La culture chinoise est pour lui non un savoir, mais une sagesse. Elle n’est pas un objet de connaissance, mais un stimulant de l'inspiration, une illumination, un symbole, qui lui offre de nouvelles images, lui ouvre de nouvelles pistes de réflexions. Il n'avait pas à chercher une connaissance parfaite ou une compréhension totale, il n'avait pas à s'identifier, il n'avait qu'à sentir. Il avait brisé les barrières et les frontières préétablies pour accéder à une nouvelle communication entre matière et esprit. La stèle lui révèle une forme, les Quatre livres et les Cinq canons lui révèlent une langue, dans lesquels il ne prélève que des fragments capables d'activer ses pensées. Les citations tronquées et ses interprétations éloignées du contexte donnent au lecteur chinois l'impression de rencontrer un texte nouveau. Alors que le sens canonique du texte original n'est plus reconnaissable, le nouveau sens qu'il lui prête se fait encore plus obscur. 2008 Haun Saussy : Each page is a 'stèle' of its own, a visual composition on a plane surface with edges and further outlined with a thin black border. At the top of the page, nexte to the French title of the poem, are a few Chinese characters with the look of epigraphs or alternate titles : these usually give the generative kernel of the poem in a quotation from Chinese inscriptions, histories, or classical literary works, and are untranslated in Segalen's original editions. In the transformation of Stèles into a mass-market book, a technological distinction preserves the difference between Chinese and French text, for the French text of any later copy may have been set in various typefaces under differing technical dispensations, but the Chinese text will have been reproduced as a picture, that is, as a visual bloc without undergoing analysis and restitution at the hands of a typist or proofer. The technological division of the page between areas of word and 'image' corresponds to a division of intellectual labor in the minds of the book's most likely potatial readers. For many, the Chinese characters at the head of each poem are fine-looking decorations and signs of 'chineseness', to be glanced at rather than read. The part of the poem that remains most unchanged by the successive editions and interpretations that may overlay it is the part that is, for most of Segalen's audience, unreadable. The Chinese text-block is 'material' in the medieval logicians' sense of the word, that is, as a quotation taken over without interpretation. The preface describes writing as inscription, as object. In the China Segalen knew from his travels, inscribed tablets of stone were familiar monuments, commemorating places and events with appropriately classical language, official signatures, and dynastic dates. The poem collection Stèles is modeled on Chinese anthologies of monumental writing, as its rather conventional Chinese subtile indicates : Gu jin bei lu (Transcriptions of stèles, ancient and modern). The character in which stèles ought to be written are, for Segalen, anything but mobile. They aspire to the solidity of natural facts. Segalen's written stèles will emerge from an evocation, perhaps an emulation, of these stones. He defines the absolute writing of the stele through a series of negations : it is not temporal writing, not voiced writing, not information. A stele always faces the same direction and readers must turn toward it. And yet Segalen also sets up a class of 'Stèles du milieu', one that breaks with the established pattern, despite the good qualifications of the Center as a traditional member of the five Chinese cardinal directions. Segalen reads many of his stèles as abbreviated architecture, walls without roofs, stones without surrounds. His experiment with translation reaches in several directions that should be integrated into the ordinary description of cultural contact. For reading between civilizations occurs in just the way, on multiple planes of form and content, intersecting via misprision, antipathy, and rivalry, in any case never adding up to recognition, equivalency, reduplication, or what some would term 'intercultural understanding'. Decades before the philosophical ladders of deconstruction were laid against that particular wall, Segalen is led through his program of unfaithful translations to explore the athematic or asemantic dimensions of writing and to confront the ways in which poetic writing is 'Chinese'. |
8 | 1912 |
Gautier, Judith ; Loti, Pierre. La fille du ciel [ID D22189].
Pierre Loti nimmt 1912 an der Aufführung von La fille du ciel = The dauther of heaven im Century Theatre in New York teil. Sie schreiben im Vorwort : "Des rumeurs, mais combien contradictoires, couraient sur la personnalité de cet invisible empereur Kouang-Su, gardé en tutelle, comme captif au fond de ses palais, et si inconnu de tous. Les uns le diaient bienveillant, lettré, curieux de choses modernes. Les autres le représentaient comme faible d'esprit et de corps, livré à tous les excès et incapable d'agir." Loti schreibt 1912 im Journal intime : Vendredi 25 avril Rochefort. Déjeuner dans la grande salle pour les Américains qui montent la Fille du Ciel. – Et me font promettre de partir à l'automne pour New Yorik. Mardi 14 mai Rochefort. Le soir arrivent les sept américains qui veulent m'entraîner à New York, pour la Fille du Ciel. Mercredi 15 mai Ils déjeunent chez moi, tous les sept, passent la journée à dessiner des décors, des costumes. Dans le salon bleu, je leur lis le nouveau 1er tableau de la pièce, qui les ravit. Le soir, ils s'en vont, je retrouve la solitude et la paix." Er schreibt später : "J'ai accepté de me rendre à New York pour les répétitions et je tiendrai parole, bien que la traversée de l'Atlantique sur un bâtiment du commerce ne me sourit guère. J'ai été habitué à avoir mon équipage autour de moi, sur mon bateau à moi, et je me sentirai terriblement solitaire sur ce vapeur inconnu." Loti ergänzt am Schluss des Stückes, wie der Kaiser seinen Traum ausdrückt : "Mes ancêtres ont gouverné par la conquête et la terreur ; je gouvernerai, moi, par la concorde et par l'amour. Et alors finiront ces haines de trois siècles, qui ont fait couler des fleuves des sang. Et, uni à jamais, par nos deux personnes fondues en une seule, Chinois et Tartares ne formeront plus qu'un mêeme grand peuple, guidé par une même tête... Courons vers la vie, courons vers la lumière !" Loti commente le travail au Century Theatre : "Aux répétitions de La fille du ciel qui occupent mes journées, la féerie commence à se dessigner... Des cigognes et des paons réels se promênent sur des pelouses jonchées – parce que cela se passe au printemps – de milliers de pétales qui ont dû tomber des branches comme une pluie. Là, aux rayons d'un clair soleil artificiel, je vois revivre, chatoyer, tous les étranges et presque chimériques atours de soie et d'or copiés sur de vieilles peintures que j'ai rapportées, ou sur des costumes réels que j'ai exhumés naguère de leur cachettes au fond du palais de Pékin." Loit commente la première de La fille du ciel de samedi 12 octobre : "Maintenant la toile tombe ; c'est fini ; ce théâtre ne m'intéresse plus. Une pièce qui a été jouée, un livre qui a été publié, deviennent soudain, en moins d'une seconde, des choses mortes... J'entends des applaudissements et de stridents sifflets (contrairement à ce qui se passe chez nous, les sifflets, à New York, indiquent le summun de l'approbation). On m'appelle sur la scène, on me prie d'y paraître, et j'y reparais cinq ou six fois, tenant par la main la Fille du Ciel, qui est tremblante encore d'avoir joué avec toute son âme. Une impression étrange, que je n'attendais pas : aveuglé par les feux de la rampe, je perçois la salle comme un vaste gouffre noir, où je devine plutôt que je ne distingue les quelques centaines de personnes qui sont là, debout pour acclamer. Je suis profondément touché de la petite ovation imprévue, bien que j'arrive à peine à me persuader qu'elle m'est adressée. Et puis me voici reparti déjà pour de nouveaux ailleurs. J'étais venu à New York pour voir la matérialisation d'un rêve chinois, fait naguère en communion avec Mme Judith Gautier. J'ai vu cette matérialisation ; elle a été splendide. Maintenant que mon but est rempli, ce rêve tombe brusquement dans le passé, s'évanouit comme après un réveil, et je m'en détache...". Agnès de Noblet : George C. Tyler, directeur général de la Liebler Cie, avec Hugh Ford, producteur, et le peintre Edouard Morange, metteur en scène, l'état-major au complet. Ils travaillent sur une adaptation anglaise du texte par Mrs George Egerton, à laquelle d'aucuns reprocheront platitude et lourdeur, manque de lyrisme. Guillemette Tison : A partir de l'art, et de l'histoire, Loti se passionne aussi pour le riche passé de la Chine, dont il admire les traditions. On le voit dans La fille du ciel. "L’action se passe de nos jours, en Chine" écrivent les auteurs qui imaginent que sous le règne de l'empereur Kouang-Su [Guangxu], des Chinois révoltés contre les Mandchous ont proclamé à Nanjing un autre empereur, descendant des Ming. La pièce se passe au moment où, après la mort de cet empereur, sa fille est sacrée régente. Au cours des cérémonies, l'empereur de la Chine du Nord, Kouang-Su, s'introduit secrètement à Nanjing. |
9 | 1912-1927 |
Li Qingya ist Dozent der Hunan Advanced Commercial School und der Chuyi Industrial School of Hunan.
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10 | 1912-1921 |
Mule [Mill, John Stuart]. Mule ming xue. Yan Fu yi [ID D2763].
Yan Fu schreibt : "Shakespeare wrote a play recounting the murder of Caesar. When Antony delivers a speech to the citizens while showing the body of Caesar to the public, he uses logic to stir up the citizens cleverly because Brutus warned him that he would not be allowed to redress a grievance for Caesar and blame the murderers. The citizens are greatly agitated by the speech and their resentment against Brutus and his comrades is running high. We should attribute Antony's success to the function of logic." |
11 | 1912 |
Faure, Elie. Histoire de l'art [ID D24744].
La Chine I L’Inde, c'est nous encore. Si le pessimisme grandiose qui donne à sa langue plastique tant d'ivresse nous ouvre des régions de nous-mêmes que nous n’avions pas explorées, il nous domine dès l'abord, parce que le rythme de cette langue l'apparente secrètement à toutes celles qui expriment l'optimisme occidental. En Chine, au contraire, nous ne comprenons plus. Bien qu'enfermant le tiers des hommes, ce pays est le plus lointain, le plus isolé de tous. Il s'agit là d'une méthode qui nous échappe presque absolument, d'un point de départ qui n'est pas le nôtre, d'un but qui ne ressemble pas au nôtre, d'un mouvement vital qui n'a ni la même allure ni le même sens que le nôtre. Réaliser l'unité de l'esprit, c'est à cela, sans doute, que le Chinois tend comme nous. Mais il ne cherche pas cette unité sur les routes où nous la cherchons. La Chine n'est pourtant pas restée aussi fermée qu'on l'a dit. Elle s'est incessamment mêlée à l'aryanisme, au point de produire, en Indochine et au Thibet par exemple, des civilisations mixtes où elle laissa les fleuves d'amour qui s'épanchaient de l'âme indoue pénétrer d'un peu d'ardeur inquiète et de désirs inconnus son âme sérieuse, positive, bonhomme et rechignée. Elle a connu les mondes les plus éloignés d'elle, les plus anciens. Rome, il y a deux mille ans, trafiquait avec elle, la Chaldée, vingt siècles avant Rome, lui enseignait l'astronomie. Plus près de nous, l'Islam l'a touchée au point d'amener à son dieu vingt ou trente millions de Chinois. Au XVIe siècle, après la conquête mongole, Pékin était peut-être la ville la plus cosmopolite, la plus ouverte du globe. Les Portugais, les Vénitiens y envoyaient leurs marchands et la cour impériale faisait venir des Indes, de la Perse, de l'Europe occidentale même, des artistes et des savants. Pourtant, aussi loin qu'on regarde dans le passé de la Chine, elle semble n'avoir pas bougé. Sa vie mythique prend fin, peut-être, vers le siècle de Périclès, son apogée de puissance vitale oscille entre le Ve et le XVe siècle de notre ère, son déclin commence à l'heure où l'Occident va façonner l'histoire. Mais il faut y regarder de près pour distinguer l'une de l'autre ces phases de son action. Les témoignages matériels qui nous parviennent de son époque légendaire ne diffèrent pas très sensiblement de ceux qu'elle fournit de nos jours mêmes et son plus vigoureux effort ne paraît coïncider avec le Moyen Âge occidental que pour mieux démontrer, par les passages insensibles qui l'attachent à son passé et à son présent, qu'elle n'est jamais sortie de son propre Moyen Âge et que nous ignorons quand elle y est entrée. En réalité, c'est le monde intérieur des Chinois qui ne s'est jamais ouvert pour nous. Nous avons beau sentir chez eux une civilisation sociale plus parfaite que la nôtre, nous avons beau admirer en eux les résultats d'un effort moral qui fut aussi grand que le nôtre. Nous ne les comprenons pas toujours mieux que les fourmis ou les abeilles. C'est le même mystère, très effrayant, presque sacré. Pourquoi sommes-nous ainsi faits que nous ne puissions concevoir que notre propre mode d'association et notre seul mécanisme de raisonnement ? Que le Chinois nous soit supérieur, qu'il nous soit inférieur, c'est ce qu'il est impossible de dire et le problème, ainsi posé, n'a pas de sens. Il a suivi une évolution que nous n'avons pas suivie, il constitue un deuxième rameau de l'arbre humain qui s'est écarté du premier sans que nous puissions savoir si leurs branches se rejoindront. Le monde indo-européen, de tout son instinct, se dirige vers l'avenir. Le monde chinois, de toute sa conscience, se tourne vers le passé. Là est l'abîme, peut-être infranchissable. Là est tout le secret de la puissance d’expansion de l'Occident, de l'hermétisme de la Chine, de l'étrange impersonnalité de son langage figuré. Prise en bloc, elle ne manifeste aucun changement dans le temps, aucun mouvement dans l'espace. On dirait qu'elle exprime un peuple de vieillards, ossifiés depuis l’enfance. Ce n'est jamais à lui, c'est à son père, à son grand-père, et par delà son père et son grand-père, au peuple immense des cadavres qui le gouverne du fond des siècles, que le Chinois demande non pas la loi, mais la recette de son adaptation au milieu d'ailleurs peu mobile que la nature lui a fait. Au premier abord, c'est l'Égypte, son immobilité géologique et agricole, son art impersonnel, collectif, hermétique, abstrait. Mais l'Égypte est inquiète, elle ne peut étouffer la flamme qui s'épanche malgré elle du centre de la matière qu'elle travaille avec amour. Un invincible idéalisme la pousse vers un avenir qu'elle ne voudrait pas voir. Le Chinois, sous l'action du dehors, a évolué lui aussi, sans doute, mais autour du même point fixe. Il est resté pratique et replié sur lui, étroitement réaliste, dépourvu d'imagination et au fond sans désirs. Alors que le peuple égyptien souffre de la domination du prêtre et cherche à l'oublier en explorant la vie en profondeur, le Chinois accepte sans révolte la tyrannie d'ailleurs benoîte du mandarin, parce qu'elle ne gêne en rien la satisfaction vieillotte de ses goûts. Du moins ne connaissons-nous rien des évolutions immémoriales qui durent le conduire à cet état d'esprit. Confucius, une fois pour toutes, a réglé la morale, elle est restée figée en formules très accessibles et se maintient dans l'ornière traditionnelle par le respect indiscuté, dogmatisé, ritualisé, aveugle que l'on doit à ses parents, aux parents de ses parents, aux parents morts de ses ancêtres. Le mouvement ascensionnel qui caractérise pour nous la vie et nous empêche de l'arrêter dans une formule définie s’est cristallisé chez lui en une forme qui n'est peut-être pas toujours semblable à elle-même mais par qui l'on peut remonter au même principe et que le même principe détermine jusqu'en ses plus minces détails. Le Chinois s'en contente, il s'y complaît, il n'a nul besoin d'en rechercher d'autres. Au fond, s'il reste immobile, c'est qu'il a trop de vertus natives et que son imagination s'atrophie à ne jamais avoir à réagir et à lutter. Il accueillera sans difficulté les enseignements moraux du bouddhisme, plus tard de l'islamisme, parce qu'ils sont à peu près d'accord avec l'essentiel de ceux que lui apporta Confucius jusqu'au nirvânisme de l'un et au fatalisme de l'autre qui lui permettront d'endormir dans l'indifférence les velléités de révolte qu'il pourrait avoir. Aussi loin que nous puissions remonter dans l'extrême enfance de la Chine, elle est déjà solidifiée dans quelques abstractions métaphysiques et quelques entités morales d'où découleront désormais toutes ses formes d'expression. L'Aryen va du concret à l'abstrait, le Chinois de l'abstrait au concret. Chez l'Aryen, l'idée générale est le fleurissement de l'observation objective et l'abstraction toujours en devenir. Chez le Chinois, l'idée générale semble antérieure à l'étude objective du monde et les progrès de l'abstraction se sont arrêtés net dès qu'une loi morale suffisante à maintenir le lien social est apparue au philosophe. En Occident, le symbole sort de la vie pour s'en dégager peu à peu par voie de généralisations progressives qui s'élargissent sans arrêt ou repartent sur d’autres bases. En Chine, le symbole gouverne la vie et l’enferme de toutes parts. La réalité toujours devenante que désire l'Occidental, la conquête idéaliste qui le tente, la tentative d'ascension de l'homme vers l'harmonie, l'intelligence et la moralité, le Chinois ne semble pas les soupçonner. Il a trouvé, du moins il croit avoir trouvé, son mode de sociabilité. Pourquoi changerait-il ? Quand nous dénonçons son absence d'idéalisme, peut-être ne faisons-nous que constater que son vieil idéal a depuis longtemps réalisé ses promesses et qu'il jouit du privilège unique de se maintenir dans la citadelle morale dont il a su s'emparer alors que tout s'écoule, se décompose et se reforme autour de lui. Quoi qu'il en soit, on ne le verra jamais aborder la forme avec le désir de lui faire exprimer, comme l'art antique et l'art renaissant tout entiers, l'effort d'adaptation intellectuelle et sensuelle de l'être humain à la nature qui l'entoure, mais toujours avec la volonté de tirer d'elle un symbole tangible de son adaptation morale. Il visera toujours à l'expression morale, et cela sans demander au monde de lui fournir d'autres éléments que ceux qu'il sait bien y trouver d'avance, sans demander aux gestes qui le traduisent de nouvelles révélations. La morale sera cristallisée dans une attitude préméditée, comme elle est cristallisée dans les sentences qui le guident. Il n'aura plus qu'à feuilleter la nature ainsi qu’un dictionnaire de physionomies et de formes propres à fixer les enseignements des sages par leurs combinaisons. L'émoi sensuel ne l'atteint plus que par surprise, quand il étudie de trop près les éléments de la transposition plastique, et sa science de la forme, dégagée de toute attache matérielle, ne lui sert plus qu'à définir des abstractions. L'art immobile démontre des vérités acquises au lieu de constater des intuitions nouvelles. En somme, le Chinois n'étudie pas la matière du monde pour lui demander de l'instruire. Il l'étudie quand il lui devient nécessaire d'objectiver ses croyances pour y attacher plus fermement les hommes qui les partagent. Il est vrai qu'il apporte à cette étude d'incomparables dons de patience, de ténacité et de lenteur. Les tâtonnements anciens des premiers artistes chinois nous échappent… On dirait que, pendant dix ou vingt siècles, ils ont étudié en secret les lois de la forme avant de demander à la forme d’exprimer les lois de l'esprit. II En Chine, l'expression plastique est une sorte de graphisme conventionnel analogue à l'écriture. Les premiers peintres chinois, les moines bouddhistes qui, au cours des mêmes siècles où les moines chrétiens recueillaient les débris de l'esprit antique, cultivèrent dans leurs couvents la seule fleur de haut idéalisme qui fleurit pendant trente siècles sur cette terre immuable, les premiers peintres chinois étaient aussi des écrivains. Il n'y avait pas d'autres peintres que les poètes qui peignaient et écrivaient avec le même pinceau et commentaient l'un par l'autre le poème et l'image interminablement. Les signes idéographiques qu'il fallait une vie pour apprendre et qui revêtaient une sorte de beauté spirituelle que les artistes saisissaient dans la ténuité, l'épaisseur ou la complexité des arabesques noires dont ils couvraient le papier blanc, les entraînèrent peu à peu à manier le pinceau trempé d'encre de Chine avec une prodigieuse aisance. Quand la poésie, née du même courant sentimental que la peinture, eut senti la fraîcheur et le calme du monde autour des monastères isolés dans les hauts vallons, les peintres qui la commentaient jetèrent sur lui le premier regard innocent que la philosophie traditionnelle ait permis aux artistes chinois. Le paysage, cet instrument de libération et de conquête, leur apparut tout à coup. Et l'âme bouddhique trouva en eux à ce moment-là son expression la plus sereine. Jamais les peintres chinois, malgré leur forme brève, n'allèrent aussi loin que leurs élèves, les artistes du Nippon, dans la stylisation schématisée de la nature. Il ne s'agissait pas de décorer des maisons ou des temples. Ils illustraient des poèmes pour eux, dans ce sentiment à la fois profondément doux et profondément égoïste de l'anachorète arrivé à l'apaisement passionnel. L'agitation des villes ne les atteignait pas. Les images qu'ils traçaient sur la soie avec une minutie sans lassitude ou faisaient naître lentement des taches d'encre qu'écrasait leur pinceau sur le papier de riz, n'exprimaient pas souvent autre chose que la paix intérieure du philosophe feuilletant les écrits des sages au milieu des arbres indulgents ou sur le bord des eaux pures. Ils n'entendaient pas d'autres bruits que celui des torrents dans la montagne ou le bêlement des troupeaux. Ils aimaient les heures indécises, la lueur des nuits lunaires, l'hésitation des saisons moyennes, les brumes qui montent à l'aube des rizières inondées. Ils s'étaient fait une fraîcheur d'âme pareille à celle du matin dont les oiseaux s'enivrent. Il est à peu près impossible de considérer la peinture chinoise selon cette courbe harmonieuse qui assure à presque toutes les Écoles l'apparence d'une concentration synthétique de tous les éléments de l'oeuvre à ses débuts, plus tard de leur épanouissement progressif dans une expression équilibrée, plus tard encore de leur désordre et de leur dispersion. Suivant le lieu, suivant les circonstances, l'aspect d'un siècle changera. L'hiératisme bouddhique, par exemple, n’apparaîtra pas ici. Et là, il se prolongera jusqu'au seuil du monde moderne ; isolé dans quelque région éloignée des centres de vie, ou bien retranché du monde environnant qui vit et bouge, au fond de quelque cloître bien fermé. Il faut parfois deux cents ans pour qu'une province s'anime et obéisse aux sentiments d'une autre qui déjà les a oubliés. Chez les Thibétains c'est constant, mais c'est aussi plus explicable. La Corée, par exemple, retarde toujours sur la Chine, alors que le Japon, qui brûle les étapes, est capable d'imiter à sa guise une forme disparue de Chine depuis dix siècles ou naissante à peine aujourd'hui. Le Thibet s'imprègne de l'Inde, le Turkestan de la Perse, l'Indochine du Cambodge et du Laos. En Chine même c'est pareil, suivant la dynastie, l'école, la région, la religion. Seul, comme partout, presque immuable dans l'espace et la durée, l'art bouddhique, évidemment plus affaibli à mesure que la foi baisse, reste distinct de tout ce qui n'est pas lui-même, distinct et distant, langage symbolique de l'infini et de l'universel, lumière spirituelle concentrée dans une forme humaine assise, et ruisselant de toutes ses surfaces inépuisablement. Si l'on considère la peinture chinoise en masse et dans son ensemble et sans tenir compte des tentatives locales d’émancipation, des survivances artificielles de soumission, de la confusion générale de son développement, on peut dire que quinze siècles s'écoulèrent, peut-être, avant que l'égoïsme chinois consentît à s'arracher à la vie contemplative pour descendre vers le torrent où le martin-pêcheur guette sa proie, ou s'approcher furtivement de la branche sur laquelle le rossignol, gelé par l'aube, roule son dernier sanglot en ébouriffant ses plumes, ou observer le merle noir qui sautille sur la neige. Ce n'est guère que sous les Mings, au XIVe, au XVe siècle, que les peintres chinois regardèrent de plus près les oiseaux, les poissons, les fleurs, comme s'ils voulaient léguer au Japon qui leur demandait de l'instruire, l'incomparable science dont les avaient armés deux ou trois mille ans d'observation pratique et immédiatement intéressée. Avec une facilité déconcertante, ils dédaignèrent à ce moment-là le langage conventionnel qui avait fait la gloire de leur art, la liberté disciplinée qui leur permettait d'exprimer les abstractions sentimentales à condition de respecter et d’exalter les seules lois de l'harmonie. Hors des oiseaux, des poissons, des fleurs, des choses qu'il faut tenir entre les doigts pour les décrire, hors des portraits directs, purs et nets, dont la pénétration candide étonne, hors des paravents brodés et des peintures décoratives qui tremblent de battements d'ailes, la grande peinture chinoise nous envahit à la façon des ondes musicales. Elle éveille des sensations intimes et vagues, d'une profondeur sans limites, mais impossibles à situer, qui passent les unes dans les autres et s'enflent de proche en proche pour nous conquérir entièrement sans nous permettre d’en saisir l'origine et la fin. Les formes chinoises peintes n'ont pas l'air d'être encore sorties du limon primitif. Ou bien encore on les dirait apparues à travers une couche d'eau si limpide, si calme qu'elle ne troublerait pas leurs tons depuis mille ans saisis et immobilisés sous elle. Pollen des fleurs, nuances indécises de la gorge des oiseaux, couleurs subtiles qui montent, avec leur maturité même, de la profondeur des fruits, les soies peintes de la Chine n'ont rien à voir avec l'objet. Ce sont des états d'âme en présence du monde, et l'objet n'est qu'un signe, d'ailleurs profondément aimé, qui suggère cet état d'âme suivant la façon dont il se comporte et se combine avec les autres objets. La transposition est complète, et constante. Et elle leur permet de peindre ou plutôt d'évoquer des choses jamais vues, – des fonds sous-marins par exemple, – avec une poésie si profonde qu'elle crée la réalité. Ainsi, sur une toile de la grandeur d'une serviette où, dans le brouillard du matin, un héron lisse ses plumes, l'espace immense est suggéré. L'espace est le complice perpétuel de l'artiste chinois. Il se condense autour de ses peintures avec tant de lenteur subtile qu'elles semblent émaner de lui. Ils peignent leurs noirs et leurs rouges avec une douceur puissante, et comme s'ils les dégageaient peu à peu de la patine d'ambre sombre qu'ils paraissent avoir prévue et calculée. Des enfants jouent, des femmes passent, des sages et des dieux devisent, mais ce n'est jamais cela qu'on voit. On entend des mélodies paisibles qui tombent sur le coeur en nappes de sérénité. La sérénité, par malheur, s'use aussi vite que l'enthousiasme, car elle est comme lui l'effort. À mesure qu'ils s'éloignaient des sources, les artistes chinois en arrivaient, pour se créer l'état mental qu'avaient prescrit les sages, à demander au vin l’enthousiasme artificiel d'où naissait, suivant la dose absorbée et l'orientation de l'esprit, la fougue, la joie, l'ironie, la sérénité elle-même. À force d'être maîtres d'eux, ils écrasaient en eux la vie. De siècle en siècle, avec la lenteur étrange qui caractérise leur action, la peinture des Chinois, prise à son service par la cour impériale dès qu'elle sortit des couvents, suivit l'évolution de leurs autres langages avec un entêtement d'autant plus dangereux pour elle qu'elle doit rester, si elle veut vivre, le plus individuel de tous. Elle se développa dans une atmosphère à peu près irrespirable de formules, de règles et de canons dont on remplit vingt mille ouvrages, codes, histoires, listes de praticiens et nomenclatures de tableaux, recueils techniques qui transformèrent l'art de peindre en une sorte de science exacte et firent naître des milliers d'imitateurs et de plagiaires d'une incroyable habileté. Elle retourna vers ses origines graphiques en créant d'énormes volumes de modèles où l'on pouvait trouver des formes dessinées dans tous leurs détails et sous tous leurs aspects, et qui ne laissaient plus au peintre qu'un travail de groupement. Le vice capital de l'écriture chinoise qui arrête le développement de l'esprit en enrayant l'échange des idées et précipite l'abstraction vers la sophistique puérile réapparaissait dans l'expression dernière de l'art qu’elle avait doté de son premier outil technique. Ainsi le monde objectif trop oublié se venge. L'ivresse de l'esprit débarrassé de toute entrave est interdite à l'homme qui n'a plus le droit de chercher des formes d'équilibre différentes de celles que l'ancêtre réalisa pour son repos. III C'est à la fois l'ancre où se tient l'âme chinoise, et son écueil. Son architecture de luxe, les pagodes, les palais, le révèle en pleine clarté. Tout y est préconçu, artificiel et fait pour la démonstration d'un certain nombre de règles immémoriales de métaphysique et de bon sens. La faïence et l'émail des toits, les bleus, les verts, les jaunes miroitant au soleil sous le voile toujours suspendu de la poussière, sont surtout là pour la joie de l'oeil, bien que chacun d'eux symbolise un phénomène météorologique ou les bois, les labours, les eaux, un pan de la robe terrestre. Et si tout est bleu dans les temples du ciel, tout rouge dans les temples du soleil, tout jaune dans les temples de la terre, tout blanc-bleuté dans les temples de la lune, c'est afin d'établir entre les harmonies sensuelles et les harmonies naturelles une solidarité intime et continue, où la sérénité du coeur se fixe, s'immobilise et se démontre à elle-même sa certitude et sa nécessité. Mais, au-dessous du grand besoin d'unité et de calme, le fétichisme et la magie affirment patiemment leurs droits. L'orientation de l'édifice, le nombre toujours impair des toits superposés et relevés aux angles, souvenir des tentes mongoles, les clochettes grelottant à la moindre brise, les monstres de terre cuite sur les corniches ajourées, les maximes morales peintes partout, les découpures de bois doré, tout cet ensemble en buissons d'épines, ces crêtes, ces arêtes, ces formes hérissées et griffues, tout répond au souci constant d'attirer ou d'écarter de soi-même et des maisons voisines les génies du vent et de l'eau. Ainsi pour les grands parcs artificiels où tous les accidents du sol, montagnes, rochers, ruisseaux, cascades, bois et taillis sont imités jusqu'à la manie, comme si les Chinois, qui ne changent jamais, hors des villes, l'aspect primitif de la terre natale, témoignaient le respect qu'elle leur inspire en la torturant jusqu’à la réduire à la mesure du luxe humain. C'est un peuple plus soumis que religieux, plus respectueux qu'enthousiaste. Non qu'il manque de dieux, non qu'il ne les croie pas réels. Ceux qui se disent les disciples du profond Lao-Tseu, les taoïstes, ont introduit chez les Chinois autant de divinités, peut-être, qu'il en naît et meurt chaque jour sur la terre indienne. Mais toutes ces croyances qui ne se traduisent, d'ailleurs, que par des pratiques de superstition populaire, se brouillent, se pénètrent, coexistent même presque toujours chez le même individu. Au fond qu'il soit bouddhiste, taoïste, musulman ou chrétien, le Chinois croit ce qu'on lui a conseillé de croire sans éprouver le grand besoin mystique d'accroître, de modifier ou d’imposer sa foi. Ses dieux, ce sont des abstractions très positives, la longévité, la richesse, la sensualité, la littérature, la charité, ce sont des démons, des génies protecteurs ou hostiles, les esprits de la terre, du ciel, de la mer, des étoiles, des montagnes, des villes, des villages, des vents, des nuages, des eaux courantes, ce sont encore des savants et des lettrés héroïsés. Mais ils n'ont pas d'autre importance. Si le Chinois reste très sage, s'il observe le respect filial, obéit aux ancêtres, à l'Empereur, aux mandarins qui le représentent, s'il prend bien garde d'orienter sa maison de manière à ne pas gêner les esprits et à préserver leurs demeures aquatiques, aériennes ou souterraines, – ce qui révèle en lui l'hygiéniste, le météorologiste et l'agriculteur – il ne doute pas que ces esprits le regardent avec bienveillance. Nulle inquiétude qui le laboure en profondeur. En éteignant le désir on éteint le remords, mais on éteint aussi le rêve. Ce qui s'accroît, à cette longue habitude de discipline et d'obéissance morale, c'est la patience. Le Chinois a scruté si longuement les formes avant de se permettre d'imprimer dans la matière le symbole de ses abstractions, que toutes sont définies dans sa mémoire par leurs caractères essentiels. Pour parvenir jusqu'à la loi, nous écartons sans hésiter, quand l'éclair de l'intuition nous illumine, tous les accidents qui la dissimulent. Le Chinois les rassemble, au contraire, les catalogue et les utilise afin de démontrer la loi. Ses audaces ne peuvent choquer que ceux qui ne connaissent pas sa science. Puisque l'abstraction est arrêtée, on pourra, pour la rendre plus évidente, plier, dévier, torturer la forme en tous sens, creuser le visage de rides qui entameront le squelette, armer la bouche de cent dents et les épaules de dix bras, sommer la tête d'un crâne monstrueux, faire grimacer la figure, s'exorbiter ou s’excaver les yeux, accentuer le rire ou les pleurs jusqu'aux rictus les plus improbables, étager les mamelles croulantes sur le lard des ventres assis, tordre les reins, tordre les bras, tordre les jambes, nouer les doigts en ceps de vignes. On pourra faire ramper sur les corniches, s'écarteler sur les étendards de soie jaune ou dresser au seuil des palais toute une armée de dragons héraldiques, de phénix, de licornes, de chimères tortueuses, qui ne représentent peut-être qu’un souvenir lointain, transmis par les vieilles légendes, des derniers monstres primitifs égarés parmi les premiers hommes. C'est cet esprit qui pousse les lettrés à obéir aux rites jusqu'à ne plus avoir que des gestes étudiés, les historiens à déformer l'histoire pour la faire entrer dans les cadres de leurs systèmes, les jardiniers à torturer les arbres, à fabriquer des fleurs, les pères à broyer les pieds de leurs filles, les bourreaux à dépecer les hommes. La morale traditionnelle écrasera la vie plutôt que d'adopter son libre mouvement. Mais aussi, quand la vie est d'accord avec la morale, quand l'émotion et la volonté se rencontrent, quand les entités de bonté, de douceur, de justice habitent naturellement l'esprit de l'artiste, quelle bonté, quelle douceur, quelle justice dans les visages et les gestes des dieux ! Pour combattre et faire oublier la sérénité des grands bouddhas de bois doré, assis sur leur lit de lotus, les mains ouvertes, la face illuminée de paix et rayonnant dans l'ombre du sanctuaire de l'absolu qui les pénètre, l'art taoïste ramasse dans la vie tout ce qu'il peut y trouver d'expressions engageantes, le sourire divin et la danse des femmes, la bonté narquoise des sages, l’enfantine joie des élus, l'allégresse indicible où nage la trinité du bonheur. Une étrange douceur émane de tous ces bibelots de bois et d'ivoire, de jade et de bronze qui peuplent les pagodes et encombrent les éventaires à enseignes de papier peint le long des rues grouillantes où s'entasse l'ordure humaine. Vraiment, le philosophe a tout à fait éteint, au coeur de ce peuple philosophe, l'inquiétude qui torture mais fait si souvent monter plus haut : Qu'importe. Là où il est, il a la force de celui qui sait peu, mais est certain de ce qu'il sait. Cette paix, sans doute, est un peu béate, cette absence de soucis, cette absence de rêves a peut-être à la longue quelque chose d'irritant et même de malsain. Mais on y lit une telle certitude d'honnêteté qu'on se sent attaché aux hommes qui ont donné de leur vie morale cette expression si singulière, par le fonds même de la nature humaine où la lutte incessante a pour origine l'aspiration vers le mieux. L'étrange, c'est que la beauté soit pour nous dans cette lutte même et que le Chinois la rencontre dans la victoire ancienne que ses aïeux ont remportée pour lui. Il dit son enthousiasme sans lyrisme et têtu pour ceux qui lui donnèrent à jamais le repos de la conscience. Et c'est le poids de ce repos que nous éprouvons dans son art. Car c'est là le mystère de cette âme très complexe en surface, mais infiniment simple au fond. Une science si sûre de la forme qu'elle peut la faire grimacer logiquement jusqu'à l'impossible, mais qu’elle peut aussi, quand elle s'illumine d'un éclair d'émotion ou se trouve en présence de la nécessité de construire une oeuvre durable et immédiatement utile, atteindre à l'essentielle et profonde beauté. Il ne faut pas croire que leurs parcs artificiels manquent de fraîcheur et de silence et que les fleurs étranges qu'ils y cultivent ne rassemblent pas, dans le torrent de leurs symphonies triomphales, tout l'Orient, des récifs de corail aux rivières de perle, des somptueuses soies brochées qui déploient le rouge ou le bleu des dragons héraldiques sur le jaune impérial éclaboussé de fleurs aux émaux chatoyants et troubles, des couchers et des levers d’astres dans les nuées de poudre à la limpidité des ciels balayés par les eaux. Il ne faut pas croire surtout que leur architecture, bien que ses spécimens les plus anciens, grâce à la fragilité des matériaux, ne soient pas très antérieurs au Xe siècle, manque de science et de solidité. Pour garantir les édifices des chaleurs et des pluies, ils savent faire pencher et déborder les toits qu’ils soutiennent par des combinaisons de charpentes démontables puissantes et légères comme des créations naturelles. Ils savent surtout, comme les Romains, et avec tous les vieux peuples de l'énorme continent massif où alternent les grands sommets, les grands déserts, les grandes forêts, les grands fleuves, donner à leurs édifices utilitaires, ponts, portes triomphales, arches géantes, remparts crénelés, murailles immenses fermant les plaines et gravissant les montagnes, cette allure aérienne ou lourde, mais toujours grandiose et ferme comme le piédestal où poser notre certitude d'avoir accompli tout notre effort. Comme les vieux sculpteurs de la vallée du Nil, ils ont animé le désert d’avenues de colosses, d'un modelé si vaste et si sommaire qu'ils paraissent être présents de toute éternité au milieu des solitudes et résumer en leur structure ramassée les ondulations des sables jusqu'aux contreforts des monts et la sphéricité du ciel sur le cercle des plaines. IV Si la Chine n'avait pas fait la tentative étrange de tailler sur les parois du temple de Hiao-tang chan, vers l'époque où Marc-Aurèle lui envoyait des ambassades, les silhouettes plates qui ressemblent à des ombres sur un mur, si d'autre part on ne commençait à connaître quelques figures archaïques qui remontent au commencement de notre ère au moins, on pourrait croire, et on a cru longtemps, qu'elle ne sculpta pas une pierre avant que les conquérants des provinces du Nord lui aient apporté, au Ve siècle, la contagion morale de la religion du Bouddha. Ici, comme aux Indes, le flot qui montait des coeurs pleins d'espérance, creusa les montagnes et submergea les rochers. Quand il se retira, des figures colossales, de purs visages aux yeux baissés, des géants assis, les deux mains croisées et ouvertes, des processions puissantes sur qui l'on secouait des palmes et des éventails, dix mille dieux souriants, silencieux et doux habitaient dans les ténèbres. Les falaises, du haut en bas, étaient sculptées, toutes les fentes du roc avaient des parois vivantes, le rayonnement de l'esprit tombait des piliers et des voûtes attaqués au hasard des saillies et des creux. Cent sculpteurs travaillaient dans l'ombre à modeler brièvement la même statue gigantesque, et telle était l'unité et la puissance de l'énergie créatrice qui les animait, que le monstre divin semblait sortir de deux mains, d'une intelligence, être comme un long cri d'amour qu'une seule poitrine prolongeait à travers les temps. Et c'est peut-être là que la sculpture bouddhique atteignit l'expression suprême d'une science de la lumière qui ne ressemble à rien de ce qu'on trouve même chez les plus grands sculpteurs. La lumière ne paraît pas se confondre, comme en Égypte par exemple, avec les plans de la statue pour en subtiliser les passages et les profils. On dirait qu'elle flotte autour d'elle. La forme semble nager, onduler sous la lumière, comme une vague qui passe sans commencement et sans fin. Mais ceci est spécifiquement bouddhique, commun à cette École des conquérants du Nord, aux statuaires des Indes et de la Corée, du Japon et du Cambodge, du Thibet et de Java. Commun à toute cette étrange statuaire internationale bouddhique, où l'influence grecque est toujours manifeste dans la pureté nerveuse des profils occidentalisés, l'harmonie des proportions, l'objectivisme résumé et idéalisé par l'intelligence. La Chine proprement dite ne participa guère à l'acte de foi qu'affirmait sur son territoire l’envahisseur venu des plateaux de l'Asie centrale. Elle ne consentit sans doute que pour une heure à s'abandonner à l'illusion suprême des paradis promis. Le peuple le plus réfléchi, mais peut-être à cause de cela, le moins idéaliste de l'histoire, n'avait cédé qu’à contre-coeur à l'entraînement général qui donna à toute l'Asie orientale cet art impersonnel, secret, et d'une spiritualité si pure dont il lui fallut dix siècles pour se dégager tout à fait. À dire vrai, c'est sur la Chine que la vague bouddhiste s'attarda le moins longtemps. La Chine reprit très vite ses habitudes de méditation positive à qui ce bref élan d'amour allait donner encore plus de profondeur et de poids, comme il arrive au lendemain d'une passion douloureuse et trop clairvoyante. Elle se tourna de nouveau vers la mort, et comme ceux qui avaient creusé sous ses yeux les montagnes lui avaient appris à dégager du chaos la forme architecturée sur qui la lumière et l'ombre répandent l'esprit de la vie, elle put donner au poème funèbre qu’elle chanta pendant mille ans, du VIIe au XVIe siècle, une plénitude et une gravité d'accent qu'on avait oubliées depuis l'Égypte, quelque chose de lourd, de catégorique et d'assis, et comme la conclusion dernière d'une intelligence qui a fait le tour d'elle-même, et n'a pas découvert une seule fissure par où le doute puisse entrer. On ne trouve pas, sans doute, dans les statues funéraires de la Chine, cette illumination secrète qui monte des régions profondes des colosses égyptiens pour unir au niveau de leurs surfaces ondulantes l'esprit de l'homme à la lumière. Le peuple chinois, maître de son sol et de ses cultures, n'a jamais assez souffert pour chercher dans l'espoir constant de la mort la liberté intérieure et la consolation de vivre. Il regardait la mort avec placidité, sans plus de frayeur que de désir. Mais il ne la perdait pas de vue, ce qui donnait à son positivisme une formidable importance. La méditation sur la mort fait voir les choses essentielles. L'anecdote où l'on se perd quand on est tourné vers les aventures de la vie, quitte l'esprit pour toujours. Il ne s'arrête plus à rien de ce qui intéresse et retient la majorité des hommes. Il sait qu’il s'écoule tout entier comme le jour qui passe entre deux battements de paupière et que c'est à la lueur de cet éclair qu’il doit saisir l'absolu. Et c'est parce qu'il n'aperçoit rien au delà de la vie que son hymne à la mort ramasse tout ce qu'il y a d'immortel dans la vie pour le confier à l'avenir. La sculpture funéraire grandit avec la puissance chinoise et déclina quand la puissance chinoise pencha vers le déclin. Des tombes des T'ang à celles des Mings, les deux dynasties extrêmes de la Chine à son apogée, le désert chinois, le désert jaune et rouge qui ondule faiblement vers les chaînes éloignées où dorment le cuivre et le fer, le désert chinois vit surgir des formes massives, hommes, éléphants, chameaux, béliers, chevaux, autruches, les uns debout, les autres couchés, tous immobiles et qui veillaient sur le sommeil des empereurs. Tout entière, la plaine était une oeuvre d'art, comme un mur à décorer dont les sculpteurs utilisaient les courbes, les saillies, les perspectives pour donner aux géants de pierre leur valeur et leur accent. On les voyait venir de l'horizon, marchant comme une armée, gravissant les collines, descendant dans les vallons, insoucieux, dès qu'ils s'étaient levés pour la marche ou la parade, des herbes et des ronces qui recommençaient à croître aussitôt les tailleurs d'images disparus. Les monstres se suivaient et se regardaient, les lions tapis assistaient au passage des tributaires que masquaient et révélaient tour à tour les ondulations du sol, une foule, seule et silencieuse dans la poussière et sous le ciel, dressait des formes séparées, absolues et définitives comme pour porter à la fin de la terre, alors que le soleil même serait éteint, le formidable témoignage que l'homme avait passé là. Partis avec les tombeaux des T'ang, les bas-reliefs puissants qui font penser à une Assyrie visitée par la Grèce, de la vision la plus directe, condensant peu à peu leur science dans une expression de plus en plus sommaire, les sculpteurs chinois étaient arrivés, sous les Song, à concevoir l'objet comme une masse si remplie, si dépourvue de détails et d'accidents, si dense et abrégée, qu'elle semblait porter le poids de trente siècles de méditation métaphysique. Ils pouvaient désormais se permettre toutes les stylisations, toutes les déformations, toutes les audaces nécessaires à l'affirmation des vérités morales révélées à la Chine par les sages des anciens jours. Sous les Mings, au moment où ils vont déposer l'outil, où la Chine, piétinant sur place, va laisser le Japon échapper à son étreinte pour qu'il se rue dans la liberté de la vie à la conquête de lui-même, les artistes chinois ont acquis une virtuosité grandiose. Pour garder leurs temples, ils fondent d'énormes statues de fer. Ils décorent des murs et des voûtes de grandes figures étranges, qui s'organisent en lignes mélodiques ondulant en courbes irrégulières, mais continues et rythmées comme des rides à la surface de l'eau. Dans les avenues colossales, les monstres grimaçants et les chimères alternent avec les éléphants massifs, les dromadaires, les guerriers droits et purs comme des tours. C'est donc aussi bien dans les formes les plus détournées de leur réalité première que dans les pierres sculptées qui rappellent le plus les masses vivantes se profilant sur une plaine poussiéreuse à l'approche du soir, les vraies bêtes domestiques des troupeaux et des caravanes, qu'on peut chercher le centre de l'âme chinoise, dépourvue d'imagination, mais si ferme et si concentrée qu'il n'est pas impossible que son réalisme immobile parvienne à faire reculer un jour l'idéalisme ascensionnel de l'Occident pour s'imposer aux hommes avides de repos. C'est une immensité que l'art chinois. L'ouvrier d'art y joue un rôle aussi unanime, aussi permanent qu'en Égypte. Il peuple, depuis trente siècles, de meubles, de tapis, de vases, de bijoux, de figurines, les demeures des vivants et les demeures des morts. Les trois quarts de sa production sont peut-être encore sous terre. Les vallées de ses deux fleuves constituent une mine d'art sans doute aussi inépuisable que celle de la vallée du Nil. Et aussi variée en formes graves, ou terribles, ou charmantes, toujours imprévues et subtiles, des pots de bronze qu'ils enfouissent volontairement pour des siècles afin que la patine des sucs et des minéraux terrestres agisse avec lenteur sur eux, aux foules de « Tanagras » qui sortent de leurs nécropoles, moins pittoresques à coup sûr que leurs soeurs grecques, mais aussi plus résumées, plus pures, conçues selon des profils plus fuyants, des plans plus décisifs, des masses plus tournantes, et apportant à la grâce, à la chasteté, à la majesté féminines un hommage encore plus touchant. Qu'importe l'apparence à première vue paradoxale de cet art infini où nous commençons à apercevoir, comme nous l’avons fait pour l'Égypte au premier abord aussi monstrueuse, la simplicité, l'unité, la cohérence grandiose des plus étranges conceptions ! Sous les grimaces de ses statues, sous les vêtements compliqués dont elle les couvre, sous les corniches biscornues de ses architectures, le hérissement des monstres vernissés et le flamboiement rouge et or de ses sanctuaires, il y a la présence réelle d'une charpente indestructible. Le modelé sculptural, sinueux et balancé chez les Grecs, mouvant chez les Indiens, rectangulaire chez les Égyptiens, est sphérique chez les Chinois. Le passage et le plan, sous les ornements et les attributs symboliques, sous les replis et les torsions les plus désordonnés des monstres, le passage et le plan pénètrent l'un dans l'autre par progrès continus et lents, comme pour faire un bloc fermé. Dans les sculptures essentielles, on dirait que la forme monte lentement vers l'abstraction, que l'abstraction descend lentement vers la forme et qu'un éclair jaillit où la fusion se fait, éternelle, compacte, pure. La Chine, alors, avec l'Égypte, la Grèce, l'Inde, la France du Moyen Âge, la Chine atteint l'une des cimes de l'esprit. V L'unité sphérique du modelé qui traduit son âme immémoriale est l'image de sa substance. Par sa configuration, par son sol, par la race qui la peuple, la Mésopotamie chinoise est une. La Chine et les Chinois font une chose agglomérée où la solidarité morale et sociale, la passivité, l'impersonnalité des foules prolongent leur pays jusqu'aux profondeurs de leur être. C'est une masse jaune, sans contours, faite des poussières séculaires apportées par les vents du Nord et dont les tourbillons éternels assombrissent le disque solaire, de la glaise entraînée par les fleuves pour couvrir la terre d'alluvions, des maisons crépies de boue, des hommes recouverts d'une croûte jaunâtre par laquelle ils continuent le sol. La terre jaune va jusqu'au coeur des villes et le perpétuel échange de la misère, de la crasse, des denrées portées par les caravanes et les convois fluviaux, imprime à toute la masse profonde un mouvement compact et lent ne sortant jamais du même cercle. L'horizon est aussi borné que la vie et toute l'étendue et toute la durée du monde s'agglutinent en un bloc. Agriculteur ou plutôt jardinier, et depuis dix mille ans peut-être, cultivant son carré de terre avec une lente patience, une sollicitude lente, y accumulant soigneusement l'engrais humain, tirant d'un espace infime sa nourriture, celle des siens, celle de ses bêtes, toujours penché sur son sol mou, habitant souvent sous sa surface, toute sa peau, ses pieds, ses mains imprégnés de lui, le Chinois en connaît le poids, la consistance, le degré d'humidité et de sécheresse, le goût. Il entend le murmure sourd qu'elle a sous la poussée des germes. On dirait que toute son imagination sensuelle s'est concentrée dans le désir de manier cette terre onctueuse et les matières qu'il en tire, le jade gras, la cornaline, le cristal, l'agate, la calcédoine, les pierres dures dont il sait utiliser les taches, suivre les veines, le kaolin et le silex, la terre blanche, le cuivre et l'étain coulés ensemble pour enfanter le bronze noir. Il connaît si bien la matière, il sait à tel point quelles sont ses moeurs, ses habitudes, ses manies, qu'il la fait fondre ou cuire en ménageant ou en forçant le feu pour la rendre plus ou moins dure, plus ou moins cassante, la veiner, la mêler à d'autres matières, y faire ruisseler la poudre métallique liquéfiée par la chaleur, ou la fendre de craquelures. L'airain, où il sait couler de profondes moires d'or vert, d'or jaune, d'or rouge, d'or violet, des bleus irisés et suspects comme des eaux dormantes, l'airain pesant, dense, sonore et dur prend sous sa main des formes écrasées et ventrues, des aspects de blocs pleins dont les incrustations, la rugueuse écorce, les entrelacements de peaux gluantes, d'épines et de tentacules, laissent intact et pur le profil lourd. Ses dragons boursouflés, que soulève la palpitation gargouillante des monstres marins, ses escargots, ses crapauds gonflés de pustules, sont repoussés du dedans du métal avec tant de sûreté qu'ils semblent attachés à lui par leurs viscosités et leurs ventouses. Il broie en poussière impondérable, pour la fondre et la couler entre d'étroits réseaux de cuivre ou d'or le corail et la turquoise, et ses bleus obscurs, ses verts mats, ses rouges opaques et sourds enferment dans l'émail assombri par la flamme, des fleurs ensanglantées, des feuilles épaisses, le plumage rutilant et doré des oiseaux. Sur la porcelaine, enfin, il définit ses dons de peintre qui n'avaient jamais pu entrer tout à fait dans le siècle et se dégager complètement des procédés calligraphiques d'où ils étaient nés dans les couvents. Alors il fait entrer la couleur dans la pâte, l’incorpore au glacis des silicates vitrifiés, y projette en traits aussi fins que des fils de toile d'araignée ou larges comme des pétales, ses jardins puérils, lacs, ruisseaux et cascades, kiosques et ponts, papillons, libellules, ses chères campagnes engraissées où fleurit sa science des ciels, des vents et des cultures, azurs lavés de pluie, vols emportés par la rafale, nuées, branches fleuries, roseaux, corolles aquatiques. La fleur, l'insecte, tous les tissus vivants, l'aile, l'étamine, l'antenne, le pollen pulvérulent, toutes les moeurs de l'air, ses transparences insondables, ses brusques opacités, ses infinis de nuances de l'aube à la nuit, de l'averse à la poussière et de la lune pâle au soleil sombre, il a transposé sur le fond mouvant des bleus, des verts, des rouges, des roses, des jaunes, des violets, des blancs, des noirs, le décor multiple où se déroulent les travaux attentifs, concrets et monotones de ceux qui cultivent le sol. Le jour est-il clair et les jardins riants, les peintures trempées de rosée, fraîches comme des aquarelles, tranchent sur les beaux fonds glacés et translucides. Le ciel couvert noircit-il la surface des eaux, alors les branches, les feuilles, les dragons, les paysages surgissent des infinies profondeurs opaques et transparaissent vaguement, ainsi que des mousses et des algues à travers l'épaisseur des sources. Et si le soir est somptueux, la flamme des fours rampe encore au flanc des vases et l'émail diapré chatoie entre ses cloisons d'or. L'airain, la terre cuite ont l'air de gros fruits mûrs, cuirassés d'épines et vernissés, qui vont quitter la branche. Lourde, subtile, pure forme chinoise ! On dirait moins, malgré sa pesanteur, une forme matérielle qu'un son cristallisé. Étrange peuple positif, sans idéal et qui pourtant, tout au fond de son âme obscure, entend cette claire musique. Forme cylindrique, forme ovoïde, forme sphérique, rythme circulaire de la Chine ! La Chine tournera-t-elle donc toujours en cercle, du même effort patient, infatigable, lent, qui lui permet de maintenir le mouvement sauveur et de vivre sans avancer, ou brisera-t-elle ce cercle pour chercher l'idéal toujours renouvelé au sommet même du flot montant des choses et pour tenter de conquérir, dans cette poursuite incessante, l'illusion de sa liberté ? C'est probable. Elle s'agite. Ses cinq cents millions d'hommes vont être entraînés dans le mouvement occidental, rompre notre pénible équilibre séculaire, bouleverser le rythme économique de la planète, peut-être nous imposer à leur tour une immobilité qu'ils mettront mille ou deux mille ans à reconquérir. Nous ne savons rien. La complexité du monde actuel et futur nous déborde. La vie gronde, la vie monte. Elle livrera ses formes à ceux qui vont naître pour les consoler d'être nés. |
12 | 1912-1922 |
Wen Yiduo liest englische Lyrik, vor allem aus der Anthologie The golden treasury von Francis Turner Palgrave.
He was immediately attracted to Keats, Tennyson, and other English poets. These two poets stimulated him to address such themes as the tension between an idealized timeless world of art inhabited by beauty, love and truth and the world of dark reality marked by suffering and pain. |
13 | 1912 |
Forster, E[dward] M[organ]. Goldsworthy Lowes Dickinson and related writings [ID D27987]. (1934).
If Dickinson visited America in the hope of self-development and India from reasons of curiosity, it was in a very different spirit that he approached China. He came to her as a lover, who had worshipped from afar for years. In a life which contained much disillusionment, Chena never failed him. She stood firm as the one decent civilization, and when he mourned over her it was not because she had disappointed him but because he had lived to see her destroyed by the violence and vulgarity of Europe. In his last years, her fate seemed to epitomize mankind's. If China could have been saved, he would have been persuaded that humanism is indestructible. His was an impersonal love ; no private relationship coloured it, although he became friendly with many individual Chinese. It rested upon natural sympathy and intellectual affinity. He once amused the students at a summer school by saying : "I am speaking to you about China, not because I know anything about the subject nor because I once visited the country, but because, in a previous existence, I actually was a Chinaman !” Roger Fry suggested that he should try a Chinese setting ; China was in the foreground politically, owing to the Boxer riots and the European expeditions to suppress them, and he had read Giles's Gems of Chinese literature and La cité chinoise by Eugène Simon. The suggestion bore fruit, the painful period of incubation ended, and at the same time as he was writing The meaning of good he produced the first four Letters from John Chinaman and sent them to the Saturday review, where they appeared anonymously. A correspondent of the Saturday review pointed out that the letters could not really be by a Chinese and there the matter seemed to end. He added some more letters, and after he had sailed for America the little volume, soon to be famous, was published by his friend R. Brimley Johnson, with a grotesque picture of a Chinaman on the cover. The presentation copies of this edition followed him over the Atlantic to Niagara of all places, and when he was lying in bed in the hotel there his brother Arthur entered in a state of great animation, saying "that he had been reading the book, and that is was 'wonderful'. He did not know it was mine, and felt a natural disappointment when I revealed the fact"… But the book would, I suppose, have fallen as dead as my others, if George Trevelyan had not quoted it in an article in the Nineteenth century, which excited some attention. People then began to speculate as to whether it was really by a Chinaman, and a good many copies were sold. It then penetrated to America, and there everybody seems to have accepted naïvely is Chinese origin… Besides being topical, John Chinaman is famous for the beauty of prose, and particularly for the sumptuous yet delicate passage beginning "A rose in a moonlit garden". When we parted at Chhatarpur, he went via Ceylon to Singapore, made a trip to Java and Sumatra, and then proceeded from Singapore to Hong Kong and Canton. As soon as he was among people whose features and physique were Mongolian, he felt happy. At Canton, Bob Trevelyan left him. Dickinson found Trevelyan a delightful companion, yet he probably gained by being left alone on the threshold of China. He was thrown on his own resources, and was obliged to look at a country about which he had hitherto only read, written and dreamed. Canton he loved. Then came Shanghai and politics and an interview with Sun Yat-sen ; he was too sensitive to be a good interviewer, and 'didn't get much out of him'. Then a solitary voyage of ten days on the Yangtse, in pouring rain, which kept him in his cabin and obliged him to play many games of patience. Then a long railway to Peking. At Peking he stopped several weeks, seeing much both of English and Chinese, and it would be possible, from his diary and letters home, to construct a complete account of his movements. But the movements of a tourist's body are not worth recording unless they generate movements inside his mind. Here are two typical reactions. The first is a rhapsody in free verse, such as often occurred to him while in the Far East. This particular poem records a visit to the Temple of Agriculture at Peking. A temple What do they hide ? The cypress Avenue and the coral wall, The green and amber roof, what do they hide ? A wooden plough and an altar consecrate to earth. An emperor once held the plough, An emperor made sacrifice. The coral wall is falling now, falling the amber roof, The cypresses decay, the alter crumbles ; Crumbles the altar consecrate to Earth ; But Earth abides. On the day previous, he had been taken to visit a very different type of temple. He writes of it to a friend : "Oh, but the most amusing thing I want to tell you, I went to a Chinese banquet, at which 'sing-song-girls' were introduces. They are in fact superior, accomplished and expensive tarts, rather pretty, and I shall suppose attractive to the normal man. But imagine me behaving as is expected on such occasions, with one of them on my knee at one time, and smoking the same cigarette ; really it was rather funny, though very embarrassing. And though the girls are to be had, I gather it is only if they like you, and for large money. Some of them were wearing pearls and diamonds. We adjourned to their house – I suppose really a superior brothel – and had a second feast of Chinese dishes, very trying to a weak stomach. Most people seemed to leave without anything happening. They were all very 'respectable' commercial Chinese. Leaving Peking with Dr [W. Perceval] Yetts [Professor of Chinese Art and Archaeology University of London] on 17 June, he climbed, two days later, the sacred mountain of T'ai Shan. It was dusk when they reached the top. They slept in a temple, saw the full moon rise and the sunrise, and spent the next day wandering about. Moved by the beauty, freshness and antiquity of the mountain, he experienced once more the enhanced sensibility that came to him through scenery. Mistra had turned him to dialogue, the Yosemite has inspired him with the idea of interpreting America. On T'ai Shan his feelings were definitely religious. He desired to worship, like the thousands of pilgrims who had preceded him. To worship whom or what ? He discuees this in 'Appearances'. The same day he writes another verse rhapsody : On T'ai Shan Not for the young alone, Cuckoo, voice of the spring, Not for the young alone that liquid note : But for all whom the years have freed From the prison of youth and age, To the one Life freed that is not old nor young, The Life that on this spot Thousands of years have adored, Thousands of years and millions of men, as I now stand and adore, While you, cuckoo, sing. He descended from this altitude into rain and realism. They went on to Ch'ü-fou, where Confucius had been born, and were his descendant, the 76th Duke, still lived on a domain secured to him by the Chinese government. Their visit to the Duke had been officially arranged through the British Legation, but he slept, as so often happens in the East. His secretary asked them very politely to do their sight-seeing first, and Dickinson in his naïveté would have consented, but Dr Yetts saw they would 'lose face' and he sent a message that they regretted missing the Duke and would retire. The Confucian Duke was more trammeled by etiquette. He knew that if the visitors went away in this fashion he himself would 'lose face', and he immediately appeared fully dressed with his entourage – a handsomish rip of a man. An interview ensued, carried on amid much linguistic difficulty. How old was Mr Dickinson, why was he not married, why had he no beard, etc. ? Then followed a symbolic incident : the offering of a copy of 'John Chinaman'. What did the representative of Confucius make of the austere little volume ? Not much. An attempt was made to explain to him that the writer was a distinguished western sage, and he was understood to inquire what present he might give the sage in return. Asked for a set of rubbings of the Confucian portraits and inscriptions, he agreed graciously, and after an interminable interval produced some raspberryade. The visitors then took their leave and Dickinson had his first and last experience of a Chinese inn. It was not too terrible, there were no vermin, and he felt happy. A great deal of time was spent in calling on and being called on by 'the mandarin, whose attentions and courtesy were rather overwhelming in our humble shed', and who showed them over the temples and the great cemetery of the K'ung clan. The Duke's present has not yet arrived. |
14 | 1912 |
Letter from G. Lowes Dickinson to Oscar P. Eckhard. King's College, 12 June 1912.
"We had an Anglo-Chinese dinner on Monday. The secretary of the Chinese legation, Mr Kwei, was there. He sat next me and talked the whole time, and I hardly understood a single word. It was like a nightmare. One thing however I grasped after half an hour's explanation. He applied to my Letters of John Chinaman what I understood is a Chinese proverb : In another's wine cup I make my own complaint. This I think explains itself, and is quite true in its application. Mr Kwei got drunk before the end ; he began to embrace me, and I thought he would never have finished shanking hands. The net result is that I hope I shall get much assistance in my travels to China." |
15 | 1912 |
Letter from G. Lowes Dickinson to Mrs. Webb. (1912).
The cuckoos calling to one another across ranges and ranges of hills, bare and grey, green in the sun. And me lying on top of the most sacred mountain in China, where for four thousand years God has been worshipped, according to Chinese legend ; where certainly Confucius came, and emperor after emperor, and streams of pilgrims, year after year. A path lined with cypresses and flight after flight of rock-stairs brings you to the top. And there we slept in the temple with images of Taoist gods watching us and saw the full moon over the plain, and the sunrise. And I have had one of the great days that come now and again. I wish I could communicate it to you. But it evaporates in words, so I got this down to show I was thinking of you. |
16 | 1912-1920 |
William Henry Donald ist Herausgeber der Far Eastern review in Shanghai.
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17 | 1912 |
Fritz Max Weiss reist mit seiner Frau Hedwig Sonnenburg den Yangzi hinauf nach Chengdu
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18 | 1912 |
[Hope, Anthony]. Lu gong mi shi [ID D32256].
Denise Gimpel : Die verschiedenen Änderungen und Eingriffe, die die Übersetzer Gan Yonglong und Zhu Bingxun vorgenommen hatten, machten aus der eher unseriösen englischen Vorlage eine recht ernste und in vielerlei Hinsicht ganz anders gelagerte chinesische Fassung. Meistens versuchten sie, entweder durch Erklärungen oder durch leichte Änderungen, die Handlung und die Handlungsplätze für ihre Leser nachvollziehbar zu gestalten. Es gibt grundlegende Unterschiede zwischen dem Original und der Übersetzung, strukturelle Unterschiede, die dazu führen, dass ein und dieselbe Geschichte von den jeweiligen Lesern unterschiedlich rezipiert werden konnte. Zwei besondere Abweichungen von der Vorlage sind Anfang und Ende des Romans. In der chinesischen Fassung haben wir am Anfang zwei Erzähler, wobei der erste, derjenige, der sich zwischen uns und den Ich-Erzähler schiebt, ganz offensichtlich eine Erfindung der Übersetzer ist. Ein Einstieg wie im Original wäre in der damaligen Zeit etwas gewagt gewesen. Erstens wäre das lockere Geplänkel am Frühstückstisch einer adligen englischen Familie sicherlich den chinesischen Lesern fremd gewesen. Darüber hinaus war es ganz unüblich, chinesische Erzählungen oder Romane mit einer direkten Rede zu beginnen. Der Held der Übersetzung ist ein anderer als der Held des Originals. Ersterer ist Bedeutungsträger im allgemeinen Sinn : Er zeigt korrekte Handlungsweisen, Einstellungen und Fähigkeiten in einer exotischen aber existenten ausländischen Umgebung. Letzterer stellt ein Einzelschicksal dar, die Verwandlung eines jungen Mannes in einer exotischen und erfundenen Umgebung. Durch das umgestaltete Ende der chinesischen Übersetzung rückt das Motiv der Liebe, mit dem der englische Roman schliesst, in den Hintergrund. Die Liebe, die im Englischen so zentral ist, wird interessanterweise auch mit keinem Wort in der Einleitung der Übersetzer erwähnt. Und tatsächlich wird in der ganzen Übersetzung diese Liebe heruntergespielt. In der Übersetzung fehlen gerade die Komponenten, die den Roman in englischsprachigen Ländern so effektvoll und beliebt gemacht hatten : die Kombination von Abenteuer, Romantik und Witz. |
19 | 1912 |
London, Jack. The house of pride and other tales of Hawaii. (New York, N.Y. : Macmillan, 1912).
http://www.gutenberg.org/files/2416/2416.txt Chun Ah Chun. The Japanese and Chinese coolies, toiling on thesugar plantations and in the rice-fields, married. They invariably married at the first opportunity. It was because they were so low in the scale of life… "Ay, well questioned," Koolau answered. "Because we would not work the miles of sugar-cane where once our horses pastured, they brought the Chinese slaves from overseas. And with them came the Chinese sickness--that which we suffer from and because of which they would imprison us on Molokai. We were born on Kauai… I know the law and the justice, and I say to you it is unjust to steal a man's land, to make that man sick with the Chinese sickness, and then to put that man in prison for life."… He, Koolau, had done no wrong. Because the haoles wanted labour with which to work the stolen land, they had brought in the Chinese coolies, and with them had come the sickness… There was nothing striking in the appearance of Chun Ah Chun. He was rather undersized, as Chinese go, and the Chinese narrow shoulders and spareness of flesh were his. The average tourist, casually glimpsing him on the streets of Honolulu, would have concluded that he was a good-natured little Chinese, probably the proprietor of a prosperous laundry or tailorshop. In so far as good nature and prosperity went, the judgment would be correct, though beneath the mark; for Ah Chun was as good-natured as he was prosperous, and of the latter no man knew a tithe the tale. It was well known that he was enormously wealthy, but in his case "enormous" was merely the symbol for the unknown. Ah Chun had shrewd little eyes, black and beady and so very little that they were like gimlet-holes. But they were wide apart, and they sheltered under a forehead that was patently the forehead of a thinker. For Ah Chun had his problems, and had had them all his life. Not that he ever worried over them. He was essentially a philosopher, and whether as coolie, or multi-millionaire and master of many men, his poise of soul was the same. He lived always in the high equanimity of spiritual repose, undeterred by good fortune, unruffled by ill fortune. All things went well with him, whether they were blows from the overseer in the cane field or a slump in the price of sugar when he owned those cane fields himself. Thus, from the steadfast rock of his sure content he mastered problems such as are given to few men to consider, much less to a Chinese peasant. He was precisely that--a Chinese peasant, born to labour in the fields all his days like a beast, but fated to escape from the fields like the prince in a fairy tale. Ah Chun did not remember his father, a small farmer in a district not far from Canton; nor did he remember much of his mother, who had died when he was six. But he did remember his respected uncle, Ah Kow, for him had he served as a slave from his sixth year to his twenty-fourth. It was then that he escaped by contracting himself as a coolie to labour for three years on the sugar plantations of Hawaii for fifty cents a day… It was under the Kamehamehas, long before, that he had served his own country as Chinese Consul--a position that was not altogether unlucrative… And into this conglomerate of the races, Ah Chun introduced the Mongolian mixture. Thus, his children by Mrs. Ah Chun were one thirty-second Polynesian, one-sixteenth Italian, one sixteenth Portuguese, one-half Chinese, and eleven thirty-seconds English and American… He had furnished the slim-boned Chinese frame, upon which had been builded the delicacies and subtleties of Saxon, Latin, and Polynesian flesh… He preferred the loose-flowing robes of China, and neither could they cajole nor bully him into making the change… Except among the Chinese merchants of the city, he never went out; but he received, and he always was the centre of his household and the head of his table. Himself peasant, born Chinese, he presided over an atmosphere of culture and refinement second to none in all the islands… The reeking smells of the Chinese quarter were spicy to him. He sniffed them with satisfaction as he passed along the street, for in his mind they carried him back to the narrow tortuous alleys of Canton swarming with life and movement… The dishes his highly paid chef concocted for him failed to tickle his reminiscent palate in the way that the weird messes did in the stuffy restaurant down in the Chinese quarter. He enjoyed vastly more a half-hour's smoke and chat with two or three Chinese chums… But it was not merely his alienness and his growing desire to return to his Chinese flesh-pots that constituted the problem… But the little old man was not bound for Canton. He knew his own country too well, and the squeeze of the Mandarins, to venture into it with the tidy bulk of wealth that remained to him. He went to Macao. Now Ah Chun had long exercised the power of a king and he was as imperious as a king. When he landed at Macao and went into the office of the biggest European hotel to register, the clerk closed the book on him. Chinese were not permitted… |
20 | 1912 |
London, Jack. A son of the sun. (Garden City, N.Y. : Doubleday, Page & Company, 1912).
http://www.gutenberg.org/files/21971/21971.txt On the chest of one hung a white doorknob, on the chest of another the handle of a china cup, on the chest of a third the brass cogwheel of an alarm clock… She's a lady. I mean it. She knows a whole lot of South America, and of China, too… Peter Gee, a half-caste Chinese pearl-buyer who ranged from Ceylon to the Paumotus… Peter Gee was that rare creature, a good as well as clever Eurasian. In fact, it was the stolid integrity of the Chinese blood that toned the recklessness and licentiousness of the English blood which had run in his father's veins… David Grief, and his guest, Gregory Mulhall, an Englishman, were still in pajamas, their naked feet thrust into Chinese slippers… |