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1967.1

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Derrida, Jacques. De la grammatologie [ID D24730].
Quellen China betreffend :
Duclos, Charles Pinot. Commentaire. In : Arnauld, Antoine ; Lancelot, Claude. Grammaire générale et raisonnée de Port-Royal ; précédée d'un Essai sur l'origine et les progrès de la langue françoise par M. Petitot, et suivie du Commentaire de M. Duclos. (Paris : P. Le Petit, 1676). [Ausg. 1803].
Fenollosa, Ernest F. L'écriture chinoise considérée comme art poétique. In : Mesures ; no 4 (Oct. 1937).
Fréret, Nicolas
Gernet, Jacques. La Chine, aspects et fonctions psychologiques de l'écriture. In : L'écriture et la psychologie des peuples. (Paris : Colin, 1963).
Granet, Marcel. La pensée chinoise [ID D3346].
Kircher, Athanasius
Leibniz, Gottfried Wilhelm
Merkel, R[udolf] F[ranz]. Leibniz und China [ID D24738].
Pinot, Virgile. Pinot, Virgile. Chine et la formation de l'esprit philosophique en France (1640-1740) [ID D19352].
La réforme de l'écriture chinoise. In : Linguistique. Recherches internationales à la lumière du marxisme, N° 7, mai-juin (1958).
Rousseau, Jean-Jacques
Sur les lettres échangées au sujet de la pensée et de l'écriture chinoises avec le P. Bouvet. In : Baruzi, Jean. Leibniz. (Paris : Bloud, 1909).
Warburton, William. Essai sur les hiéroglyphes des Egyptiens : où l'on voit l'origine et le progrès du langage et de l'écriture, l'antiquitédes sciences en Egypte et l'origine du culte des animaux. Traduit de l'anglois de M. Warburthon. Avec des observations sur l'antiquité des hiéroglyphes scientifiques et des remarques sur la chronologie et sur la première écriture des Chinois. (Paris : H.-L. Guérin, 1744).

S. 41
Elle est à la parole ce que la Chine est à l'Europe : « C'est seulement à l'exégétisme de la culture spirituelle chinoise que convient l'écriture hiéroglyphique de ce peuple. Ce type d'écriture est d'ailleurs la part réservée à la fraction la plus étroite d'un peuple, celle qui détient le domaine exclusif de la culture spirituelle »... « Une écriture hiéroglyphyque exigerait une philosophie aussi exégétique que l'est en général la culture des Chinois »...
Le nom et le mot, ces unités du souffle et du concept, s'effacent dans l'écriture pure. A cet égard, Leibniz est inquiétant comme le Chinois en Europe : « Cette situation, la notation anlytique des représentations dans l'écriture hiéroglyphique, qui a séduit Leibniz jusqu'à lui faire préfPrer à tort cette écriture à l'écriture alphabétique, contredit plutôt l'exigence fondamental du langage en général, à savoir le nom... » «... toute différence (Abweichung) dans l'analyse produirait une autre formation du substantif écrit ».

S. 49
« Il n'y a que deux systèmes d'écriture : 1. le système idéographique, dans lequel le mot est représenté par un signe unique et étranger aux sons dont il se compose. Ce signe se rapporte à l'ensemble du mot, et par-là, indirectement à l'idée qu'il exprime. L'exemple classique de ce système est l'écriture chinoise. 2. le système dit communément « phoné- tique », qui vise à reproduire la suite des sons se succédant dans le mot. Les écritures phonétiques sont tantôt syllabiques, tantôt alphabétiques, c'est-à-dire basées sur les éléments irré- ductibles de la parole. D'ailleurs les écritures idéographiques deviennent volontiers mixtes : certains idéogrammes, détournés de leur valeur première, finissent par représenter des sons isolés ».

S. 111
On ne saurait mieux faire en ce sens que de signaler... les textes de Leibniz qui traitent, souvent conjointement, des faits chinois et des projets d'écriture universelle, et des multiples positions possibles de l'écrit et du parlé... Mais peut-être ne souffrons-nous pas uniquement des aveu- glements du XIXe siècle à l'égard des signes. Sans doute notre qualité de scripteurs « alphabétiques » concourt-elle puissamment aussi à nous dissimuler tels aspects essentiels de l'activité scripturale ».

S. 112-113
Leibniz, etc., encouragèrent à voir dans l'écriture chinoise, qu'on découvrait alors, un modèle de langue philosophique ainsi soustrait à l'histoire. Telle est en tout cas la 'fonction' du modèle chinois dans les projets de Leibniz. Ce qui à ses yeux libère l'écriture chinoise de la voix est aussi ce qui, par arbitraire et ertifice d'invention, l'arrache à l'histoire et la rend propre à la philosophie.
C'est le préjugé «chinois » : tous les projets philosophiques d'écriture et de langage universels, pasi- lalie, polygraphie, pasigraphie, appelés par Descartes, esquissés par le P. Kircher, Willems, Leibniz, etc., encouragèrent à voir dans l'écriture chinoise, qu'on découvrait alors, un modèle de langue philosophique ainsi soustrait à l'histoire. Telle est en tout cas lafonction du modèle chinois dans les projets de Leibniz. Ce qui à ses yeux libère l'écriture chinoise de la voix est aussi ce qui, par arbitraire et artifice d'invention, l'arrache à l'his- toire et la rend propre à la philosophie.

S. 117-119
Le logocentrisme est une métaphysique ethnocentrique, en un sens original et non « relativiste ». Il est lié à l'histoire de l'Occident. Le modèle chinois ne l'interrompt qu'en appa- rence lorsque Leibniz s'y réfère pour enseigner la Caractéristique. Non seulement ce modèle reste une représentation domestique, mais on n'en fait l'éloge que pour y désigner un manque et définir des corrections nécessaires. Ce que Leibniz tient à prêter à l'écriture chinoise, c'est son arbitraire et donc son indépendance à l'égard de l'histoire. Cet arbitraire a un lien essentiel avec l'essence non-phonétique que Leibniz croit pouvoir attribuer à l'écriture chinoise. Celle-ci semble avoir été « inventée par un sourd » (Nouveaux Essais) : «Loqui est voce articulata signum dare cogitationis suae.Scribere est id facere permanentibus in charta ductibus. Quos ad vocem referri non est necesse, ut apparet ex Sinensium characteribus » (Opuscules, p. 497). Ailleurs : « Il y a peut-être quelques langues artificielles qui sont toutes de choix et entièrement arbitraires, comme l'on croit que l'a été celle de la Chine, ou comme le sont celles de Georgius Dalgarnus et de feu M. Wilkins, évêque de Chester ».
Dans une lettre au Père Bouvet (1703), Leibniz tient à dis- tinguer l'écriture égyptienne, populaire, sensible, allégorique, et l'écriture chinoise, philosophique et intellectuelle : ... les caractères chinois sont peut-estre plus philosophiques et paroissent bastis sur des considérations plus intellectuelles, telles que donnant les nombres, l'ordre et les relations ; ainsi il n'y a que des traits détachés qui ne butent à aucune ressemblance avec quelque espèce de corps. »
Cela n'empêche pas Leibniz de promettre une écriture dont la chinoise ne sera encore qu'une ébauche : « Cette sorte de calcul donneroit en même temps une espèce d'écriture universelle, qui auroit l'avantage de celle des Chinois, parce que chacun l'entendroit dans sa propre langue, mais qui surpasseroit infiniment la chinoise, en ce qu'on la pourroit apprendre en peu de semaines, ayant les caractères bien liés selon l'ordre et la connecion des choses, au lieu que les Chinois ayant une infinté de caractères selon la variété des choses, il leur faut la vie d'un homme pour apprendre assez leur écriture ».
Le concept de l'écriture chinoise fonctionnait donc comme une sorte d'hallucination européenne. Cela n'impliquait rien de hasardeux : ce fonctionnement obéissait à une nécessité rigoureuse. Et l'hallucination traduisait moins une ignorance qu'une méconnaissance. Elle n'était pas dérangée par le savoir, limité mais réel, dont on pouvait alors disposer quant à l'écriture chinoise.
En même temps que le « préjugé chinois », un «préjugé hiéroglyphiste » avait produit le même effet d'aveuglement intéressé. L'occultation, loin de procéder, en apparence, du mépris ethnocentrique, prend la forme de l'admiration hyperbolique. Nous n'avons pas fini de vérifier la nécessité de ce schéma. Notre siècle n'en est pas libéré : chaque fois que l'ethnocentrisme est précipitamment et bruyamment renversé, quelque effort s'abrite silencieusement derrière le spectaculaire pour consolider un dedans et en retirer quelque bénéfice domestique. L'étonnant Père Kircher déploie ainsi tout son génie à ouvrir l'Occident à l'égyptologie, mais l'excellence même qu'il reconnaît à une écriture « sublime» en interdit tout déchiffrement scientifique.

[Fussnote] S. 117
Une écriture ou une langue de pure institution et de pur arbitraire ne peut avoir été inventée, comme système, que d'un seul coup. C'est ce que, avant Duclos, Rousseau et Levi-Strauss, Leibniz juge probable : « Aussi était-ce la pensée de Golius, célèbre mathématicien et grand connaisseur des langues, que leur langue est artificielle, c'est-à-dire qu'elle a été inventée tout à la fois par quelque habile homme pour établir un commerce de paroles entre quantité de nations différentes qui habitaient ce grand pays que nous appelons la Chine, quoique cette langue pourrait se trouver altérée maintenant par le long usage.

S. 120
Il y a donc entre le rationalisme et le mysticisme une cer- taine complicité. L'écriture de l'autre est chaque fois investie par des schémas domestiques. Ce qu'on pourrait appeler alors, avec Bachelard, une « coupure épistémologique », s'opère sur- tout grâce à Fréret et à Warburton. On peut suivre le labo- rieux dégagement par lequel ils ont tous deux préparé la déci- sion, le premier sur l'exemple chinois, le second sur l'exemple égyptien. Avec beaucoup de respect pour Leibniz et le projet d'écriture universelle, Fréret met en pièces la représentation de l'écriture chinoise qui s'y trouve impliquée : « L'écriture chinoise n'est donc pas une langue philosophique dans laquelle il n'y ait rien à désirer... Les chinois n'ont jamais rien eu de pareil.

S. 133
Au cours d'une réunion de la Société de Psychanalyse de Berlin, Herr Rohr avait examiné quelques détails de l'écriture chinoise et de son inter- prétation psychanalytique. Dans la discussion qui suivit, j'indiquai que l'écriture pictographique ancienne, fondement de notre écriture, est encore vivante dans les fantasmes de chaque enfant en parti- culier, de telle sorte que les divers traits, points, etc. de notre écri- ture actuelle ne seraient que des simplifications résultant de conden- sations, de déplacements et de mécanismes avec lesquels les, rêves et les névroses nous ont familiarisés, — des simplifications de picto- grammes anciens dont il resterait cependant des traces chez l'individu.

S. 137-138
La complexité de cette structure, nous la découvrons aujour- d'hui dans des écritures dites « primitives » et dans des cul- tures qu'on croyait « sans écriture ». Mais nous savions depuis longtemps que l'écriture chinoise ou japonaise, qui sont massi- vement non-phonétiques, ont très tôt comporté des éléments phonétiques. Ceux-ci sont restés structurellement dominés par l'idéogramme ou l'algèbre et nous avons ainsi le témoignage d'un puissant mouvement de civilisation se développant hors de tout logocentrisme. L'écriture ne réduisait pas la Voix en elle-même, elle l'ordonnait à un système :
« Cette écriture a eu plus ou moins recours aux emprunts phonétiques, certains signes étant employés pour leur son indépendamment de leur sens originel. Mais cet emploi pho- nétique des signes n'a jamais pu être assez large pour altérer dans son principe l'écriture chinoise et l'amener sur la voie de la notation phonétique... L'écriture, n'ayant pas abouti en Chine à une analyse phonétique du langage, n'a jamais pu y être sentie comme un décalque plus ou moins fidèle de la parole et c'est pourquoi le signe graphique, symbole d'une réalité unique et singulière comme lui, y a gardé beaucoup de son prestige primitif. Il n'y a pas lieu de croire que la parole n'ait pas euanciennement en Chine la même efficacité que l'écriture, mais sa puissance a pu y être en partie
éclipsée par celle de l'écrit. Au contraire, dans les civilisations où l'écriture a évolué assez tôt vers le syllabaire ou l'alphabet, c'est le verbe qui a concentré en lui, en définitive, toutes les puissances de la création religieuse et magique. Et, en effet, il est remarquable qu'on ne trouve pas en Chine cette valorisation étonnante de la parole, du verbe, de la syllabe ou de la voyelle qui est attestée dans toutes les grandes civi- lisations anciennes depuis le bassin méditerranéen jusqu'à l'Inde ». Il est difficile de ne pas souscrire globalement à cette analyse. Remarquons toutefois qu'elle semble considérer 1' « analyse phonétique du langage » et l'écriture phonétique comme un « aboutissement » normal, comme un telos historique en vue duquel, tel un navire faisant route vers le port, l'écriture chinoise a quelque part échoué. Or peut-on penser que le système de l'écriture chinoise soit ainsi une sorte d'alphabet inachevé ? D'autre part, J. Gernet semble expliquer le « prestige primitif » du graphisme chinois par son rapport « symbolique » avec une « réalité unique et singulière comme lui ». Or n'est-il pas évident qu'aucun signifiant, quelles qu'en soient la substance et la forme, n'a de « réalité unique et singulière »? Un signifiant est d'entrée de jeu la possibilité de sa propre répétition, de sa propre image ou ressemblance. C'est la condition de son idéalité, ce qui le fait reconnaître comme signifiant et le fait fonctionner comme tel, le rapportant à un signifié qui, pour les mêmes raisons, ne saurait jamais être une « réalité unique et singulière ». Dès que le signe apparaît, c'est-à-dire depuis toujours, il n'y a aucune chance de rencontrer quelque part la pureté de la « réalité », de 1' « unicité », de la « sin- gularité ». Enfin de quel droit supposer que la parole ait pu avoir, « anciennement », avant la naissance de l'écriture chinoise, le sens et la valeur que nous lui connaissons en Occident ?

[Fussnote] S. 140
La fascination que l'idéogramme chinois exerçait sur l'écriture de Pound prend ainsi toute sa signification historiale.
Questionnant tour à tour les structures logico-grammaticales de l'Occident (et d'abord la liste des catégories d'Aristote), mon- trant qu'aucune description correcte de l'écriture chinoise ne peut les tolérer, Fenollosa rappelait que la poésie chinoise était essentiellement une écriture. Il notait par exemple : « Si nous désirons entreprendre l'étude précise de la poésie chinoise, il nous faudra... nous garer de la grammaire occidentale, de ses strictes catégories de langage, de sa complaisance envers les noms et les adjectifs. Il nous faudra chercher, ou du moins avoir toujours à l'esprit, les résonances du verbe dans chaque nom. Nous éviterons le « est » pour introduire un trésor de verbes dédaignés. La plupart des traductions transgressent toutes ces règles. Le développement de la phrase transitive normale s'appuie sur le fait que dans la nature une action en détermine une autre ; ainsi la cause et l'objet sont en réa- lité des verbes. Par exemple, notre phrase « la lecture détermine l'écriture » serait explicitement exprimée en chinois par trois verbes. Une telle forme est l'équivalent de trois propositions développées et qui peuvent être présentées en locutions adjectives, participales, infinitives ou conditionnelles. Un exemple parmi d'autres : « Si quelqu'un lit, cela lui apprend à écrire. » Un autre : « Celui qui lit, devient celui qui écrit. » Mais dans la première forme condensée, un Chinois écrirait : « Lire détermine écrire. » (L'écriture chinoise considérée comme art poétique, tr. fr. in : Mesures ; Oct. 1937, no 4).

S. 175
Question qui n'a de sens qu'à impliquer une rigueur originale de la critique marxiste et à la distinguer de toute autre critique de la misère, de la violence, de l'exploitation, etc. ; et par exemple de la critique bouddhiste. Notre question n'a évidemment aucun sens au point où l'on peut dire qu' « entre la critique marxiste... et la cri- tique bouddhiste... il n'y a ni opposition ni contradiction.

S. 180-181
Et devra-t-on conclure que les Chinois sont un peuple sans écriture sous prétexte que le motwen désigne beaucoup d'autres choses que l'écriture au sens étroit ? Comme le note en effet J. Gernet : « Le mot 'wen' signifie ensemble de traits, caractère simple d'écriture. II s'applique aux veines des pierres et du bois, aux constellations, représentées par des traits reliant les étoiles, aux traces de pattes d'oiseaux et de quadrupèdes sur le sol (la tradition chinoise veut que l'observation de ces traces ait suggéré l'invention de l'écriture), aux tatouages ou encore, par exemple, aux dessins qui ornent les carapaces de la tortue. (« La tortue est sage, dit un texte ancien — c'est-à- dire douée de pouvoirs magico-religieux — car elle porte des dessins sur son dos ».) Le terme 'wen' a désigné, par exten- sion, la littérature et la politesse des mœurs. Il a pour anto- nymes les motswu (guerrier, militaire) etzhi (matière brute non encore polie ni ornée) ».

S. 182-183
L'unité naturelle du cri, de la voix et du chant, c'est l'expérience de l'archi-Grec ou du Chinois. L'article 'Voix' analyse et amplifie le même débat autour des thèses de Dodart et de Duclos (dans l'article « Déclamation des anciens » de l'Encyclopédie). Les différences entre les langues sont mesurées à la distance qui, dans le système de chaque langue, sépare la voix de parole de la voix de chant, « car, comme il y a des langues plus ou moins harmonieuses, dont les accents sont plus ou moins musicaux, on remarque aussi dans ces langues que lesvoix de parole et de chant se rapprochent ou s'éloignent dans la même proportion : ainsi comme la langue italienne est plus musicale que la française, la parole s'y éloigne moins du chant ; et il est plus aisé d'y reconnaître au chant l'homme qu'on a entendu parler. Dans une langue qui serait toute harmo- nieuse, comme était au commencement la langue grecque, la différence de lavoix de parole et de lavoix de chant serait nulle ; on n'aurait que la mêmevoix pour parler et pour chanter : peut-être est-ce encore aujourd'hui le cas des Chinois. »

S. 403-404
Mais, lorsque l'étude de la Philosophie, qui avait occasionné l'écriture symbolique, eut porté les Savants d'Egypte à écrire beaucoup, et sur divers sujets, ce dessin exact multipliant trop les volumes, leur parut ennuyeux. Ils se servirent donc par degrés d'un autre caractère, que nous pouvons appeler, l'écriture courante des hiéroglyphes. Il ressemblait aux caractères des Chinois, et, après avoir d'abord été formé du seul contour de chaque figure, il devint à la longue une sorte de marques. Je ne dois pas omettre ici de parler d'un effet naturel que ce caractère de l'écriture courante produisit avec le temps. Je veux dire, que son usage diminua beaucoup de l'attention que l'on donnait au symbole, et la fixa à la chose signifiée. Par ce moyen l'étude de l'écriture symbolique se trouva fort abrégée ; n'y ayant alors presque autre chose à faire qu'à se rappeler lepouvoir de la marque symbolique, au lieu qu'auparavant il fallait être instruit des propriétés de la chose, ou de l'animal, qui était employé comme symbole. En un mot, cela réduisit cette sorte d'écri- ture à l'état où est présentement celle des Chinois » (T. I, pp. 139-140). Cet effacement du signifiant conduisit par degrés à l'alphabet (cf. p. 148). C'est aussi la conclusion de Condillac (§ 134).

S. 413
« La seconde manière est de représenter les mots et les propositions par des caractères conventionnels ; ce qui ne peut se faire que quand la langue est tout à fait formée et qu'un peuple entier est uni par des lois communes, car il y a déjà ici double convention : telle est l'écriture des Chinois ; c'est là véritablement peindre les sons et parler aux yeux. »

S. 424
Fussnote : C'est la thèse de Duclos : « L'écriture (je parle de celle des sons) n'est pas née, comme le langage, par une progression lente et insensible : elle a été bien des siècles avant de naître ; mais elle est née tout à coup, comme la lumière. » Après avoir retracé l'histoire des écritures pré-alphabétiques, Duclos en appelle au « coup de génie » : « Telle est aujourd'hui l'écriture des Chinois, qui répond aux idées et non pas aux sons : tels sont parmi nous les signes algébriques et les chiffres arabes. L'écriture était dans cet état, et n'avait pas le moindre rapport avec l'écriture actuelle, lorsqu'un génie heureux et profond sentit que le discours, quelque varié et quelque étendu qu'il puisse être pour les idées, n'est pourtant composé que d'un assez petit nombre de sons, et qu'il ne s'agissait que de leur donner à chacun un caractère représentatif. Si l'on y réfléchit, on verra que cet art, ayant une fois été conçu, dut être formé presque en même temps ; et c'est ce qui relève la gloire de l'inventeur... Il était bien plus facile de compter tous les sons d'une langue, que de découvrir qu'ils pouvaient se compter. L'un est un coup de génie, l'autre un simple effet de l'attention. »

Mentioned People (1)

Derrida, Jacques  (El-Biar, Algerien 1930-2004 Paris) : Philosoph, Professor für Philosophie, Ecole des hautes études en sciences sociales, Paris ; Professor of the Humanities, University of California, Irvine.

Subjects

Linguistics / Philosophy : Europe : France

Documents (1)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 1967 Derrida, Jacques. De la grammatologie. (Paris : Ed. de Minuit, 1967). (Collection "Critique"). = Derrida, Jacques. Of grammatology. Transl. by Gayatri Chakravorty Spivak. Corrected ed. (Baltimore, Md. : Johns Hopkins University Press, 1997).
http://www.scribd.com/doc/12098603/Derrida-De-La-Grammatologie.
http://www.wehavephotoshop.com/PHILOSOPHY%20NOW/PHILOSOPHY/
Derrida/Jacques%20Derrida%20De%20la%20grammatologie.pdf
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Publication / Derr17