Michaux, Henri. Un barbare en Asie [ID D21734].
Sekundärliteratur
Liu Yang : C'est un compte rendu, non plus sous forme de journal, mais sous forme d'essais ou de reportages. Michaux s'intéresse moins aux paysages, aux moeurs, à la vie sociale, économique et politique des peuples d'Asie qu'à leur spiritualité et à leur culture. Aux Indes et en Chine, il découvre avec émerveillement (mais sans jamais renoncer à exercer son esprit critique) des modes de penser et d'être plus riches et plus efficaces que les nôtres, et surtout radicalement différents. Il trace, avec sympathie et amusement, un portrait pittoresque des Hindous et des Chinois. Toutes ses impressions sont notées avec bonne humeur et désinvolture, et avec un extraordinaire bonheur dans l'expression. C'est sans doute le livre le plus « objectif » et en même temps le plus détendu d’Henri Michaux ; on y retrouve tout de même les thèmes essentiels de son oeuvre poétique et ses préoccupations habituelles.
Il a donné son opinion sur la philosophie, l’écriture, le théâtre, la musique, la calligraphie et la peinture de la Chine.
Son voyage est lié à ses expériences personnelles, à sa famille et au milieu social dont il est issu. En même temps, c'est une révolte non seulement contre la famille mais aussi contre la société. Selon Henri Michaux, la civilisation occidentale n'a plus d'oxygène pour personne. Il voulait parcourir le monde, c'est justement pour s'échapper de la société et d'une certaine civilisation. Il a jeté son regard sur l'Orient et la Chine. En fait, le voyage d'Henri Michaux constitue une manière de révolte contre la tradition. Partir pour l'Orient, c'était, pour lui, une manière de résister à la tradition et à la civilisation occidentale. De ce fait, il voulait aller en Orient chercher la sagesse dans la civilisation orientale. Le voyage en Chine marque un tournant de la création littéraire et artistique d'Henri Michaux et lui laisse un souvenir qui ne s'effacera jamais.
Le voyage de Michaux en Asie lui permet de jouer un rôle important dans sa vie et sa création littéraire et artistique.
Le contact avec Laozi a exercé une grande influence sur lui et lui a laissé une impression ineffaçable. L'observation faite en place lui a donné une impression nouvelle sur la Chine. En Chine, il a observé des Chinois: femmes au travail, enfants qui font leur jeu de signe, vieillards, marchands de journaux, porteurs, etc. Il a vu les saules et la porte de Pékin, le temple des cinq cents bouddhistes de Canton, Grande World de Shanghai. Tout cela lui a laissé de profondes impressions. La Chine a ouvert un nouveau monde aux yeux d'Henri Michaux. Le poète a pu décrire la Chine réelle. Le grain de son voyage en Asie a germé, fleuri et porté des fruits dans ses oeuvres. Sous la plume d’Henri Michaux, la Chine n'est plus un pays imaginaire, mais un pays réel. Deuxièmement, le voyage d'Henri Michaux en Chine a enrichi sa création littéraire. Dès le début des années trente du XXe siècle, de la création d'Un barbare en Asie jusqu'au moment où il a écrit la préface en 1967, son attachement pour la Chine n'a pas du tout changé. Henri Michaux se considère comme un barbare. Il exprime son attitude humble envers la culture chinoise. En tant que poète et peintre, Henri Michaux fait l'exploration de l'art chinois. Son voyage en Chine le fait entrer en contact direct avec la culture chinoise. Ce qui constitue un tournant de sa création littéraire et artistique.
Henri Michaux a décrit la Chine et les Chinois dans les années trente du XXe siècle et fait des commentaires sur les caractères des chinois. Cela constitue une référence tant pour les Occidentaux que pour nous les Orientaux. Nous analyserons l'image chinoise sous la plume d'Henri Michaux. Premièrement, Henri Michaux considère le Chinois comme un peuple laborieux et créatif. Aux yeux d'Henri Michaux, le Chinois a « de la créativité » ; il est « artisanné», « artisan habile ». Il a « intérêt de l'imitation », « génie de symbole » « des doigts de violoniste ». Tout comme ses prédécesseurs, Henri Michaux pense que les Chinois créent tout. Sous la plume d'Henri Michaux, les Chinois expriment leur habileté dans tous les domaines. Henri Michaux a cité une dizaine de techniques pour dire que les Chinois sont ingénieux : utilisateur de bâtonnets, crieur de journaux, porteur, etc. Ce sont des techniques nouvelles pour les Occidentaux.
L'anecdote tirée du Li ji nous raconte que la tyrannie est plus violente que le tigre. Ce qu'Henri Michaus admire, c'est la vertu confucéenne dans l'administration.
Henri Michaux a découvert le goût du Chinois qui a mis son infini, un infini de justesse et de saveur. Dans les choses qui semblent d'abord presque neutres, mais qui se révèlent à lui tout de suite (à nous à la longue) comme d'une douceur déchirante, mystique, le Chinois a mis son infini, un infini de justesse et de saveur. Le jade, les pierres polies et comme humides, mais pas brillantes, troubles et pas transparentes, l'ivoire, la lune, une fleur seule dans son pot de fleur, les petites branches aux ramilles multiples aux feuilles minuscules, maigres, vibrantes, les paysages lointains et pris par un brouillard naissant, les pierres percées et comme torturées, le chant d'une femme affaibli par la distance, les plantes immergées, le lotus, le court sifflet flûté du crapaud dans le silence, les mets fades, un oeuf légèrement avarié, un macaroni gluant, l'aileron de requin, une pluie fine qui tombe, un fils qui remplit ses devoirs filiaux en suivant les rites de façon trop juste, d'une justesse crispante à vous faire évanouir, l'imitation sous routes ses formes des plantes en pierre, aux fleurs crémeuses, aux corolles, aux pétales et sépales d'une perfection agaçante, faire jouer des pièces de théâtre à la Cour par des prisonniers politiques, les y obliger, les délicieuses cruautés et à demi distraites, voilà ce que le Chinois autrefois a tant aimé. Henri Michaux indique la faiblesse des Chinois qui veulent toujours se protéger. Selon Henri Michaux, les Chinois ont des caractères typiques. Ils ont peur de perdre la face. Ils cherchent la protection. Ils n'ont pas tant peur de perdre la face que de la faire perdre aux autres.
Le Chinois n'a pas un élan fou. Une ville chinoise se distingue par ses formidables portes. Ce qu'il faut avant tout, c'est être protégé. Pas trop à l'intérieur de monuments orgueilleux, mais plutôt des portes importantes, fortement assises, destinées à effrayer, où entre aussi du bluff. L'empire chinois se distingue de tous les autres par la Muraille de Chine. Ce qu'il faut avant tout, c'est être protégé. Les édifices chinois se distinguent par leur toit. Ce qu'il faut avant tout, c'est être protégé. Partout, il y a de grands écrans, puis il y a encore des paravents et naturellement les triples labyrinthes. Ce qu'il faut avant tout, c'est être convenablement protégé. Le Chinois n'est jamais abandonné, mais toujours sur ses gardes, il a toujours l'air d'un affilié de société secrète. […].
Ils n'ont pas tant peur de perdre la face, que de la faire perdre aux autres. cette sensibilité, véritablement maladive aux yeux de l'Européen, donne un aspect spécial à toute leur civilisation. Ils ont le sens et l'appréhension du 'on dit'. Ils se sentent toujours regardés… « Quand tu traverses un verger, garde-toi, s'il y a des pommes, de porter la main à ta culotte et, s'il y a des melons, de toucher à tes chaussures. » Ils n'ont pas conscience d'eux, mais de leur apparence, comme s'ils étaient eux-mêmes à l'extérieur et s'observant de là. Le Chinois a une tendance pour la paix et se conforme à la loi du ciel. Henri Michaux a dit ainsi : Quoique guerrière quand ce fut absolument nécessaire, la Chine a été une nation pacifique. « Avec le bon acier, on ne fabrique pas des clous. D'un jeune homme de valeur, ne faites pas un militaire. » Telle est l'opinion publique. Toute l'éducation chinoise pousse tellement au pacifique, que les Chinois étaient devenus lâches (pour quelque temps) et avec le plus grand sans-gêne. […]. L'ardeur naturelle, le sang piquant et la combativité naturelle échappent au Chinois. La Chine est si essentiellement pacifique qu’elle est pleine de bandits. Si le peuple chinois n'était pas tellement pacifique, il prendrait les armes, coûte que coûte il mettrait de l'ordre. Mais non. Sous la plume d'Henri Michaux, le Chinois aime beaucoup la lumière artificielle, les lanternes huilées, qui, comme la lune, n'éclairent bien qu'elles-mêmes, et ne projettent aucun rayon brutal. « Un rien froisse le Chinois. » Il a dit ainsi : La lune lui plaît, à laquelle la femme chinoise ressemble étonnamment. Cette clarté discrète, ce contour précis lui parle en frère ? D'ailleurs, beaucoup sont sous le signe de la lune. Ils ne font aucun cas du soleil, ce gros vantard, ils aiment beaucoup la lumière artificielle, les lanternes huilées, qui, comme la lune, n'éclairent bien qu'elles-mêmes, et ne projettent aucun rayon brutal. Henri Michaux a cité encore des exemples : le saule, arbre chinois par excellence, clair de la lune, etc. Sous la plume d’Henri Michaux, c'est ce que les Chinois aiment le plus. Il a indiqué le caractéristique des Chinois qui aiment beaucoup la lune.
C'est la conception du Vide qui attire Henri Michaux. Les arts chinois ont donné une considération et un langage nouveaux à Henri Michaux qui reflète, d'une manière particulière, la perplexité de l'homme devant la société d'aujourd’hui.
Henri Michaux est un grand artiste. Il adore les arts chinois. Dans les années trente, il a rencontré une culture différente de celle de l'Occident de sorte que ses idées ont tout à fait changé, et surtout dans les arts. Il a découvert aussi la caractéristique commune dans les art chinois. C'est la sagesse du Vide révélée dans toutes les formes artistiques. Son admiration pour le moyen de représentation du théâtre chinois, sa connaissance sur le rôle et la fonction de la musique chinoise, son appréciation pour l'écriture chinoise, sa pratique de la peinture à l'encre, tout cela inspire Henri Michaux dans sa quête de la sagesse et de l'esprit esthétique.
Dans Un Barbare en Asie, Henri Michaux a pris trois genres de l'art oriental pour exemples. Il a dit à François Cheng que ce qui le retenait, c'était la musique de Java, la danse de l’Inde et le théâtre chinois.
En parlant de la présentation de l'acteur, Henri Michaux a dit : « S'il a besoin d'un grand espace, il regarde au loin, tout simplement ; et qui regarderait au loin s'il n'y avait pas d’horizon ? Quand une femme doit coudre un vêtement, elle se met à coudre aussitôt. L'air pur seul erre dans ses doigts ; néanmoins (car qui coudrait de l'air pur ? ) » Aux yeux d'Henri Michaux, le théâtre européen est trop réaliste, « tout est là, sur scène. » Dans le théâtre chinois, « Le spectateur éprouve la sensation de coudre, de l’aiguille qui entre, qui sort péniblement de l'autre côté, et même on en a plus la sensation que dans la réalité, on sent le froid, et tout. Pourquoi ? Parce que l'acteur se représente la chose. »
C'est le théâtre chinois qui attire le plus Henri Michaux. La caractéristique du théâtre chinois consiste à peindre à grand trait dans le contenu et la forme. La transformation du temps et de l'espace, le façonnage des personnages, les rapports triangulaires avec les acteurs, les rôles qu'ils jouent et les spectateurs sont tout à fait différents de ceux du théâtre occidental qui décrit de façon réaliste.
En ce qui concerne la musique, c'est une sorte d'art que Henri Michaux aime beaucoup. Il s'est intéressé à la musique très tôt. Au début des années vingt du XXe siècle, il est frappé par la musique de Stravinski dont l'esprit moderne ouvre un nouveau domaine aux yeux d’Henri Michaux. Il s'intéresse aussi à la musique chinoise. Henri Michaux écoute souvent la musique chinoise. Quand René Bertelé, critique de renom, lui a fait visite, Henri Michaux lui a fait écouter la musique chinoise. Henri Michaux admire la musique chinoise. Il a dit : « Peu d'Européens qui aiment la musique chinoise. Cependant, Confucius, qui n'était pas un homme porté à l'exagération, tant s'en faut tellement pris par le charme d'une mélodie qu'il resta trois mois sans pouvoir manger. » Ici, Henri Michaux est surpris de la manière de Confucius devant la musique. « C'est la musique chinoise qui me touche le plus. Elle m'attendrit. » « Comme cette mélodie est bonne, agréable, sociable. Elle n'a rien de fanfaron, d'idiot, ni d'exalté, elle est tout humaine et bon enfant, et enfantine et populaire, joyeuse et « réunion de famille ». » Henri Michaux a fait attention à la fonction de la musique chinoise.
Pour Henri Michaux, la musique chinoise a une autre fonction, celle de la catharsis. Henri Michaux a dit : « Et de même que certaines personnes n'ont qu'à ouvrir un livre de tel auteur et se mettent à pleurer sans savoir pourquoi, de même quand j'entends une mélodie chinoise, je me sens soulagé des erreurs et des mauvaises tendances qu'il y en moi et d'une espèce d'excédent dont chaque jour m'afflige. » Henri Michaux dit : « La musique chinoise me frappe, m'attriste. » Il observe que la musique chinoise est « la plus paisible, la plus frappante », « Qui n'a pas entendu Mei Lanfang, ne sait pas ce que c'est que la douceur, la douceur déchirante, décomposante, le goût des larmes, le raffinement douloureux de la grâce. » Ce qui frappe Henri Michaux, C'est justement la douceur de la musique chinoise. Mei Lanfang fut rénovateur de l'opéra de Pékin. Il chantait des rôles de femmes jusqu'à un âge avancé. En 1930, Mei Lanfang a fait visite et représentation en Amérique et remporté de grands succès. Après la visite en Amérique, il a visité Pologne, France, Belgique, Italie, Angleterre etc. Retourné en Chine, il fait représentation à Pékin et à Shanghai. Pendant cette période, Henri
Michaux a eu l'occasion de voir la représentation de Mei Lanfang. La musique dont Henri Michaux parle est celle du théâtre chinois. Mei Lanfang ne chante que deux morceaux ponctués par des gestes, alors que l'héroïne qu'il incarne visite douze kiosques. Pendant cette promenade, la galerie décorée, le bassin, les ruines, le pavillon des pivoines, les azalées, les oiseaux, tout n'existe que par l'interprétation du comédien et par l'imagination du public. L'Être naît du vide. Dès que Mei Lanfang s'arrête, tout a disparu, la scène est vide. Sur ce point, Henri Michaux a dit ces mots : « Je retrouvais, je comprenais mieux à présent cette pensée chinoise qui m'avait autrefois tant surpris : « La musique est faite pour modérer. »… mais j'avais mal retenu. Elle dit, la pensée de Yo-ki : « La musique est faite pour modérer la joie. » La joie ! Elle serait donc si immense ! Ici certes elle ne l'était pas, c'était tout l'être devenu expressif par les heures atroces, qu'il fallait modérer. »
Dans Passages, Henri Michaux a dit : « Cet art devait être particulièrement étudié par les Chinois, peuple particulièrement sensible au phénomène de l'imitation et dont la morale dès avant Confucius et même avant Sema Ts'ien [Sima Qian] est une morale d'exemples, de valeurs à reproduire, à copier. Solennellement, les empereurs de Chine d'autrefois donnaient le Jour de l'An la note sur laquelle, pendant toute l'année à venir, l'Empire devait être accordé, harmonisé, tenu dans l'union.
Henri Michaux a peint quantité de tableaux avec l'encre de Chine. Il consacre sa vie à l'écriture et à la peinture pour être en harmonie avec tout et avec Tao. Ce qu'Henri Michaux admire, c'est l'effet de la peinture chinoise où règne la nature.
Literature : Occident : Belgium