Shen, Dali. Une Chine à la Balzac [ID D21413].
Feiern zum 200. Geburtstag von Honoré de Balzac in China.
Balzac n'as pas connu la Chine qui était, pour lui, un pays mystérieux, un pays où l'on n'arrive jamais. C'est pourtant en Chine qu'a eu lieu une manifestation commémorative d’envergure, avec plus de mille cinq cents participants, à l'occasion du bicentenaire de sa naissance... Balzac a rejoint, sans en prendre conscience, les taoïstes et les bouddhistes chinois qui parlaient de 'percer la poussière rouge'.
Pierre Morel a indiqué : "Balzac perçoit une puissance d'infini dans chaque forme de vie. Sa vision de la nature, du monde et de l'existence monte de l'intérieur. C'est, bien sûr, la célèbre démarche inductive du grand naturalist Cuvier. Mais n'est-ce pas aussi une remontée taoïste vers le grand Tout ? Il y a bien chez Balzac un sens aigu de la double dimension de toute chose, de tout événement. Si l'on continue à se référer à la pensée du Tao, il ne faut pas oublier le vide, au centre du jeu des forces opposées. Et l'on trouve dans l’oeuvre de Balzac un silence, un non-dit qu'il faut savoir atteindre, un retrait, un secret à découvrir."
Paul Piaux m'ait conseillé de tenter une mise en scène du Faiseur en Chine. En 1991 j'ai trouvé dans une petite librairie de la rue Bonaparte la version scénique du Faiseur, réalisée par Jean Vilar en 1957 pour le théâtre national populaire de Chaillot. A mon retour à Pékin, j'en ai produit une adaptation radiophonique en collaboration avec Mme Cai Shuwen. Radio-Chine l'a diffusée à maintes reprises, et cette pièce, considérée à tort ou à raison comme la seule jouable de Balzac, a suscité un vif intérêt chez les audieurs chinois.
Dans une Chine influencée par l'Union soviétique, la critique marxiste a toujours vu en Balzac un réaliste critique ayant une conception du monde réactionnaire – et cela pour le mettre au service de la littérature prolétarienne qui dénonçait les tares du capitalisme. A l'occasion du bicentenaire de sa naissance, je crois que l'heure est venue de nous débarrasser de ce genre d'étiquette restrictive qui lui a été accolée depuis trop longtems. Dans mon dernier roman, Les amoureux du lac, j'ai abordé ce problème sous la forme d'un dialogue entre eux boursiers chinois. Yi Lu et Lu Ying, à Fontenay-aux-Roses :
"J’ai été visiter les châteaux de la Loire et je reviens tout juste à Paris.
- Vous avez visité le château de Saché ?
- Bien sûr ! La Touraine est un endroit admirable.
- Balzac la compare à une coupe d’émeraude et y situe son Lys dans la vallée.
- Henriette, le lys blanc dans la vallée verte. Quel beau symbol !
- Et dire que, chez nous, on a toujours tenu Balzac pour un réaliste critique !
- C’est un stéréotype. Les critiques chinois n'ont pas tenu suffisamment compte de l'aspect symbolique du roman balzacien..."
Sortis du prétendu réalisme socialiste, nous autres Chinois nous découvrons chez Balzac un idéaliste à la Kant, un littérateur de tempérament romantique, de tendance symbolist. Au fond, Balzac n'accepte pas le monde tel qu'il est. Il croit qu'un plus, un ailleurs, un meilleur sont toujours possibles. Balzac n'était pas un 'bourgeois gentilhomme' comme le prétendaient certains critiques dogmatiques en Chine. La preuve, c'est qu'il n'aimait ni la corruption ni la complaisance dans le vulgaire.
Dans le processus de la redécouverte de Balzac, l'essentiel, pour nous, est de juger un auteur étranger dans sa globalité, et surtout, dans toute sa complexité. C'est cette nouvelle approche qui a marqué, à mon sens, la célébration en Chine du bicentenaire de la naissance de Balzac. Dans sa contribution à cette célébration, M. Yves Gagneux, conservateur en chef de la Maison de Balzac, a dit en particulier : "Cette commémoration ne restera pas comme la conclusion d'un travail considérable, mais comme une étape cruciale dans le développement d'une collaboration toujours plus forte et plus fructueuse. Je conclurai en insistant sur l'importance d'une telle célébration qui, par son retentissement, peut faire découvrir et aimer Balzac à des millions de lecteurs."
Literature : Occident : France