Voltaire. Le philosophe ignorant [ID D19779].
XLI. De Confucius.
Les Chinois n'eurent aucune superstition, aucun charlatanisme à se reprocher comme les autres peuples. Le gouvernement chinois montrait aux hommes, il y a fort au delà de quatre mille ans, et leur montre encore qu'on peut les régir sans les tromper; que ce n'est pas par le mensonge qu'on sert le Dieu de vérité; que la superstition est non seulement inutile, mais nuisible à la religion. Jamais l’adoration de Dieu ne fut si pure et si sainte qu'à la Chine (àla révélation près). Je ne parle pas des sectes du peuple, je parle de la religion du prince, de celle de tous les tribunaux et de tout ce qui n’est pas populace. Quelle est la religion de tous les honnêtes gens à la Chine, depuis tant de siècles? la voici: Adorez le ciel, et soyez juste. Aucun empereur n'en a eu d’autre.
On place souvent le grand Confutzée, que nous nommons Confucius, parmi les anciens législateurs, parmi les fondateurs de religions: c'est une grande inadvertance. Confutzée est très moderne; il ne vivait que six cent cinquante ans avant notre ère. Jamais il n'institua aucun culte, aucun rite; jamais il ne se dit ni inspiré ni prophète; il ne fit que rassembler en un corps les anciennes lois de la morale.
Il invite les hommes à pardonner les injures et à ne se souvenir que des bienfaits
A veiller sans cesse sur soi-même, à corriger aujourd'hui les fautes d'hier;
A réprimer ses passions, et à cultiver l'amitié; à donner sans faste, et à ne recevoir que l'extrême nécessaire sans bassesse.
Il ne dit point qu'il ne faut pas faire à autrui ce que nous ne voulons pas qu'on fasse à nous-mêmes: ce n'est que défendre le mal; il fait plus, il recommande le bien: «Traite autrui comme tu veux qu’on te traite.»
Il enseigne non seulement la modestie, mais encore l'humilité; il recommande toutes les vertus.
Literature : Occident : France : Prose
/
Philosophy : China : Confucianism and Neoconfucianism