HomeChronology EntriesDocumentsPeopleLogin

Chronology Entry

Year

1885

Text

Simon, Eugène. La cité chinoise [ID D2437].
Gilbert Gadoffre : Simon a été le premier Français à envisager l'étude de la Chine sous l'angle économique. La cité chinoise est une analyse socio-économique et une idéologie. L'analyse est appuyée sur trois postulats : la Chine est un empire sans état, l'économie chinoise est autosuffisante et sans crises cycliques, le moteur de la civilisation chinoise est une religion du travail avec rituels mais sans métaphysique.
La Chine, dit Eugène Simon, est le contraire de ce qu'elle paraît. Sous son apparence d'empire despotique aux pouvoirs hiérarchisés par un mandarinat en cascade, c'est une confédération de villages qui vivent dans un état de semi-autonomie. Les mandarins se contentent de prélever un impôt foncier et d'intervenir dans les cas, rarissimes, de troubles ou de catastrophes. Pour le reste, ils laissent les villages libres d'élire leur chef, leur maître d'école, leur tribunal et de s'organiser entre eux pour les problèmes de routes et de canaux. Le village lui-même n'est que le prolongement et le modèle agrandi de la cellule familiale, les principes d'organisation viennent d'en bas au lieu d'être imposés. On se trouve en présence d'un ordre biologique, le contraire de l'ordre mécanique de nos sociétés. D'où notre incompréhension. Nous avons, dit Eugène Simon, « une telle habitude d'être gouvernés que nous n'imaginons pas qu'une société puisse exister sans gouvernement et que nous ne rêvons encore que d'un bon gouvernement, c'est-à-dire d'un gouvernement fort ».
A cette image, très XVIIIe siècle, de la Chine considérée comme l'exemple absolu d'une civilisation de l'homme naturel, s'ajoute une seconde image d'origine plus récente et plus proche du saint-simonisme, celle de la patrie de la religion du travail. Confucius est ainsi présenté comme l'apôtre de « la grande religion du progrès par le travail », religion « fondée sur l'unité du ciel, de l'homme et de la terre ». Ce culte n'est « pas autre chose que la symbolisation de ces idées », l'essentiel étant la loi du travail autour de laquelle s'ordonne le système, et qui justifie la supériorité, la résistance et la longévité de la civilisation chinoise, fondée sur les ruines du surnaturel. Non que le surnaturel soit tout à fait absent de l'Empire du Milieu, puisqu'il y a le taoïsme et le bouddhisme Mais l'auteur est bien décidé à leur faire la plus petite part dans son système de représentation. Ce sont, dit-il, des « religions inférieures » dont les fantasmagories sont « sans effet sur la vie sociale de ceux qui les partagent ».
La Chine devient ainsi une image en creux de l'Occident dont Simon veut faire le procès. Pour rendre la thèse plus crédible, la stagnation chinoise est tantôt niée, tantôt présentée comme l'équilibre heureux d'une civilisation parfaite. Les faits économiques eux-mêmes sont chargés de justifier cette affirmation. Le dynamisme occidental ne nous a-t-il pas condamnés aux crises périodiques ? En Chine au contraire, « on peut dire que, sauf accidents, la production et la consommation sont partout en rapports constants » grâce à la stabilité du marché intérieur et à l'absence de besoins artificiels. La structure statique de la vieille Chine, qui lui valait tant de brocards, est présentée ici comme le garant de l'équilibre économique et social, de la sérénité des Chinois, de la qualité de la vie.

Mentioned People (1)

Simon, Eugène  (Metz 1829-1896 St. Georges d'Oléron) : Französischer Diplomat, Ingenieur Agronom

Subjects

Economics and Trade / History : China / Periods : China : Qing (1644-1911)

Documents (1)

# Year Bibliographical Data Type / Abbreviation Linked Data
1 1982 Gadoffre, Gilbert. Trois voyageurs français en Chine : Eugène Simon, Claudel et Segalen. In : Bulletin de la Société Paul Claudel ; no 86 (1982). Publication / Clau32