Quesnay, François. Le despotisme de la Chine [ID D1850]. (3)
CHAPITRE III.
LEGISLATION POSITIVE.
Les lois de la Chine sont toutes fondées sur les principes de la morale, car comme on l'a déjà dit, la morale et la politique ne forment à la Chine qu'une même science ; et dans cet empire, toutes les lois positives ne tendent qu'à maintenir la forme du gouvernement (Mélanges intéressants et curieux). Ainsi il n'y a aucune puissance au-dessus de ces lois, elles se trouvent dans les livres classiques que l'on nomme sacrés et qui sont appelés l'U-King, c'est-à-dire les cinq volumes. Autant les juifs ont de vénération pour l'ancien Testament, les chrétiens pour le nouveau, les Turcs pour l'Alcoran, autant les Chinois ont de respect pour l'U-King. Mais ces livres sacrés comprennent tout ensemble la religion et le gouvernement de l'empire, les lois civiles et les lois politiques; les unes et les autres sont dictées irrévocablement par la loi naturelle, dont l'étude fort approfondie est l'objet capital du souverain et des lettrés chargés du détail de l'administration du gouvernement. Ainsi tout est permanent dans le gouvernement, de cet empire, comme la loi immuable, générale et fondamentale, sur laquelle il est rigoureusement et lumineusement établi.
"A la Chine, ajoute M. de Montesquieu, les maximes sont indestructibles, elles sont confondues avec les lois et les moeurs ; les législateurs ont même plus fait encore, ils ont confondu la religion, les lois, les moeurs et les manières, tout cela fut morale, tout cela fut vertu ; ces quatre points furent ce qu'on appelle les rites. Voici comment se lit la réunion de la religion, des moeurs et des manières. Les législateurs de la Chine eurent pour principal objet la tranquillité de l'empire, c'est dans la subordination qu'ils aperçurent les moyens les plus propres à la maintenir. Dans cette idée, ils crurent devoir inspirer le respect pour les pères et ils rassemblèrent toutes leurs forces pour cela ; ils établirent une inimité de rites et de cérémonies pour les honorer pendant leur vie et après leur mort ; il était impossible d'honorer les pères morts sans être porte à les honorer vivants. Les cérémonies pour les pères avaient plus de rapports aux lois, aux mœurs et aux maximes ; mais ce n'était que les parties d'un même code et ce même code était très étendu. Le respect pour les pères était nécessairement lié à tout ce qui représentait les pères, les vieillards, les maîtres, les magistrats, l'empereur (l'être suprême). Cette vénération pour les pères supposait un retour d'amour pour ses enfants et, par conséquent, le même retour des vieillards aux jeunes gens, de magistrats à leurs subordonnés, de l'empereur à ses sujets (et de la bonté du créateur envers ses créatures raisonnables). Tout cela formait les rites et ces rites l'esprit général de la nation."
Il n'y a point de tribunal dans l'empire dont les décisions puissent avoir force de loi sans la continuation du prince; ses propres décrets sont des lois perpétuelles et irrévocables, quand ils ne portent pas atteinte aux usages, au bien public, et après qu'ils ont été enregistrés par les vice-rois, les tribunaux des provinces et publiés dans l'étendue de leur juridiction ; mais aussi les déclarations ou les lois de l'empereur n'ont de force dans l'empire qu'après un enregistrement dans les tribunaux souverains.
On peut en voir la preuve dans le tome XXV des Lettres édifiantes, page 284. Les missionnaires ne purent tirer aucun avantage d'une déclaration de l'empereur, qui était favorable à la religion chrétienne, parce qu'elle n'avait pas été enregistrée et revêtue des formalités ordinaires.
L'usage des remontrances à l'empereur a été de tous temps autorisé par les lois à la Chine et y est exercé librement et courageusement par les tribunaux et les grands mandarins. On lui représente avec autant de sincérité que de hardiesse, que modérer sa puissance, l'établit au lieu de la détruire ; que telle de ses ordonnances étant contraire au bien du peuple, il faut la révoquer ou y faire des modifications ; qu'un de ses favoris abuse de sa bonté pour opprimer le peuple, qu'il convient de le priver de ses charges et de le punir de ses vexations.
S'il arrivait que l'empereur n'eut aucun égard à ces remontrances et qu'il fit essuyer son ressentiment aux mandarins qui auraient eu le courage d'embrasser la cause publique, il tomberait dans le mépris et les mandarins recevraient les plus grands éloges ; leurs noms seraient immortalisés et célébrés éternellement par toutes sortes d'honneurs et de louanges. La cruauté même de quelques empereurs iniques n'a pas rebuté ces généreux magistrats ; ils se sont livrés successivement aux dangers de la mort la plus cruelle, qu'avaient déjà subie les premiers qui s'étaient présentés. De si terribles exemples n'ont pas arrêté leur zèle ; ils se sont exposés les uns après les autres, jusqu'à ce que le tyran, effrayé lui-même de leur courage, se soit rendu a leurs représentations. Mais les empereurs féroces et réfractaires sont rares à la Chine; ce n'est pas un gouvernement barbare ; sa constitution fondamentale est entièrement indépendante de l'empereur ; la violence y est détestée; et généralement les souverains y tiennent une conduite toute opposée, ils recommandent même de ne leur pas laisser ignorer leurs défauts.
Un des derniers empereurs, dans un avertissement qu'il a donné, écrit du pinceau rouge, exhorte tous les mandarins qui, selon leur dignité, ont droit de présenter des mémoriaux, de réfléchir mûrement sur ce qui peut contribuer au bien du gouvernement, de lui communiquer leurs lumières par écrit et de censurer sans ménagement ce qu'ils trouveront de repréhensible dans sa conduite ; ces excitations par les souverains mêmes sont fréquentes.
Les censeurs qu'on nomme 'Kolis', examinent tout rigoureusement et sont redoutables jusqu'à l'empereur et aux princes du sang. Ces censeurs informent l'empereur, par des mémoires particuliers, des fautes des mandarins; on les répand aussitôt dans tout l'empire et ils sont renvoyés au 'Lii-pou', qui ordinairement prononce la condamnation du coupable. En un mot, l'autorité de ces inspecteurs est très grande et leur fermeté dans leurs résolutions égale leur pouvoir ; l'empereur même n'est pas à l'abri de leur censure lorsque sa conduite déroge aux règles et aux lois de l'Etat. L'histoire chinoise offre des exemples étonnants de leur hardiesse et de leur courage. Si la cour, ou le grand tribunal, entreprend d'éluder la justice de leurs plaintes, ils retournent à la charge et rien ne peut les faire désister de leur entreprise. On en a vu quelques-uns poursuivre, pendant deux ans, un vice-roi soutenu par tous les grands de la cour, sans être découragés par les délais, ni effrayés par les menaces, et forcer enfin la cour a dégrader l'accusé dans la crainte de mécontenter le peuple (Histoire des conjurations et conspirations, etc).
Il n'y a peut-être point de pays où l'on fasse des remontrances au souverain avec plus de liberté qu'à la Chine. Sous un des derniers empereurs, un généralissime des armées, qui avait rendu des services considérables à l'Etat, s'écarta de son devoir et commit même des injustices énormes. Les accusations portées contre lui demandaient, sa mort. Cepondant, à cause de son mérite et de sa dignité, l'empereur voulut que tous les principaux mandarins envoyassent en cour leur sentiment sur cette affaire : un de ces mandarins répondit que l'accusé était digne de mort ; mais en même temps il exposa ses plaintes contre un ministre fort accrédité, qu'il croyait beaucoup plus criminel que le généralissime. L'empereur qui aimait ce ministre fut un peu étonné de la hardiesse du mandarin : mais il ne lui témoigna point son mécontentement. Il lui renvoya son mémorial après avoir écrit ces paroles, de sa propre main : si mon ministre est coupable, vous devez l'accuser, non pas en termes généraux, mais en marquant ses fautes et en produisant, les prouves que vous en avez. Alors le mandarin, sans crainte de déplaire, entra dans un grand détail sur tous les chefs d'accusation et lit voir à l'empereur que le ministre avait abusé de sa confiance pour tyranniser le peuple par toutes sortes d'exactions ; il le représentait comme un homme qui vendait son crédit et se déclarait toujours en l'aveur de ceux qui lui donnaient le plus d'argent. Cet indigne ministre, disait-il, se sera engraissé du sang du peuple, aura violé les lois, méprisé la raison, offensé le ciel, et tant de crimes demeureront impunis parce qu'il est allié à la famille impériale ? Votre Majesté peut bien dire, je lui pardonne ; mais les lois lui pardonneront-elles ? C'est l'amour de ces lois sacrées qui m'oblige à parler et a écrire. Ces remontrances produisirent leur effet. Le ministre fut dépouillé de tous ses emplois, chassé de la cour et envoyé en exil dans une province éloignée. (Mélanges intéressants et curieux.) On trouve deux exemples semblables dignes d'attention, dans un mémoire de M. Freret, inséré dans ceux de l'académie des belles-lettres. On en trouve un, aussi remarquable, dans les mémoires du père Lecomte.
Il y a à Pékin six cours souveraines dont voici les départements.
La première s'appelle 'Li-pou' ; elle propose les mandarins qui doivent gouverner le peuple et veiller à la conduite de tous les magistrats de l'empire; elle est aussi dépositaire des sceaux.
La seconde, nommée 'Xou-pou', est chargée de la levée des tributs et de la direction des finances.
La troisième, à qui l'on donne le nom de 'Li-pou', est pour maintenir les coutumes et les titres de l'empire.
Les soins de la quatrième, qu'on appelle 'Ping-pou', s'étendent sur les troupes et sur les postes établies dans toutes les grandes routes qui sont entretenues des revenus de l'empereur.
La 'Hing-pou', qui est la cinquième, juge des crimes ; toutes causes capitales y sont jugées définitivement ; c'est la seule qui ait droit de condamner à mort sans appel; mais elle ne peut faire exécuter un criminel qu'après que l'empereur a souscrit l'arrêt.
L'inspection sur les ouvrages publics, tout ce qui concerne les ports et la marine, sont du ressort du tribunal nommé 'Kong-pou'.
Tous ces tribunaux sont divisés en différentes chambres auxquelles les affaires sont distribuées, et comme leur étendue n'est pas la même dans toutes les parties, le nombre des juges de chaque tribunal varie aussi à proportion.
De ces six cours souveraines relèvent encore plusieurs autres tribunaux inférieure.
Toutes ces cours n'ont proprement au-dessus d'elles que l'empereur, ou le grand conseil, qu'on appelle le tribunal des 'Co-la-us', composé de quatre ou six mandarins, qui sont, comme les ministres d'Etat ; les six tribunaux supérieurs ont les départements qui sont partagés chez nous aux secrétaires d'Etat, au chancelier, au contrôleur général des finances ; tous ces tribunaux sont veillés de près par des inspecteurs fort rigides et fort attentifs à leur conduite ; ils ne connaissent point des affaires d'Etat, à moins que l'empereur ne les leur envoie ou qu'il ne les commette à cet effet ; dans ce cas, si l'un a besoin de l'autre, ils se concertent et concourent ensemble pour disposer de l'argent et des troupes, suivant l'usage de l'empire et l'exigence des cas ; en tout autre temps, chaque cour ne se mêle que des affaires de son ressort.
Dans un royaume si vaste, il est aisé de sentir que l'administration des finances, le gouvernement des troupes, le soin des ouvrages publies, le choix des magistrats, le maintien des lois, des coutumes et de l'administration de la justice, demandent de la part de ces premiers tribunaux un libre exercice de leurs fonction ; c'est ce qui a donné lieu d'ailleurs à cette multitude de mandarins à la cour et dans les provinces.
CHAPITRE IV.
L'IMPOT.
La somme que les sujets de l'empire doivent payer est réglée par arpent de terre qu'ils possèdent et qui est estimé selon la bonté du territoire; depuis un temps, les propriétaires seuls sont tenus de payer la taille et non pas ceux qui cultivent les terres. Nul terrain n'en est exempt, pas même celui qui dépend des temples; on n'exerce point de saisie sur ceux qui sont lents à payer ; ce serait ruiner des familles dont l'Etat se trouverait ensuite chargé; depuis le printemps jusqu'à la récolte, il n'est pas permis d'inquiéter les paysans ; ce temps passé, on reçoit d'eux une quotité de fruits en nature ou en argent, ou bien on envoie dans leurs maisons les pauvres et les vieillards, qui sont nourris dans chaque ville des charités du souverain; ils y restent jusqu'à ce qu'ils aient consommé ce qui est dû à l'empereur. Cet arrangement n'a lieu que pour de petits propriétaires qui cultivent eux-mêmes quelque portion de terrain qu'ils possèdent ; car, comme on vient de le voir, les fermiers ne sont pas chargés de l'impôt qui se lève sur les terres qu'ils cultivent, ou si on leur en demandait le payement, ce serait en diminution du prix du fermage, comme cela se pratique en France à l'égard du vingtième qui se lève sur les revenus des propriétaires ; ainsi ce payement fait par le fermier, de côté ou d'autre, lui est indifférent et ne l'expose point à être mulcté. Le P. Duhalde dit que le total de l'impôt annuel est de mille millions de notre monnaie (un milliard). Cet impôt est peu considérable à raison de l'étendue du pays qui est.sous la domination de l'empereur, ce qui prouve que les biens, quoique tenus en bonne valeur, sont peu chargés.
L'empereur peut augmenter l'impôt quand les besoins de l'Etat l'exigent ; cependant, excepté dans les cas d'une nécessité pressante, il use rarement de ce pouvoir; il a même coutume d'exempter chaque année une ou deux provinces de fournir leur part ; et ce sont celles qui ont souffert quelques dommages, soit par maladies ou autres événements fâcheux.
C'est la seconde cour souveraine de Pékin, appelée le 'Hou-pou', qui a comme nous avons dit, la direction des finances ; tous 1es revenus de l'Etat passent par ses mains et la garde du trésor impérial lui est confiée; on ne connaît en ce pays-là, ni fermiers, ni receveurs généraux ou particuliers des finances. Dans chaque ville, les principaux magistrats sont chargés de la perception de l'impôt. Ces mandarins rendent compte au trésorier général établi dans chaque province, qui rend compte au 'Hou-pou' et ce tribunal à l'empereur.
Suivant les anciens principes du gouvernement chinois, qui regardent le souverain comme le chef d'une grande famille, l'empereur pourvoit à tous les besoins de ses officiers. Une partie des tributs de la province s'y consomment par les pensions de tous les genres de magistrats et de tous les autres stipendiés ; par l'entretien des pauvres, des vieillards et des invalides ; par le payement des troupes; par les dépenses des travaux publics ; par l'entretien des postes et de toutes les grandes routes de l'empire; par les frais des examens et des dépenses des voyages des aspirants aux degrés ; par les revenus destinés à soutenir la dignité des princes et princesses de la famille impériale ; par le secours que l'empereur accorde aux provinces affligées des calamités ; par les récompenses qu'il distribue pour soutenir l'émulation et les bons exemples, ou pour reconnaître les bons services de ceux qui, en quelque genre que ce soit, ont procuré quelque avantage à l'Etat, ou qui se sont distingués par des actions signalées.
Les mandarins qui sont appelés des provinces à la cour, ou que la cour envoie dans les provinces, sont défrayés sur toute la route ainsi que leur suite et on leur fournit les barques et les voitures dont ils ont besoin. La même chose s'observe à l'égard des ambassadeurs des puissances étrangères ; ils sont entretenus aux dépens de l'empereur depuis le premier jour qu'ils entrent sur ses terres jusqu'à ce qu'ils en sortent ; arrivés à la cour, ils sont logés dans un palais où l'empereur fait toute la dépense de leur table; pour marque d'amitié, il leur envoie tous les deux jours des mets de sa propre table; et quand il veut donner des marques d'affection, il leur envoie des plats extraordinaires.
On a vu que les Chinois sont simples, quoique bien arrangés intérieurement, dans leurs édifices particuliers ; c'est tout autrement dans les ouvrages dont l'utilité publique est l'objet et principalement dans les grands chemins ; magnificence étonnante dans la construction, attention singulière dans l'entretien, police admirable pour leur sûreté, rien n'est épargné pour procurer aux voyageurs, aux commerçants et aux voituriers, l'aisance et la sécurité.
Les grands chemins ont communément quatre-vingts pieds de large; on en voit plusieurs où l'on a élevé à droite, et à gauche des banquettes soutenues par un double rang d'arbres, d'espace en espace; ce sont des reposoirs en forme de grottes, qui forment des abris commodes et agréables aux voyageurs; ces reposoirs sont ordinairement l'ouvrage de quelques vieux mandarins, qui, retirés dans leurs provinces, cherchent à gagner la bienveillance de leurs compatriotes ; ces hospices sont d'autant plus avantageux aux voyageurs que les auberges sont rares, même sur les grandes routes. En été, des personnes charitables font distribuer gratuitement du thé aux pauvres voyageurs, et l'hiver elles leur font donner de l'eau chaude, dans laquelle on a fait infuser du gingembre ; les routes les plus fréquentées ont, de demi-lieue en demi-lieue, de petites tours dont le comble forme une guérite ; ces tours sont faites de gazon et de terre battue ; leur hauteur n'est que d'environ douze pieds.
Il se trouve là un corps de garde pour veiller à la sûreté des voyageurs : ces tours servent aussi pour marquer les distances d'un lieu à un autre et à indiquer les noms des principales villes des environs. Les soldats en faction dans ces guérites sont encore chargés de faire passer de main en main les lettres de la cour jusqu'aux gouverneurs des villes et des provinces.
Chaque mandarin a ordre de veiller à l'entretien des chemins publics de son département et la moindre négligence est punie sévèrement. Un mandarin n'ayant point fait assez de diligence pour réparer une route par laquelle l'empereur devait passer aima mieux se donner la mort que de subir le châtiment honteux qui lui aurait été imposé. Un autre mandarin eut ordre de faire dessécher un marais ; soit inexpérience, soit défaut de vigilance, il échoua dans cette entreprise ; il fut mis à mort.
N'oublions pas une des merveilles de la Chine, dans le compte des dépenses des travaux publics ; c'est le grand canal royal ; il a trois cents lieues de long et coupe la Chine du nord au sud. L'empereur 'Chi-tsou', fondateur de la vingtième dynastie, ayant établi sa cour à Pékin, comme au centre de sa domination, il fit construire ce beau canal pour approvisionner sa résidence de tout ce qui était nécessaire à sa cour et aux troupes qu'il avait à sa suite ; là il y a toujours quatre à cinq mille barques, dont plusieurs sont du port de quatre-vingts tonneaux, continuellement employées à fournir la subsistance de cette grande ville : le soin de veiller à son entretien est confié à des inspecteurs en grand nombre, qui visitent continuellement ce canal avec des ouvriers qui réparent aussitôt les ruines.
CHAPITRE V.
DE L'AUTORITÉ.
Si on en croit les auteurs anglais de l'histoire universelle, "il n'y a point de puissance sur la terre plus despotique que l'empereur de la Chine". S'ils entendent par 'despotisme' le pouvoir absolu de faire observer exactement les lois et les maximes fondamentales du gouvernement, il n'est en effet aucun autre pouvoir humain à la Chine capable d'affaiblir celui de l'empereur, qui est même si rigoureux dans l'ordre de la justice, que la constitution du gouvernement réclamerait contre une clémence arbitraire qu'il exercerait par une protection injuste ; mais si ces historiens lui attribuent une autorité arbitraire et supérieure aux lois du gouvernement, ils ignoraient que la constitution du gouvernement de la Chine est établie sur le droit naturel d'une manière si irréfragable et si dominante, qu'elle préserve le souverain de faire le mal et lui assure dans son administration légitime le pouvoir suprême de faire le bien ; en sorte que cette autorité est une béatitude pour le prince et une domination adorable pour les sujets.
Le respect sincère qu'on a pour l'empereur répond à la supériorité de son autorité et approche beaucoup de l'adoration ; on lui donne les titres les plus superbes, tels que 'fils du ciel, saint empereur', etc. Les premiers ministres, les grands de l'empire, les prince du sang, le frère même de l'empereur, ne lui parlent jamais qu'à genoux ; cette vénération s'étend jusqu'aux choses qui servent à son usage; on se prosterne devant son trône, devant sa ceinture, devant ses habits, etc. Un Chinois, de quelque qualité qu'il soit, n'ose passer à cheval ou en chaise devant le palais de l'empereur; dès qu'on en approche, on descend et on ne remonte qu'à quelques pas de là, etc.
Les empereurs de la Chine n'abusent pas de tant de soumission pour tyranniser leurs sujets ; c'est une maxime généralement établie parmi ce peuple (et fondée essentiellement sur la constitution du gouvernement) que s'ils ont pour leur souverain une obéissance filiale, il doit à son tour les aimer comme un père ; aussi ces princes gouvernent-ils avec beaucoup de douceur et se font une étude de faire éclater leur affection paternelle.
L'empereur a deux conseils établis par les lois ; l'un extraordinaire et composé des princes du sang; l'autre ordinaire ou entre les ministres d'Etat, qu'on nomme 'Colaos' : ce sont ceux-ci qui examinent les grandes affaires, qui en font le rapport à l'empereur et qui reçoivent ses décisions.
Outre le conseil souverain, il y a encore à Pékin six cours souveraines, dont nous avons expliqué les fonctions ; on a dû remarquer que par un trait de politique des mieux raisonnés, pour conserver l'unité de l'autorité à un seul chef, pour empêcher que ces corps ne puissent donner atteinte à l'autorité impériale, ou machiner contre l'Etat, on a partagé tellement les objets sur lesquels s'étend leur pouvoir, qu'ils se trouvent tous dans une dépendance réciproque ; de manière que s'il s'agit de quelque projet militaire, la formation des armées et leur marche est du ressort du 'Ping-pou', tandis que leur payement est ordonné par le 'Hon-pou', et les barques, les vaisseaux pour leurs transports, et la marine, dépendent du 'Kong-pou'. Outre cette précaution, la cour nomme encore un inspecteur qui examine tout ce qui se passe en chaque tribunal ; sans avoir de voix délibérative, il assiste à toutes les assemblées et on lui communique toutes les délibérations ; il avertit secrètement la cour, ou même il accuse publiquement les mandarins des fautes qu'ils commettent, non seulement dans l'exercice de leurs charges, mais encore dans leur vie privée ; leurs actions, leurs paroles, leurs moeurs, tout est censuré rigoureusement. Ces officiers qu'on nomme 'Kolis', sont redoutables jusqu'aux princes du sang et à l'empereur même.
Chacune des six cours suprêmes est composée de deux présidents avec quatre assistants, et de vingt-quatre conseillers, dont douze sont Tartares et douze Chinois. Une infinité d'autres tribunaux moins considérables sont subordonnés à ces cours souveraines, dans lesquelles reviennent en dernier ressort toutes les affaires importantes.
Pour ce qui est des provinces, elles sont immédiatement régies par deux sortes de gouverneurs ; les uns en gouvernent une seule et résident dans la capitale, mais ces mêmes provinces obéissent à des vice-rois qu'on nomme 'Tsong-tou', qui gouvernent en même temps deux, trois et même quatre provinces. Quelle que soit l'autorité de ces gouverneurs particuliers, leurs droits respectifs sont si bien réglés qu'il ne survient jamais de conflit entre leurs juridictions.
On aurait de la peine à croire que l'empereur de la Chine ait le temps d'examiner lui-même les affaires d'un empire si vaste, et de recevoir les hommages de cette multitude de mandarins qu'il nomme aux emplois vacants, ou qui cherchent à y parvenir; mais l'ordre qui s'y observe est si merveilleux, et les lois ont si bien pourvu à toutes les difficultés, que deux heures suffisent chaque jour pour tant de soins.
CHAPITRE VI.
1. Administration.
Il y a dans la capitale de chaque province plusieurs tribunaux pour le civil et le criminel, qui répondent tous aux cours souveraines de Pékin et qui sont subordonnés aux gouverneurs particuliers et aux 'Tsong-Tou', sans compter un nombre infini de jurisdictions subalternes, qui instruisent de certaines affaires suivant les commissions qu'elles reçoivent. Toutes les villes ont aussi leurs gouverneurs et plusieurs mandarins subordonnés qui rendent la justice; de façon que les villes du troisième ordre dépendent de celles du second, qui, a leur tour, assortissent aux villes du premier rang. Tous les juges provinciaux dépendent du 'Tsou-Tou' ou vice-roi, qui représente l'empereur et qui jouit d'une considération extraordinaire; mais l'autorité de cet officier général est restreinte par celle des autres mandarins qui l'environnent et qui peuvent l'accuser quand ils le jugent à propos pour le bien de l'Etat.
Tous les mandarins sont encore réprimés par les visiteurs que la cour envoie en chaque province et que l'on nomme 'Kolis'. L'effroi que répandent ces contrôleurs est si général, qu'il fait dire en proverbe, le 'rat a vu le chat'. Ce n'est pas sans raison ; car ces censeurs ont le droit de dépouiller tous les mandarins en faute, de leur crédit et de leurs emplois.
Ces censeurs informent par des mémoires particuliers, l'empereur des fautes des mandarins ; on les répand aussitôt dans tout l'empire et ils sont renvoyés au 'Lii-pou', qui ordinairement prononce la condamnation du coupable. En un mot, l'autorité de ces inspecteurs est très grande et leur fermeté dans leurs résolutions égale leurs pouvoirs ; l'empereur même n'est pas à l'abri de leur censure, lorsque sa conduite déroge aux règles et aux lois de l'Etat. L'histoire de la Chine offre des exemples étonnants de leur hardiesse et de leur courage.
Rien n'est plus digne d'admiration que la façon de rendre la justice ; le juge étant pourvu gratuitement de son office et ses appointements étant réglés, il n'en coûte rien pour l'obtenir. Dans les affaires ordinaires, un particulier peut s'adresser aux cours supérieures ; et s'il le juge a propos, par exemple, un habitant d'une ville, au lieu de se pourvoir par devant le gouverneur de sa résidence, peut, recourir directement au gouverneur de sa province, ou même au 'Tsong-tou' et lorsqu'un juge supérieur a pris une fois connaissance d'une affaire, les juges inférieurs n'y prennent plus aucune part, à moins qu'elle ne leur soit renvoyée. Chaque juge, après les informations nécessaires et quelques procédures, dont le soin appartient à des officiers subalternes, prononce la sentence que lui dicte sa justice ; celui qui perd sa cause est quelquefois condamné à la bastonnade pour avoir commencé un procès avec de mauvaises intentions, ou pour l'avoir soutenu contre toute apparence d'équité. Pour les affaires d'importance, on peut appeler des jugements des vice-rois aux cours suprêmes de Pékin ; ces cours ne prononcent qu'après en avoir informé Sa Majesté, qui quelquefois prononce elle-même après avoir fait faire toutes les informations convenables ; la sentence est aussitôt dressée au nom de l'empereur et renvoyée au vice-roi de la province, qui demeure chargé de la faire exécuter. Une décision dans cette forme est irrévocable ; elle prend le nom de saint commandement, c'est-à-dire arrêt sans défaut, sans partialité.
A l'égard des affaires criminelles, elles n'exigent pas plus de formalités que les affaires civiles. Dès que le magistrat est informé d'une affaire, il peut faire punir le coupable sur-le-champ ; s'il est témoin lui-même de quelque désordre dans une rue, dans une maison, ou dans un chemin, ou s'il rencontre un joueur, un débauché ou un fripon, sans autre forme de procès il lui fait donner par les gens de sa suite vingt ou trente coups de bâton; après quoi il continue son chemin ; cependant ce coupable peut encore être cité à un tribunal par ceux à qui il a fait quelque tort ; on instruit, alors son procès en forme et il ne finit que par une punition rigoureuse.
L'empereur nomme un commissaire pour examiner toutes les causes criminelles ; souvent il les adresse à différents tribunaux, jusqu'à ce que leur jugement soit conforme au sien. Une affaire criminelle n'est jamais terminée qu'elle n'ait passé par cinq ou six tribunaux subordonnés les uns aux autres, qui font tous de nouvelles procédures et prennent des instructions sur la vie et la conduite des accusés et des témoins ; ces délais, à la vérité, font longtemps languir l'innocence dans les fers; mais ils la sauvent toujours de l'oppression.
2. Lois pénales.
Les voleurs pris armés sont condamnés à mort par la loi ; s'ils sont sans armes, ils subissent un châtiment, mais sans perdre la vie, suivant la nature du vol ; il en est de même si leur entreprise n'a pas eu d'exécution.
En général, les lois pénales sont fort douces à la Chine; et si les examens réitérés des procédures criminelles retardent la justice, le châtiment n'en est pas moins sûr, toujours il est réglé par la loi et proportionné au crime. La bastonnade est le plus léger ; il ne faut que peu de chose pour se l'attirer, et elle n'imprime aucune ignominie ; l'empereur même la fait quelquefois subir aux personnes d'un rang distingué, et ne les voit pas moins après cette correction.
Le 'pantse' est l'instrument avec lequel on la donne ; c'est une pièce assez épaisse de bambou fendu, qui a plusieurs pieds de long, un des bouts est large comme la main, et l'autre est uni et menu, et sert de poignée. Un mandarin en marche ou dans ses audiences, est toujours environné d'officiers armés de ces instruments ; quoique ce supplice assez violent puisse causer la mort, les coupables trouvent moyen de gagner les exécuteurs qui ont l'art de ménager leurs coups avec une légèreté qui les rend presqu'insensibles ; souvent des hommes se louent volontiers pour supporter le châtiment à la place du coupable. Le 'pantse' est la punition ordinaire des vagabonds, des coureurs de nuit et des mendiants valides ; il est vrai que la plupart de ces mendiants, dont on voit de grandes troupes à la Chine, sont tous privés de quelques facultés corporelles ; il est, surtout beaucoup d'aveugles et d'estropiés qui exercent mille rigueurs sur leurs corps pour extorquer des aumônes. Le rang des mandarins n'exempte point du 'pantse', mais il faut qur les magistrats aient été dégradés auparavant ; si un mandarin a reçu ce châtiment par l'ordre du vice-roi, il a la liberté de justifier sa conduite devant l'empereur ou le 'Lii-pou' : c'est un frein qui empêche les vice-rois d'abuser de leur autorité.
Une autre punition moins douloureuse, mais flétrissante, c'est la 'cangue' ou le 'careau' ; il est composé de deux pièces de bois qui se joignent autour du col en forme de collier, et qui se portent, jour et nuit, suivant l'ordre du juge ; le poids de ce fardeau est proportionné au crime; il s'en trouve quelquefois qui pèsent deux cents livres et qui ont cinq ou six pouces d'épaisseur; un homme qui porte la 'cangue' ne peut ni voir ses pieds, ni porter sa main à sa bouche. Pour que personne ne puisse s'en délivrer, le magistrat couvre les jointures avec une bande de papier scellée du sceau public, sur laquelle on écrit la nature du crime et la durée de la punition ; lorsque le terme est expiré, on ramène le coupable devant le mandarin, qui le délivre en lui faisant une courte exhortation de mieux se conduire ; pour lui en mieux imprimer le souvenir, une vingtaine de coups de 'pantse' terminent son discours. Il est certains crimes pour lesquels un criminel est marqué sur les joues en caractères chinois, qui expriment le motif de sa condamnation ; d'autres sont punis par le bannissement hors de l'empire, ou condamnés à tirer les barques royales ; mais ces peines sont toujours précédées de la bastonnade.
On ne connaît que trois supplices capitaux ; c'est d'étrangler, de trancher la tête et de couper en pièces ; le premier passe pour le plus doux et n'est point infamant ; leur façon de penser est toute différente au sujet du second ; ils pensent qu'il ne peut y avoir rien de plus avilissant que de ne pas conserver en mourant son corps aussi entier qu'on l'a reçu de la nature.
Le troisième est celui des traîtres et des rebelles ; le coupable est attaché a un pilier ; on lui écorche d'abord la tête, on lui couvre les yeux avec sa peau, pour lui cacher ses tourments, et on lui coupe ensuite successivement toutes les parties du corps ; le bourreau est un soldat du commun, dont les fonctions n'ont rien de flétrissant à la Chine, et même à Pékin ; il porte la ceinture de soie jaune, pour lui attirer le respect du peuple et pour montrer qu'il est revêtu de l'autorité de l'empereur.
Les prisons de la Chine ne paraissent ni horribles, ni aussi malpropres que celles d'Europe; elles sont fort spacieuses, bien disposées et commodes : quoiqu'elles soient ordinairement remplies d'un grand nombre de misérables, l'ordre, la paix et la propreté y règnent en tout temps par les soins du geôlier. Dans les seules prisons de 'Can-tong', on compte habituellement quinze mille prisonniers. L'Etat ne les nourrit point ; mais il leur est permis de s'occuper à divers travaux qui leur procurent leur subsistance. Si un prisonnier meurt, on en rend compte à l'empereur. Il faut une infinité d'attestations, qui prouvent que le mandarin du lieu n'a pas été suborné pour lui procurer la mort ; qu'il est venu le visiter lui-même et qu'il a fait venir le médecin et que tous les remèdes convenables lui ont été administrés.
Les femmes ont une prison particulière, dans laquelle les hommes n'entrent point : elle est grillée, et, on leur passe, par une espèce de tour, tout ce dont elles ont besoin. "Mais ce qui est surtout admirable dans les prisons chinoises, dit Navaret, qui y avait été renfermé avec d'autres missionnaires, c'est que nous y fûmes tous traités avec douceur et avec autant de respect que si nous eussions été d'un rang distingué."
3. Mandarins de l'empire.
On a vu que pour parvenir à être mandarin, il fallait avoir pris les divers grades qui conduisent au doctorat. C'est sur tous ces mandarins lettrés, que roule le gouvernement politique. Leur nombre est de treize à quatorze mille dans tout l'empire : ceux des trois premiers ordres sont les plus distingués, et c'est parmi eux que l'empereur choisit les 'Co-la-os' ou ministres d'Etat, les présidents des cours souveraines, les gouverneurs des provinces et des grandes villes, et tous les autres grands officiers de l'empire.
Les mandarins des autres classes exercent les emplois subalternes de judicature et de finance, commandent dans de petites villes, et sont chargés d'y rendre la justice. Ces six dernières classes sont, tellement subordonnées aux mandarins des trois premières que ceux-ci peuvent faire donner la bastonnade aux autres.
Tous sont infiniment jaloux des marques de dignité qui les distinguent du peuple et des autres lettrés. Cette marque est une pièce d'étoile carrée qu'ils portent sur la poitrine ; elle est richement travaillée, et on voit au milieu la devise propre de leurs emplois.
Aux uns, c'est un dragon à quatre ongles ; aux autres, un aigle ou un soleil, etc. Pour les mandarins d'armes, ils portent des lions, des tigres, des panthères, etc.
Quoiqu'il y ait une dépendance absolue entre ces diverses puissances qui gouvernent l'Etat, le plus petit mandarin a tout pouvoir dans sa juridiction, mais relève d'autres mandarins dont le pouvoir est plus étendu; ceux-ci dépendent des officiers généraux de chaque province, qui, à leur tour, relèvent des tribunaux souverains de Pékin.
Tous ces magistrats sont respectés, à proportion autant que l'empereur, dont ils paraissent représenter la majesté : à leurs tribunaux le peuple ne leur parle qu'à genoux. Ils ne paraissent jamais en public qu'avec un appareil imposant et accompagnés de tous les officiers de leur juridiction. Entre les marques de leur autorite, on ne doit pas oublier le sceau de l'empire. Celui de l'empereur est d'un jaspe fin carré et d'environ quatre a cinq pouces : il est le seul qui puisse en avoir de cette matière. Les sceaux qu'un donne aux princes, par honneur, sont d'or ; ceux des mandarins des trois premiers ordres sont d'argent ; les autres, d'un rang inférieur, ne sont que de cuivre ou de plomb ; la forme en est plus grande ou plus petite, suivant, le rang du mandarin qui en est le dépositaire.
Rien n'est plus magnifique que le cortège du gouverneur qui sort de son palais ; jamais il n'a moins de deux cents hommes à sa suite ; on peut juger de là quelle doit être la pompe qui accompagne l'empereur.
Mais, malgré l'autorité dont jouissent tous les mandarins, il leur est très difficile de se maintenir dans leurs emplois, s'ils ne s'étudient à se montrer les pères du peuple et à paraître lui marquer une sincère affection. Un mandarin, taxé du défaut contraire, ne manquerait pas d'être noté dans les informations que les vice-rois envoient tous les trois ans à la cour, de tous les mandarins de leur ressort. Cette note suffirait pour lui faire perdre sa charge.
Il est surtout de certaines occasions où les mandarins affectent la plus grande sensibilité pour le peuple; c'est lorsqu'on craint pour la récolte et qu'on est menacé de quelque fléau. On les voit alors, vêtu négligemment, parcourir les temples à pied, donner l'exemple de la mortification et observer rigidement le jeûne général qui se prescrit en pareil cas.
Comme un mandarin n'est établi que pour protéger le peuple, il doit toujours et à toute heure être prêt à l'écouter. Quelqu'un vient-il réclamer sa justice, il frappe à grands coups sur un tambour qui est près de la salle où il donne audience, ou en dehors de l'hôtel ; à ce signal, le mandarin, quelque occupé qu'il soit, doit tout quitter pour entendre la requête.
Instruire le peuple est encore une de ses fonctions principales. Le premier et le quinzième de chaque mois, tous les mandarins d'un endroit s'assemblent en cérémonie et un d'eux prononce, devant le peuple, un discours dont le sujet roule toujours sur la bonté paternelle, sur l'obéissance filiale, sur la déférence qui est, due aux magistrats et sur tout ce qui peut entretenir la paix et l'union.
L'empereur, lui-même, fait assembler de temps en temps les grands seigneurs de la cour et les premiers mandarins des tribunaux de Pékin, pour leur faire une instruction dont le sujet est tiré des livres canoniques.
Les lois interdisant aux mandarins l'usage de la plupart des plaisirs, tels que le jeu, la promenade, les visites, etc., ils n'ont point d'autres divertissements que ceux qu'ils se procurent dans l'intérieur de leurs palais. Il leur est aussi défendu de recevoir aucun présent. Un mandarin, convaincu d'en avoir reçu ou exigé un, perd sa place ; si le présent monte a quatre-vingts onces d'argent, il est puni de mort. Il ne peut posséder aucune charge dans sa ville natale, ni même dans sa province. Le lieu de son exercice doit au moins être éloigné de cinquante lieues de la ville où il a pris naissance.
L'attention du gouvernement va si loin à ce sujet, qu'un fils, un frère, un neveu, ne peut, être mandarin inférieur où son père, son frère, son oncle serait mandarin supérieur. Si l'empereur envoie pour vice-roi d'une province le père ou l'oncle d'un mandarin subalterne, celui-ci doit en informer la cour, qui le fait passer à un même emploi dans une autre province.
Enfin, rien n'est plus propre à retenir dans le devoir tous ceux qui ont quelque part a l'administration des affaires publiques, que la gazette qui s'imprime chaque jour à Pékin et qui se répand dans toutes les provinces; elle forme une brochure de soixante à soixante-dix pages. Nul article ne se rapporte à ce qui se passe hors de l'empire. On lit les noms des mandarins destitués et les raisons de leur disgrâce.
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